Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Catégories : L'économie

« Rossignol a prouvé que Le déclin industriel n'est pas une fatalité »

Par David BARROUX | 22/10/2012
 
 
Vous avez pris en 2008 les commandes d'un groupe Rossignol à la dérive. Cette marque risquait-elle de mourir ?

Les grandes marques comme Rossignol ne meurent jamais. Les groupes peuvent disparaître, passer par un dépôt de bilan. Mais les grandes marques survivent. Elles restent ancrées dans l'esprit du grand public. Il peut s'en éloigner pendant quelque temps. Mais si les produits correspondent de nouveau aux aspirations des uns et des autres, elle ressurgit souvent très rapidement. J'ai eu l'occasion de présider il y a quelques années à la destinée de Campingaz, marque bien sûr incontournable des passionnés de nature et de camping. Elle a traversé des périodes très difficiles au travers de rachats successifs et elle aurait pu mourir dix fois. Certains me disaient : « On a fait tout ce qu'il fallait pour la faire disparaître, et on n'a même pas réussi ! »

Une marque peut quand même se couper de ses clients ?

La vie des marques est faite de hauts et de bas, en fonction de la pertinence des produits, de la perception de ses valeurs par le consommateur. J'ai la conviction profonde qu'il n'y a pas de problème qu'une entreprise ne puisse résoudre avec de bons produits. Les marques fortes ont de la chance car les consommateurs leur pardonnent beaucoup !

Quand vous arrivez chez Rossignol, dans quel état est le groupe ?

En 2005, Rossignol avait été cédé par Laurent BoixVives à Quiksilver. Sur le papier, le deal était très attractif pour l'entreprise. La complémentarité des activités était évidente, hiver vs été, textile vs matériel, Amérique du nord vs Europe, les deux groupes ayant en même temps une base de clients-détaillants assez similaire. En théorie, il y avait des synergies potentielles et de vrais échanges de savoir-faire possibles. Mais l'idée n'est souvent pas le plus difficile. La mise en oeuvre et le contrôle permanent du plan d'exécution sont incontournables et centraux dans la réussite d'un projet de ce type. Malheureusement, dans le cas de Rossignol, la « mayonnaise » n'a pas pris. Les difficultés opérationnelles se sont accumulées jusqu'en novembre 2008, date à laquelle Quiksilver a décidé de se défaire de Rossignol.

Pourquoi ?

Dérapage de fonctionnement des processus clefs dans le matériel : offre trop complexe, calendriers de développement produits « élastiques », dérives dans la production, offre textile peu convaincante et, pour couronner le tout, une année sans neige durant l'hiver 2006-2007. La tempête parfaite.

Du coup, en 2008, quand vous arrivez pour reprendre l'entreprise, à la tête d'un conglomérat auquel participent Macquarie et Jarden, la situation est franchement mauvaise ?

Oui, très mauvaise. Le groupe accusait lors de son dernier exercice fiscal au sein de Quiksilver, à fin octobre 2008, une perte nette de 68 millions d'euros et portait une dette de plus de 300 millions pour un chiffre d'affaires de 248 millions...

Comment se redresser dans ces conditions ?

La dette a été absorbée par le vendeur. Nous nous sommes donc retrouvés à la tête d'une entreprise aux marques mythiques (Rossignol, Dynastar, Lange, Look...), dotée d'un savoir-faire historique dans la fabrication et la commercialisation des skis, des chaussures, des fixations, mais dont les fondamentaux avaient été plutôt malmenés et qui perdait 200.000 euros par jour... Dans ce genre de situation, on n'a pas le choix, il faut aller vite. La stratégie à cinq ans, c'est juste être vivant le lendemain matin... ! Il a fallu mettre en route plusieurs dizaines de chantiers en parallèle et coordonner l'ensemble le plus rapidement possible : simplification de l'offre produits, réduction de 50 % en deux ans du nombre de modèles de skis, accent sur les nouveaux produits et l'innovation, recalage de tous les processus clefs, réduction drastique des coûts dans toutes les sociétés et tous les services du groupe.

Vous avez aussi réduit les coûts et coupé des têtes ?

L'équipe de management a été renouvelée avec l'objectif d'apporter des compétences nouvelles, dans tous les domaines fonctionnels tels que finance, industrie, commercial, logistique... Et puis c'est vrai on a réduit les coûts de façon drastique dans tous les secteurs de l'entreprise de 35 à 40 %, sauf dans l'innovation produit. On a simplifié nos process, on a réduit nos effectifs dans le monde de 1.600 à 1.150 personnes, dont la moitié de cette réduction en France. C'était une nécessité absolue pour remettre le groupe en piste, avec une base de coûts supportable et compatible avec les exigences de compétitivité de ce métier. Le dialogue social permanent avec les partenaires sociaux, qui ont compris l'importance d'agir, avec les autorités territoriales a permis de passer cette période difficile dans les meilleures conditions.

Vous avez fermé des usines en France ?

Non. Nos usines européennes et en particulier françaises sont compétitives. La main-d'oeuvre n'est pas le facteur le plus important dans le coût de nos produits, contrairement aux matières premières qui en représentent plus de 70 %. Il est important de noter que nos fournisseurs sont principalement européens et que le ski se pratique aujourd'hui à 60 % en Europe, 30 % en Amérique du Nord et 10 % dans le reste du monde. La proximité de nos marchés, de nos fournisseurs est un élément très important dans notre stratégie industrielle. C'est ainsi que nous avons décidé, il y a quelques mois, de ramener une partie de nos productions sous-traitées en Chine vers la France.

Vous sous-traitez encore beaucoup ?

Nous fournissons notre marché à partir de 4 sites industriels dont deux en France, un en Espagne et un en Italie, plus une base de sous-traitance en Europe de l'Est et un petit peu en Asie. La sous-traitance représente aujourd'hui 10 % des volumes de skis, 40 % des volumes de fixations et 80 % des chaussures.

Il y a quand même une fatalité au déclin industriel français ?

Non. Notre compétitivité à partir de nos sites français s'appuie sur trois fondamentaux. Primo, le coût : il faut bien sûr produire au meilleur coût en continuant d'investir notamment dans l'automatisation des processus et en organisant au mieux la flexibilité entre périodes hautes et basses. Mais le problème des charges salariales reste posé et il est à mon sens urgent d'y apporter une réponse forte. Secundo, l'innovation. Nous renouvelons 30 % de nos gammes tous les ans. Nous sommes en permanence à la recherche de nouvelles idées, si possible brevetables. Notre processus d'innovation est vital pour l'avenir de l'entreprise. En ce sens, le mécanisme de crédit d'impôt recherche est un facteur clef de réussite pour nous. C'est un composant essentiel de l'essence qui fait tourner le moteur de notre entreprise. Et enfin tertio, la rapidité de mise en marché. Il faut aller de plus en plus vite, de l'identification du besoin jusqu'à la mise en marché. Dans ce contexte le fonctionnement rapide et efficace de la chaîne marketing/développement/production est fondamental. La proximité géographique des acteurs est un vrai plus.

Quelle est la stratégie du groupe aujourd'hui ?

Nous avons passé quatre ans à redresser les comptes. Aujourd'hui, le groupe est plus petit, avec un chiffre d'affaires de 210 millions d'euros, et un résultat net positif de quelques millions d'euros. Nous reprenons des parts de marché partout. Les restructurations lourdes sont donc derrière nous. Nous sommes désormais focalisés sur le développement du matériel d'hiver, et sur celui du textile. Nous avons réorganisé et repris en main cette activité en avril 2012. Elle se développe (aujourd'hui environ 20 millions d'euros en chiffre d'affaires) et doit être un vrai relais de croissance.

Nous sommes à la veille de la saison de ski. Est-ce que la crise affecte le marché ?

Plus que la crise, c'est la météo qui impacte notre activité. Tous les quatre à cinq ans, et ce depuis des décennies, nous devons faire face à des hivers moins enneigés, et donc nous adapter. Nous devons gérer l'entreprise pour s'assurer qu'elle va passer cette période tendue. C'était le cas l'hiver dernier, ce qui veut dire que nos clients, comme les magasins de montagne, ont encore des stocks bien fournis. Cette année, je pense que le besoin mondial en matériel de ski devrait baisser de l'ordre de 15 %. Nous devons veiller à ne pas trop produire, en même temps qu'être prudent sur nos dépenses. Notre taille aujourd'hui nous permet de passer ces périodes de creux.

Écrit par David BARROUX
Rédacteur en chef

http://business.lesechos.fr/directions-generales/strategie/0202324546221-rossignol-a-prouve-que-le-declin-industriel-n-est-pas-une-fatalite-1775.php

Je précise que cet article n'est pas de moi (lien vers la page citée et si possible son auteur)mais que je suis auteure et que vous pouvez commander mes livres en cliquant sur les 11 bannières de ce blog

Les commentaires sont fermés.