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Strasbourg, le conte est bon !

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Entre la winstub traditionnelle du Clou et le boudoir créatif du 1741, virée gastronomique dans la capitale alsacienne.

Le froid et les dédales donnent faim, la solitude aussi et, en ce jeudi, le centre de Strasbourg paraît bien peu fréquenté. On presse le pas dans les venelles comme on se perdrait dans un récit pour enfants et parents de Tomi Ungerer. Les cafés sont presque tous fermés à 19 h 30, pas moyen de boire un demi pour fêter les retrouvailles avec la ville enchantée. Heureusement, rue du Chaudron, Le Clou vous tend son enseigne.

Derrière les vitres de verre dépoli habillées de lourds rideaux, calé sur la banquette aux coussins amortis, on se réchauffe vite devant un verre à échasse bientôt rempli d'un pinot gris de la maison Trimbach (37 € la bouteille). Ce vin était précisément conseillé le matin même dans les colonnes du Figaro par Enrico Bernardo dans son billet sur la choucroute.

Pour la petite histoire, Le Clou s'appelle ainsi car l'auberge appartint jadis à un certain M. Negel, ce qui signifie «clou» en alsacien. Aucun rapport avec la choucroute, donc. Celle-ci arrive cependant, copieuse et fière, telle une colline stratégique défendue par trois saucisses dressées comme les canons de Navarone. Contrairement aux copeaux pâles et gras qu'on trouve souvent dans les brasseries éloignées du Rhin, lestés de charcuteries aussi déprimantes qu'insipides, le chou du Clou est ambré, bronzé pourrait-on dire, heureux de s'offrir au gastronome. Il est, au goût, légèrement acidulé, exactement comme il se doit et surtout, épicé. Manger de la choucroute au Clou, c'est un voyage inattendu vers des saveurs insoupçonnées - voyage abordable, le billet n'est facturé que 16,70 €. À la table voisine, d'ailleurs, trois copains sont partis, qui parlent de chacals dans le désert. Le pinot gris glisse tout seul, sublimant le plat, Enrico Bernardo avait raison.

Service souriant et enlevé

La salle, comme la choucroute, est bien garnie. Il y a ce soir-là deux Espagnols quelque peu hébétés par les us et coutumes locaux, une tablée de quatre jeunes gargantuas, deux copines égarées qui carburent à l'eau plate, une brochette cosmopolite de huit congressistes badgés. Le tout produit un amusant Babel. Le service est féminin, souriant et enlevé. La plupart des dîneurs attaquent les grands classiques winstub: wädele (jambonneau) avec pommes de terre en salade ou choucroute, fleischkiechele (galettes de viande), bibeleskäs (fromage blanc) pommes sautées, brotwurst (saucisse paysanne)… Ils ont raison, car une charmante brunette tord un peu le nez devant un pot-au-feu qui, vu de loin, manque de prestance, flanqué d'une assiette de crudités échappée d'un restaurant d'entreprise. Tout guilleret d'avoir sacrifié à la tradition culinaire alsacienne, on retrouve la rue du Chaudron en traversant une sorte de sas et, curieusement, on n'a plus froid du tout.

C'est d'un pas léger qu'on regagne son lit, à l'hôtel du Dragon, par exemple, douillet et d'un calme absolu de l'autre côté de l'Ill, pour une douce nuit peuplée de rêves comestibles.

Le lendemain, aussi frais, dispos - et affamé - qu'au sortir d'une thalassothérapie, déjeuner au 1741. On passe de la winstub du Strasbourg médiéval au «restaurant et boudoir» dont les fenêtres donnent sur le grandiose palais des Rohan, dont l'édification s'est achevée, vous l'aviez déjà deviné, en 1741. Les salons sont en enfilade, mais verticalement. Les nouveaux propriétaires des lieux, qui ont ouvert il y a neuf mois, se sont agrandis vers le haut, ils peuvent à présent servir une cinquantaine de couverts par service. Presque sous les toits trônent les cuisines et une salle qui tranche avec les alcoves-bonbonnières et les salons cossus: tables blanches sans nappe, tabourets, on se restaure perché, à peine séparé des murmurantes marmites de cuivre par une vitre. Un jazz discret accompagne le repas.

Invitation au voyage

Le show - car ici tout est spectacle, ordonnancé par un service masculin enjoué et monté sur ressorts - commence par un «original œuf dans l'œuf, morilles fraîches» (36 €) pas assez chaud. C'est dommage car la composition du chef Thierry Schwartz a de l'allure: un jaune parfaitement mollet capturé par deux pancakes confectionnés avec le blanc, des morilles fraîches («les premières de l'année», annonce le maître d'hôtel) auxquelles la truffe fait une concurrence légèrement déloyale et superfétatoire. À bonne température, c'est certainement un régal. Ce jour-là, c'est seulement un regret tiède.

Le 1741 se rattrape avec la «poulette fermière, jus parfumé» (31 €). Des tronçons de volaille cuits longuement à four à peine chaud, moelleux et goûteux. Ils sont escortés de légumes en lamelles qu'une toque experte, de l'autre côté de la vitre, a disposés sur l'assiette à l'aide d'une pincette. Le tout est rehaussé d'épices asiatiques, gingembre, sésame blanc et noir. Au milieu du bosquet se cache une feuille de chou jouant les aumônières et renfermant de la chair de poulette presque confite. Franchement, c'est délicieux, léger et avec du caractère, équilibré dans l'assaisonnement comme à l'œil mis en appétit à peine l'assiette dressée devant lui.

Pour terminer un bon repas, rien de tel qu'une débauche de sucre: ce sera «orange, meringue, safran» (16 €), une tarte - la pâte est un peu dure - à base d'une onctueuse crème d'orange tapie derrière des dômes de meringue qui évoquent un mirage oriental et sublimés par les divins stigmates rouges. Disons-le clairement: amateurs d'acidité, passez votre chemin, ce dessert est une ode au suave et au doux, une caresse à laquelle ne succède pas le claquement du fouet. Une invitation au voyage à Strasbourg, aussi.

Le Clou, 3, rue du Chaudron.
Tél.: 03 88 32 11 67. www.le-clou.com. Ouvert tous les jours, fermé le dimanche (sauf en décembre) et jours fériés. Comptez 35 €.
1741, 22, quai des Bateliers.
Tél.: 03 88 35 50 50. www.1741.fr. Du lundi au dimanche. Menus à 38 € (déjeuner)
et 67 € (dîner), avec forfait boissons
de 15 ou 24 €.
Hôtel du Dragon, 2, rue de l'Écarlate.
Tél.: 03 88 35 79 80. www.dragon.fr. Chambres de 94 à 149 €.

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