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Livre - Page 8

  • Je viens de lire:"L'inconnu et autres récits" de Julien Green

    green.jpgJulien Green et ses doubles


    Par Régis Penalva 
    # Lib. Sauramps, Montpellier


    Le recueil de nouvelles de Julien Green qui paraît ces jours-ci aux éditions Fayard offre au lecteur français un nouvel aperçu des dons de conteur du grand écrivain américain.

    En lui étaient venus se mêler harmonieusement la tradition française du roman d’analyse psychologique, les charmes vénéneux du fantastique américain et la douceur mélancolique des parfums du grand Sud vaincu.

    Les sept courts récits aujourd’hui réunis en offrent tour à tour l’illustration : vieilles demoiselles qui enfouissent leurs souvenirs dans l’obscurité silencieuse de blanches demeures, jeunes gens hantés par la présence de doubles mi réels mi rêvés, songes dont ne sait plus très bien comment se réveiller, tourments de cœurs trop tendres ravagés par l’ennui de vivre et la peur d’une existence qui ne serait pas d’exception…

    « L’inconnu », premier récit qui donne son nom à l’ensemble du recueil, texte tardif écrit avant la mort, n’échappe pas toujours aux facilités du mélodrame auxquelles l’auteur de Mauvais lieu cédait parfois avec délice ; il n’en fixe pas moins le thème obsédant de la possession d’une jeune âme – Vivien – par un maître insaisissable, inquiétant, quelque peu satanique – l’inconnu Maxime -, que l’on retrouve le long des six autres récits à tant d’années de distance : au narrateur envoûté par l’étrange Michael Corvin de la nouvelle éponyme (1922) fait écho cette Florence subjuguée par le charme du « visiteur » (1946), ainsi que ces petites bonnes soumises au bon vouloir de Bob le rôdeur (1938). Miss Eddleston, quant à elle, traque dans sa pauvre mémoire les ombres de cet époux qu’elle n’aura jamais eu, de cette petite fille une nuit déposée sous son porche et qui s’est perdue, enlevée puis brisée par la passion.

    De ces destins inachevés d’êtres marqués par la solitude, proies du hasard et de l’infortune, le romancier Green dessine des archétypes de l’humaine condition. S’il ne peut les sauver ou les damner, et en cela réside peut-être le prodigieux écart qui le sépare de son ami François Mauriac, tout au moins les abrite-t-il au sein de ces récits, en fixe-t-il la mémoire.
    Ainsi de cette Clara : « Du temps passa, on finit par ne plus se souvenir pourquoi elle était là. Elle-même n’en savait plus rien. » Mais nous, si.

    L'inconnu : et autres récits
    Green, Julien
    Editions Fayard
    Littérature française (178 p.)
    Paru le 30/01/2008
    16.00 euros

     

    «L'inconnu», le plus long des sept récits qui composent ce recueil, raconte l'histoire d'un dédoublement. Suivent des histoires d'époques diverses, presque toutes d'Amérique

    http://www.sauramps.com/article.php3?id_article=3615

    Je vais maintenant le ramener à la bibliothèque...

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    Dans ma lecture du "Journal" d'Hélène Berr

    Préface par Patrick Modiano:"Son courage, sa droiture, la limidité de son coeur m'évoquent le vers de Rimbaud:

    Par délicatesse

    J'ai perdu ma vie.(page 11)

    journal.jpgPremière page de son journal, mardi 7 avril 1942, 4 heures (page 18 du livre): Hélène Berr va chercher chez Paul Valéry un exemplaire de son livre qu'il lui a dédicacé ainsi:

    "Au réveil, si douce la lumière, et si beau ce bleu vivant."

    "Hélène Berr donne à ses amis le nom de héros de roman." (p.28)

    Hélène Berr est "bibliothécaire bénévole à l'Institut d'anglais de la Sorbonne"(p.35) A la fin du livre, figure une liste de ses lectures qui comptent beaucoup d'auteurs que j'aime.

    Cf ma note sur ce livre:

    http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2008/07/10/je-viens-de-commencer-helene-berr-journal.html

  • Catégories : Livre

    Je viens de commencer:"Hélène Berr.Journal"

    journal.jpg

    « Si j'écris tous ces petits détails, c'est parce que maintenant la vie s'est resserrée, que nous sommes devenus plus unis, et tous ces détails prennent un intérêt énorme »

    Résumé du livre

    D'avril 1942 à février 1944, Hélène Berr, jeune Française juive de vingt et un ans issue d'une famille aisée et mélomane, agrégative d'anglais à la Sorbonne, a tenu son journal au jour le jour. Sa vie insouciante est bouleversée par les lois antisémites de 1942.

    http://www.evene.fr/livres/livre/helene-berr-journal-32751.php

    Lire la suite

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    Je viens de terminer:"Deux vies" de Vikram Seth

    deux vies.jpg

    C'est l'histoire d'un couple improbable, composé du grand-oncle de Vikram Seth, Shanti Behari Seth, né en Inde, et de sa femme, juive et allemande, Henny Gerda Caro. Tous deux se rencontrent à Berlin dans les années 1930, quand Shanti, étudiant en médecine dentaire, devient le locataire de la famille Caro. Vikram fera la connaissance de cette tante si élégante à ses yeux, quand il se rendra lui-même à Londres pour habiter chez elle et son mari afin de poursuivre ses études à l'université. La relation qui s'établit entre ces trois personnages est emplie de mystère, comme si ni Shanti, ni Henny, pas plus que le jeune étudiant indien, ne parvenait à assumer son identité. Pris en étau entre un oncle volubile pour ne pas avoir quelque chose à cacher, et cette tante si froide et distante, mais dont la tendresse se lit à fleur de peau, le jeune homme se sent tout à la fois exclu de son milieu d'adoption et pressé d'en percer le secret. Bien des années plus tard, c'est dans la correspondance que Henny entretint avec ses vieux amis restés ou revenus à Berlin après la guerre qu'il découvrira le terrible secret.

    http://www.evene.fr/livres/livre/vikram-seth-deux-vies-26867.php

    Ca faisait très longtemps que je n'avais pas lu un livre de 574 pages (hors les polars)... et je n'ai pas été déçue après en avoir entendu beaucoup parler. Emouvant, instructif,drôle, triste etc. Bien plus qu'une "chronique familiale" comme l'indique la couverture, une traversée du 20 e siècle avec ses tragédies qui touchent des personnages attachants. Des bonheurs aussi, rassurez-vous...
  • Catégories : Livre

    "Trains de vie" d'Eugène Dabit

    trains.jpg'Je pense qu'un écrivain doit dégager le sens de toutes les rencontres et des documents que le hasard lui apporte.' Ce recueil de nouvelles, publiées quelques mois avant la mort d'Eugène Dabit en 1936, est une série de portraits de gens simples tels qu'il les aime. Il ajoute aussi quelques pages très personnelles sur sa jeunesse en 1914-18. 'Train de Vies' est suivi de 'Velázquez', seconde partie de son essai consacré aux Maîtres de la peinture espagnole. Des pages critiques étonnamment contemporaines. Histoire de se souvenir qu'avant d'être écrivain, Eugène Dabit a été peintre.

    http://www.evene.fr/livres/livre/eugene-dabit-trains-de-vie-35262.php

  • Catégories : Livre

    Que lire cet été ??

    Au moment de boucler la valise, revient la question cruciale...  Quels bouquins emporter ? 

    Pour vous éviter de douloureuses interrogations (les œuvres complètes de Proust ou le dernier Vargas qui sera avalé en deux jours ?), nous vous avons préparé une petite sélection, en prévision du prochain festival Lettres d'Automne qui sera consacré à la romancière Lydie Salvayre.

    Profitez donc de l'été pour découvrir ces auteurs que vous rencontrerez en novembre : 

    -> Lydie Salvayre

    La puissance des mouches (Seuil 1995) 

            "L'homme qui se raconte tout au long de ce livre est un être que rien ne prédisposait à parler de la sorte, à coups de sarcasmes et de citations, d'injures et d'envols lyriques, de phrases grand style et d'autres enragées..."

    La compagnie des spectres (Seuil 1997)

             "Pendant la visite d'un huissier, chargé de dresser un inventaire avant saisie, deux femmes, à Créteil, revivent l'Occupation...“

    Les belles âmes (Seuil 2000)

             "Dans ce roman, Lydie Salvayre suit le périple touristique d'un groupe de nantis en quête de bonne conscience et dénonce, avec une cinglante ironie, l'hypocrisie de certains discours humanitaires...“

    La bibliographie complète de Lydie Salvayre est sur notre site internet : www.confluences.org/lettres

    -> Pierre Senges

    Fragments de Lichtenberg (Verticales 2008) 

              "En à peine plus d’un demi siècle, Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799) a eu le temps d’être : un bossu • un mathématicien • un professeur de physique • un amateur de pâté de lièvre • un adversaire de la physiognomonie • un solitaire • un théoricien de la foudre • un amateur de jupons • un ami du roi George III d’Angleterre • un asthmatique • un défenseur de la raison • un hypocondriaque • un moribond • et l’auteur de huit mille fragments plus ou moins brefs écrits à l’encre et à la plume d’oie."

    -> Olivia Rosenthal

    On est pas là pour disparaître (Verticales 2007) 

              Ce livre part du portrait d’un homme atteint de la maladie d’Alzheimer pour saisir sur le vif ce qu’est la perte de la mémoire, de la parole et de la raison. Avec ce septième livre optimiste et désespéré, Olivia Rosenthal confirme son talent et son inventivité langagière. 

    -> Philippe Adam

    Ton petit manège (Verticales 2008) 

              "Dans les douze nouvelles de ce petit manège, les monstres galopent avec les obsédés, personne n’est calme, de vieux enfants pensent à leurs jouets, ils croisent des mourants, on part en voyage, on va en boîte, les filles trottinent, on drague au camping, rien ne se passe comme prévu, on déménage et on a peur de son nouvel appartement, tout le monde court, tout le monde a quelque chose à fuir mais à part ça, c’est décidé, tout va bien."

    Et n'hésitez pas à vous (re)plonger dans les livres d'Alberto Manguel, Charles Juliet ou encore Jean-Claude Mourlevat, tous trois nous feront le plaisir de participer de nouveau aux Lettres d'Automne.

    Pour avoir un avant-goût de cette 18e édition de Lettres d'Automne, allez jeter un œil sur www.confluences.org/lettres

    Bel été, et belles lectures à tous !

  • Catégories : Livre

    La fin de l’écran de fumée

    Patch. Sortie d’un livre sur la cigarette au cinéma, en voie de disparition.
    OLIVIER SÉGURET (1) Adrien Gombeaud, Tabac & Cinéma, Histoire d’un mythe, éditions Scope, 128 pp., 17 euros.
    QUOTIDIEN : mercredi 18 juin 2008

    Au commencement était la fumée : celle dégagée par la vapeur d’un fameux train entrant en gare de La Ciotat, ou celle qu’Etienne-Jules Marey tenta, expérimentalement, de capturer. Mais aussi la fumée que trace dans les salles obscures le rayon jupitérien des projecteurs, cette «gloire» horizontale qui se dessine entre la cabine et l’écran et qui troue l’espace de sa lumière.

    Nostalgie. La fumée a enlacé le film dès ses origines, mais a trouvé avec le tabac un vecteur magique pour pénétrer les images et les écrans, les volutes de cigares, pipes et cigarettes devenant très vite et pour plus d’un siècle un motif à la fois capital et clandestin de l’histoire du cinéma mondial. Selon le paradoxe bien connu de la nostalgie, on prend conscience de cette histoire d’amour très particulière entre filmeurs et fumeurs au moment même où elle perd de sa substance, stérilisée à la fois par les lois antitabac, les autocensures du politiquement correct et, sans doute, par la marche triomphale de l’humanité vers une mort en parfaite santé.

    Dans un charmant petit livre copieusement illustré (1), Adrien Gombeaud (qui collabore notamment à Positif) ose une anthropologie très personnelle du rapport entretenu par la cigarette et le ciné. Accessoire comique, érotique ou inquiétant, signe de mort ou de vie (la dernière cigarette), objet de classe ou d’initiation, rituel ou cliché, ce ne sont pas tous les états du tabac filmé qui sont ici recensés, mais quelques-unes des figures rhétoriques par lesquelles l’herbe à Nicot a accompagné l’histoire du cinéma depuis ses origines.

    Elégance. Au tableau de chasse des hautes figures de la passion tabagique sur grand écran, le name-dropping est étourdissant : Groucho Marx, Asia Argento, James Dean, Humphrey Bogart, John Ford, Carette, Gabin, Delon, Deneuve, Tony Leung, Scarlett Johansson, Rita Hayworth… Mais ce pêle-mêle n’a pas de sens en soi ; il est une fresque évanescente, immatérielle : le tabac à l’écran n’a pour nous aucune odeur ni saveur, il est une image, un instant, une allure. Même, et peut-être surtout, lorsqu’il s’agit de films qui en font leur thème, titre ou objet, tels les programmatiques Roi du tabac (Curtiz), Coffee and Cigarettes (Jarmusch) ou, mieux, Smoking/No Smoking (Resnais).

    On pourrait, inversement, divaguer longtemps sur le cas des cinéastes comme Wong Kar-waï ou Hou Hsiao-hsien, l’un et l’autre d’ailleurs fumeurs invétérés, dont on ne peut imaginer les films délestés de leur fumée. Ils sont comme les derniers représentants d’une élégance un peu surannée, où s’exprime leur plaisir manifeste à filmer des acteurs qui fabriquent aussi du glamour avec les gestes rétro de fumeurs iconiques. Ces deux noms fournissent d’ailleurs un bon indice pour se représenter la géopolitique de la clope dans le cinéma moderne : c’est en effet vers l’Asie que le balancier fumeur est en train de pencher, exactement comme dans l’économie réelle.

    Dans ce panoptique, seul le joint semble avoir été un peu négligé par l’auteur. Son livre n’en reste pas moins à faire tourner.

    http://www.liberation.fr/culture/cinema/332906.FR.php?xtor=EPR-450206

  • Catégories : Livre

    Un diamant brut

    thomas.jpg

    Vézelay-Paris 1938-1950

    d'Yvette Szczupak-Thomas

    [Biographie]

    Résumé du livre

    Yvette Thomas est une fille de l'A.P ., l'Assistance Publique. Elle vient d'Auxerre, elle a un petit frère, ses parents sont morts. La pupille ira travailler chez les autres... Le voyage commence, elle traverse des familles de la Bourgogne nord. La première, maman Blanche, est tout amour mais l'A.P. l'en arrache et la voilà chez la mère Germaine, une patronne odieuse et méchante. Pour résister, Yvette garde en tête les recommandations de maman Blanche : 'Quoi qu'il arrive, tu dois toujours agir en restant dans Ta vérité... tout garder dans la tête et ne rien montrer au dehors.' Yvette tête de pioche retiendra la leçon et tiendra jusqu'au bout. Un jour débarquent dans sa cour des Parisiens pleins aux as, M. et Mme Zervos. 'Mignonne, la dame, et simple aussi'. La dame, c'est Yvette, qu'elle trouve mignonne, plus que ça même : 'Votre petite reine, dit-elle à ses parents adoptifs du moment, c'est un joyau brut.' Le couple, à la vue des dessins de la petite, détecte même chez Yvette un don naturel pour l'art. Et la voilà adoptée par les Zervos, des collectionneurs d'art, des éditeurs, des mécènes riches en amis artistes. Commence pour Yvette une nouvelle aventure...

    http://www.evene.fr/livres/livre/yvette-szczupak-thomas-un-diamant-brut-35044.php

  • Catégories : Livre

    Je viens de lire: "Une vie" de Simone Weil

    par Christophe Barbier, Philippe Broussard

    A 80 ans, elle se raconte. Son destin, ses combats: L'Express retrace ce parcours exceptionnel en publiant des extraits exclusifs de ses Mémoires.
    > Un destin exceptionnel parsemé de combats: à 80 ans, Simone Veil se raconte. Diaporama
    Une vie. Le titre que Simone Veil a emprunté à Maupassant pour ses Mémoires est inexact: «sa» vie n'en est pas simplement «une», tant elle est exceptionnelle. Par le tragique, d'abord, avec la déportation qui détruit sa famille; c'est en rescapée que Simone Veil a traversé le reste de l'existence. Dans le politique, ensuite, qui la voit occuper en France et en Europe de hautes fonctions, toujours liées à ses engagements les plus profonds. Enfin, son parcours est rare par sa grande valeur éthique et philosophique: presque jamais Mme Veil n'a transigé, pour des raisons électorales ou partisanes, avec ses convictions - elle confie, dans Une vie,quelques regrets. Plus que d'autres, elle est donc fondée à juger sévèrement certains acteurs politiques, et ne s'en prive pas.

    Alors qu'elle vient de franchir le cap des «quatre fois vingt ans», Simone Veil a encore voulu témoigner des épreuves surmontées et des victoires remportées. Au nom de ceux qui ont disparu: «A nos côtés, tous ces morts qui nous furent si chers, connus ou inconnus, se tiennent en silence. Je sais que nous n'en aurons jamais fini avec eux.» Mais, surtout, pour les vivants, parce que l'oubli serait une indécence à l'égard des principes et un affaiblissement face aux défis de l'avenir.

    Les grands combats de Simone Veil ont été ceux de L'Express. Pour la liberté des femmes, notamment en légalisant l'avortement; pour la construction européenne; pour la transmission aux générations futures de l'impérative mémoire de la Shoah. En publiant des extraits d'Une vie, nous voulons aussi rappeler que ces enjeux ne sont pas obsolètes. La lutte nous attend, pour laquelle Simone Veil s'adresse non seulement à notre intelligence, mais aussi, de page en page, à notre conscience.

    L'enfance (1927-1944)
    [La famille Jacob vit d'abord à Paris puis à Nice.]

    Les années 1920 furent pour eux [NDLR: ses parents] celles du bonheur. Ils s'étaient mariés en 1922. Mon père, André Jacob, avait alors trente-deux ans et Maman, Yvonne Steinmetz, onze de moins. A l'époque, l'éclat du jeune couple ne passe pas inaperçu. André porte l'élégance sobre et discrète à laquelle il tient, tout comme il est attaché à la créativité de son métier d'architecte, durement secoué par quatre années de captivité, peu de temps après son grand prix de Rome. D'Yvonne irradie une beauté rayonnante qui évoque pour beaucoup celle de la star de l'époque, Greta Garbo. Un an plus tard naît une première fille, Madeleine, surnommée Milou. Une nouvelle année s'écoule et Denise voit le jour, puis Jean en 1925, et moi en 1927. En moins de cinq ans, la famille Jacob s'est donc élargie de deux à six membres. (...)

    Papa veillait au grain. Il m'installait toujours à sa droite à table, au motif qu'il fallait me surveiller. Il estimait que trop souvent je n'en faisais qu'à ma tête, que je me tenais mal, qu'il fallait parfaire mon éducation et que lui seul pouvait compenser le laxisme maternel. Et puis, très vite, il n'a pas apprécié mon esprit contestataire. Toute surprise qu'il ne se rende pas compte du caractère exceptionnel de Maman, je ne me privais pas de dire que je considérais beaucoup de ses décisions et interdits comme autant de brimades qu'il lui infligeait.

    Pourtant, je n'avais pas l'impression de me conduire d'une manière bien originale. Je n'aimais rien plus que rester à la maison avec Maman. J'avais l'impression que je vivais mon plus grand bonheur en symbiose avec elle. Je me tenais contre elle, je lui donnais la main, je me blottissais sur ses genoux, je ne la lâchais pas. J'aurais volontiers vécu un amour exclusif avec elle. (...)

    Lorsque je repense à ces années heureuses de l'avant-guerre, j'éprouve une profonde nostalgie. Ce bonheur est difficile à restituer en mots, parce qu'il était fait d'ambiances calmes, de petits riens, de confidences entre nous, d'éclats de rire partagés, de moments à tout jamais perdus. C'est le parfum envolé de l'enfance, d'autant plus douloureux à évoquer que la suite fut terrible.

    La déportation (1944)
    [Dans les premières années de la guerre, la région de Nice est épargnée par les rafles. Mais, au printemps 1944, alors que la situation s'est brutalement détériorée, cinq membres de la famille Jacob sont arrêtés à Nice. Simone, sa mère et sa soeur Madeleine (alias Milou) sont transférées à Drancy puis à Auschwitz. Le père, André, et son fils, Jean, sont déportés en Lituanie. Denise, la troisième fille des Jacob, est entrée dans la Résistance. Elle sera par la suite arrêtée et déportée.]

    Quel fut le sort de mon père et de mon frère? Nous ne l'avons jamais su. Aucun des survivants ne connaissait Papa et Jean. Par la suite, les recherches menées par une association d'anciens déportés n'ont rien donné. De sorte que nous n'avons jamais su ce qu'étaient devenus notre père et notre frère. Aujourd'hui, je garde intact le souvenir des derniers regards et des ultimes mots échangés avec Jean. Je repense à nos efforts, à toutes les trois, pour le convaincre de ne pas nous suivre, et une épouvantable tristesse m'étreint de savoir que nos arguments, loin de le sauver, l'ont peut-être envoyé à la mort. Jean avait alors dix-huit ans.(...)

    [Dans la soirée du 15 avril 1944, Simone, Milou et leur mère arrivent au camp d'Auschwitz-Birkenau.]

    Nous avons marché avec les autres femmes, celles de la «bonne file», jusqu'à un bâtiment éloigné, en béton, muni d'une seule fenêtre, où nous attendaient les «kapos»; des brutes, même si c'étaient des déportées comme nous, et pas des SS. (...) Nous avons tout donné, bijoux, montres, alliances. Avec nous se trouvait une amie de Nice arrêtée le même jour que moi. Elle conservait sur elle un petit flacon de parfum de Lanvin. Elle m'a dit: «On va nous le prendre. Mais moi je ne veux pas le donner, mon parfum.» Alors, à trois ou quatre filles, nous nous sommes aspergées de parfum; notre dernier geste d'adolescentes coquettes. (...)

    A notre arrivée, il fallait à tout prix nous désinfecter. Nous nous sommes donc déshabillées avant de passer sous des jets de douche alternativement froids et chauds, puis, toujours nues, on nous a placées dans une vaste pièce munie de gradins, pour ce qui, en effet, était une sorte de sauna. La séance parut ne devoir jamais finir. Les mères qui se trouvaient là devaient subir pour la première fois le regard de leurs filles sur leur nudité. C'était très pénible. Quant au voyeurisme des kapos, il n'était pas supportable. Elles s'approchaient de nous et nous tâtaient comme de la viande à l'étal. On aurait dit qu'elles nous jaugeaient comme des esclaves. Je sentais leurs regards sur moi. J'étais jeune, brune, en bonne santé; de la viande fraîche, en somme. Une fille de seize ans et demi, arrivant du soleil, tout cela émoustillait les kapos et suscitait leurs commentaires. Depuis, je ne supporte plus une certaine promiscuité physique. (...)

    Vaille que vaille, nous nous faisions à l'effroyable ambiance qui régnait dans le camp, la pestilence des corps brûlés, la fumée qui obscurcissait le ciel en permanence, la boue partout, l'humidité pénétrante des marais. (...) Pour nous, les filles de Birkenau, ce fut peut-être l'arrivée des Hongrois qui donna la véritable mesure du cauchemar dans lequel nous étions plongées. L'industrie du massacre atteignit alors des sommets: plus de quatre cent mille personnes furent exterminées en moins de trois mois. (...) Je voyais ces centaines de malheureux descendre du train, aussi démunis et hagards que nous, quelques semaines plus tôt. La plupart étaient directement envoyés à la chambre à gaz. (...)

    Un matin, alors que nous sortions du camp pour aller au travail, la chef du camp, Stenia, ancienne prostituée, terriblement dure avec les autres déportées, m'a sortie du rang: «Tu es vraiment trop jolie pour mourir ici. Je vais faire quelque chose pour toi, en t'envoyant ailleurs.» Je lui ai répondu: «Oui, mais j'ai une mère et une soeur. Je ne peux pas accepter d'aller ailleurs si elles ne viennent pas avec moi.» A ma grande surprise, elle a acquiescé: «D'accord, elles viendront avec toi.» Tous les gens auxquels j'ai par la suite raconté cet épisode sont restés stupéfaits. Il s'est pourtant déroulé ainsi. Fait incroyable, cette femme, que je n'ai par la suite croisée que deux ou trois fois dans le camp, ne m'a jamais rien demandé en échange. Tout s'est donc passé comme si ma jeunesse et le désir de vivre qui m'habitaient m'avaient protégée. (...)

    Les SS nous ont entassées sur des plates-formes de wagons plats, et nous avons été dirigées d'abord sur Maut-hausen, où le camp n'a pas pu nous accueillir, faute de place. Nous sommes alors reparties pour huit jours de train, en plein vent, sans rien à boire ni à manger. Nous tendions les rares gamelles que nous avions pu emporter afin de récupérer la neige et la boire. Lorsque notre convoi a traversé les faubourgs de Prague, les habitants, frappés par le spectacle de cet entassement de morts-vivants, nous ont jeté du pain depuis leurs fenêtres. Nous tendions les mains pour attraper ce que nous pouvions. La plupart des morceaux tombaient par terre. (...)

    Maman était déjà très affaiblie par la détention, le travail pénible, le voyage épuisant à travers la Pologne, la Tchécoslovaquie et l'Allemagne. Elle n'a pas tardé à attraper le typhus. Elle s'est battue avec le courage et l'abnégation dont elle était capable. Elle conservait la même lucidité sur les choses, le même jugement sur les êtres, la même stupeur face à ce que des hommes étaient capables de faire endurer à d'autres hommes. En dépit de l'attention que Milou et moi lui prêtions, malgré le peu de nourriture que je parvenais à voler pour la soutenir, son état s'est rapidement détérioré. (...) Elle est morte le 15 mars, alors que je travaillais à la cuisine. (...) Aujourd'hui encore, plus de soixante ans après, je me rends compte que je n'ai jamais pu me résigner à sa disparition. D'une certaine façon, je ne l'ai pas acceptée. Chaque jour, Maman se tient près de moi, et je sais que ce que j'ai pu accomplir dans ma vie l'a été grâce à elle.

    Le retour en France (1945)
    [23 mai 1945. De retour à Paris avec Milou, Simone Jacob retrouve bientôt son autre soeur, Denise, rescapée du camp de Ravensbrück. Une nouvelle vie commence.]

    Dès le retour des camps, nous avons ainsi entendu des propos plus déplaisants encore qu'incongrus, des jugements à l'emporte-pièce, des analyses géopolitiques aussi péremptoires que creuses. Mais il n'y a pas que de tels propos que nous aurions voulu ne jamais entendre. Nous nous serions dispensés de certains regards fuyants qui nous rendaient transparents. Et puis, combien de fois ai-je entendu des gens s'étonner: «Comment, ils sont revenus? Ça prouve bien que ce n'était pas si terrible que ça.» Quelques années plus tard, en 1950 ou 1951, lors d'une réception dans une ambassade, un fonctionnaire français de haut niveau, je dois le dire, pointant du doigt mon avant-bras et mon numéro de déportée, m'a demandé avec le sourire si c'était mon numéro de vestiaire! Après cela, pendant des années, j'ai privilégié les manches longues. (...)

    Le départ de De Gaulle en janvier 1946 ne m'était pas apparu comme une catastrophe nationale. Il avait tellement voulu jouer la réconciliation entre les Français qu'à mes yeux les comptes de l'Occupation n'étaient pas soldés. Au procès de Laval, comme à celui de Pétain, il n'y avait pas eu un mot sur la déportation. La question juive était complètement occultée. Du haut au bas de l'Etat, on constatait donc la même attitude: personne ne se sentait concerné par ce que les juifs avaient subi.

    La magistrature (1954)
    [En 1946, Simone Jacob a épousé Antoine Veil, un futur énarque. Ils ont eu trois fils, Jean, Nicolas et Pierre-François. Quelques années plus tard, la jeune femme intègre la magistrature. Elle travaille notamment dans l'administration pénitentiaire.]

    En mai 1954, j'ai enfin pu m'inscrire au parquet général comme attachée stagiaire, à l'issue d'une nouvelle discussion émaillée d'arguments qui se voulaient dissuasifs. Le secrétaire général du parquet de Paris et son adjoint, qui m'ont reçue, n'en revenaient pas: «Mais vous êtes mariée! Vous avez trois enfants, dont un nourrisson! En plus votre mari va sortir de l'ENA! Pourquoi voulez-vous travailler?» Je leur ai expliqué que cela ne regardait que moi. (...) Devant ma résolution inébranlable, ils ont fini par accepter ma candidature. (...)

    De la grisaille générale de la noria des gouvernements émerge pourtant la courte période du cabinet Mendès France, qui m'a passionnée. J'avais beaucoup plus de sympathie pour ce personnage hors du commun que mon mari, très lié au milieu MRP. Pour ma part, je me situais plus à gauche; j'ai d'ailleurs voté socialiste à plusieurs reprises, en fonction des programmes et des personnes. Malgré ces divergences, Antoine et moi nous retrouvions dans l'intérêt que nous portions à l'actualité. Comme beaucoup de non-gaullistes, nous observions le bouillonnement d'idées que symbolisaient entre autres la création de L'Express et l'espérance de voir émerger une troisième force (...).

    Au gouvernement (1974)
    [En 1974, Valéry Giscard d'Estaing est élu président de la République. Nommé Premier ministre, Jacques Chirac confie le ministère de la Santé à Simone Veil.]

    La personnalité du nouveau président s'imposait. Il était aussi impressionnant par sa rapidité d'esprit et sa capacité de travail que par sa prestance personnelle et la haute idée qu'il se faisait de sa fonction. Aussi les nouveaux ministres, moi-même et les autres, marchions-nous sur des oeufs. Lors des conseils, si l'un d'entre nous se mettait à bredouiller, ou s'emmêlait dans ses notes, il n'était pas rare de voir le président froncer les sourcils. Jacques Chirac venait alors à la rescousse du néophyte avec aménité: «Monsieur le Président, je tiens à dire que M. Untel ou Mme Unetelle a très bien travaillé sur ce dossier et a fait tout ce qu'il fallait faire.»

    La loi sur l'IVG (1975)
    [Peu de temps après son arrivée au gouvernement, Simone Veil s'attelle à un sujet qui fait débat depuis des années: l'avortement. Une loi sur l'interruption volontaire de grossesse est à l'étude.]

    Ma tâche me paraissait d'autant plus lourde que la profession médicale, dans l'ensemble, m'acceptait avec réticence. Il ne sert à rien de travestir les faits: face à un milieu au conservatisme très marqué, je présentais le triple défaut d'être une femme, d'être favorable à la légalisation de l'avortement et, enfin, d'être juive. Je me rappelle ma première rencontre avec le groupe de médecins conseillers que Robert Boulin avait constitué quelques années plus tôt. L'accueil qu'ils me réservèrent fut glacial. Je crois bien que, s'ils avaient pu m'assassiner, ils l'auraient fait. (...)

    J'ai rencontré chez les généralistes une quasi-unanimité en faveur de la loi. Quelles qu'aient pu être par ailleurs leurs convictions morales, ces hommes de terrain étaient effarés de voir les dégâts qu'entraînaient les avortements sauvages dans les couches populaires. Il fallait que la loi protège ces femmes. Les riches, si on peut dire, étaient mieux loties: elles partaient se faire avorter clandestinement à l'étranger, en Angleterre ou aux Pays-Bas.

    (...)

    Le texte du projet de loi, rapidement mis au point, a été déposé à l'Assemblée nationale pour examen en commission. C'est alors que les vraies difficultés ont commencé. Une partie de l'opinion, très minoritaire, mais d'une efficacité redoutable, s'est déchaînée. J'ai reçu des milliers de lettres au contenu souvent abominable, inouï. Pour l'essentiel, ce courrier émanait d'une extrême droite catholique et antisémite dont j'avais peine à imaginer que, trente ans après la fin de la guerre, elle demeure aussi présente et active dans le pays. (...)

    Plus nous nous rapprochions de l'échéance du débat, et plus les attaques se faisaient virulentes. Plusieurs fois, en sortant de chez moi, j'ai vu des croix gammées sur les murs de l'immeuble. A quelques reprises, des personnes m'ont injuriée en pleine rue. (...) Je n'avais pas d'états d'âme. Je savais où j'allais. Le fait de ne pas moi-même être croyante m'a-t-il aidée? Je n'en suis pas convaincue. Giscard était de culture et de pratique catholiques, et cela ne l'a pas empêché de vouloir cette réforme, de toutes ses forces.

    La rupture Chirac-Giscard (1976)
    [ Jacques Chirac quitte le gouvernement. Il est remplacé par Raymond Barre, en août.]

    Entre Giscard et Chirac, une fêlure s'était produite, que les entourages de l'un et de l'autre s'étaient vigoureusement employés à transformer en champ de bataille. Pierre Juillet et Marie-France Garaud, du côté de Jacques Chirac, s'en étaient donné à coeur joie, et avaient fini par convaincre le Premier ministre de prendre du champ. Jacques Chirac essaya de m'entraîner avec lui. Ne partageant pas sa critique du président, je n'en voyais pas la nécessité. J'ai donc accepté de conserver ma fonction dans le gouvernement que Giscard, sans surprise pour moi, a prié Barre de former. En fin d'année, j'ai refusé d'adhérer au RPR, nouvellement créé, à la fureur, je dois le dire, de Jacques Chirac et, pendant deux ans, j'ai continué de tracer mon sillon. (...)

    Giscard, privé de l'appui des gaullistes depuis le retrait de Chirac, se trouvait politiquement affaibli. Dé sormais, le 49-3 devenait monnaie courante. Au surplus, la crise économique, conjuguée aux délices et poisons de sa charge, tendait à faire litière de ses meilleures intentions. De plus en plus enfermé dans un palais où ses conseillers lui chantaient des airs convenus, il ne percevait pas qu'il se coupait d'un pays qu'il avait promis de toujours regarder au fond des yeux, mais dont il s'éloignait. Démarré en fanfare, son septennat avait perdu de son éclat.

    Comment s'en étonner? Dans notre système, le président est d'abord un homme seul. Rien ne l'incite au dialogue. Aussi longtemps qu'il est en place, il n'est remis en cause par rien ni personne. Evoluant dans un milieu aseptisé et de plus en plus artificiel, il n'échange qu'avec ses pairs, une poignée de journalistes et une noria de hauts fonctionnaires. (...)

    Raymond Barre et le "lobby juif "
    Dès 1978, un dérapage verbal en Conseil des ministres avait bien failli mettre le feu aux poudres. Raymond Barre avait évoqué le «lobby juif» dans des termes que j'avais jugés déplacés. Après le Conseil, j'avais déclaré au président qu'en cas de nouvelle sortie de son Premier ministre sur le prétendu «lobby juif» je quitterais aussitôt le gouvernement en disant pourquoi. Giscard était intervenu, et Barre avait ensuite doctement expliqué ce qu'il avait voulu dire; à l'entendre, j'avais mal interprété ses propos. Deux ans plus tard, après l'attentat de la synagogue de la rue Copernic, sa langue avait à nouveau fourché. Alors que son ministre de l'Intérieur, Christian Bonnet, évoquait l'hypothèse d'un coup monté et que le président de la République s'abstenait de toute déclaration, Raymond Barre avait déploré la mort, à côté de juifs, de «Français innocents».

    Mitterrand et le 10 mai 1981
    [Ministre de 1974 à 1979, Simone Veil soutient Valéry Giscard d'Estaing à l'approche des élections de 1981.]

    Malgré les réserves que m'inspirait la politique conduite pendant la seconde partie de son mandat, Valéry Giscard d'Estaing me paraissait le seul choix possible. C'est François Mitterrand qui l'emporta, et ce que j'avais redouté se produisit: la France marchait désormais à grands pas vers un désastre économique et monétaire. Pierre Mauroy, dont je connaissais la sagesse et la modération, s'était retrouvé l'otage d'une démarche qui n'avait rien de social-démocrate, mais où triomphaient l'incohérence et l'incompétence, comme je l'ai exprimé à l'époque.

    Heureusement, sous la pression des réalités internationales, une autre politique, plus modérée bien que très chaotique, se mit en place après le tournant de 1983. Il m'a alors semblé que des hommes de bon sens, tels Rocard ou Delors, retrouvaient une audience dans l'opinion face aux options catastrophiques de l'aile gauche du Parti socialiste et des communistes. Cela n'était pas pour me déplaire.

    [Elue présidente du Parlement européen en 1979, Simone Veil a pris une dimension internationale et juge, de Strasbourg, l'action du nouveau chef de l'Etat.]

    (...) Ainsi va la politique: Mitterrand, dont je détestais les ambiguïtés et condamnais vigoureusement l'alliance avec les communistes, ce nouveau président dont la politique intérieure me paraissait suicidaire pour le pays, se montra tout aussi attentif à la construction européenne que l'avait été son prédécesseur.

    Les élections européennes de 1984
    [Simone Veil est à la tête d'une liste unitaire (RPR-UDF) aux élections européennes.]

    Nous sommes partis au combat européen dans l'unité, plus que dans l'harmonie. La composition de la liste m'a presque totalement échappé. En particulier, la présence de Robert Hersant, dont le passé vichyssois était dé sormais connu de tous, ne me faisait aucun plaisir, c'est le moins que l'on puisse dire. On m'avait expliqué qu'il était difficile de se mettre à dos le propriétaire du tout-puissant Figaro. Une fois encore, la politique l'emportait ainsi sur les principes moraux. Ma seule échappatoire se référait à l'ancienne appartenance du patron de presse à la FGDS, le groupuscule politique qu'avait naguère dirigé François Mitterrand. J'avais donc tout loisir de renvoyer les socialistes qui m'attaquaient sévèrement sur ce sujet à leurs propres contradictions, ce que je ne me suis pas privée de faire. Il reste que, pour la première fois de ma vie, j'avais accepté, pour de basses raisons d'opportunité, un compromis qui avait à mes yeux l'allure d'une compromission.

    François Bayrou
    [En 1989, Simone Veil se présente à nouveau aux élections européennes. Son directeur de campagne est François Bayrou.]

    Je ne suis pas près d'oublier une visite calamiteuse que, sur les conseils de François Bayrou, mon directeur de campagne, j'ai rendue à Jean Lecanuet en son fief normand. Je ne me doutais de rien, connaissant Lecanuet depuis le MRP des années 1950, et me souvenant de sa volonté farouche, cinq années seulement plus tôt, de présenter une liste purement centriste. J'arrivais donc à Rouen, où m'attendait une conférence de presse réunie dans son bureau, à la mairie. Ce fut pour entendre Jean Lecanuet déclarer aux journalistes: «Je suis heureux d'accueillir Mme Veil. Simplement, nous ne figurerons pas sur la même liste. Je participerai quant à moi à la liste Giscard.» Je n'invente rien. François Bayrou, que je connaissais alors à peine et auquel je faisais confiance, tant il m'était apparu intelligent et dynamique, venait de me donner la vraie mesure de son caractère, capable en quelques jours d'énoncer avec la même assurance une chose et son contraire, uniquement préoccupé de son propre avenir, qui, depuis sa jeunesse, ne porte qu'un nom: l'Elysée.

    Le personnage demeure incompréhensible si l'on ne tient pas compte de cette donnée essentielle: il est convaincu qu'il a été touché par le doigt de Dieu pour devenir président. C'est une idée fixe, une obsession à laquelle il est capable de sacrifier principes, alliés, amis. Comme tous ceux qui sont atteints de ce mal, il se figure les autres à son image: intrigants et opportunistes. Il a donc pu inventer cette chimère que je risquais de lui faire de l'ombre dans sa propre trajectoire, puisqu'en toutes circonstances il s'imagine que les autres ne peuvent que le gêner. (...) Les calculs de François Bayrou me laissèrent donc indifférente. Je n'ai jamais eu envie de concourir pour une campagne présidentielle.

    Le Rwanda (1994)
    [En 1994, François Mitterrand est président de la République et Edouard Balladur, Premier ministre, quand éclatent les massacres interethniques dans ce petit pays d'Afrique. Simone Veil est alors ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville.]

    Alain Juppé était d'un commerce agréable. Il fut à l'époque un excellent ministre des Affaires étrangères, fin et attentif aux réalités mondiales. Seule ombre au tableau: l'attitude pour le moins frileuse de la France face au massacre des Tutsi perpétré au Rwanda. Aujourd'hui encore, cette affaire est loin d'être clarifiée. Sans doute la France était-elle plus engagée qu'on pouvait alors le supposer. François Mitterrand, comme ses prédécesseurs, soutenait les Hutu, et la cohabitation ne facilitait pas la tâche d'Alain Juppé. La politique étrangère, surtout africaine, restait à l'époque, comme aux plus beaux temps du gaullisme, l'apanage du président de la République et de quelques proches. Pendant que, par tradition, nous soutenions les Hutu, les Belges défendaient les Tutsi. Cette situation durait depuis longtemps; en somme, comme à l'époque des luttes coloniales en Afrique, chacun avait choisi sa tribu. A cela s'ajoutait la méfiance du gouvernement français à l'égard d'une influence américaine que l'on sentait croître dans la région. Il n'en fallait pas plus pour alimenter l'affrontement entre les ethnies. De tout cela, et de bien d'autres dossiers, il était du reste impossible de parler dans le cadre institutionnel de l'époque. Autant que je m'en souvienne, la question fut à peine abordée en Conseil des ministres et jamais soumise à débat. Aujourd'hui, quand des journalistes viennent reprocher leur silence aux ministres de l'époque, comme cela s'est encore produit dernièrement à mon encontre, ils ne comprennent pas quels freins multiples le système de la cohabitation mettait à notre action.

    Le référendum de 2005
    [Les Français votent majoritairement non au référendum sur la Constitution européenne.]

    Le rejet du texte a été, à mes yeux, catastrophique. Sans doute était-ce une erreur que de soumettre ce projet à référendum. Il est clair que le projet de traité constitutionnel aurait recueilli une majorité massive devant le Parlement, contrairement au résultat qui sortit des urnes. Certains ont toutefois approuvé Jacques Chirac d'avoir pris ce risque, au nom de l'importance de l'enjeu. Ils perdent de vue que telle n'était sans doute pas sa motivation. Comme souvent, celle-ci était purement politique, j'allais écrire politicienne. Le président pensait que le référendum mettrait en difficulté l'opposition, ce qui s'est d'ailleurs avéré, mais son principal résultat fut autre: la manoeuvre se retourna en boomerang contre son auteur, et l'Europe entra, du fait de la France, dans une longue parenthèse de paralysie institutionnelle et fonctionnelle, tandis que l'Elysée, le gouvernement et le pays se retrouvaient durablement affaiblis.

    De Sarkozy à Royal
    [Nommée ministre de la Santé, des Affaires sociales et de la Ville en 1993 (gouvernement Balladur), Simone Veil a alors côtoyé Nicolas Sarkozy, chargé du Budget.]

    C'est dans ce même gouvernement que j'ai fait la connaissance d'un homme aussi vif qu'intelligent, infatigable travailleur, exceptionnellement au fait de ses dossiers: Nicolas Sarkozy. (...) Depuis lors, ce jeune homme a fait parler de lui. Depuis lors, et sans faille, je lui ai conservé amitié et confiance. Nicolas Sarkozy aime se battre. Il n'est à l'aise que lorsqu'il défend ses convictions face à un adversaire de poids. A cet égard, on ne peut pas dire que la dernière élection présidentielle lui aura offert la possibilité d'un combat d'égal à égal. Je suis convaincue qu'il aurait préféré se retrouver face à Dominique Strauss-Kahn, homme d'expérience et de compétence, plutôt que face à Ségolène Royal, plus inconsistante, plus floue dans ses jugements, bien que plus entêtée, jusque dans l'erreur.

    Les femmes
    Je suis favorable à toutes les mesures de discrimination positive susceptibles de réduire les inégalités de chances, les inégalités sociales, les inégalités de rémunération, les inégalités de promotion dont souffrent encore les femmes. Avec l'âge, je suis devenue de plus en plus militante de leur cause. Paradoxalement peut-être, là aussi, je m'y sens d'autant plus portée que, ce que j'ai obtenu dans la vie, je l'ai souvent obtenu précisément parce que j'étais une femme. A l'école, dans les différentes classes où j'ai pu me trouver, j'étais toujours le chouchou des professeurs. A Auschwitz, le fait que je sois une femme m'a probablement sauvé la vie, puisqu'une femme, pour me protéger, m'avait désignée pour rejoindre un commando moins dur que le camp lui-même.





    399 pages
    22,5 €
    147,59 FF

    Source: L'express livres






  • Catégories : Livre

    J'ai lu:"Poèmes à la nuit " de Rainer Maria Rilke

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    Préface de Marguerite Yourcenar
    Édition bilingue
    Traduit de l’allemand et présenté par Gabrielle Althen et Jean-Yves Masson

      112 pages
    10,50 €
    ISBN : 2-86432-189-0

     

    Résumé

     

         Si ce poète habitué aux visitations angéliques s’est voulu insubstantiel, humble, dépouillé jusqu’à la transparence, c’est qu’il se savait né pour transmettre, pour écouter, pour traduire au risque de sa vie ces secrets messages que les antennes de son génie lui permettaient de capter ; enfermé dans son corps comme un homme aux écoutes dans un navire qui sombre, il a jusqu’au bout maintenu le contact avec ce poste d’émission mystérieux situé au centre des songes.
         Du fond de tant de dénuement et de tant de solitude, les privilèges de Rilke, et son mystère lui-même, sont le résultat du respect, de la patience, et de l’attente aux mains jointes. Un beau jour, ces mains dorées par le reflet d’on ne sait quels cieux inconnus se sont écartées d’elles-mêmes, pareilles à la coque fragile et périssable d’un fruit formé dans la profondeur de ces paumes, et dont on ne saura jamais s’il doit davantage à la lumière qui l’a mûri, ou aux ténèbres dont il est issu.

         (Extrait de la préface de Marguerite Yourcenar)
         Les Poèmes à la nuit, traduits ici pour la première fois intégralement en français, ont été offerts par Rilke à Rudolf Kassner en 1916 et sont l’une des étapes essentielles de la genèse des Élégies de Duino.



     

    Un extrait du recueil

     

         Un tel souffle, ne l’ai-je pas puisé au flux des minuits,
         pour l’amour de toi, afin que tu vinsses
         un jour ?
         Parce que j’espérais apaiser ton visage
         par des splendeurs à la force presque intacte,
         une fois que dans l’infini de ce que j’en suppose
         il reposerait en face du mien.
         Sans bruit, de l’espace advenait à mes traits ;
         afin de suffire au grand regard levé en toi,
         mon sang miroitait et s’approfondissait.

         Quand à travers la pâle division de l’olivier
         la nuit régnait avec plus de force, de toutes ses étoiles,
         je me dressais, je me tenais debout et me
         renversais en arrière, et recevais la leçon
         dont jamais ensuite je n’ai compris qu’elle venait de toi.

         Ô quelle forte parole fut semée en moi
         pour que si jamais ton sourire advient,
         par mon regard je transfère sur toi l’espace du monde.
         Mais tu ne viens pas, ou tu viens trop tard.
         Jetez-vous, anges, sur ce champ de lin
         bleu. Anges, anges, fauchez.



     

    Extraits de presse

     

         La Quinzaine littéraire, 15 juin 1994,
         par Lou Bruder,
         Le ciel de Rilke, l’enfer d’Huelsenbeck

         Ces textes, comme le titre pourrait éventuellement le laisser supposer, ne renvoient en rien à l’immense tuerie en cours de ces années. Il est néanmoins vrai que ces poèmes peuvent, d’une façon inverse, par leur subtil retrait, leur palpitation recluse en poésie pure, apparaître comme en abîme quant aux événements historiques : l’effort désespéré du poète, pris au piège du monstrueux, et cherchant à préserver l’intensité de la grande trajectoire de réconciliation de la vie et de la mort que devait soutenir, en accomplissement éthique, le texte majeur des Élégies de Duino. Ainsi, les Poèmes à la nuit figureraient comme l’oasis d’une inspiration viscéralement menacée en son vaste estuaire d’effusion par l’intrusion des premiers carnages, Marne et Verdun. Contribueront à cet aménagement sécurisant aussi bien les lectures mystiques de Jean de la Croix que la découverte du Coran, avec sa vision de l’Ange surtout, sans parler, il va de soi, des Hymnes à la Nuit de Novalis.
         Par rapport aux Élégies, l’inspiration des Poèmes à la nuit ne sera point distributive, pas multiple. Rilke n’y exalte pratiquement que le seul thème, essentiel il est vrai, de l’Ouvert avec ses mots-clefs, les astres, la lune, le rêve, l’enfoncement – par l’emploi systématique de particules séparables – et qui tous suggèrent un espace transfini d’échange. Un dépaysement flou d’éventuel absorbement phénoménal où culmine, emblématique, l’Ange. Nous sommes aux franges très indécises de ce qui nous dépasse, le sacré.
         Angelus ex-machina
         
    C’est dans ce sens précisément que l’Ange rilkéen est désigné comme terrible : il connaîtrait, par rapport à l’homme et à la mort déjà par lui traversée, l’absolue ultime évolution. Cette articulation cosmique à travers l’ange médiateur peut évidemment paraître spécieuse, sinon factice, dans la mesure où il n’y a aucune infrastructure théophanique ou spirituelle, aucune collectivité minimale qui la conditionne, l’illustre ou l’exalte fertilement. Ange-phantasme esthétique ? Ange de secrète surcompensation pour perte de recours au ciel chrétien depuis Copernic ? L’Ange rilkéen, aussi admirable que soit son projet, aussi bien fondu en poésie qu’il soit, semble, à bout d’emploi, ne figurer qu’une intensité d’intention, sans vertu spéculative centrale et proche d’un certain kitsch préraphaélite.
         Angelus ex-machina ? Rilke serait-il, sur ce point au moins, « ce moineau paré des plumes du paon » (...des plumes de l’ange ?) que dénonçait, en 1910, le jeune poète Georg Heym ? Quoiqu’il en soit, l’Ange de Rilke ne constitue sans doute, mais assez pathétiquement, que le très crépusculaire avatar de l’épiphanique « transhumanare » appelé par Dante. Car Rainer Maria Rilke, comme Wagner par exemple appartient à ces désorientés éperdus de transcendance dans le tohu-bohu de leur époque, fait partie de ces nombreux artistes qui voudraient « célébrer » là où il n’y a plus rien à célébrer. C’est « Le Cri » du tableau de Münch...
         [...] Quant aux précieux textes de Rilke, ils sont à leur comble dans la traduction de Jean-Yves Masson et de Gabrielle Althen.

     

         Réveil, juin-août 1994,
         par Gérard Bocholier,

         « Adapter les choses soumises au temps au monde moins menacé, plus calme, plus éternel, de l’espace pur ». Telle est la fonction de la poésie, exprimée par Rilke dans une lettre à Lou Andreas-Salomé du 8 août 1903. Poèmes à la nuit la réalise de manière admirable dans cette petite suite de vingt-deux textes écrits de janvier 1913 à février 1914, offerts à l’ami et confident Rudolf Kassner à un moment où l’ambitieuse entreprise de création des Élégies de Duino se trouvait interrompue.
         Cet ensemble, qui pourrait paraître mince, s’avère d’une richesse et d’une pureté très considérables. Ordonné autour du grand thème nocturne, bien sûr dans la lignée de Novalis, mais peut-être surtout de Jean de la Croix et du Coran, découverts pendant le séjour en Espagne de 1912-1913, le livre place la figure du poète dans la situation la plus cruciale, celle de la veille dans la nuit, comme à la lisière d’un gouffre, sur le fléau de la balance immense de la vie et de la mort. Le dehors et le dedans sont si proches qu’ils semblent tout à coup ne faire qu’un, « dans un seul espace indistinct, d’une extension et d’une limpidité absolues » :
              Et maintenant cela consent et nous atteint au visage
              comme l’aimée lève les yeux ; cela se déploie
              face à nous et peut-être disperse
              en nous son existence. Et nous n’en sommes pas dignes.
         Nous voici « de l’autre côté de la nature », là où le visage de l’homme « se communique à l’âpreté des espaces qui lui sont étrangers », offert aux « mains des vents », dans une sorte de rêve qui « vient comme tombe une balle » dans des mains tendues en retour. « Tout, ou presque rêve », et la belle image du filet « de rapides mailles d’ombre » fait encore passer une main souveraine et « très lointaine », capturant « d’un grand geste », avant que les mailles ne libèrent, pour laisser fuir « à la dérive », les choses et les êtres. Car la nuit rilkéenne demande qu’on s’abandonne, qu’on lui ouvre sans résistance son cœur et sa vie :
              Je veux n’être qu’offrande. Agis. Pénètre
              autant que tu le peux.
         C’est en entrant dans « l’espace intérieur du monde » (der Weltinnenraum), en mourant à la vie consciente qui enserre et définit les choses, en s’appliquant par exemple « à être impassible comme les pierres/serties dans la forme pure », que Rilke sait devenir accueil et adoration, limpidité et vérité :
              l’ange attend que je me fasse plus limpide.
         Loin de lui ces « mauvaises nuits falsifiées », qui ne sont que la caricature de la seule vraie nuit, qu’il compare à la Terre, maternelle et nourricière. « L’obscur de la terre » se respire, il s’agit de le faire circuler en soi, mais aussi de le pénétrer d’une connaissance attentive, intuitive, aussi aérienne que possible :
              Élève l’aire de ton cœur.
              Les anges soudain
              Voient la récolte.
         Rilke aspire à cet « espace angélique » où se diffusent sans fin les sentiments, à ce « domaine pleinement achevé » où les anges marchent « enthousiasmés par ce qu’ils ont à accomplir ». Au moins peut-il s’alléger, alléger son poème pour qu’une inestimable complicité le relie à la nuit, complicité toujours reçue comme une grâce, quelquefois avec un tremblement de la voix et du regard, comme un vacillement d’étoile perdue dans un coin des ténèbres, tant les puissances invisibles sont éprouvantes pour celui qui communique avec elles :
              et des heures plus grandes que nous ne le demandions
              s’avancent à tâtons, prenant appui sur nous.
         La phrase poétique de Rilke accuse cette flexion de l’être tout entier sous cette pesée des ombres. Elle isole le visage avec ses yeux « pleins de larmes », « la crête de la montagne » vers laquelle il se tourne, « la lueur d’une éclaircie déchirant le ciel », la silhouette solitaire du berger qui veille et vibre à tous les signes,
              et les ombres des nuages
              le traversent, comme si l’espace pensait
              de lentes pensées à sa place.
         Les esquisses et les poèmes qui complètent dans cette édition le cahier des vingt-deux poèmes ne font que confirmer l’importance vitale de la nuit pour Rilke et sa poésie : nuit habitée de souffles et de fantômes, nuit protectrice et mythique, nuit de l’acheminement vers la mort enfin rendue à la totale transparence, vers sa lumière noire qu’il faut laisser se répandre dans tous les poèmes, pour faire lever le seul langage qui célèbre sans rien briser, sans rien figer. Comme Marguerite Yourcenar, dans son texte écrit en 1936, resté inédit jusqu’à ce jour et donné en guise de préface à ce volume, a raison d’insister sur toutes les formes de respect de Rainer Maria Rilke : respect pour les hommes, pour le silence, pour l’amour ! Et comme elle fait bien de terminer par son respect pour la mort, « le fruit qui est au centre de tout », comme proclame Le Livre de la Pauvreté et de la Mort ! Sans ce respect-là, les Poèmes à la nuit ne nous apparaîtraient pas comme l’adieu d’un être en train de se dissoudre, ni comme les chants du miraculeux passage vers le jour infini.

     

         Europe, mars 1994,
         par Charles Dobzynski,
         Les quatre vents de la poésie

         [...] Ernst Meister, dans un poème, invoque le cri pathétique de Rilke : « Vous les êtres, où êtes-vous, qui tenez les mots et nous tenez ?/ Vous les anges ? » Rilke, décidément indissociable, en langue allemande, d’une quête et d’une approche de l’absolu aux résonances universelles.
         Des œuvres inédites en français du grand Pragois nous sont proposées au fur et à mesure de leur entrée dans le domaine public. Il existe désormais de nombreuses versions des livres clés, notamment des Élégies de Duino et des Sonnets à Orphée. On remarquera, touchant ces derniers, dans l’Anthologie de J.-P. Lefebvre, les belles traductions de Maurice Regnault dont les lecteurs du numéro « Rilke » d’Europe eurent la primeur.
         On s’amusera à comparer aussi dans les Poèmes à la nuit de Rilke, traduits et présentés par Gabrielle Althen et Jean-Yves Masson (une traduction enfin intégrale de ces pièces jusqu’ici éparpillées !), le traitement de ce qui fut appelé « Trilogie espagnole » dans les « Poèmes épars » traduits par Philippe Jaccottet, avec la méthode des nouveaux traducteurs. Philippe Jaccottet montre plus de grâce, de rythme, d’élan, de légèreté (il n’hésite pas à « alléger »). G. Althen et J.-Y. Masson, pour leur part, s’en tiennent au texte, tel quel, avec le souci constant d’en restituer toutes les nuances. Au risque d’une certaine pesanteur de la phrase circonvolutive. Cette rigueur commande la mise en français des poèmes-titre, escortés d’un petit ensemble « d’esquisses contemporaines ». Ce livre est placé comme une balise sur la route des Élégies de Duino dont il constitue en quelque sorte le banc d’essai ou la préfiguration la plus immédiate. Ce n’est pas tellement la préface de Marguerite Yourcenar (plus haut citée, écrite en 1936 pour un hommage à Rilke et restée impubliée) qui en éclaire le plus finement la démarche et la signification profonde, mais la postface des deux traducteurs-poètes. Ils ne se contentent pas de souligner le lien référentiel avec les Hymnes à la nuit de Novalis. À l’écart de cette évidence, ils empruntent une autre piste : « l’accent mis sur la dimension nocturne doit beaucoup aussi, et peut-être même davantage, au séjour en Espagne (fin 1912, début 1913), à la lecture de mystiques espagnols comme Jean de la Croix et surtout à la lecture du Coran, que Rilke découvrit au cours de ce voyage ».
         Passionnant coup de projecteur sur le parcours intellectuel si complexe de Rilke, accompagné de ses anges, et qui, proclamant « je veux n’être qu’offrande » nous fait en chemin l’offrande de quelques-uns des poèmes parmi les plus mystérieux et envoûtants de son œuvre.

     http://www.editions-verdier.fr/v3/oeuvre-poemesnuit.html

     

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    Je suis en train de lire: "Taj" de Timeri N. MURARI

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    Taj Mahal. C'est le nom que l'on donne à ce fabuleux mausolée moghol de marbre blanc bâti pour l'amour d'une femme. Il fut construit par l'empereur Shah Jahan pour recevoir le corps de sa deuxième épouse, Mumtaz-i-Mahal, morte en couches en 1631. Son trépas brisa le coeur de l'Empereur dont les cheveux seraient devenus gris en une nuit. Ses extravagances architecturales précipitèrent sa chute : il fut déposé par son propre fils. Pendant vingt-deux ans, vingt mille hommes travaillèrent jour et nuit pour satisfaire le désir impérial. Ainsi se dressa pour l'éternité le Taj Mahal, mausolée de marbre blanc orné d'or, d'argent et de pierres précieuses incrustées dans le marbre. Voici restituée sous nos yeux la vie à la cour des Grands Moghols, celle des fêtes fastueuses, des harems et des jardins qui nous est racontée par les peintures et les miniatures indiennes. Voici aussi l'incroyable épopée de la construction de ce monument, tout aussi prodigieuse que l'amour qui l'a fait naître. Elle fait revivre les luttes de pouvoir, les conflits religieux, l'opulence des palais ainsi que le fidèle dévouement de ces artisans qui ont tissé l'histoire du Taj Mahal.

    http://www.evene.fr/livres/livre/timeri-n-murari-taj-28341.php

    Roman traduit de l'anglais(Inde) par Pascal Debrock. Aux éditions Picquier poche.
    Grâce à Absolu/Cécile(cf.ma liste de liens) de la bibliothèque de Saint-Quentin. Merci à elle.
    C'est intéressant, romanesque, érotique, triste, poétique et beau.

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    J'ai lu:"A coups redoublés" de Kenneth Cook

    1900143199.gifUn huis clos tragique, le temps d’un samedi soir, dans un bar-discothèque où vont
    se heurter les trajectoires de personnages plus ou moins fortement imbibés qui
    cèdent à leurs pulsions ordinaires.
    Une interrogation terriblement moderne sur les pulsions bestiales de l’homme
    « civilisé »


    http://livre.fnac.com/a2044571/Kenneth-Cook-A-coups-redoubles

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    Je suis en train de lire:Colum Mac Cann,"Zoli"

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    Colum Mc Cann
    © Ulf Andersen

    Né dans une famille catholique dans la banlieue de Dublin en 1965, Colum McCann est très tôt familiarisé avec le monde de l’écriture puisque son père est journaliste et éditeur.
    Après des études de journalisme au St Joseph’s College - la seule formation de journalisme en Irlande à l’époque - il se lance, dans les années quatre vingts, comme rédacteur notamment pour le Evening Herald ou le Evening Press.

    À vingt-et-un an, il décide de s’embarquer pour un tour des États-Unis à bicyclette qui va durer deux ans. Durant ce périple de plus de 20 000 kilomètres, il multiplie les petits boulots et, de cette expérience, sur les pas de Kerouac, il va tirer La rivière de l’exil, son premier roman.

    Après un séjour au Japon, il décide de s’installer aux Etats-Unis, à New-York, où il enseigne le creative writing au Hunter College.
    Sa passion pour l’écriture l’a conduit au cinéma. Il a signé les scénarios de La Rivière de l’exil et de Beautiful Kid en 2003. A noter également que l’adaptation de Ailleurs en ce pays a été nominée aux Oscars 2005.

    A quarante trois ans, Colum McCann est un romancier unanimement reconnu, en témoignent ses écrits parus dans de celèbres magazines tels que The New York Times, The Guardian, Die Zeit ou encore Paris Match. Son succès est international : son dernier roman, Zoli, a été traduit en vingt-six langues.

    In English


    Bibliographie

    - Zoli (Editions Belfond, 2007)
    - Danseur (Editions Belfond, 2003)
    - Ailleurs, en ce pays (Editions Belfond, 2003)
    - La Rivière de l’exil (Belfond, 2001)
    - Les Saisons de la nuit (Belfond, 1999)
    - Le Chant du coyote (Belfond, 1998)


    Liens

    Site officiel de Colum McCann


    Présentation de Zoli

    Les plaines de Bohême à la France, en passant par l’Autriche et l’Italie, des années trente à nos jours, une magnifique histoire d’amour, de trahison et d’exil, le portrait tout en nuances d’une femme insaisissable. Porté par l’écriture étincelante de Colum McCann, Zoli nous offre un regard unique sur l’univers des Tziganes, avec pour toile de fond les bouleversements politiques dans l’Europe du XXe siècle.

    Tchécoslovaquie, 1930. Sur un lac gelé, un bataillon fasciste a rassemblé une communauté tzigane. La glace craque, les roulottes s’enfoncent dans l’eau. Seuls en réchappent Zoli, six ans, et son grand-père, Stanislaus.

    Quelques années plus tard, Zoli s’est découvert des talents d’écriture. C’est le poète communiste Martin Stránský qui va la remarquer et tenter d’en faire une icône du parti. Mais c’est sa rencontre avec Stephen Swann, Anglais exilé, traducteur déraciné, qui va sceller son destin. Subjugué par le talent de cette jeune femme, fasciné par sa fougue et son audace, Swann veut l’aimer, la posséder. Mais Zoli est libre comme le vent.

    Alors, parce qu’il ne peut l’avoir, Swann va commettre la pire des trahisons…

    http://www.etonnants-voyageurs.net/spip.php?article2422

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    J'ai lu: " Lettre A D. ; Histoire D'Un Amour" d'André Gorz

    Tu vas avoir quatre-vingt-deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t'aime plus que jamais. Je porte de nouveau au creux de ma poitrine un vide dévorant que seule comble la chaleur de ton corps contre le mien. " L'auteur du Traître revient avec cinquante ans de recul sur les années décisives de son histoire. Il restait beaucoup à dire. Car ce n'était pas la sienne seulement.

    http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/BOOK/gorz-andre/lettre-a-d-histoire-d-un-amour,1215140.aspx

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    j'ai lu(conseillé par Cécile/Absolu de la BM DE Saint-Quentin)

    Betool Khedairi : Un ciel si proche



    Dans le contexte des guerres irakiennes qui s’allonge indéfiniment, Betool Khedairi offre un regard de petite fille puis de femme de l’intérieur. L’Irak vu depuis la maison, en somme. La politique disparaît derrière les événements intimes que sont la première rentrée des classes ou le spectacle de danse de fin d’année. Les événements publics n’existent que par leurs conséquences sur le plan privé. Le père et la mère ne trouveront jamais la clé du mariage de leurs cultures respectives comme de leur mariage tout court d’ailleurs. Le combat autour de la langue cristallise toutes les crispations…

    http://lecentre-jo.org/article.php3?id_article=449

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    J'ai lu(conseillé par Cécile/Absolu de la BM de Saint-Quentin)

    Gringoland

    Julien Blanc-Gras

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    Julien Blanc-Gras (1970)

    - Sylvie Biscioni

    Julien Blanc-Gras est né en 1976 à Gap, une très jolie petite ville. Très jolie. Mais petite. A 18 ans, il va faire ses études à Grenoble. Il obtient par miracle un deug d’histoire puis une maîtrise en journalisme, alors qu’il sèche tous les cours pour jouer de la basse dans un groupe de pop dont le succès s’étendra presque jusqu’à Valence. Tirant un trait sur cette poussive carrière musicale, il fait ses premières piges au Petit Bulletin, un journal culturel grenoblois, et au Dauphiné Libéré, où il sera menacé de mort pour s’être moqué d’une équipe de pétanque.

    Soucieux d’élargir ses horizons, il profite du programme Erasmus pour aller étudier à Hull, la ville la plus moche d’Angleterre. Il y joue de la guitare dans les clubs et se fait des amis venus des quatre coins du monde, ce qui lui sera bien utile pour squatter à droite à gauche par la suite.

    A l’automne 2001, au moment où le monde s’écroule, il entreprend un périple avec son sac à dos qui durera finalement un an. Mexique, Cuba, Guatemala, Bélize, USA : ce voyage nourrira son premier roman, Gringoland, qu’il écrit retranché derrière une montagne de l’Oisans où il peaufine son niveau en snowboard.

    Durant ses années de branleur, il a aussi exercé les professions d’employé municipal, poissonnier, boulanger, barman, animateur en club de vacances, prof de guitare, horticulteur, distributeur de tracts, traducteur, embouteilleur d’eau minérale à la chaîne, contrebandier de cigares cubains, télé-enquêteur, archiviste, figurant à Bollywood, rédacteur de publi-reportages pour l’industrie porcine (de magnifiques sujets sur la boyauderie et les pieds paquets, notamment)…

    En 2003, armé d’un manuscrit et d’un compte en banque négatif, il s’exile à Paris. Il pige alors pour la presse magazine et la télé (L’Express, Technikart, Nova, Max, Standard, Jasmin, Canal +, Tracks…) pour essayer de payer le loyer de son studio de 20 m2 à Ménilmontant. Ses reportages le conduisent sur les cinq continents (Inde, Colombie, Chine, Australie, Turquie, Maroc, Groland…), mais quand même plus souvent à Boulogne-Billancourt.

    Gringoland sort en 2005. Julien est content : des gens lui disent bravo, on le prend en photo, on lui donne même des prix.
    En 2006, il ne se souvient plus de ce qu’il a fait.
    En 2007, son éditrice le kidnappe dans une résidence camarguaise pour achever Comment devenir un Dieu vivant, un roman qui aura moins de succès que le Da Vinci Code mais qu’il vous recommande quand même.

    A 31 ans, Julien Blanc-Gras trouve qu’écrivain baroudeur est un métier cool, même si ce n’est pas un métier. A cet âge-là, Paul Mc Cartney avait déjà quitté les Beatles, mais on peut pas vraiment comparer. http://www.commentdevenirundieuvivant.fr

    http://www.audiable.com/livre/?GCOI=84626100140130&fa=author&person_id=64&publishergcoicode=84626

    MERCI A CECILE POUR CETTE DECOUVERTE ... ET POUR CES MOMENTS PASSES ENSEMBLE JUSQU'A CE MIDI MEME

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    George Steiner. Les Livres que je n'ai pas écrits

    1578c75ed92e30f37d6b4ac93dd948e2.gif « Un livre non écrit est plus qu'un vide. Telle une ombre active, il accompagne l'œuvre réalisée, avec ironie autant que tristesse. C'est le livre que l'on n'a pas écrit qui aurait pu faire la différence. Qui aurait pu nous permettre d'échouer mieux. Ou peut-être pas. »

    Pour en savoir plus:http://www.gallimard.fr/Vient_de_paraitre/accueil.go?cgi=/gallimard-cgi/appliv1/ind_ouvrage?ouvrage=0010060916006013204920000

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    F. Laut, Nicolas Bouvier. L'oeil qui écrit

    051bf40d2e367affbaaace89ea9a7773.jpg

    Titre

    Nicolas Bouvier. L'oeil qui écrit

    Auteur

    François Laut

    Paru le

    29/12/2007

    Editeur

    PAYOT

     

     

    RESUME de Nicolas Bouvier

     

     

    Nicolas Bouvier (1929-1998) : écrivain-voyageur ? Sans doute, mais d'abord écrivain tout court, et puis aussi Genevois, poète, photographe...
    A seize ans, celui qui s'emploiera à " raconter le voyage pour apprendre à écrire " sait qu'il veut sillonner le monde et inventer un art de la vie. Il part sur la route de l'Orient, d'abord en auto avec un ami jusqu'à Ceylan, puis seul jusqu'au Japon. Quand il rentre à Genève pour se marier et fonder une famille, il a quasiment dans sa besace la matière des trois livres qui font sa réputation aujourd'hui : L'Usage du monde, Chronique japonaise, Le Poisson-Scorpion.
    Il lui faudra du temps pour les écrire, il lui faudra voyager encore à travers le monde, et aussi voyager dans sa mémoire. Ce portrait se fonde sur des documents inédits : la correspondance de l'écrivain (notamment avec le peintre Thierry Vernet, son meilleur ami), ses feuilles de route et ses carnets. François Laut, qui l'a connu, a également interrogé ses proches. C'est donc un Nicolas Bouvier intime qu'il nous raconte, introspectif, souvent déprimé, toujours ironique, pleinement artiste.
    On suit le Genevois dans les voyages qu'il n'a pas racontés et dans ce qu'il a tu ou écarté des voyages qu'il a racontés. On le voit batailler en poète avec l'écriture et ses démons intimes ; on le voit vivre, aimer, souffrir en consumant son existence.

     

     

    http://www.fabula.org/actualites/article21985.php

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    Jean-Louis Debré, le subtil romancier du Palais-Royal

    Anne Fulda
    15/01/2008 | Mise à jour : 22:39 |
    2e0d6a588e278e6a8c23519b2a05bdc4.jpgLongtemps considéré comme un second couteau de Jacques Chirac, Jean-Louis Debré a peu à peu changé d'image. Il écrit aujourd'hui des romans policiers. Crédits photo : AFP

    Le président du Conseil constitutionnel est aussi écrivain à ses heures. Aujourd'hui, sort en librairie son deuxième livre, Quand les brochets font courir les carpes, une intrigue policière jamais loin des coulisses politiques. On y reconnaît, en creux, nombre de figures de la majorité et de l'actuelle opposition.

    Il y a un temps pour tout. Il y a quelques années encore, Jean-Louis Debré, déjà chatouillé par le démon de l'écriture,ne faisait pas dans la dentelle. Dans son premier roman policier, Le Curieux, paru en 1986, il avait donné à l'un de ses personnages, une prostituée, le nom de Josiane Baladur (avec un seul “l”). L'affaire avait provoqué une froide colère de l'ancien premier ministre, ce que l'on peut comprendre. Désormais président du Conseil constitutionnel, huitième personnage de l'État dans l'ordre protocolaire, le gardien des tables de la loi ne peut plus se permettre ce genre de petites facéties.

    Son dernier roman, Quand les brochets font courir les carpes (éditions Fayard Noir), dédicacé à sa femme Anne-Marie disparue il y a quelques mois, ne recèle pas, en apparence, de bombes à retardement. Mais un lecteur attentif humera, dans ce roman policier qui furète dans les coulisses du pouvoir politique, le doux fumet de la nostalgie d'un monde qui n'est plus. Et aussi une critique douce-amère des mœurs politiques d'aujourd'hui.

    L'ancien président de l'Assemblée nationalene le cache pas. Il ne se sent pas à l'aise avec notre époque. «On a changé de monde, constate-t-il, les idéologies sont mortes. Aujourd'hui, tout va vite, très vite. Il s'agit de conquérir le pouvoir et d'y rester.» Est-ce vraiment bien nouveau ? Debré hausse les épaules. Il regrette que «la politique soit devenue un métier du spectacle» . «C'est comme ça, c'estle système actuel, mais ce n'est pas le mien», déplore-t-il. Ne vise-t-il pas, plutôt qu'un système, Nicolas Sarkozy ? Il assure que non, la main sur le cœur. Mais à lire certains passages de son livre on peut se poser la question. Page 33, il évoque «un nouveau chef de l'État connaissant à merveille les patrons de presse». Page 71, l'un de ses personnages évoque une ministre qui est un «gadget gauchiste du président qui préfère ses adversaires à ses amis». Avant de s'écrier : «Ce sont l'ouverture et la rupture les deux mamelles de la majorité présidentielle !» Page 214, encore, son héroïne, Claire Brégançon (sic), est décrite comme «grisée par la notoriété que lui confèrent ses passages à la télévision ou à la radio, par la meute des courtisans qui peuple les couloirsde la politique, elle s'est laissée enfermer dans un univers aussi réel et éphémère qu'enivrant».

    Jean-Louis Debré n'a jamais, lui, connu l'ivresse du pouvoir. Tout simplement parce qu'il est né dans cet univers. Il n'a jamais, non plus, vraiment cherché à se pousser du col. Au contraire même. Quitte à être des années durant l'une des cibles préférées des moqueurs. Quitte à passer pour un butor borné, un simple porte-flingues de Jacques Chirac et à endosserle rôle du «moins intelligent de la famille», par rapport à son frère jumeau, Bernard, chirurgien devenu ministre d'Édouard Balladur en 1994, et «si brillant», lui.

    Jean-Louis n'a pas cette réputation. C'est vrai. C'est un piètre orateur, au verbe court. Son ton est souvent exagérément solennel. Mais l'homme a cependant à son actif une haute opinion de la fonction politique. Et un véritable sens du service de l'État. Question de gènes, bien sûr. Être le fils de Michel Debré, ce n'est pas rien. Cela laisse des souvenirs d'enfance maintes et maintes fois racontés. De simples souvenirs pour lui, mais des fragments d'histoire du XXe siècle pour d'autres. Rares sont les enfants qui ont usé leurs culottes sur la rampe de l'escalier de Matignon et croisé Khrouchtchev, Adenauer ou Kennedy. Rares sont ceux qui ont vraiment appelé la femme du général de Gaulle «Tante Yvonne», partagé des dîners dominicaux avec les Pompidou ou qui se sont fait aider par André Malraux pour rédiger une dissertation. Cela laisse des traces évidemment. Cela donne une certaine armature morale. Qui s'est surtout révélée lorsque l'ancien député qui a refusé d'être décoré par Jacques Chirac fut élu à la présidence de l'Assemblée nationale. Contrela volonté de Jacques Chirac qui craignait que son protégé ne fut battu par Édouard Balladur. Et, là, du haut de son perchoir, Debré a réussi une mue étonnante. Il est parvenu à faire oublier le chiracôlatre inconditionnel et borné, l'apparatchik aux idées courtes, prêt à tout pour protéger «son» Chirac. Acquérant une imagede grand commis de l'État, il est parvenu à faire oublier le ministre de l'Intérieur de Jacques Chirac qui s'était «tout tapé», entre 1995 et 1997 : les attentats, bien sûr, l'expulsion de l'église Saint-Bernard, mais aussi les charters de sans-papiers («Moi, je m'en suis coltiné 47 et Pasqua, qui a lancé l'idée, un seul !»). Bref, il a gommé une image épouvantable.

    Cette fonction a-t-il dit, en présidant sa dernière séance, face à un Hémicycle qui s'est levé comme un seul homme de droite à gauche fut «l'honneur de sa vie». L'occasion pour lui de prendre sa mesure. Et d'être, enfin, respecté et reconnu pour avoir restauré le prestige de cette vieille institution tout en préservant les droits de l'opposition. Aujourd'hui président du Conseil constitutionnel, et bien décidé à faire bouger cette honorable maison, Jean-Louis Debré goûte encore son plaisir d'avoir su changer de réputation. Il n'est pas peu fier d'avoir reçu une cinquantaine de cartes de vœux de députés de gauche, avec ce texte : «Nous n'avons rien à te souhaiter si ce n'est ce qui est inscrit sur cette feuille du Journal officiel (compte rendu d'une séance à l'Assemblée) : “Rendez-nous Debré !”.»

    Il sourit avec cet air triste, presque désolé, qui est sa marque de fabrique. Il le sait, ces années-là lui ont permis, enfin, de s'émanciper. De montrer qu'il n'était pas que l'obligé de Chirac.

    Les relations entre les deux hommes sont d'ailleurs plus complexes qu'elles en ont l'air. Elles sont faites de petites fâcheries et de grands services. D'affection réelle et d'échanges téléphoniques banals «Qu'est-ce que tu fais ?», «Où es-tu ?» , forgés à l'époque épique de la campagne présidentielle de 1995.

    Le président du Conseil constitutionnel est devenu au fil des ans à la fois le confident, le psychothérapeute et la nounou de l'ancien président. Mais l'ancien maire d'Évreux, à qui Chirac a confié, un jour de 1994, au creuxde la vague, «je te considère comme mon fils», n'est pas dupe.

    Il connaît «son» Chirac sur le bout des doigts.Il sait qu'il a toujours mêlé affectivité et relations professionnelles. Il sait qu'il a désigné d'autres fils adoptifs dans sa longue carrière. Fils d'un jour, fils répudiés ou adulés, il y a eu de la concurrence. Et, même si Debré est l'un des seuls à avoir tenu sur la distance, il a dû avaler pas mal de couleuvres. Il n'a jamais eu ce ministère de la Défense dont il rêvait tant. Il adû défendre le quinquennat, lui le fils de Michel Debré. Il a dû accepter la disparition du RPR.

    Qu'importe alors que Chirac se retrouve à nouveau seul, il est toujours là, à ses côtés.Et a toujours à l'esprit cette anecdote qu'il aime souvent relater. C'est ce souvenir d'enfant qui se réjouissait de voir arriver, lorsque son père était premier ministre, des boîtes de chocolats par dizaines. Puis qui constata, son père parti de Matignon, qu'il n'y avait plus de cadeaux. Plusde chocolats, ni de bonbons, si ce n'est ce paquet de calissons d'Aix envoyé, chaque année, et jusqu'à la fin de sa vie, par un fidèle admirateur du père de la Ve République. Debré se targue un peu d'être le paquet de calissons d'Aix de Chirac.

    http://www.lefigaro.fr/actualites/2008/01/16/01001-20080116ARTFIG00009-jean-louis-debre-le-subtil-romancier-du-palais-royal.php

  • Catégories : Livre

    Le Nouveau nouveau magasin d'écriture, de Hubert Haddad (Editions Zulma, 640 p. 30 €)

    Puisque c'est la saison des soldes, osons écouler un ouvrage de l'année dernière, la toute fin il est vrai, puisque sa parution remonte à décembre. Il s'agit d'un livre fourre-tout, une sorte de bac aux bonnes affaires, dans lequel on farfouille tout excité par les trouvailles que l'on ne manque pas d'y faire. Après le succès de son Nouveau magasin d'écriture, Hubert Haddad récidive avec le même génie, à un petit bémol près, celui du titre, légèrement bégayant de Nouveau nouveau magasin d'écriture. En plus d'être un objet d'un raffinement sans nom, superbement mis en page et illustré, ce livre est un hymne à l'écriture, dont l'auteur rappelle qu'elle consiste à « apprendre à consigner en langage humain le secret abrasif qui vous distingue de tous et vous rapproche de chacun ». Original sans être pédant, pointu sans être obtus, Hubert Haddad y compile et commente des extraits de livres qu'il aime. Son pavé est aussi un tremplin pour tout écrivain qui sommeille en nous, proposant par exemple des titres d'ouvrage qu'il ne reste plus qu'à écrire. Du plus court (L'ombre jalouse) au plus long (La Nuit de l'Edelweiss ou Dernières lueurs d'un bec de gaz sur le belvédère de la Tortue avant clôture totale de l'œil des vertébrés dans le système solaire). Cela vous inspire ? ◆ M. Ln. Le Nouveau nouveau magasin d'écriture, de Hubert Haddad (Editions Zulma, 640 p. 30 €)
    Source:Télérama.fr

  • Catégories : Livre

    Joseph Conrad, "Au coeur des ténèbres"

    643f59c4c19d2238eaa90af49f021edc.jpgLire des extraits de Au coeur des ténèbres, de Joseph Conrad

    Une plongée dans l'atmosphère étouffante de la jungle africaine, cette terre encore mystérieuse pour les explorateurs européens du XIXe siècle. Comme souvent dans les œuvres de Joseph Conrad, c'est l'ancien marin Marlow qui nous raconte ses aventures exaltantes.

    Le jeune Marlow part en Afrique prendre le commandement d'une embarcation destinée au transport de l'ivoire. Il quitte l'Europe et ses villes sépulcrales pour atteindre les côtes sauvages du continent africain, au terme d'un long voyage. Il remonte rapidement le fleuve vers le comptoir colonial auquel il est affecté. Marlow était attiré depuis l'enfance par le fleuve Congo, ce fleuve sauvage qui ressemblait à un serpent interminable et tortueux sur les livres de géographie.

    En s'enfonçant dans le continent africain, Marlow traverse les âges pour atteindre l'humanité des origines, une humanité intégrée à la nature, une humanité à la sauvagerie effrayante. Le rythme des tambours résonne dans la nuit. La brume s'abat. On sent la fragilité de ces colons perdus au milieu d'un continent étranger, au milieu d'une nature hostile.

    Le roman est dominé par un personnage presque totalement absent : Kurtz, le talentueux aventurier qui ramène plus d'ivoire que quiconque, Kurtz l'énigmatique chef de comptoir perdu dans la jungle… Ce personnage apparaît en creux dans toute l'œuvre : on évoque Kurtz, on craint Kurtz, on critique Kurtz, on évoque la performance de Kurtz, on loue les discours de Kurtz… Kurtz, Kurtz, Kurtz ! Ce nom apparaît sans cesse mais ce personnage reste un mystère. On comprend qu'un lourd secret se dissimule derrière ce nom mille fois répété. Pourtant on en apprendra peu. Nous partagerons la déception de Marlow de n'avoir pas pu mieux connaître cet homme à la fois fascinant et abject. La puissance d'évocation de ce roman est immense.

    Cette œuvre contient en outre une violente charge contre le colonialisme européen du XIXe siècle. Les colons sont assimilés à des rapaces pressés de piller les terres qu'ils « découvrent ». La soif de l'ivoire guide ces hommes prêts à tout braver pour s'enrichir. Cruels mirages… les combats contre les autochtones, les animaux sauvages et les redoutables maladies déciment ces candidats à la gloire.

    Le roman a été librement adapté au cinéma par Francis Ford Coppola en 1979 dans Apocalypse Now. La remontée d'un fleuve inquiétant, la rencontre avec un personnage mystérieux entouré de sa cour sauvage et cruelle… cette quête initiatique a parfaitement été transposée au cinéma grâce à l'interprétation remarquable des deux acteurs principaux, Martin Sheen et Marlon Brando. Le film remporta la Palme d'Or à Cannes en 1979, le César en 1980, deux Oscars et trois Golden Globes.

    -  Lire des extraits de Au coeur des ténèbres, de Joseph Conrad

    -  Lire gratuitement l'œuvre en anglais : http://www.conrad-heart-of-darkness.org

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    ISBN : 208070530X

    http://www.asso-chc.net/article.php3?id_article=312

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    Anti-fêtes

    1179f2797ceb6a0ce686c623e09c7cb1.jpgpar Delphine Peras

    Bonne nouvelle pour tous ceux qui redoutent la fin de l'année et son overdose de famille-bouffe-cadeaux: deux petits livres drôles et méchants apportent de l'eau à leur moulin rabat-joie, avec un mauvais esprit réjouissant.

    D'illustres représentants de ces grincheux - d'Alphonse Allais à Jules Renard, en passant par Pierre Dac, Cioran, Oscar Wilde, etc. - sont à l'honneur dans Je hais Noël, d'Eric Momus, véritable vade-mecum lettré pour repousser l'assaut des hôtes et des offrandes: «Les recevoir du bout des lèvres, du bout des doigts et, enfin, du bout des pieds», conseillait Jules Renard. Pour détendre l'atmosphère, ce bon mot des Nuls: «Quelle est la différence entre un curé et un arbre de Noël? Aucune: dans les deux cas, les boules, c'est pour décorer.»

    Plus pragmatique, Jean-Loup Chiflet indique Comment résister aux fêtes de fin d'année avec moult conseils aussi avisés que facétieux. De l'art de se rebeller en rigolant!

    Comment résister aux fêtes de fin d'année
    Jean-Loup Chiflet

    éd. Chiflet & Cie
    127 pages
    10 €
    65,6 FF

    http://livres.lexpress.fr/critique.asp/idC=13357/idR=12/idG=8
  • Catégories : Livre

    Une nouvelle histoire de la littérature française?

    6122a31ff44214089eddfaec9b4e307a.gifParaissent chez Gallimard, sous la direction de J.-Y. Tadié et directement au format de poche (Folio-Essais), deux volumes d'une nouvelle Histoire de la littérature française, qui entendent répondre à la question : que fut, à chaque grand âge de l'histoire culturelle de la France, la « littérature » pour les contemporains ? Ses auteurs se sont "attaché à marquer une continuité de l'objet à travers les différents visages et configurations qu'il revêtit. Ils ne proposent pas une histoire de la littérature telle qu'en elle-même le temps ne l'aurait jamais changée, mais le récit des acceptions différentes, infléchies que le mot « littérature » reçut tout au long de l'histoire de France."


    http://www.fabula.org/