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  • Catégories : Des lieux

    Mont Ventoux

    e455038d9b9b27d9ae6b2921b3637a00.jpg© Jean-Noël de Soye pour L'Express

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    LEXPRESS.fr du 03/10/2007

    La montagne magiqueJacques Brunel

    Adoré du soleil et du vent, le mont Ventoux est à découvrir à l'automne, quand ce géant de Provence offre aux promeneurs un paysage digne du Yosemite américain.

    ès Bollène, sa masse bleu sombre avertit les voyageurs de l'autoroute A 7. A sa vue, les conducteurs ouvrent les vitres aux parfums de la garrigue: le Ventoux leur dit qu'ils sont en Provence. On peut se fier à cette montagne signal, repérable depuis la mer, et dont le nom aurait signifié «le Visible». Monument naturel, à l'instar du Vésuve dans la baie de Naples, il est aussi connu que le mont Blanc, sans pulvériser des records d'altitude. Il lui suffit d'être un mont isolé, posté dans la plaine. Le Ventoux jaillit d'un bloc dans une envolée rugueuse de rocs et de pins qui, 1 909 mètres plus haut, brandit au-dessus d'Avignon d'extravagants alpages battus par les vents.

    Diaporama

    © Jean-Noël de Soye pour L'Express


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    Le mont structure des pays aux caractères bien tranchés qui ne demandent qu'à vous accueillir. Au sud, les collines tremblantes de chaleur forment une cocagne où on ne se lasse pas de lézarder. Où goûter l'agneau local fondant et naturellement parfumé avec un côtes-du-ventoux? un melon de Cavaillon rafraîchi d'un muscat-beaumes-de- venise? Ce peut être à Venasque, «plus beau village de France» qui, tel un vaisseau, domine une mer de vergers ourlée de garrigue épaisse. Ou à Pernes-les-Fontaines, bourg fortifié que 40 fontaines moussues irriguent en permanence. Ou encore au Barroux, château Renaissance dont les tours blondes sont un peu la vigie du Comtat.

    Filez vers l'est en vous repérant au Ventoux. Après des plateaux à garrigue hérissés de rares villages, les gorges de la Nesque sont le fil d'Ariane qui vous guide vers la Provence de Giono. Elle débute au val de Sault, dont les coteaux d'altitude (750 m) sont brodés en violet par une lavande grand cru. En été, quand on la distille dans les champs, une capiteuse odeur de propre embaume jusqu'à Monieux, un vallon pour poètes au creux de crêtes mauves. Rude, mais l'oeil qui frise, Jean-Paul Giardini y incarne la néoruralité dans toute sa richesse. Plantant là les hôtes de sa ferme-auberge, il emmène son limier, à l'aube, flairer les cabasses (truffes) dans les chênaies qui lui sont adjugées. L'été, Giardini prend son téléphone portable et pousse par les drailles touffues de buis, d'euphorbes et de genévriers son troupeau de brebis tintinnabulantes jusqu'aux alpages.

    Plus au nord, le val du Toulourenc est un bout du monde encaissé. C'est là, au hameau de Savoillans, que vit et peint Dragan Dragic, ex-membre de l'école de Paris, qui expose désormais chez Ducastel, à Avignon. «Le mont Ventoux, dit-il, dégage un rare mystère, à la fois doux et dur. Il semble infranchissable, intouchable. Comme un dieu ancien qui nous surveillerait. Je le vois en Moby Dick. Et quand la baleine blanche apparaît sur mes toiles, je me réjouis qu'elle y soit venue d'elle-même.» Vu d'ici, en effet, le Ventoux n'est plus un lustre débonnaire et lointain, mais un barrage qui obstrue l'horizon. La potière et ses deux amies, qui tiennent salon de thé à Brantes - beau village perché où régnaient les aïeux d'Emmanuel de Brantes, le fameux noctambule (!) - ne se lassent pas de le voir descendre ou hisser les nuages, verdoyer, jaunir ou se blanchir de neige.

    On peut monter au Ventoux par trois routes. Les cyclistes prennent le départ à Bédoin: de là s'élance le peloton du Tour de France. Lance Armstrong confie qu'il n'a jamais rien monté de plus dur: quel que soit l'angle d'attaque, les 25 kilomètres menant au sommet sont longs, la pente forte et sans repos, le soleil terrible. C'est excitant, et l'on vient jusque d'Australie se mesurer au mythe. Tandis que les villages alentour se muent en temples du vélo, certains jours les passionnés sont plusieurs centaines à haleter roue contre roue dans ces paysages alpins. A la descente, ils déposeront en offrande leurs Rustine et leurs bidons vides sur la stèle de Tom Simpson, champion anglais tué par le Ventoux en 1967.

    Mieux vaut gravir le mont magnétique à pied. En 1336, le poète Pétrarque inventa l'alpinisme en grimpant sur le géant bleu à seul fin d'admirer le paysage. C'était une première. Aujourd'hui, après quelques heures, le GR 4 vous dépose au Mont-Serein, où une station de ski s'est postée. Quatre cents mètres vous séparent du sommet, une île de cailloux perdue en plein ciel, un pierrier martien. un coup d'oeil au panorama dévoile - si le temps s'y prête - le mont Blanc et l'Aigoual, les molles crêtes du Luberon et les collines des Baronnies, aux formes baroques. Des dizaines de kilomètres de crête - notamment sur le GR 9 - prolongeront sans effort ce vol d'aigle par des paysages d'éboulis dignes des grands parcs américains, Yosemite ou Bryce Canyon. L'abondance de fraisiers, de framboisiers, d'orchidées sauvages et de 1 200 végétaux (sans compter mouflons et chamois) a valu au Ventoux d'être classé par l'unesco réserve de biosphère. Depuis longtemps, on parle d'un parc naturel régional. Le souvenir d'anciennes rivalités et la pression des chasseurs ont reporté sa création. Les esprits changent, et le Ventoux, c'est sûr, aura le dernier mot.

    http://www.lexpress.fr/info/region/dossier/vfrance/dossier.asp?ida=460302&p=2