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Cécile de France, le nouveau sourire d'Anna

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Cécile de France et Anna Karina partagent une complicité gamine et semblent se connaître depuis toujours

Cécile de France et Anna Karina partagent une complicité gamine et semblent se connaître depuis toujours Crédits photo : FRANCOIS BOUCHON

La comédienne reprend sur scène et en musique le premier rôle d'Anna Karina pour la télévision, en 1967. Nous avons assisté à la première rencontre entre l'actrice et l'égérie de la Nouvelle Vague.

Sous les marronniers de l'avenue Franklin-D.-Roosevelt, elles trouvent immédiatement la complicité gamine qui fait les photos heureuses. Elles ont l'air de se connaître depuis toujours. L'égérie de la Nouvelle Vague et Cécile de France ont beaucoup à se dire. Anna, ce film délicieux qui fut diffusé en janvier 1967 à la télévision française, les réunit.

Un film du réalisateur suisse Pierre Koralnik, avec chansons et musiques de Serge Gainsbourg, textes de Jean-Loup ­Dabadie. Une histoire d'amour fou qui réunissait Anna Karina, Jean-Claude Brialy, Gainsbourg lui-même et dont l'une des chansons, Sous le soleil exactement, est demeurée dans toutes les ­mémoires. Au printemps dernier, dans le cadre du festival des Nuits de Four­vière, Emmanuel Daumas en a présenté l'adaptation en «théâtre musical pop», avec comédiens qui chantent, dansent, jouent et orchestre intégré. Cécile de France est cette nouvelle Anna que l'on va découvrir au Théâtre du Rond-Point.

LE FIGARO. - Que savez-vous l'une de l'autre?

Anna KARINA.- Je connais Cécile par ses films. Je me souviens du sentiment d'évidence d'une présence que m'a donné L'Auberge espagnole . Je la ­découvrais. Lumineuse et joyeuse… J'ai beaucoup aimé certains films, Le Secret en particulier. J'ai trouvé sa beauté, sa gravité bouleversantes.

Cécile de FRANCE. -Anna, c'est la ­Nouvelle Vague. Une période magique du cinéma français, une époque qui dit la jeunesse, l'amour, une certaine ­manière de prendre la vie dans la passion, l'amitié, une certaine désinvol­ture. Je me sens toute petite à côté d'Anna Karina et à côté de ces grandes pages de l'histoire du cinéma.

Qui est Anna?

A. K. - Une fille timide des années 1960 qui cherche du travail et ne comprend pas tout ce qui se passe autour d'elle. Une fille emportée dans une histoire d'amour exaltée. Une copine dans un monde de garçons sympas. Anna, c'est un hymne à la jeunesse, à la cama­raderie, à l'amour.

C. de F. - Anna est un peu comme moi. Elle n'est pas parisienne. C'est une jeune provinciale, sincère, simple, malicieuse qui se retrouve dans un monde très ­sophistiqué et très à la mode. Les garçons se la jouent un peu, alors qu'elle est dans la vraie vie. Elle garde les pieds sur terre, mais elle accepte d'être emportée dans l'aventure…

Comment s'est passé le tournage?

A. K. - Dans la joie, le rire, la folie! Lorsque Pierre Koralnik et Serge Gainsbourg m'ont proposé ce film, c'était comme quelque chose de léger. Nous tournions dans les rues de Paris. À cette époque, en 1966, la ville était une fête. On pouvait se permettre d'improviser des tournages. C'est impossible aujourd'hui.

Cécile, connaissiez-vous ce film?

C. de F. -Non. Il est un peu à part. On le revoit rarement. Mais lorsqu'Emmanuel Daumas, qui était avec moi à l'École de la rue Blanche, m'a parlé de son projet, je l'ai regardé en boucle pour m'im­prégner du récit et du personnage et d'Anna Karina. Je voulais être digne d'elle… D'ailleurs, il a fallu que je me détache d'elle pour trouver une Anna d'aujourd'hui.

Quelle place tient la chanson dans vos vies respectives?

A. K. - Dans ma famille, au Danemark, je chantais depuis toujours. Mais ­chanter dans un film, c'est autre chose. Avant Anna, j'avais interprété Serge Rezvani dans Pierrot le Fou. Mais avec Anna, j'ai dû apprendre. Ma chance, cela a été Serge Gainsbourg, évidemment. Il avait un studio à la Cité des arts, avec un grand piano et là, inlassa­blement, il me faisait répéter. Il était très chic, rasé de près, un peu timide, d'une délicatesse extrême. Il était ­drôle. Mais dès qu'il était question de musique, il était d'un sérieux absolu. Nous nous sommes très bien entendus. Après nos journées de travail, nous allions dîner de fromage et de vin ­rouge…

C. de F. - DansSœur ­Sourire, de Stijn Coninx, il y a cinq ans, je chantonnais: «Dominique, nique, nique…» Un drôle de répertoire! Mais il s'agissait de chansonnettes… Avec Anna, il faut être à la hauteur et de Gainsbourg et d'Anna. J'ai pris des cours, cela m'a libérée. Et j'adore ça. Comme Anna Karina, qui dit bien combien ce film s'est tourné dans l'amitié, j'ai la chance qu'Emmanuel Daumas ait réuni ma bande d'amis de la rue Blanche avec des personnalités très ­fortes, Grégoire Monsaingeon et Gaël Leveugle et deux filles qui sont des chanteuses accomplies, Florence Pelly et Crystal Shepherd-Cross… De plus, le fait que l'orchestre soit sur scène, complètement intégré à l'action, m'aide beaucoup.

Comment tournait-on un film musical dans les rues de Paris?

A. K. -Bien sûr, il n'était pas question d'installer un orchestre dans les rues de Paris! Nous répétions beaucoup, en amont. J'habitais au Panthéon, Serge au pont Marie. Je descendais à pied et nous passions nos journées à trouver les justes rythmes en pleine rue, avec du son direct. On a tourné quelques séquences dans un château et aussi sur la plage de Deauville. Mais ensuite, c'est du play-back, évidemment, pour que la qualité musicale soit préservée.

Pour la version «théâtre musical pop» tout se passe dans un lieu unique?

C. de F. -Emmanuel Daumas a imaginé une adaptation pour aujourd'hui et les arrangements musicaux de Philippe Gouadin donnent une couleur dif­férente du film. Le récit est plus dis­loqué. Le lieu principal est l'agence de pub dans laquelle travaille Anna, mais celui-ci se transforme tout au long du spectacle. avec des panneaux coulissants, la vidéo de Romain ­Tanguy ou des séances d'action ­painting !

Dans Anna, le héros tombe amoureux de l'image d'une femme. Est-il vrai que Jean-Luc Godard soit tombé amoureux lui aussi d'une image?

A. K. - Cela fait partie de notre légende! Lorsque je suis arrivée à Paris, j'ai eu la chance de travailler comme cover-girl, pour Elle, la chance que Coco Chanel me donne mon nom, celle d'enchaîner les défilés et les pubs. Jean-Luc Godard, qui m'avait vue dans celle de Monsavon, m'a appelée pour À bout de souffle où je devais jouer une fille qui devait appa­raître nue. Pour moi, pas question! «Comment!, m'a-t-il dit. Je vous ai vue à poil dans des pubs!» En fait, j'étais dans un bain moussant, il n'avait rien vu du tout. Tout a commencé plus tard, avec Le Petit Soldat… Il m'a envoyé un télégramme pour me dire: «C'est le premier rôle.» Et j'ai tourné avec lui, et j'ai vécu avec lui, et nous nous sommes mariés, et nous nous sommes quittés. À l'époque de notre rencontre, je n'ai pas eu le sentiment de participer à des films qui entreraient dans l'histoire du ­cinéma.

Ces derniers temps, vous êtes revenue à la chanson?

A. K. -Il y a quatorze ans, alors que j'étais en tournée théâtrale d'Après la répétition, de Bergman, avec Bruno Kremer à Chalon-sur-Saône, le di­recteur, Jean-Marc Grangé, m'a dit: «Je veux vous voir chanter!» Depuis, je n'ai pas arrêté et, grâce à Philippe Katerine qui m'écrit des chansons merveilleuses, je suis devenue chanteuse, oui.

Et vous Cécile?

C. de F. -J'ai renoncé, mais sans aucun regret, à tout projet de cinéma pour un bon moment. Je viens du théâtre. Je le retrouve et je retrouve mes copains d'école. La chanson m'apporte quelque chose en plus, une joie, une énergie et aussi une discipline.

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