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Catégories : CE QUE J'ECRIS/CE QUE JE CREE, Ma bibliothèque

Walter SCOTT,Quentin DURWARD

Quentin Durward par Scott

Quentin tressaillit d’étonnement ; car, quoiqu’il eût entendu parler de Sarrasins et d’idolâtres, il ne croyait pas, il ne lui
était même jamais venu à l’idée qu’il pût exister une race
d’hommes qui ne pratiquât aucun culte. Sa surprise ne
l’empêcha pourtant pas de demander à son guide où il demeurait habituellement.
– Partout où je me trouve, répondit le Bohémien ; je n’ai
pas de demeure fixe.
– Comment conservez-vous ce que vous possédez ?
– Excepté les habits qui me couvrent et le cheval que je
monte, je ne possède rien.
– Votre costume est élégant, et votre cheval est une excellente monture. Quels sont vos moyens de subsistance ?
– Je mange quand j’ai faim ; je bois quand j’ai soif ; et je
n’ai d’autres moyens de subsistance que ceux que le hasard met
sur mon chemin.
– Sous les lois de qui vivez-vous ?
– Je n’obéis à personne qu’autant que c’est mon bon plaisir.
– Mais qui est votre chef ? qui vous commande ?
– Le père de notre tribu, si je veux bien lui obéir. Je ne reconnais pas de maître.
– Vous êtes donc dépourvu de tout ce qui réunit les autres
hommes. Vous n’avez ni lois, ni chef, ni moyens arrêtés
d’existence, ni maison, ni demeure. Vous n’avez (que Dieu vous
prenne en pitié !) point de patrie ; et (puisse le ciel vous éclairer !) vous ne reconnaissez pas de Dieu : que vous reste-t-il
donc, étant privé de religion, de gouvernement, de tout bonheur
domestique ?
– La liberté. Je ne rampe pas aux pieds d’un autre. Je n’ai
ni obéissance ni respect pour personne. Je vais où je veux, je vis
comme je peux, et je meurs quand il le faut.
– Mais vous pouvez être condamné et exécuté en un instant, au premier ordre d’un juge.
– Soit ! ce n’est que pour mourir un peu plus tôt.
– Mais vous pouvez aussi être emprisonné ; et alors où est
cette liberté dont vous êtes si fier ?
– Dans mes pensées, qu’aucune chaîne ne peut contraindre ; tandis que les vôtres, même quand vos membres sont libres, sont assujetties par les liens de vos lois et de vos superstitions, de vos rêves d’attachement local, et de vos visions fantastiques de politique civile. Mon esprit est libre, même quand
mon corps est enchaîné ; le vôtre porte des fers, même quand
vos membres sont libres.
– Mais la liberté de votre esprit ne diminue pas le poids des
chaînes dont votre corps peut être chargé.
– Ce mal peut s’endurer quelque temps ; et si enfin je ne
trouve pas moyen de m’échapper, et que mes camarades ne
puissent me délivrer, je puis toujours mourir, et c’est la mort qui
est la liberté la plus parfaite.

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