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Anna Gavalda, Billie le bide

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<i>Billie</i>, le nouveau roman d'Anna Gavalda, tient de l'entreprise d'autodémolition... Dommage.

Billie, le nouveau roman d'Anna Gavalda, tient de l'entreprise d'autodémolition... Dommage. Crédits photo : M.Heinry

Dans son dernier roman, paru ce mercredi, la romancière raconte le parcours de deux éclopés de la vie. Les pauvres.

On l'aimait, Anna Gavalda! Pour sa ­façon singulière de raconter des histoires et cette connivence espiègle qui s'était installée entre nous. Pour Charles, l'architecte empêtré dans sa cinquantaine naissante, pour Camille, la jeune fille en quête d'un prince, pour Philibert, son aristocrate butant sur les syllabes, pour Pierre et ses secrets trop lourds. Pour ses scènes de genre comme si on y était, ses repas de famille agités et ses nappes de pique-nique à carreaux vichy, ses maisons de campagne et ses appartements hauts de plafond. On a tout pris en bloc depuis 1999, ses petites nouvelles et ses épais livres, ses tocades de traductrice et ses couvertures faites maison. Sur la dernière, un ânon folâtre dans les boutons d'or. Et qui porte le bonnet? Anna Gavalda qu'on aimait et qu'on sera nombreux à regretter.

L'effet pétard mouillé

Dans cette histoire, rien n'est à sa place, à commencer par le lecteur, qui se demande dans quelle galère il vient de se fourrer. «Merde, putain, con, saloperie!», le déluge de gros mots s'abat sur lui comme les shrapnels sur le poilu. Les héros, eux, sont déjà au fond du trou, tombés dans une crevasse au cours d'une randonnée céve­nole. Franck semble grièvement blessé et son amie Billie prie une étoile pour que les secours ne tardent pas. Enfin, prier relève du vœu pieu. Jurer est plus juste. Jurer comme la blonde auteur qui aurait revêtu le costume d'un charretier. Forcément mal ajusté. Gavalda n'est pas Audiard. Elle ­frise l'effet pétard mouillé là où d'autres dynamitent. Elle tient à nous raconter, à mots choisis, l'histoire d'un «petit pédé souffreteux et de sa Cosette des dépotoirs» (c'est elle qui le dit), soit la destinée de Franck, souffre-douleur des cours de récré, et Billie, souffre-douleur de sa famille quart-mondesque. Ils se rencontrent au lycée, s'apprivoisent comme deux animaux blessés, jouent Musset, gagnent en profondeur, mais leurs ailes de géant les empêchent de s'élever. Billie vire «pouf», «jupe aux ras de la moule» et «taille des pipes» à gogo, quand Franck se morfond dans des études de commerce alors qu'il rêve de dessiner des bijoux en faisant son coming out. Ils vont finir par se retrouver. On vous passe les détails pénibles, l'auteur les énumère très consciencieusement.

L'horizon s'éclaircit. Billie devient fleuriste dans le Marais et Franck fabrique des bijoux, place Vendôme. Ils boivent des cafés à 3,20 € à des terrasses branchées. La phase Thénardier digérée, nos deux héros deviennent de parfaits bobos, elle dans son estafette vintage, lui se ressourçant en Inde. L'heure est venue de faire une randonnée au grand air. La marche, c'est tendance. Ils marchent donc, jurent, déblatèrent et se perdent jusqu'à la crevasse du début du récit. Leur âne s'appelle Bourriquet.

À ce point du récit, on a perdu Anna Gavalda. Éparpillée façon puzzle. On cherche vainement quelques petits morceaux à recoller. En vain. Le poncif a remplacé la justesse, la grossièreté a remplacé l'insolence. Reste peut-être le culot de l'entreprise de démolition de la petite entreprise Gavalda. À ce point-là, c'est assez sidérant.

«Billie», d'Anna Gavalda, Le Dilettante, 222 p., 15 €.

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