Ces temps-ci, je discute beaucoup, avec des amis et des proches, des soubresauts du monde et des effets qu’ils ont sur nous. Les événements et les nouvelles alarmantes s’enchaînent à une vitesse folle : la guerre en Ukraine est toujours plus cruelle, et voilà que les États-Unis tordent le bras à Zelensky pour qu’il accepte de céder – afin d’en faire une hypothétique zone démilitarisée – des territoires qui n’ont même pas été conquis par les Russes. La brutalité de Donald Trump vis-à-vis des Européens s’exprime désormais sans limites et nos dirigeants courbent l’échine. J’ai récemment passé deux semaines en Chine (je vous raconterai ça la semaine prochaine) et l’on y perçoit assez bien un sentiment de supériorité à l’endroit d’une Europe divisée et affaiblie, face à un pays où la liberté n’existe plus (même à Hongkong), mais où, dit-on, “ça fonctionne mieux”. Nous vivons sous les menaces et ne savons pas forcément quoi faire, individuellement, pour y faire face.
Mes interlocuteurs me donnent leurs tactiques pour ne pas trop céder à l’angoisse. Certains se ressourcent dans la joie des relations humaines, familiales ou sociales, ou dans la beauté. D’autres lisent L’Histoire d’un Allemand (Actes Sud) de Sebastian Haffner, témoignage d’un homme ordinaire sur la montée du nazisme, et se disent qu’ils devraient, eux aussi, tenir un carnet de “choses vues” pour archiver les petites touches de la nouvelle atmosphère qui s’installe partout.
J’ai également correspondu avec Luc Lévy, le directeur de l’Institut français de Bulgarie à Sofia, qui partage mes inquiétudes. Il admet se sentir traversé par “une sorte de pesanteur” : impossible “de ne pas se laisser atteindre”. Pour se préserver, il s’éloigne un peu des médias et des réseaux. Et trouve de quoi tenir dans le travail et la lecture. Celle de Romain Gary l’inspire, car elle fait écho à notre état actuel. Luc Lévy m’a envoyé cette citation : “Le juste milieu. Quelque part entre s’en foutre et crever. Entre s’enfermer à double tour et laisser entrer le monde entier. Ne pas se durcir mais ne pas se laisser détruire non plus. Très difficile” (sous le pseudonyme d’Émile Ajar, L’Angoisse du roi Salomon, 1979). À méditer.
Ici, à Philosophie magazine, comme en témoignent les articles que nous avons publiés cette semaine, nous essayons toujours de comprendre, obstinément. Cela donne du courage aussi. Et vous, quelles sont vos méthodes ? Je l’avoue : je suis preneur.
Alors, bonnes lectures !
P. S. : Ce qui nous donne quand même un peu de courage, c’est aussi vos réactions à la campagne de dons que nous avons lancée ce mercredi, qui vise à conforter notre indépendance et financer nos projets de développement en 2026. Si vous n’avez pas encore souscrit, vous pouvez le faire ici en 2 minutes.
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Washington, D.C. (États-Unis), le 5 septembre 2025. © Alex Brandon/AP Photo/Sipa
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Flatter le maître du monde est devenu la nouvelle tendance de la politique internationale. Clara Degiovanni, en s’appuyant sur La Bruyère et le baron d’Holbach, auteur d’un Essai sur l’art de ramper, décrypte les avantages et les inconvénients de cette attitude.
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Vincent Genin. © Marc Ollivier/Ouest France/PhotoPQR
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C’est la conviction de l’historien Vincent Genin. Mais pas dans le sens qu’on imagine. Dans un entretien passionnant qu’il nous accorde à l’occasion des 120 ans de la loi de 1905, l’auteur d’une Histoire intellectuelle de la laïcité de 1905 à nos jours (PUF, 2024) explique qu’elle visait à permettre une coexistence des différences. Alors qu’aujourd’hui, elle est devenue un mot d’ordre idéologique.
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Atlas supportant la voûte céleste (détail), gravure de Nicolas-Jean-Baptiste de Poilly (1707-1780), d’après François Verdier (1651-1730). © Domaine Public/Rijksmuseum
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Retour à Trump. Dans la nouvelle doctrine stratégique américaine, on trouve la formule : “L’époque où les États-Unis soutenaient à eux seuls l’ordre mondial, comme Atlas, est terminée.” Cette analogie nous a donné envie d’interroger le grand spécialiste des mythes Pierre Judet de La Combe. Il se demande : Trump se prend-il pour le géant qui soutient l’ordre mondial, ou bien pour son maître, Zeus ? Dans les deux cas, il y a quelque chose qui cloche…
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Une femme soudanaise, dans le camp de réfugiés de Touloum (Tchad). © Amr Abdallah Dalsh/Reuters
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Pourquoi laissons-nous hors de nos radars mentaux des tragédies massives ? Au début des années 2000, la guerre au Darfour attirait toutes les attentions. Aujourd’hui, malgré l’horreur humaine de la guerre civile et les accusations de génocide au Soudan, le monde laisse faire. Ariane Nicolas propose des hypothèses.
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Portrait d’Adam Smith (auteur inconnu, vers 1800). © Fine Art Images/Bridgeman Images
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Pour le fondateur du libéralisme économique, l’Écossais Adam Smith, un ordre mystérieux transforme nos intérêts en gage d’harmonie sociale. Nicolas Tenaillon nous explique que dans l’esprit du philosophe, avant d’être appliquée à l’économie, cette notion vient de sa réflexion sur la physique, la théologie et la morale. Et qu’il insiste également sur l’intervention de l’État pour en corriger les effets d’inégalité. C’est lumineux : merci Nicolas !
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C’est le thème de notre nouveau numéro, “Moi, moi et encore moi. Comment sortir de sa bulle ?” Avec une hypothèse : et si l’altruisme nous rendait plus heureux que l’égoïsme ? Ça peut aussi faire un beau cadeau !
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