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  • L'Officiel des spectacles n°3842 dans les kiosques

    Couverture L'Officiel des spectacles n°3842

    EXPOSITIONS
     
    Anselm Kiefer, Pour Paul Celan au Grand Palais Éphémère
    Anselm Kiefer, Pour Paul Celan au Grand Palais Éphémère

    Anselm Kiefer est le premier plasticien à investir l’intégralité de l’espace du Grand Palais Éphémère. Ses œuvres dialoguent avec la poésie inapaisée du poète allemand Paul Celan.

    Plus d'informations •••

    Et aussi... :

    • Hip-Hop 360 à la Philharmonie de Paris
    Une vision à 360° d’un mouvement artistique et culturel à l’énergie sans limite.
    • Tarots enluminés au Musée Français de la Carte à Jouer (Issy-les-Moulineaux)
    Des chefs-d’œuvre de la Renaissance qui apportent des lumières à la connaissance de la peinture italienne de ce siècle.
    • La Guerre des moutons aux Archives nationales
    À travers l’histoire de la Bergerie nationale de Rambouillet, une guerre de plus de 200 ans est ici mise en lumière.

    Voir toutes les expositions à Paris •••

     

    CINÉMA
     
    Matrix Resurrections
    Matrix Resurrections

    Dix-huit ans après Matrix Revolutions, Lana Wachowski signe le quatrième opus de la saga de science-fiction. Au casting, on retrouve Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss dans leurs rôles emblématiques : Neo et Trinity.

    Toutes les séances •••

    À l'affiche cette semaine... :

    • Tous en scène 2
    Après le succès du premier opus en 2017, Buster et sa troupe reviennent pour le plus grand plaisir des enfants.
    • Madeleine Collins avec Virginie Efira
    Troisième long-métrage d'Antoine Barraud, un thriller autour de la double vie d'une femme.
    • White Building
    La démolition d'un immeuble historique de Phnom Penh bouleverse la vie d'un jeune cambodgien.

    Voir toutes les sorties cinéma à Paris •••

     

    ENFANTS
     
    Petit Ours Brun, le spectacle ! au Théâtre Libre
    Petit Ours Brun, le spectacle ! au Théâtre Libre

    Retrouvez le héros des tout-petits en vrai ! Ce spectacle, inspiré des histoires parues dans le magazine Pomme d'Api, a reçu en 2017 le trophée de la Comédie Musicale Jeune Public.

    Réservez vos places •••

    Également à l'affiche :

    • Blanche-Neige et les sept nains au Théâtre de la Gaîté-Montparnasse
    Un conte mythique revisité dans une version musicale, poétique, pleine d’humour ! (dès 2 ans)
    • Les Petites Filles modèles à l'Espace Paris-Plaine
    Une nouvelle adaptation théâtrale de la Comtesse de Ségur par Le Théâtre aux Étoiles. (dès 5 ans)
    • Au Pays du Père Noël au Théâtre des Mathurins
    Un spectacle féérique, plein de rebondissements, de chansons et de rires. (dès 3 ans)

    Voir tous les spectacles enfants à Paris •••

     

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    14 rue Lincoln - 75008 Paris - 01 42 25 15 81
  • Mon texte inédit sur ce blog:lettre de motivation

     

    Les vacances sont terminées . On redémarre sur les chapeaux de roue …

    Pour cette quinzaine, j’ai  demandé à Fanfan de prendre la barre   pour le défi N°214

    Alors,  venez vous asseoir sur le pont afin qu’elle nous dicte le devoir à rendre lundi prochain  :

    Pas d’excuse: s’il pleut mettez vos cirés, s’il vente accrochez-vous au mât,

    s’il neige mettez vos bonnets et ouvrez vos oreilles .

    Tout matelot qui se révolte finira  dans la cale avec les rats (ça rigole pas   ) .

    Voici la consigne  :

    Nous allons écrire une lettre pour demander un emploi (sorte de lettre de motivation) ,

    en prose, en vers, en image , comme on veut. Mais il faudra convaincre le futur employeur.

    Dans cette lettre, il faudra  “incorporer”, pour que la mayonnaise tienne,  des titres de chansons .

    Elle a choisi Aznavour (Si on déteste on peut choisir des titres d’un chanteur qui nous convient )

    http://croqueursdemots.apln-blog.fr/2019/01/07/defi-214-fanfan-recrute/

    . Voici les titres (à utiliser dans n’importe quel ordre )

    – Il faut savoir ; la bohème ; non, je n’ai rien oublié ;hier encore ; les plaisirs démodés ;

    je m’voyais déjà ; comme ils disent;tu t’laisses aller; viens pleurer au creux de mon épaule ; la mamma.

     Et pour les jeudis en poésie :

    (chanson ou poème ) sur l’hiver ,le froid, le feu … .

    Bon courage .

    Le Môt de Dômi

    Heu, je peux poser une question

    sans finir dans la cale avec les rats,

    cela dit, j’y rencontrerai Mère Grand et son alcoolique …. heu non son acolyte Jill Bill

    … Voilà ma question, faut-il incorporer “pour que la mayonnaise tienne” <img class="emoji" draggable="false" src="https://s.w.org/images/core/emoji/11/svg/1f644.svg" alt="

    Saint-Etienne le 8 janvier 2018

    Madame, Monsieur,

    Je viens par la présente postuler pour un emploi d’auteur qui se vend.

    Il faut savoir que j’écris depuis l’âge de 7 ans. Un poème publié déjà.

    Je m’voyais déjà chez Pivot, à l’Académie française, avec un prix Goncourt.

    J’ai participé à beaucoup de concours et j’ai gagné des prix, obtenu des diplômes.

    Ma vie ressemblait à « La bohème » décrite dans les chansons et les tableaux.

    Non, je n’ai rien oublié des poèmes tapés par La mamma pour m’aider, ni du mépris de mon père

    Pour mes 14 livres publiés. Hier encore, je commandais des cartes de visite pour me faire connaître.

    Comme ils disent, mes livres parlent de celui-ci ou cela en mal, ils sont trop compliqués

    Comment peuvent-ils le savoir puisqu’ils ne l’ont pas lu ?

    Viens pleurer au creux de mon épaule disent-ils à leur voisin alors que la chair de leur chair

    Demande juste qu’on la lise.

    En espérant que cette lettre vous aura donné envie d’acheter mes livres, veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.

     

    Laura VANEL-COYTTE

     

    8 JANVIER 2018

  • Charles Aznavour - Je m'voyais déjà (Audio Officiel)

    Paroles de Charles AZNAVOUR
    Musique de Charles AZNAVOUR
    © RAOUL BRETON EDITIONS - 1960

     
     
     
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    Paroles de la chanson Je M'voyais Déjà  par Charles Aznavour

    À dix-huit ans j'ai quitté ma province
    Bien décidé à empoigner la vie
    Le cœur léger et le bagage mince
    J'étais certain de conquérir Paris

    Chez le tailleur le plus chic j'ai fait faire
    Ce complet bleu qu'était du dernier cri
    Les photos, les chansons et les orchestrations
    Ont eu raison de mes économies

    Je m'voyais déjà en haut de l'affiche
    En dix fois plus gros que n'importe qui mon nom s'étalait
    Je m'voyais déjà adulé et riche
    Signant mes photos aux admirateurs qui se bousculaient

    J'étais le plus grand des grands fantaisistes
    Faisant un succès si fort que les gens m'acclamaient debout
    Je m'voyais déjà cherchant dans ma liste
    Celle qui le soir pourrait par faveur se pendre à mon cou

    Mes traits ont vieilli, bien sûr, sous mon maquillage
    Mais la voix est là, le geste est précis et j'ai du ressort
    Mon cœur s'est aigri un peu en prenant de l'âge
    Mais j'ai des idées, j'connais mon métier et j'y crois encore

    Rien que sous mes pieds de sentir la scène
    De voir devant moi un public assis, j'ai le cœur battant
    On m'a pas aidé, je n'ai pas eu de veine
    Mais au fond de moi, je suis sûr au moins que j'ai du talent

    Mon complet bleu, y a trente ans que j'le porte
    Et mes chansons ne font rire que moi
    J'cours le cachet, je fais du porte à porte
    Pour subsister je fais n'importe quoi

    Je n'ai connu que des succès faciles
    Des trains de nuit et des filles à soldats
    Les minables cachets, les valises à porter
    Les p'tits meublés et les maigres repas

    Je m'voyais déjà en photographie
    Au bras d'une star l'hiver dans la neige, l'été au soleil
    Je m'voyais déjà racontant ma vie
    L'air désabusé à des débutants friands de conseils

    J'ouvrais calmement les soirs de première
    Mille télégrammes de ce Tout-Paris qui nous fait si peur
    Et mourant de trac devant ce parterre
    Entré sur la scène sous les ovations et les projecteurs

    J'ai tout essayé pourtant pour sortir du nombre
    J'ai chanté l'amour, j'ai fait du comique et de la fantaisie
    Si tout a raté pour moi, si je suis dans l'ombre
    Ce n'est pas ma faute mais celle du public qui n'a rien compris

    On ne m'a jamais accordé ma chance
    D'autres ont réussi avec peu de voix et beaucoup d'argent
    Moi j'étais trop pur ou trop en avance
    Mais un jour viendra je leur montrerai que j'ai du talent

     
     
     
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    La musique , les chansons,Les paysages,la religion, l’art, l’histoire, la presse, les films, les livres, les expos, les infos, les poèmes, l’actu, les œuvres, les artistes, les polars nourrissent ce blog mais aussi mes 14 livres dont "Acrostiches" à acheter ici

  • Chagall, un ange passe

    Le Musée du Luxembourg invite Paris à retrouver la magie du peintre russe au temps de sa jeunesse et à se souvenir de son talent original «entre guerre et paix», don dilué au fil des années et du succès.

    <:figure class="fig-photo fig-photo-norwd" itemscope itemtype="http://schema.org/ImageObject"><i>Le Salut</i>, 1914. Chagall raconte dans son autobiographie, <i>Ma vie </i>(1958), qu'il évite l'enrôlement dans les troupes grâce au frère de sa fiancée. Le peintre magique de Paris (<i>La Chambre jaune</i>, 1911, avec son basculement, sa vache sur le plancher, sa porte ouverte sur un village éclairé par la lune) est employé dans un bureau de Saint-Pétersbourg. Il observe le désarroi des familles, le va-et-vient des soldats. Dans cette petite huile sur carton si moderne, le visage du soldat est infusé de rouge et le gradé a la pâleur grotesque du cinéma muet.

     
    • Chagall est mort sous les fleurs, comme Albine, l'héroïne de Zola dans La Faute de l'abbé Mouret, qui se suicide en s'asphyxiant avec les fleurs coupées du Paradou accumulées dans la chambre aux Amours. Chagall, le jeune peintre instinctif de Vitebsk, a souffert lui aussi de trop d'amour. Overdose énorme comme un ciel rouge d'opéra (1964). Au point que son succès international, si sonnant et trébuchant, a brouillé sa légende et bousculé son piédestal. Saisons après saisons, les grandes ventes d'art moderne de Londres et surtout de New York finissaient irrémédiablement sur un bouquet géant, corail et dru, volant comme le fantôme d'un grand peintre sur un fond éternellement azur. D'où la gageure et l'intérêt de dresser autrement le portrait d'un artiste presque centenaire qui fut intensément doué, rêveur à tous les âges de la vie et au final indifférent aux diktats de son époque (La Madone au traîneau, 1947, venue du Stedelijk Museum d'Amsterdam avec son tourbillon de cheveux en feu et son enfant auréolé).

    • En s'adjoignant le titre de Tolstoï, l'exposition Chagall entre guerre et paix, au Musée du Luxembourg à Paris, ne joue pas seulement sur les mots. La vie de bien des artistes de ce XXe siècle cataclysmique pourrait revendiquer ce titre d'épopée. Mais Chagall, né Moïshe Zakharovitch Chagalov, en 1887, à Liozna, près de Vitebsk en Biélorussie, incarne plus qu'un autre les aléas de l'Europe en guerre. Malgré le contingentement imposé aux Juifs, il part à Saint-Pétersbourg en 1906 étudier auprès de Léon Bakst. Puis à Paris en 1911-1912 s'imprégner de cet art moderne qui réunit les Delaunay, Soutine, Blaise Cendrars, Apollinaire. Puis à Berlin se frotter à l'avant-garde de Der Sturm. Quand il revient en Russie en 1914, il y reste prisonnier huit ans du fait des circonstances, mais ce sort lui permet de se confronter au grand Malevitch. Son repli vers l'Ouest, en 1920, obéit au danger comme à l'amour de la France et de ses bouquets peints (notre héritage!). Seule la guerre le contraint en 1941 à l'exil à New York, pays des grands formats et des grandes causes proclamées. Son retour en 1949 vers la Riviera aux soleils aveuglants finit un scénario dense comme un roman russe.

      Marc Chagall.

      Marc Chagall. Crédits photo : © ADAGP, Paris 2013 / CHAGALL ®© The Museum of Modern Art, New York / Scala, Florence

       

      Une approche du temps arrêté

      Mince, les joues creuses, le nez aquilin et la taille fine pincée dans le costume du jeune homme qui connaît la grande ville, Chagall pose devant un shtetl aux petites maisons basses de bois. Cet Autoportrait devant la maison, 1914, est une huile sur carton marouflé sur toile, matière fluide qui accentue le charme évanescent du jeune peintre au front vert amande et la douceur de la scène primitive. Ce tableau rare sort de sa collection privée pour ouvrir les retrouvailles avec l'œuvre. Toute sa vie, Chagall reviendra par le pinceau à Vitebsk, monde clos qui résiste en bloc à l'adversité, garde son identité par ses ruelles sombres, ses habitants identifiables comme un costume traditionnel, ses animaux domestiqués en famille et sa mignonne architecture de jouet face à l'impériale grandeur russe (La Guerre, 1943, avec son mort couché dans la neige, les bras en croix, dans la rue centrale de Vitebsk).

      <i>Au-dessus de Vitebsk</i>, 1915-1920. Le Musée de Grenoble et le Centre Pompidou ont montré en 2011 la beauté des années russes du jeune Chagall. Habillé de sombre comme la pauvreté, son vieux Juif errant plane dans les airs «au-dessus des maisons», comme le décrit un proverbe yiddish (Polanski reprendra le thème dans Le Bal des vampires en 1967). L'église orthodoxe avec ses bulbes peints et ses pans cubistes, la barrière émeraude qui tend vers la maison rubis (les deux couleurs de l'amour conjugal), la neige universelle qui efface laideur et différences font de ce trésor du MoMA un tableau surnaturel, mélancolique et tendre.

      Au-dessus de Vitebsk, 1915-1920. Le Musée de Grenoble et le Centre Pompidou ont montré en 2011 la beauté des années russes du jeune Chagall. Habillé de sombre comme la pauvreté, son vieux Juif errant plane dans les airs «au-dessus des maisons», comme le décrit un proverbe yiddish (Polanski reprendra le thème dans Le Bal des vampires en 1967). L'église orthodoxe avec ses bulbes peints et ses pans cubistes, la barrière émeraude qui tend vers la maison rubis (les deux couleurs de l'amour conjugal), la neige universelle qui efface laideur et différences font de ce trésor du MoMA un tableau surnaturel, mélancolique et tendre. Crédits photo : © ADAGP, Paris 2013 / CHAGALL ®© The Museum of Modern Art, New York / Scala, Florence

       

      <i>Les Amoureux en vert</i>.

      Les Amoureux en vert. Crédits photo : © ADAGP, Paris 2013 / CHAGALL © RMN / Gérard Blot

       

      L'amour, toujours. Par sa brillance, Les Amoureux en vert, 1916-1917, donne à l'amour conjugal la couleur des pierres précieuses. Le rubis à la robe de Bella aux seins ronds et à la taille qui se creuse. L'émeraude au fond uni, travaillé comme une sculpture abstraite. Le bonheur est beau et lancinant comme Bella et Ida à la fenêtre, 1916, où la composition fait basculer la fenêtre et son univers au bleu très doux, comme un bateau qui tangue. Vue de la fenêtre à Zaolchie, près de Vitebska cette approche du temps arrêté propre à la littérature russe, aux notables à la campagne de Tchekhov, désœuvrés et immobiles. Cette introduction paisible donne tout son sens au charivari qui va suivre (La Nuit verte, 1952, avec Chagall veuf au visage grenat et Bella la défunte au visage solaire).

      Une sale farce

      <i>Le Soldat blessé</i>.

      Le Soldat blessé. Crédits photo : © ADAGP, Paris 2013 / CHAGALL © The State Tretyakov Gallery, Moscou

       

      La guerre est-elle une sale farce? Le Soldat blessé dessiné d'une encre très expressionniste en 1914 cligne presque de l'œil comme un Dybbouk (un «esprit» malicieux en yiddish). Le Vieux et La Vieille, qui s'enfuient, semblent sortir d'une estampe japonaise. La maîtrise de cette main qui dessine magnifiquement en 1920, pour Deuil du poète David Hofstein en hommage aux pogroms de 1919 en Ukraine, ne s'oublie pas. Entre guerre et paix, Chagall puise sans fin dans ces sources à la fois graphiques et poétiques, les surcharge et les restitue comme des rêves déballés en vrac sur le divan. L'Exode est à ce titre un incroyable tableau de 1952-1966 qui mêle crucifixion d'un Christ jaune comme chez Gauguin, Shoah avec son peuple gris uni par le sacrifice, Moïse embrassant les tables divines, mariée en blanc, chèvres, shtetl en feu et Vierge à l'enfant (130 x 162,3 cm!). Cette salle du syncrétisme religieux alterne gros monuments et petits bijoux, comme ces deux petites Crucifixion de 1940 (une huile sur toile du Philadelphia Museum of Art, une aquarelle du Moderna Museet de Stockholm). Cela fera oublier toutes les fleurs de Provence.

       


       

       

      Chagall entre guerre et paix, jusqu'au 21 juillet, Musée du Luxembourg (Paris VIe). www.museeduluxembourg.fr

      LIRE AUSSI:

      » VIDÉO - Chagall, l'inclassable

      » Expositions: les grands rendez-vous de 2013

      » Chagall, un céramiste oublié

      SERVICE:

      » Commandez le catalogue Chagall entre guerre et paix sur Fnac.com 

       
  • Dans ma lecture de ”Plein emploi”:Henri Thomas

    Henri Thomas

     

     

    Henri Thomas

     

    On ne tombe pas dans la solitude, parfois on y monte.

     

    Sans la tendre obstination de Jean-Claude, Pirotte et d'Yves Charnet, George Perros et d'autres passants considérables, les écrits d'Henri Thomas seraient restés dans les toiles d'araignée d'obscures bibliothèques.

     

    On se passait du Henri Thomas en cachette, comme une bonne bouteille arrachée à la cave du temps, comme des mots de passe à nous seuls dédiés. Qui se souvient qu'il eut le prix Fémina en 1961 pour Le Promontoire ?

    Je ne connais pas beaucoup de livres de Pirotte où n'apparaisse une citation de Thomas. Henri Thomas avait percé le secret de l'écriture et plus encore l'écriture du secret.

    Dans la fumée des cabanes, j'ai vu les murs qui m'ont emmuré.

     

    « Belle présence baudelairienne ; blotti en lui-même comme un chat », disait Perros.

    Perros a raison, il y a du chat en Thomas, en boule, semblant indifférent au monde, en retrait dans son seau à charbon, il observe. Il attend pour griffer le réel. Thomas lit aussi ses amis Baudelaire, surtout le Corbière des "Amours jaunes", Laforgue, Léon-Paul Fargue, Rimbaud.

     

    Il n'avait plus d'âge, patriarche malicieux, il regardait le fil du temps comme un fil de pelote de laine, les yeux mi-clos, les mots ouverts, il s'en amusait.

    Pourquoi ce culte non pas satanique, mais angélique qui lui est rendu par quelques-uns ?

    Seize romans tous en clair-obscur, en allusions, en frôlements d'ailes, ont établi sa religion.

    Une seule phrase devrait suffire à amener de nouveaux dévots :

     

    Une rue tourne et passe dans la vitre comme une journée entière, avec sa fatigue.

     

     

     

     

    La vie de tous les jours, la poésie des transparences

     

    L'art de Thomas est ici tout entier, une phrase coutumière, des mots ordinaires, de cet ordinaire qui fait nos vies. Et puis hop, tout bascule par l'alchimie de l'étrange, par cette petite incantation à l'extraordinaire.

    Et la rue a mal au dos, elle titube, elle tourne comme le lait.

     

    L'œuvre d’Henri Thomas dépasse les 50 livres (nouvelles, romans, poèmes, carnets) et il est aussi un grand traducteur de Pouchkine, Shakespeare, Melville, Stifter, Goethe…, et pourtant il reste dans la pénombre de l'actualité. La connaissance du roman d'Ernst Jünger « Sur les falaises de marbre », nous sommes nombreux à la lui devoir pourtant.

    Frôlements, non-dits, il y a un mélange de fatalité et de sérénité assez rare dans son écriture profondément allusive. Ce qui trouble tout lecteur doit être sa sincérité débordante, désarmante.

    « Poèmes, romans, nouvelles, tous les écrits d’Henri Thomas abordent une zone limite, aux frontières du souvenir, dans l'écho du temps et les flottements de l'âme. »

    Simple, simple est sa langue. Classique, classique, même d'un autre temps sont ses poèmes.

    La neige le regarde, il regarde la neige. Les vieux pavés de ses vieux mots font un chemin creux, là sont les Vosges, là sont les noisetiers, au loin les maisons groupées qui fument encore de l'amitié des hommes.

    Transparente est la poésie de Thomas, si transparente que l'on y voit passer des truites.

    Solitaire sans doute, mais solaire, il arpente encore nos jours sa canne à la main, fauchant d'un seul coup les mauvaises herbes, contournant amoureusement les lucioles et le long convoi de deux escargots sur la route de Saint-Jean de Compostelle.

     

     

    Ses poèmes sont immobiles comme des chiens qui ont trop couru et se mettent à l'ombre des mots frais de l'ami Thomas.

    Henri Thomas

    « Il n'y a pas de doute : rien n'a été ennuyeux comme une feuille morte qui courait devant nos pas, s'arrêtait avec nous, reprenait sa course, nous effrayait comme un animal, dans le petit chemin de la Messuguière - mais tout ce qui est séparé de nous par la vitre invisible, toujours pareille, toujours accrue du temps est plongé dans la même magie, doué de la même perfection. Corps des filles disparues, vous me soulevez encore en esprit, parfaites. » (La joie de cette vie)

     

    Il y règne un grand midi, il y coule des rêves de sources. Il pleut sur les framboises.

    Elles rougissent cependant car Henri Thomas enlace souvent l'érotisme.

     

    « Il est évident que là comme ailleurs l'enfant est le père de l'homme, mais quelle étrange paternité ! Un petit démon craintif, ayant lui-même pour principe une sorte de bébé de feu, entièrement pétri de désirs sans nom, qui lui font un corps invisible toujours éveillé, nuit et jour. Bébé de feu, homme vieillissant, corps trop présent qui s'alourdit, c'est bien le même être sans doute...»

     

    « Henri Thomas, poète de la rêverie » disait Jacques Borel. D'une bien étrange rêverie. Dans ces rêves-là marche surtout le fait d'être seul et dépossédé.

    La perte est le thème dominant de son œuvre.

    Parfois quelque rage rentrée, mais si forte qu'il s'en mord les poings, et nous avec. Il résiste de l'intérieur.

    « Pour moi, c'est toujours l'esprit qui résiste ; tout le reste est pesanteur »

     

     

     

    Un détour par la vie

     

    On ne se souvient de Thomas que de son image à la fin de sa vie, beu vieillard. Mais il fut aussi un jeune homme qui s'en allait «  d'un pas léger vers sa noire destinée. ». Il était né à Anglemont dans les Vosges, en 1912. Fils de paysan, il connaît le poids de la terre et l'ivresse des moissons. Après des études littéraires il écrit très tôt en 1940, « Le seau à charbon ». Il devient traducteur à la BBC à Londres, de 1946 à 1958.

     

    Un autre grand séjour à Boston, de 1958 à 1960, l'éloigne encore plus de la mémoire des cercles littéraires. Homme de paradoxe, quand il revient enfin en France, il consacre ses forces comme lecteur de manuscrits chez Gallimard, mais de langue allemande !

    Il vivra sur une île, l'île de Houat, puis à Quiberon, face à Belle-Ile-en mer de 1970 à 1985.

    Il vénérait la mer.

    Le bateau traîne un gros soleil rouge au bout d'un long sillage, au ras de l'eau. Le soleil monte, brise l'amarre. On est dans l'éternité avant tout.

     

    Quand il est célébré par un président, ce n'est que comme traducteur de Jünger. Il se moque de tous ces apparats, de ces futiles reconnaissances qui se pressent autour de lui.

    Il meurt à Paris le 3 novembre 1993, sans un bruit, sans une rumeur.

     

    Henri Thomas est un secret bien clos des lettres françaises, mais comme il tutoyait la solitude, c'est un moindre mal. Gide, Artaud, Adamov l'aimaient. Alors le reste semblait superfétatoire.

    Son cap était rivé vers le Nord magique et magnétique de la vérité. Il la chassait, la débusquait, lui faisait rendre gorge.

    Chercheur de vérité était sa véritable profession. Ce vieux matou ronronnait sur ses souvenirs, se calait près du feu, et laissait sa profonde mélancolie réchauffait pareillement leurs vieux os à tous deux à lui et à sa mélancolie.

    Henri Thomas n'est en rien un novateur en poésie, il semble continuer à fredonner un très vieux chant. Parfois il se laisse caresser par les rimes, et toujours la musique court comme ruisseau au milieu de l'herbe dans ses textes. Sa prose va plus loin, par ses mystères, son fantastique, ce mélange détonnant entre la familiarité des mots familiers et une étrange inquiétude.

     

    Il est un veilleur, une sentinelle qui surveille les plaines du monde à venir. La moindre rencontre, le plus petit objet et Thomas, supérieurement imprévisible, s'en va en dérives de mots.

    Sans en avoir l'air, doucement, tout en allusions, Thomas creuse des sillons sous nos jours.

    La violence de la solitude peut rider cette eau étale.

     

    « Je pensais ce matin, par une espèce d'obsession, à la parole de quel livre de la Bible ? « Et je vis de nouveaux cieux et une nouvelle terre ». Il y a des moments où je me dis que la vraie tâche de l'artiste est bien de créer ou de laisser entrevoir ses nouveaux cieux et sa nouvelle terre. Ils transparaissent dans la réalité — c'est avec un coup au cœur que je les vois briller çà et là ! Je me dis aussi que la civilisation, c'est l'état où il est laissé à chacun la possibilité, avec la difficulté, de s'acheminer vers ces choses. Je vous tends là un fil de l'écheveau qui se rembrouille chaque jour dans mon esprit, dont je ne viendrai jamais à bout — mais sans lequel je ne serais rien. »

     

    Il est là presque surnuméraire en notre temps, « semblable à l'arbre perdu d'un paradis ignoré ».

     

    Yves Charnet parle de « Thomas le dépossédé », le dépossédé de son enfance, de son père mort à la guerre, le dépossédé du monde entier qui lui sera toujours étranger. »  

     

    Indépendant comme un chat jaloux, libre avant tout et par-dessus tout, Henri Thomas aura eu l'immense tort d'être tout à fait inclassable, d'un autre paysage, d'une autre planète. En fait sa seule patrie aura été sa langue, lui qui comme son ami Robin en parlait tant. Nul tragique ne sourd de ses écrits, il a une folle espérance en lui, malgré tout, contre tout :

    « J’ai horreur des gens qui sèment le désespoir, je trouve qu’ils feraient mieux de la fermer ! »

     

    Profondément humaniste, il semble appartenir à un âge d'or perdu de la culture française, un roc émergé de ceux qui faisaient confiance en l'homme. En son amour, en sa fraternité.

    Henri Thomas reste une vigie, un donneur de leçon de vie. Merveilleux conteur, ses paroles nous sont perdues, leur magie peut se deviner dans ses écrits qui gardent l'éclat de sa voix. Ce promeneur solitaire, toujours en fuite, refusant les poids de la société.

    S'abandonner, se défaire, se remettre à demain, et pas pour se reposer, mais pour la pire fatigue - voilà notre vie, mes frères, qui nous faisons si bonne mine les uns aux autres. La tête, les doigts, les yeux sont hantés.

     

    Il aura été comme sa vie, comme son écriture transparente :

    « Je ne voudrais pas être vu, après ma mort, autrement que comme j'ai vécu »

     

    Discret, très discret Thomas, si essentiel. Il semble déambuler dans le clair-obscur.

    Il reste dans l'ombre et la modestie :

    « Je ne sais rien ; je dispose seulement de mots, et encore pas de tous, pas souvent au bon moment. J'ai trouvé le moyen d'écrire (roman) avec la lenteur, la régularité, la légèreté, la spontanéité stendhalienne. Aucun critique ne fera le rapprochement. »  (La joie de cette vie).

     

    Sa véritable patrie aura été l'écriture, celle où les enfants perdus se rejoignent.

    « Henri Thomas est dangereux, il cherche la vérité. Il est sur la piste. Il est presque seul, mais ça lui est presque égal. » (Jean Grosjean).

    Grosjean a raison, Thomas est dangereux comme les fous, les enfants, les innocents, les poètes.

    La poésie est sève pure,

    le poème, déchirure

    Henri Thomas a le goût du temps et de ses méandres, il marche lentement dans son écriture.

    Il marche toujours quelque part dans l'étage supérieur de notre tête.

     

     

     

    Gil Pressnitzer

     


     

     

     

     

    Choix de textes

     

    Un roman ça commence par le bruit d'une porte qui s'ouvre ou qui se ferme. Il ne doit pas y avoir d'exposition. C'est pour Balzac les expositions. Je débute par le geste d'un personnage, un geste qui me surprend. L'important, surtout c'est la scène capitale, le centre invisible qui attire l'esprit quand il s'éloigne. Même dans ce qui n'est pas un roman comme la Joie de cette vie. Le centre, c'est l'hôtel abandonné. Je vivais dans un hôtel qui allait fermer. J'étais le dernier client. L'automne finissait, il y avait une tempête et j'étais seul. Je me disais que je trouverais là des idées qui seraient mon secret. Mais je ne les ai pas trouvées./ Ça donnera peut-être un roman ?/ Non, ce n'est guère possible. C'était une idée trop bizarre sur l'instant. Le monde se réduit pour nous à un instant, à ce que nous en percevons. Le mot allemand Augenblick me paraît plus expressif : le temps d'un coup d'œil. » Puis ceci, plus loin : « Baudelaire pense que la fin du monde a eu lieu mais que nous ne nous en sommes pas aperçus. C'est peut-être vrai. Qu'est-ce que c'est, exister ? Nous sommes des ombres et parfois des ombres chinoises. »

    Interview d'Henri Thomas

     

    Avant le petit pont, le sentier descend pour passer de l'autre côté du vallon ; je me suis mis à courir dans la descente ; il était plus facile de se laisser aller que de se retenir sur le verglas. J'avais compté sur de pareilles promenades pour me ressaisir, pour retourner à loisir dans ma tête le sort de mon personnage. Mais voici que tout me déconcerte ; je n'ai pourtant jamais espéré que la neige me sauverait comme un tapis magique. Je vais attraper froid si je m'arrête. Il ne faut pas que je doute de moi, sinon ce sera tout de suite le désespoir complet. Ma mère croit que je ne comprends pas la gravité de la situation, quand j'en suis terrassé ! L'année décisive ! mais chaque minute est décisive, chaque instant que je passe à courir dans ce sentier à respirer le brouillard !...»

    L'étudiant au village

     

    Ce que je vois

     

    Le lilas fleurit sous la lune

    Et ce que je vois je le dis :

    La fille nue à gorge brune

    Dans le lilas m'ouvre son lit

     

    Le lit du torrent m'est ouvert

    Et la fille aux genoux polis

    Chaque nuit roule vers la mer,

    Une vague étouffe ses cris.

     

    C'est là le drame de mes jours,

    La nuit revient sans le résoudre,

    À la renverse fuit l'amour

    Jusqu'à la mer pour se dissoudre

     

    Si je l'attrape je m'éveille,

    Si je m'éveille elle est perdue

    Ainsi de suite. Est-ce merveille

    Si j'ai l'air de tomber des nues ?

     

    Nul désordre

    Poésies (éditions Gallimard)

     

    La nuit venue

     

    La corde vibre avant la fin du jour,

    Une poussière environne les pierres,

    La corde tremble et la poussière avance

    Entre les os dans des espaces vides,

    Ainsi l'eau noire envahit les carrières,

    Je ne suis plus avec l'herbe et le vent,

    J'ai dévié de la courbe infinie

    Qui joint les nuits, les jours et les saisons,

    Reste ce fil qui vibre sourdement,

    Cette poussière émanant des maisons,

    Un homme assis sous l'horloge des gares

    La voit flotter entre le monde et lui,

    La corde vibre au passage des bruits

    Comme un insecte abrité dans la cendre,

    Dernière voix qui parle sans espoir

    Quand s'est vidé l'échafaudage noir,

    Guitare d'os sous la main d'un fantôme

    Qui se confond à la poussière obscure,

    Au lieu du corps vient un fuseau d'étoiles,

    Il reconstruit une autre créature.

     

    Nul désordre

    Poésies (éditions Gallimard)

     

    Les bords du fleuve

     

    Il y a au bord du fleuve

    Une fille à robe rouge

    Attendant la nuit pour vivre,

     

    Tellement sauvage et belle

    Qu'un soleil éblouissant

    Marche au milieu de ses rêves,

     

    Il n'a de ciel que ses yeux

    Derrière une ombre d'orage

    Couvrant l'azur interdit.

    Une fille au bord du fleuve

    En chemin vers une image

    Que le jour ne peut montrer.

     

    Les lampes, l'une après l'autre,

    Les lampes prennent sa robe

    Et la déchirent sur l'eau,

     

    Mais jamais jusqu'à la chair,

    Mais jamais jusqu'au soleil

    Barré de chaudes ténèbres.

     

    Partout montent, se confondent,

    Des arches de nuit profonde,

    Elle est nue, elle est cachée.

     

    Poésie-Gallimard

     

     

     

    Je cherche et j'ai trouvé des poèmes au bord de la mer, comme on cherche des fragments de bois ou de

    pierre étonnamment travaillés et polis par les flots.

     

    Ces poèmes résultent eux aussi du long travail, du long séjour de quelque chose dont l'origine, la nature première m'échappent (comme je ne saurais dire d'où viennent ce galet, ce poisson de bois lourd), dans un milieu laborieux qui est moi-même - conscience ou inconscient continuellement en mouvement.

     

    Les plus gros blocs d'expérience doivent à la longue s'y réduire en formes nécessaires et singulières, complices des yeux (du lecteur).

     

    Il m'est arrivé de retrouver la poésie, après des mois de silence.

     

    Mais, écrivant de nouveau des poèmes, avec quoi étais-je de nouveau en contact et communication, en dehors d'un certain langage imagé et rythmique ?

    Le rythme ainsi que l'apparition des images sont liés à un certain état du corps (alors que le raisonnement en est relativement indépendant). Chez moi cet état est certainement celui de la santé, - celui où le corps tend à ne plus m'être présent que comme l'œil est présent

     

    entre ce que je vois et... moi-même. On dirait que le corps cesse d'être, au profit de tout ce qu'il révèle.

    Il est l'unique révélateur, et à ces moments, uniquement révélateur, ne revendiquant pas d'autre rôle.

     

    **

    Marchant sur la route, je me faisais une canne d'une branche ou d'un grand roseau-bambou.

     

    Je frappais le sol sec, suivant un rythme qui surgissait spontanément et s'imposait le même durant toute une promenade.

    Le lendemain surgissait un autre rythme, également spontané et unique, et j'aurais cherché en vain à retrouver celui de la veille.

     

    Et ainsi de suite.

    Il est évident que chacun de ces ry

  • Le clafoutis anti-cerise de nerfs

    4 juin 2014 à 18:26
     
    L'auteurJacky DURANDJacky DURAND

    Quand le Grand nous corne autour de minuit, on sait de quoi il en retourne : on est bon pour la grande vadrouille sur le bitume, l’insomnie automobile, la zone urbaine sur quatre roues. Ce qu’il aime, notre aminche, ce sont les vagabondages sur la petite et la grande ceinture, les balades sur les Maréchaux, le porte-à-porte autour de Paname entre 1 heure et 3 heures du matin. De Clignancourt à la porte d’Italie, en passant par Bagnolet ou Maillot, il refait le match, les seins de sa nouvelle voisine du troisième, la déculottée des européennes, sa énième lettre de démission ou tout simplement sa vie. Sa BM, qui fait blêmir le contrôle technique et la maréchaussée tellement elle a plus d’âge, c’est son confessionnal, son arche pour les petites fugues et les longues veilles quand il nous convoque, nuitamment et sans entretien préalable, pour bavasser, chantourner les mots qu’il a rugueux à cette heure et tailler une bavette longue comme un train de côtes.

    Il a beau vous tirer du fond de votre couette, des bras de Silvana Mangano en rêve ou d’une thébaïde imaginaire, ça sert à rien de regimber quand il lui faut sa dose de périph by night, au Grand. Alors on tombe dans nos rangers sans les lacer ; on s’emmitoufle dans la vieille parka fourrée aux poils de chat et l’on s’entend ronfler en même temps que le moteur de l’ascenseur qui monte et puis redescend. Qu’il vente, qu’il neige, qu’il pleuve, il nous attend là, devant l’immeuble, au volant de sa teutonne qui ronronne, sans un regard, sans une parole quand on s’installe sur le siège, à sa droite.

    Samouraï. Qu’importe qu’on soit ensuqué comme un loir au sortir de l’hiver, le Grand a retrouvé son planton de minuit, le convoyeur de ses petits secrets, ça le rassure de nous avoir chargé dans son fiacre qui sent le nem ou le kebab de 22 heures. L’avantage des vieux carrosses, c’est qu’ils autorisent tous les travers, toutes les manies, que l’on ne compte plus les taches de sauce samouraï sur la banquette, les vide-poches qui débordent de rogatons de Mars ou de Bounty, les pochettes de CD orphelines. Le Grand, c’est un food truck à lui tout seul, il a la street food chevillée au volant. Ce soir, il a calé sur une demi-baguette remplie de merguez qui s’est égarée près du levier de vitesses. «T’en veux ?» qu’il fait en nous fourrant sous le nez le quignon qui contient en harissa de quoi décalaminer un T-72. «Passe la troisième, qu’on grogne. Et mets ton clignotant, on est arrivés à la bretelle des Lilas.» Ne vous fiez pas au sens de l’orientation revendiqué par les oiseaux de nuit, ils papillonnent souvent comme une nuée de taxis irakiens autour d’un rond-point badgadi. «Hein, c’est déjà le périph ?» qu’il glapit, le Grand. Et là, c’est toujours le rituel. Doucement, il descend la vitre de sa portière, en plein vent de minuit, quitte à vous cryogéniser en plein mois de janvier, pourvu qu’il allume une sans-filtre et se mette à table. Et là, c’est toujours la même blague : «Donc, je te disais…»enchaîne-t-il avant qu’on ne le coupe. «Mais tu ne me disais rien du tout !» «Je me comprends, se justifie le Grand. Avant que tu arrives, je te causais déjà…»«Ah, bon», qu’on fait.

    Vous l’aurez compris, c’est réglé comme du papier à musique, notre cérémonial, depuis qu’on roule notre attelage nuitamment sur le périph. Ça a commencé il y a un siècle, quand on faisait de la limaille sur le goudron, nous, avec notre XT 500, lui, avec son anglaise qui grimpait aux murs du côté de la porte de Saint-Ouen. La nuit était flamboyante, insouciante, pleine de désirs et de confiance en le jour qui allait venir. On n’avait pas trop du crépuscule à l’aube pour déverser nos trop-pleins de mots et de vie. On fredonnait le Minimum d’Higelin en s’engouffrant dans le tunnel des Tuileries, il y avait des frites et de la bière entre Châtelet et Nation, avant de se tirer une fieffée bourre sur le cours de Vincennes et de s’endormir avec Berlin de Lou Reed. Plus tard, on a troqué le monocylindre pour un siège bébé sur une banquette arrière, où une rebelle de 12 semaines cessait de beugler dès que l’on rejoignait le périph. Combien de berceuses routières et urbaines a-t-on ainsi enquillées nuitamment pour faire venir le sommeil chez une moufflette insomniaque ? «Tu te rends compte que cette année, la mienne passe le bac, soupire le Grand. La nuit dernière, mademoiselle a fait une crise d’angoisse quand je regardais Dr House. Elle voulait que je la fasse réviser. Eh bien, tu sais quoi, on a pris le périph et on fait interro orale en roulant.» Il est pas peu fier, le Grand, quand il se raconte en train de bachoter avec sa fille, entre les portes de Montreuil et de Champerret. Là, il veut qu’on aille au ravitaillement chez Amar, pour le petit-déjeuner familial. Nous, on en profite pour grappiller une poignée de cerises, tandis que le Grand radote sur les boîtes de céréales. «Je sais plus ce qu’elle aime», qu’il geint. «Fais-lui un clafoutis, ça la changera», qu’on risque. «Tu crois ? Pourquoi pas, après tout, il fait, hésitant, la main sur le rayon des Miel Pops. Je vais quand même prendre un paquet, on sait jamais.»

    Générosité. Pour le clafoutis, on est allé consulter un livre imprégné de transmission et de générosité en cuisine où, parmi 365 Recettes du pays d’Ardenne (1), on a débusqué cette recette simple et rapide à réaliser pour le petit déj, quand toute la maison dort encore. Il vous faut un verre de farine, un verre de sucre, un verre de lait, 2 œufs entiers, 1 cuillère à soupe de kirsch, environ 350 g de cerises ou d’autres fruits dénoyautés. Délayez dans l’ordre indiqué les ingrédients ; ajoutez les fruits et versez la préparation dans un moule bien beurré. Enfournez à four moyen (thermostat 6, 180 degrés) durant 45 minutes.

    (1) «365 Recettes du pays d’Ardenne», de Lise Bésème-Pia, éditions Dominique Guéniot, 15 €.

    Photo Florent Tanet

    Jacky DURAND

    http://www.liberation.fr/vous/2014/06/04/le-clafoutis-anti-cerise-de-nerfs_1033657

  • Musée de Bourgoin-Jallieu suite

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    Les collections

    Principalement beaux-arts à l’origine, les collections du Musée de Bourgoin-Jallieu se sont enrichies autour d’autres disciplines : art-déco, archéologie, ethnologie, histoire et textile.

    Depuis 2000, le parcours permanent présente les techniques, savoir-faire et productions de l’ennoblissement textile avec un accrochage fréquemment renouvelé. Les autres « trésors » des différents fonds sont conservés, étudiés et documentés à l’ombre des réserves. Ils se montrent aussi régulièrement à l’occasion d’exposition temporaire ou grâce aux prêts et dépôts consentis par le Musée de Bourgoin-Jallieu à d’autres institutions publiques.

    Si vous êtes en possession d’un objet qui pourrait intéresser le musée,  n’hésitez pas et renseignez-vous pour être donateur (+ d'infos en 1 clic)

    L’objet du mois !

    Chaque mois, nous vous faisons partager notre coup de cœur parmi les collections du musée. 

    La pierre à cupules de Meyrié donnée au musée en 1957

    Collection Musée de Bourgoin-Jallieu -  Pierre à cupules  ©Huges Chatain

    Voilà un des objets que j’affectionne le plus.  C’est un bloc parallélépipédique creusé de 17 cupules artificielles et ornée d’une croix grecque.  Etudiée par Messieurs Chauffin puis Chatain, elle conserve tout son mystère quant à sa datation et à sa destination,  à l’image de toutes les autres pierres à cupules connues dans la Drôme, le Vercors… et jusqu’en Italie. A travers ces gravures rupestres la géographie et l’occupation du territoire prennent une nouvelle dimension. Elle n’est pas souvent montrée au public, et la redécouvrir est à chaque fois jubilatoire.

    Par Agnès Félard, chargée des collections du musée.

     

     


    Tissage et impression sur étoffes…

    Depuis les années 1990, le Musée de Bourgoin-Jallieu est spécialisé dans le patrimoine de l’ennoblissement textile(traitements appliqués au tissu pour le transformer en étoffe douce, brillante et colorée par l’impression, la teinture et les apprêts…). Ces activités ont forgé l’identité industrielle du Nord-Isère.

    Les collections textiles s’étendent du début du 18e siècle à nos jours et comptent 7182 objets inventoriés répartis en deux volets. Le premier, technique, est composéde machines et d’outils nécessaires à la production (métiers à tisser, dynamomètres, planches et cadres d’impression, colorants…). Le volet textile, proprement dit, est majoritairement constitué d’empreintes mais aussi de costumes, d’accessoires, de rebracks et de métrages de tissus.

    Qu’est-ce qu’une empreinte ?

    Collection Musée de Bourgoin-Jallieu D.R Empreintes  Brunet Lecomte.

    Impression réalisée sur papier, buvard lorsqu’il s’agit d’impression à la planche,  afin de déterminer si les motifs et couleurs sont corrects avant d’imprimer l’étoffe. Ces empreintes archivées par les imprimeurs forment un véritable corpus et sont un témoignage de l’évolution de la mode et des arts décoratifs.

    Qu’est-ce qu’un rebrack ?

    textile , échantillon de tissu , nuancier , Etablissements Brunet-Lecomte  Echantillons textiles  d’un même motif décliné  en plusieurs couleurs présentés en boutique ou dans les ateliers de confection

     

     


    Vidéos

    L'Atelier de photogravure

    Fabrication des cadres plats

    Fabrication des cadres rotatifs

    La cuisine aux couleurs

    Impression au cadre plat

    Impression aux cadres rotatifs

    Impression à la planche

    Fixage et lavage des tissus imprimés


    Beaux-Arts

    Créé en 1929 à l’initiative de la Ville de Bourgoin-Jallieu et du peintre Victor Charreton (1864-1936), le musée est alors dédié aux beaux-arts.

    Aujourd’hui, la politique d’enrichissement et de valorisation du fonds beaux-arts – 834 peintures, dessins et sculptures – reste très active. Ainsi en 2003, 125 esquisses du fonds d’atelier du peintre bergusien Alfred Bellet du Poisat (1823-1883) rejoignent la collection ; par ailleurs, entre 2013 et 2015, 303 œuvres du fonds graphique seront restaurées.

    Même si son parcours permanent est principalement axé sur l’ennoblissement textile, le musée présente tous les ans des toiles et dessins de Victor Charreton. Les œuvres appartenant au fonds beaux-arts sont accrochées régulièrement à l’occasion des expositions temporaires ou prêtées à d’autres musées.

    On y trouve des productions de : Marie Laurencin, Antoine Chintreuil, Maurice Denis, Jean Drevon, Marceau Gattaz, Jean Couty, Louis Appian, Maurice Chabas, Aguste Ravier, Jean Achard, Pierre Puvis de Chavannes, Henri Fantin-Latour…

    Pascal Lemaître

    En 2012, le musée a acquis une nouvelle œuvre de Victor Charreton, grâce au soutien des Amis du musée : Champ de mars, Bourgoin, neige fondante (vers 1820).

    Pour découvrir Victor Charreton cliquer ici

     

     

     

     


    Art-décoratif, archéologie, ethnologie

    Le Musée de Bourgoin-Jallieu est historiquement ancré dans son territoire et à ce titre le patrimoine du nord Dauphiné  tient une place importante au sein de ses collections. Ainsi, il conserve, étudie et valorise quelques 2163 objets représentatifs de disciplines diverses : archéologie, ethnologie, art déco, ethnologie, histoire, militaria et même minéralogie.

    Ces fonds ce sont constitués au gré de legs, tel celui d’Elisabeth Delaunay en 1991, de dons en nature de particuliers désireux de sauvegarder un patrimoine qui leur est cher. Ainsi le don de sa collection d’armes par François Armanet en 1949 ou la dévolution du produit de ses fouilles archéologiques par  l’Association Pour la Protection et l’Animation des Sites (APPAS) en 2010.

    Du peson romain au fermoir en forme de dragon du 18esiècle, en passant par un liard Louis XVI ou une hallebarde du 16e, tous ces objets trouvent donc une place à part entière dans les collections du Musée de Bourgoin-Jallieu.

                           
                           
  • L'exposition en Allemagne des photos du peintre a été finalement censurée

    peverelli DR

    Les polaroïds censurés de Balthus

     

    C’était la dernière muse de Balthus, Anna. Pendant huit ans, tous les mercredi après-midi, à la fin des années 1990, elle a posé pour le peintre dans le Grand Chalet de Rossinière en Suisse.

    Anna avait huit ans quand elle a commencé à poser pour le peintre, 16 quand cela s’est achevé. Balthus, lui, vivait ses dernières années. Diminué - il avait perdu le contrôle de son regard et de sa main - l’artiste a du abandonner ses crayons pour se résigner à utiliser un appareil polaroïd afin de capturer les pauses de son modèle.


    © Harumi Klossowski de Rola

    Les milliers de clichés, témoins des dernières études du maître, ont quitté mi-janvier la galerie Gagosian à New York où ils étaient exposés sans encombre depuis octobre. L’exposition prévue en avril en Allemagne a été censurée par le musée Folkwang à Essen, relançant le débat autour de Balthus et de ses modèles nubiles. 


    © Harumi Klossowski de Rola

    Benoît Peverelli, photographe et mari de la fille du peintre Harumi Klossowski de Rola, a retrouvé les clichés (plus de 1900) éparpillés dans l’atelier de dessin du maître. « J’ai décidé de faire le livre il y a cinq ans. Déjà parce que je trouve les photographies magnifiques. Mais surtout parce qu’elles constituent, au sein de l’œuvre globale de Balthus, un travail atypique : sa matière, c’était exclusivement la peinture, le pigment.»

    © Harumi Klossowski de Rola

    Le beau livre à l’origine des expositions, édité chez Steidl, contient 1200 clichés. « C’était un travail d’archéologue d’exhumer ces photos, explique le photographe. J’ai du écrémer : les polaroïds reproduisent quasiment tout le temps la même image, à quelques détails près. C’était une recherche sur quelques compositions. »


    © Harumi Klossowski de Rola

    « Ces clichés ont leur place dans l’histoire de l’art et de la photographie. Au même titre que n’importe quelle étude, de n’importe quel autre artiste. Les images ont une existence propre » souligne le photographe, visiblement attristé par la réception de son travail en Allemagne. « Anna, la principale concernée, était là au vernissage à New York, elle a aussi écrit un très beau texte pour le livre ».


    © Harumi Klossowski de Rola

    Extraits de « Mercredi Après-Midi », le texte d’Anna Wahli pour Balthus : les dernières études, édité chez Steidl.

    J’ai commencé à poser pour Balthus lorsque j’avais huit ans. A cette époque-là, je vivais ma vie de petite fille et Balthus n’était pour moi que mon voisin, un patient de mon père, un viel homme sympathique que je croisais quand j’allais jouer chez mon amie, fille du personnel de maison du Grand Chalet. L’histoire veut que son choix se soit porté sur moi pour devenir son modèle, quand un jour en rentrant de l’école il m’entendit chantonner l’air de la Reine de la Nuit de Mozart. Balthus lui-même féru de ce compositeur aurait eu comme une vision. Il a alors demandé à mon père s’il était d’accord que je pose pour lui. Je sais que mes parents m’ont demandé mon avis, mais je ne me souviens pas avoir réfléchi à ma réponse, j’ai dit oui et je suis allée poser pour la première fois au Grand Chalet, quelques jours plus tard.

    Huit ans après j’y étais encore.

    Je me souviens que la première séance de pose m’a mis vraiment mal à l’aise. J’étais très impressionnée, on ne se connaissait pas encore. C’était une sensation très étrange d’être à ce point dévisagée et observée. Je n’avais pas l’habitude que quelqu’un me regarde avec autant d’insistance. (...)

    Balthus m’a avoué bien plus tard, que lui aussi avait été terrifié ce jour-là face à moi. Mon regard l’impressionnait tout autant que le sien envers moi.

    Au fil du temps, nous nous sommes peu à peu « apprivoisés » comme il aimait le dire, jusqu’à devenir bien plus complices par la suite et cette séance de pose si inconfortable a fini par faire partie de mon quotidien. (...).

    Un jour, dans une autre pièce du Grand Chalet et dans une autre posture, Balthus s’énervait avec son crayon. Il n’arrivait plus à l’utiliser comme il le souhaitait et le faisait tomber car ses doigts n’arrivaient plus à tenir cet objet si fin. (...)

    Balthus a donc dû très rapidement changer d’outil de travail pour passer aux polaroïds. (...)

    A chaque séance, il prenait un long moment d’observation, faisait de nombreux polaroïds et entre deux prises s’approchait de moi avec sa canne puis déplaçait un bras, une jambe, dégageait mes cheveux ou tournait légèrement mon visage. Je n’avais pas l’impression qu’il changeait grand chose, cela m’agaçait même parfois lorsqu’il se levait difficilement de son siège pour la énième fois pour modifier un détail dans la pose. (...) 

    De l’âge de 8 ans à 16 ans, je n’ai pas cessé d’aller passer mes mercredis après-midi poser pour Balthus. Je dois dire que cela ne me paraissait pas extraordinaire. Cela faisait partie de mon quotidien. Je mesurais parfois l’ampleur de ce que j’étais en train de vivre lorsque des journalistes ou des photographes souhaitaient me rencontrer, m’interviewer ou me photographier. Dans ces cours instants, je me rendais compte que j’étais probablement en train de vivre quelque chose d’exceptionnel, d’unique. Le reste du temps, je redoutais plutôt l’appel de Balthus à la maison pour me demander de venir poser.

    Je me demande aujourd’hui pourquoi je retournai poser pratiquement chaque semaine ? Certes, je n’osais parfois pas dire non mais j’aurais pu demander à mes parents de le faire à ma place. Régulièrement cela m’embêtait vraiment de devoir y aller. J’aurai préféré aller jouer avec mes amis ou partir faire du ski lorsque la neige venait de tomber. Il faut croire que j’y trouvai un intérêt puisque personne ne me forçait. Peut-être que je sentais une nécessité ou je me faisais un devoir d’être présente pour Balthus qui me réclamait. Mon père disait en plaisantant que j’étais « son meilleur médicament »… Je ne trouve pas de réponse en ce qui me concerne.

    Il y avait quelque chose d’indescriptible dans ce qui nous liait Balthus et moi. Il m’avait demandé de le tutoyer, je n’ai jamais pu, mais je me sentais proche de lui, à mi-chemin entre un grand-père et un ami. Une complicité à quelque part et des rituels, qui nous ont permis de nous supporter durant 8 ans, lors de ces moments hors du temps et presque irréels qu’était nos séances de pose…

    Photographie de une : Benoît Peverelli

     
  • L’art et la jachère

    19 juin 2013 à 20:56 (Mis à jour: 21 juin 2013 à 12:03)

    Par EDOUARD LAUNETEnvoyé spécial à Amiens et à Chaumont-sur-Loire

    Jardins. A Chaumont-sur-Loire et Amiens, deux festivals invitent des artistes à rhabiller les paysages.

    «Last Splash» de Boris Chouvellon. - Photo Paul Kanitzer

    Ça ne va pas du tout. A force d’annoncer pour le lendemain un temps encore pire que celui de la veille, Météo France a réussi à nous gâcher le printemps. Résultat : les jardins ne savent plus où ils en sont, les jardiniers dépriment, les promeneurs s’égarent. Hier, on croyait cueillir du muguet, ce n’étaient encore que des perce-neige ! C’est probablement pour anticiper ce genre d’aléas climatiques que beaucoup de festivals liés aux jardins se sont ouverts à l’art contemporain : le créateur est moins sensible à la température que les camélias et les rhododendrons, et il livre ses productions à l’heure (enfin, assez souvent). En sus, le calme plaisir d’une promenade dans la verdure vous met dans une disposition d’esprit permettant d’apprécier jusqu’à l’œuvre la plus incongrue. Deux manifestations, à Amiens et à Chaumont-sur-Loire, au nord et au sud de Paris donc, donnent de ce mariage art-végétal deux moutures diamétralement opposées. A Amiens, le tout jeune festival Art, Villes et Paysage a parsemé les hortillonnages - jolis marais parcourus de canaux, au bord de la ville - de clins d’œil faits par des artistes britanniques et français de moins de 36 ans. C’est une exposition foutraque que l’on visite en barque, en allant d’île en île, en slalomant entre les canards et les mouettes, entre les huttes de chasseurs et les bateaux de maraîchers. A Chaumont, ce sont les paysages plus sucrés du cœur de la France, le prestige d’une manifestation - le festival international des jardins - qui en est déjà à sa 22e édition, un rendez-vous de paysagistes et d’artistes renommés, le voisinage des châteaux de la Loire. Lesquels vivent dans une ambiance assez peu maraîchère.

    Canardage. Commençons par Amiens et cette belle idée : confier une petite île des hortillonnages à chacune des équipes sélectionnées par le festival créé par la maison de la culture (MCA) de la ville. La manifestation est née il y a quatre ans dans le sillage suspect de l’éphémère Conseil de la création artistique, machin sarkozien pour doubler le ministère de la Culture par sa droite. La chose avait accouché de l’initiative «Imaginez maintenant» destinée à doper la jeune création dans une dizaine de villes. De ces roides forceps a au moins émergé une manifestation pérenne, qui a pris cette année un nouveau nom - Arts, Villes et Paysages, donc - et une nouvelle direction : l’amitié franco-britannique, ce qui lui permet de bénéficier de quelques subsides européens. Le visiteur embarqué avec son chapeau et ses lunettes de soleil découvrira 18 jardins et 11 installations ; il passera près d’îles privées garnies de charmants bungalows et de moulins à vents miniatures ; il saluera en passant une douzaine de huttes de chasseurs entourées de leurs «appelants» (canards pour attirer les canards) ; il sera rassuré de savoir que le canardage n’a lieu que tôt le matin et tard le soir.

    Bref, le visiteur passera deux charmantes heures dans une joyeuse mixité horticolo-culturelle. Comme si le Palais de Tokyo avait soudainement débordé dans un jardin ouvrier ! C’est d’ailleurs l’idée directrice de ce festival, ainsi résumée par Gilbert Fillinger, directeur de la MCA : «Exposer un large public à la création contemporaine sans l’obliger à passer par l’institution.» Saluons un embryon de festival «off» : sur l’île aux fagots, juste à côté d’une parcelle où le plasticien marseillais Boris Chouvellon a dressé les ruines d’un toboggan aquatique, un particulier a planté dans son potager une forêt de parapluies transparents qui ont la double qualité de protéger les fraisiers et d’adresser un amical salut à Daniel Buren et à ses parasols de la Monumenta 2012. Mais peut-être nous trompons-nous.

    Big-bang. Direction Chaumont-sur-Loire maintenant, où Chantal Colleu-Dumond et François Barré veillent sur un domaine toujours plus grand, semé d’œuvres monumentales, de microjardins et - nouveauté - de quelques animaux. Le festival, créé en 1992 par Jean-Paul Pigeat, continue d’exécuter sa petite musique de fleurs et d’art, mais l’action se déplace peu à peu vers le parc, qui s’élargit avec les prés du Goualoup et accueille les créations anciennes ou récentes de Giuseppe Penone, Fujiko Nakaya, Patrick Dougherty, Tadashi Kawamata, Anne et Patrick Poirier, Andrea Branzi, Erik Samakh, Shodo Suzuki et quelques autres. Le sculpteur autrichien Klaus Pinter a abrité dans les écuries une énorme bulle transparente dont la surface est constellée de feuilles de magnolias dorées. C’est le big-bang d’un Premier Matin (nom de l’œuvre). Côté festival, soit une trentaine de petites parcelles, le thème de l’année est «Jardins des sensations». Fin mai, la première sensation qui étreignait douloureusement le visiteur était que le printemps pourri n’avait pas facilité le dérèglement des sens. Mais tout va aller mieux : quand la nature prend du retard, la culture doit prendre de l’avance. Et puis l’été ne sera peut-être pas catastrophique.

     
  • William Degouve de Nuncques, La maison rose(vu à Paris, il y a un mois)

       William Degouve de Nuncques : " La Maison Rose " 1892  63cm x 43 cm © Coll. Part. © Musée Félicien Rops - NamurWilliam Degouve de Nuncques
    " La Maison Rose "
    1892
    63cm x 43 cm
    © Coll. Part.

       William Degouve de Nuncques : "Nocturne dans le Parc Royal à Bruxelles " © Coll. Part.

       William Degouve de Nuncques
    "Nocturne dans le Parc Royal à Bruxelles "

    © Coll. Part.




    William Degouve de Nuncques (1867-1935) est l’un des artistes majeurs du symbolisme belge. Toute sa vie, il traitera le paysage, jouant avec les nuances de couleurs, depuis les impressions urbaines nocturnes aux ambiances claires de plateaux enneigés. En 1936, le critique d’art Arnold Goffin écrivait à propos de l’artiste : « Le nom et l’œuvre de ce maître sont chers depuis longtemps aux délicats. Mais il sont fort loin d’avoir acquis, en Belgique, tout au moins, la renommée qui leur est légitimement due ».

    Cette exposition regroupe un ensemble d’œuvres de Degouve de Nuncques avec une soixantaine de peintures, dessins, carnets, documents issus du Kröller-Müller Museum, de nombreux musées européens et de collections privées. Les recherches menées dans le cadre de cette exposition ont pour objet de faire redécouvrir le travail de cet artiste et de réactualiser les connaissances que nous avons de son parcours.


    William Degouve de Nuncques né le 28 février 1867 à Monthermé et mort le 1er mars 1935 à Stavelot, est issu d'une ancienne famille de la noblesse française où les arts furent toujours à l’honneur. C’est son père, esprit cultivé, qui l’initie à l’art et à la littérature mais aussi à la philosophie, à la musique, et aux sciences.
    Installé avec ses parents en 1870 à Spa d'abord, puis à Bruxelles après la guerre franco-prussienne de 1870, Il dessine très tôt en dehors de tout enseignement artistique. Il se lie d’amitié avec le peintre hollandais Jan Toorop avec qui il partage un atelier à Machelen en 1883, lequel lui prodigue ses conseils de coloriste . Il rencontre également le peintre Henry de Groux qui le prend comme modèle, entre autres pour la tête de son célèbre « Christ aux outrages »
    William Degouve fréquente alors les cercles d’avant-garde belges. Suffisamment aisé pour pouvoir vivre sans son art, il multiplie les expositions à l’étranger et sillonne l’Europe en compagnie de sa jeune épouse, Juliette Massin, belle-sœur d’Emile Verhaeren. Le couple expose d’ailleurs souvent leurs oeuvres ensemble. A cette époque, son travail s’attache à représenter une nature, nocturne et silencieuse, sous des lumières lunaires exprimant mystère et inquiétante étrangeté.

    Il apprécie le travail de Maurice Denis et en particulier celui de Pierre Puvis de Chavannes dont il admire le climat de mélancolie. La notion d'allégorie de ce dernier rejoint la conception du symbolisme qui est la sienne, en exprimant la suspension du temps, la théâtralisation du spirituel, la quête d’une vie hors de l'histoire.
    Bruges et Venise sont, au détour des années 1890, des villes qui attirent les artistes symbolistes. William Degouve lui aussi aime à peindre ces villes aquatiques, qui sont les lieux de toutes les fantasmagories : atmosphère brumeuse et romantique enveloppée d’un voile mystérieux, suspension du temps, renvoi au souvenir d’un âge d’or.

    Encouragé par Rodin il expose pour la première fois en 1890 à Bruxelles. Il montre au Salon de Paris de 1894 la toile « Place du Warichet à Perwez » , peinte en 1889, qui se vend immédiatement. Au Salon de Paris de 1894, il présente des oeuvres dans lesquelles et par un rejet quasi général de la figure humaine, apparaissent le recueillement ou le mystère. Il est invité au Salon annuel de 1893 du Groupe des 20 où il présente 6 œuvres dont « La Maison rose », peinte en 1892 et un dessin représentant son ami Henry de Groux.

    A l'Association La Libre Esthétique, il expose des scènes nocturnes à l'huile ou au pastel inspirées de poètes comme Maurice Maeterlinck , toujours avec ces aspects surnaturels et ces climats étranges accentués par les ambiances nocturnes qui préfigurent le surréalisme.

    Le siècle s’achevant, William Degouve délaisse progressivement les effets nocturnes de ses tableaux pour gagner la clarté, la lumière, la blancheur, ce qui le conduira jusqu’à des peintures de paysages dans la blancheur de la neige.
    Cette transition des oeuvres sombres jusqu’à la lumière, se passe par le séjour qu’il fait en Espagne entre 1899 et 1902, lequel lui permet d’élargir sa sensibilité désormais aux effets de la lumière. Dès lors, loin des cités, et des mondanités, il s’isole pour peindre ses toiles aux Îles Baléares, dans la campagne brabançonne ou encore dans les Ardennes belges, dans le souhait général alors du retrait de nombreux artistes dans une nature non déflorée par l’industrialisation.

     

     William Degouve de Nuncques © Coll. Part.
        William Degouve de Nuncques
    © Coll. Part.




    A l’approche de la guerre, une quête mystique l’anime et l’oriente vers des sujets plus religieux, tandis que son langage symboliste s'allie à une technique un peu plus expressionniste.

    En 1919, la mort de sa femme le plonge dans un profond désespoir et il décide d’arrêter de peindre.
    Il se marie en 1930 avec sa deuxième compagne, Suzanne Poulet avec qui il s'installe à Stavelot. Il a repris la peinture en représentant la campagne ardennaise. Il perd l'usage de sa main. Il meurt à Stavelot le 1er mars 1935
    .



    Musée Félicien Rops - Namur

    http://www.lemondedesarts.com/ExposMonde3.htm

  • Apollinaire - Le bestiaire ou Cortège d'Orphée (1911

    A Elémir Bourges

    Orphée

    Admirez le pouvoir insigne
    Et la noblesse de la ligne :
    Elle est la voix que la lumière fit entendre
    Et dont parle Hermès Trismégiste en son Pimandre.

    La tortue

    Du Thrace magique, ô délire !
    Mes doigts sûrs font sonner la lyre.
    Les animaux passent aux sons
    De ma tortue, de mes chansons.

    Le cheval

    Mes durs rêves formels sauront te chevaucher,
    Mon destin au char d'or sera ton beau cocher
    Qui pour rênes tiendra tendus à frénésie,
    Mes vers, les parangons de toute poésie.

    La chèvre du Thibet

    Les poils de cette chèvre et même
    Ceux d'or pour qui prit tant de peine
    Jason, ne valent rien au prix
    Des cheveux dont je suis épris.

    Le serpent

    Tu t'acharnes sur la beauté.
    Et quelles femmes ont été
    Victimes de ta cruauté !
    Eve, Eurydice, Cléopâtre ;
    J'en connais encor trois ou quatre.

    Le chat

    Je souhaite dans ma maison :
    Une femme ayant sa raison,
    Un chat passant parmi les livres,
    Des amis en toute saison
    Sans lesquels je ne peux pas vivre.

    Le lion

    O lion, malheureuse image
    Des rois chus lamentablement,
    Tu ne sais maintenant qu'en cage
    A Hambourg, chez les Allemands.

    Le lièvre

    Ne soit pas lascif et peureux
    Comme le lièvre et l'amoureux.
    Mais que toujours ton cerveau soit
    La hase pleine qui conçoit.

    Le lapin

    Je connais un autre connin
    Que tout vivant je voudrais prendre.
    Sa garenne est parmi le thym
    Des vallons du pays de Tendre.

    Le dromadaire

    Avec ses quatre dromadaires
    Don Pedro d'Alfaroubeira
    Courut le monde et l'admira.
    Il fit ce que je voudrais faire
    Si j'avais quatre dromadaires.

    La souris

    Belles journées, souris du temps,
    Vous rongez peu à peu ma vie.
    Dieu ! Je vais avoir vingt-huit ans,
    Et mal vécus, à mon envie.

    L'éléphant

    Comme un éléphant son ivoire,
    J'ai en bouche un bien précieux.
    Pourpre mort !.. J'achète ma gloire
    Au prix des mots mélodieux.

    Orphée

    Regardez cette troupe infecte
    Aux mille pattes, au cent yeux :
    Rotifères, cirons, insectes
    Et microbes plus merveilleux
    Que les sept merveilles du monde
    Et le palais de Rosemonde !

    La chenille

    Le travail mène à la richesse.
    Pauvres poètes, travaillons !
    La chenille en peinant sans cesse
    Devient le riche papillon.

    La mouche

    Nos mouches savent des chansons
    Que leur apprirent en Norvège
    Les mouches ganiques qui sont
    Les divinités de la neige.

    La puce

    Puces, amis, amantes même,
    Qu'ils sont cruels ceux qui nous aiment !
    Tout notre sang coule pour eux.
    Les bien-aimés sont malheureux.

    La sauterelle

    Voici la fine sauterelle,
    La nourriture de saint Jean.
    Puissent mes vers être comme elle,
    Le régal des meilleures gens.

    Orphée

    Que ton coeur soit l'appât et le ciel, la piscine !
    Car, pêcheur, quel poisson d'eau douce ou bien marine
    Egale-t-il, et par la forme et la saveur,
    Ce beau poisson divin qu'est JESUS, Mon sauveur ?

    Le dauphin

    Dauphins, vous jouez dans la mer,
    Mais le flot est toujours amer.
    Parfois, ma joie éclate-t-elle ?
    La vie est encore cruelle.

    Le poulpe

    Jetant son encre vers les cieux,
    Suçant le sang de ce qu'il aime
    Et le trouvant délicieux,
    Ce monstre inhumain, c'est moi-même.

    La méduse

    Méduses, malheureuses têtes
    Aux chevelures violettes
    Vous vous plaisez dans les tempêtes,
    Et je m'y plais comme vous faites.

    L'écrevisse

    Incertitude, ô mes délices
    Vous et moi nous nous en allons
    Comme s'en vont les écrevisses,
    A reculons, à reculons.

    La carpe

    Dans vos viviers, dans vos étangs,
    Carpes, que vous vivez longtemps !
    Est-ce que la mort vous oublie,
    Poissons de la mélancolie.

    Orphée

    La femelle de l'alcyon,
    L'Amour, les volantes Sirènes,
    Savent de mortelles chansons
    Dangereuses et inhumaines.
    N'oyez pas ces oiseaux maudits,
    Mais les Anges du paradis.

    Les sirènes

    Saché-je d'où provient, Sirènes, votre ennui
    Quand vous vous lamentez, au large, dans la nuit ?
    Mer, je suis comme toi, plein de voix machinées
    Et mes vaisseaux chantants se nomment les années.

    La colombe

    Colombe, l'amour et l'esprit
    Qui engendrâtes Jésus-Christ,
    Comme vous j'aime une Marie.
    Qu'avec elle je me marie.

    Le paon

    En faisant la roue, cet oiseau,
    Dont le pennage traîne à terre,
    Apparaît encore plus beau,
    Mais se découvre le derrière.

    Le hibou

    Mon pauvre coeur est un hibou
    Qu'on cloue, qu'on décloue, qu'on recloue.
    De sang, d'ardeur, il est à bout.
    Tous ceux qui m'aiment, je les loue.

    Ibis

    Oui, j'irai dans l'ombre terreuse
    O mort certaine, ainsi soit-il !
    Latin mortel, parole affreuse,
    Ibis, oiseau des bords du Nil.

    Le boeuf

    Ce chérubin dit la louange
    Du paradis, où, près des anges,
    Nous revivrons, mes chers amis,
    Quand le bon Dieu l'aura permis.



    http://www.mediterranees.net/mythes/orphee/bestiaire.html

  • Laura Kasischke, le calme trompeur

    LE MONDE DES LIVRES | 22.08.2013 à 16h08 | Florence Noiville

    Laura Kasischke.

    Envoyée spéciale à New York

     

    Elle est venue de Chelsea, dans l'Etat du Michigan. "Chelsea où je vis, oui... Une petite ville modeste, encore sauvage, où on peut, certaines nuits, entendre les coyotes hurler..." Laura Kasischke est venue spécialement du Midwest jusqu'à New York, "parce qu'il est important pour [elle] de rencontrer la presse française", dit-elle. "Je ne sais pas pourquoi, mais l'accueil que je reçois chez vous est bien meilleur qu'ici. Mes livres se vendent mieux en France qu'en Amérique..."

    Chelsea. On voit soudain sa ville comme un endroit pavillonnaire, lisse, bien rangé. Et puis, la nuit, les coyotes rôdant et hurlant... On se dit que ce contraste est un peu à l'image de Laura Kasischke elle-même. Ce jour-là, dans un restaurant de l'Upper West Side, elle arrive avec une robe à fleurs fraîche et froufroutante. Aucune de ses boucles noires ne dépasse. Elle vous fixe de ses grands yeux bleu pâle, timide peut-être, mais apparemment sereine. Apparemment. Car, avant notre rencontre, elle nous a bombardée de mails. Courriels anxieux, trahissant le trouble sous le calme trompeur, les sombres tourbillons sous la surface. Dr Jekyll & Mrs Kasischke.

    Il suffit d'ailleurs d'ouvrir un livre de Laura Kasischke, n'importe lequel, pour constater qu'une angoisse étrange et sourde est à l'oeuvre. Dès les premières lignes de son premier roman, A Suspicious River (Bourgois, 1999, adapté au cinéma par Lynne Stopkewich), tout l'était déjà, "suspicious", c'est-...

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    Laura Kasischke.

    Laura Kasischke, le calme trompeur

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    Parcours

    1961 Laura Kasischke naît à Grand Rapids (Michigan).

    1991 Elle publie un premier recueil de poésies, Wild Brides.

    1996 À Suspicious River, Son premier roman, paraît (Christian Bourgois, 1999). Il est porté à l'écran en 2000.

    2002 La Vie devant ses yeux (Christian Bourgois). Le roman est porté à l'écran en 2007.

    2011 Les Revenants (Christian Bourgois).

    Déméter dans le Midwest. Critique et extrait

    Un jour, Laura Kasischke s'est réveillée avec une phrase en tête. "Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux." Une phrase qui ne voulait pas s'en aller. Qui cognait, qui insistait. "Pourquoi ? Mystère ? Avais-je lu des choses sur la Russie ? En tout cas, j'ai su que je devais en faire le début d'un nouveau roman."

    Dans Esprit d'hiver, c'est Holly, la mère, qui s'éveille un jour de Noël avec cette certitude. Quelque chose les a suivis. Et cette chose - qu'elle a toujours sue mais a enfouie au plus profond - a à voir avec sa fille, Tatiana, une adolescente adoptée en Sibérie quinze ans plus tôt.

    Tandis que le père, Eric, est parti chercher ses parents à l'aéroport, une tempête de neige se déchaîne. Les invités un à un se décommandent. Le père et les grands-parents se retrouvent bientôt, eux aussi, coincés sur la route. Si bien que le champ se trouve soudain libre pour un âpre et terrifiant tête-à-tête, dans une maison vide, en plein blizzard. C'est Déméter et Perséphone dans le Midwest. Une mère et une fille se cherchent. Et se trouvent. Dans la douleur et dans le drame.

    La prose de Kasischke est comme un collier. L'auteur donne un tour de vis à chaque chapitre. Et l'oxygène, au fil des pages, vient à manquer. De ce huis clos étrange et oppressant se dégagent des visions, des flashs dérangeants : un orphelinat en Russie, un bébé à la peau trop bleue, une porte qui n'aurait jamais dû être ouverte... Et une conclusion faussement simple : "Personne ne naît sans héritage (...). Le passé réside en soi. A moins de le trancher ou de se le faire amputer par opération chirurgicale, il vous suit jusqu'au jour de votre mort."

    Esprit d'hiver (Mind of Winter), de Laura Kasischke, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Aurélie Tronchet, Christian Bourgois, 294 p., 20 €.

     

    EXTRAIT

    "Ce matin-là, elle se réveilla tard et aussitôt elle sut : quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux.

    C'était dans un rêve, pensa Holly, que cette bribe d'information lui avait été suggérée, tel un aperçu d'une vérité qu'elle avait portée en elle pendant - combien de temps au juste ?

    Treize ans ? Treize ans !

    Elle avait su cela depuis treize ans, et en même temps, elle l'avait ignoré (...). Elle se leva du lit (...), pressée de voir qu'elle était là, encore endormie, parfaitement en sécurité.

    Oui, elle était là, Tatiana, un bras blanc passé sur un couvre-lit pâle. Les cheveux bruns répandus sur l'oreiller. Si immobile qu'on aurait dit une peinture. Si paisible qu'on aurait pu la croire...

    Mais ce n'était pas le cas. Elle allait bien. Rassurée, Holly retourna dans sa chambre et se glissa de nouveau dans le lit près de son époux - mais à peine allongée, elle pensa encore une fois :

    Cela les avait suivis jusque chez eux ! "

    Esprit d'hiver, pages 11-12

    http://www.lemonde.fr/livres/article/2013/08/22/laura-kasischke-le-calme-trompeur_3464661_3260.html

  • Brassaï : pour l'amour de Paris

    Brassaï

    La Ville de Paris poursuit son exploration de la capitale à travers le regard de ses plus grands photographes en présentant l’oeuvre intense et lumineuse de Brassaï.

    L’exposition "Brassai, Pour l’amour de Paris" relate l'histoire exceptionnelle d'une passion, celle qui a uni pendant plus de cinquante ans Brassaï l'écrivain, le photographe, le cinéaste, aux coins et recoins de la capitale mais aussi à tous ceux, intellectuels, artistes, grandes familles, prostituées et vauriens, bref à tous ceux et celles qui font la légende de Paris. Toute sa vie en effet, Paris demeure au cœur de sa réflexion, le fil rouge de son travail.

     

    Brassaï, le photographe venu d'ailleurs

     

    Né en 1899 à Brasso en Transylvanie, Gyulus Halasz qui prendra le nom de Brassaï lorsqu'il commencera à photographier en 1929, vient tout juste de fêter ses quatre ans lorsque son père professeur de littérature l’embarque avec lui à Paris où il est invité à passer une année sabbatique. Cette période d'enchantement miraculeuse reste à jamais gravée dans la mémoire du jeune homme.

     

    Cette fascination pour Paris amène Brassaï à rejoindre la capitale française en 1924 après ses études d'art à Berlin. Il va rapidement rencontrer Desnos, Prévert qui l’intègrent dans le milieu brillant des artistes et intellectuels qui font la renommée des Années Folles à Montparnasse et l'introduisent dans la nébuleuse surréaliste

    Sa pensée s'attache insensiblement à transformer le réel en décor irréel. Il recherche les objets les plus ordinaires et en détourne le sens, ose les juxtapositions insolites et défamiliarise la perception en sortant le réel de son contexte. Voici comment naîtra sa quête obstinée des graffitis à partir de 1929.

     

    Années folles et virées nocturnes

     

    A la même époque, Brassaï s’attache à traquer dans la lumière nocturne de la ville un Paris insolite, inconnu et méprisé.
    Au fil de ses longues déambulations qui le mènent seul ou en compagnie d'Henry Miller, Blaise Cendrars ou Jacques Prévert, ses complices qui attisent sa curiosité, il rend visibles les humbles prostituées des quartiers “chauds” ou travailleurs de la nuit aux Halles-, transforme la rigueur classique de l'architecture parisienne en scènes étranges et fixe l'insolite beauté des silhouettes fugitives, des illuminations aveuglantes ou les brouillards sur la Seine.

    Ce flâneur impénitent décrit la ville suivant les points de vue qui lui sont propres et que la lumière lui offre comme la vision panoramique de Paris du haut des tours de Notre Dame, les reflets infiniment répétés des arches de pont sur la Seine, la mise au carreau des Jardins des Tuileries dessiné par l'ombre des grilles, les fleurs du marronnier qui surgissent de la nuit telles un bouquet nuptial ou les apparitions à peine révélées des “belles de nuit” dans les passages obscurs.

     

    Ses amitiés surréalistes

     

    En 1932, Picasso impressionné par son travail, confie à Brassaï la mission de photographier son oeuvre sculptée jusqu'alors inconnue et qui doit être publié dans le premier numéro d'une nouvelle revue d'art : Le Minotaure. Les deux artistes se découvrent des goûts voire des fascinations communes qui ont marqué leur oeuvre, telles l'atmosphère très féminine et dénudée des Folies Bergères, ce qui n'est guère étonnant pour ces amoureux des formes féminines, ou celle tout à fait mystérieuse des fêtes foraines dans lesquelles règnent cartomanciennes et diseuses de bonne aventure. Parmi tous ces spectacles, celui qui retient le plus leur attention est certainement le cirque. Ils y retrouvent la beauté du corps humain soumis à la virtuosité de l'effort physique, le dialogue entre la bête et l'homme, le sens de l'équilibre et le goût pour le mystère.



    Paris, belle de jour

     

    Arpenteur infatigable du Paris nocturne, Brassaï n’est pas insensible à la capitale dans la lumière du jour. Il propose ainsi une vision tout à fait personnelle du jardin du Luxembourg, chaise abandonnée ou lion menaçant sous la neige, petits artisans - glacier, marchande de ballons, photographe ambulant, jardinier balayant les feuilles ou statues dévêtues.

    Même empathie naturelle pour les berges de la Seine qu’il parcourt à la rencontre des amoureux, des pêcheurs à la ligne, des sans-abris et même des chiens. Il passe d'un quartier à un autre - Quartier latin, Bercy, Auteuil, et dévoile les activités spécifiques à chacun. S'il documente volontiers la vie réelle de ces espaces, il sait capter "l'esprit" de chaque quartier de Paris : la foule élégante de la rue de Rivoli, les badauds devant les magasins des Grands Boulevards, les charbonniers le long de la Seine à Bercy, mais aussi la majesté des monuments prestigieux, tour Eiffel, Arc de triomphe et surtout Notre-Dame et ses gargouilles qu'il traque de jour comme de nuit. Ainsi, par quelque côté que l'on examine son oeuvre, on y retrouve Paris, toujours Paris.

     

    Pour les écoles

     

     

    Au début des visites chaque élève reçoit un livret-jeu à compléter dans l’exposition et qu’il peut ensuite rapporter à la maison. Un petit logo permet de repérer l’œuvre en lien avec la question. 

    Voir le jeu 
    Voir le livret 

     

     

    Hôtel de Ville, salle Saint Jean
    5, rue Lobau
    75004 PARIS

    Plus d'infos sur ce lieu

    Du 8 novembre 2013 au 8 mars 2014.

    De 10h à 19h du lundi au samedi. 

    Fermé les dimanches et les jours fériés.

    Attention : le 15 novembre, ouverture à 13h30.
    Découvrez l'application gratuite de l'expo pour tablettes iPad et Android >>

    App Store 

    Google Play

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    >>Application (Adobe Air) 

      • Métros :

        Ligne 1,11: Hôtel de Ville (138m)

        Ligne 4: Cité (292m)

      • 7 place de l'hotel de ville - 75004 paris (81m)

        3 rue lobau - 75004 paris (197m)

    Gratuit
     
  • Le festival de la BD d'Angoulême démarre jeudi

    Un programme ambitieux à l'affiche du 34ème Festival international de la BD d'Angoulême (25-28 janvier)

    L'édition 2007 est  celle de la reconquête après un festival 2006  perturbé par des chutes de neige et terni par le licenciement de son directeur.

    Le festival  peut compter sur un secteur en pleine expansion (4.130 titres publiés en 2006) et le soutien de la Ville d'Angoulême, qui s'est engagée à hauteur d'un  million d'euros par an pendant 4 ans.

    Principale nouveauté de l'année, le pôle qui regroupe les stands des éditeurs, très prisé des amateurs de dédicaces, jusque-là en centre ville, a été  déplacé en périphérie, sur 10.000 m2. La superficie du festival a ainsi pratiquement doublé en un an, avec un  total de 15.000 m2. Mais 2007 est aussi une année test pour les éditeurs, dont  certains craignent une baisse d'affluence et ont réduit leur participation.

    La nouvelle génération de la BD à l'honneur
    Le plateau reste pourtant de choix, avec les vedettes habituelles : Zep,  Loustal, Loisel, Binet, Bilal, Tronchet... et la nouvelle génération de la BD,  de Manu Larcenet à Johann Sfar ou Christophe Blain, dans le sillage de Lewis  Trondheim, Grand prix de la Ville d'Angoulême 2006.

    Auteur de plus de 100 albums, Lewis Trondheim, qui préside cette année le jury, a  contribué à axer la programmation vers la création, avec "concerts de dessins"  et "match d'improvision" en BD. Mais Angoulême tient à son image "généraliste",  de rassemblement unique au monde de toutes les bandes dessinées.

    Autre innovation : le FIBD présentera le premier volet d'une "exposition  universelle de la BD", état des lieux planétaire du secteur, qui s'étalera sur  quatre ans et dont le résultat final doit être présenté en 2010 à l'exposition  universelle de Shanghai.

    Un espace pour le manga
    S'il a popularisé le manga en Europe, le festival ne lui avait jamais  consacré d'espace propre. C'est chose faite cette année, avec 500 m2 dédiés à  l'univers manga. Le palmarès a également été simplifié pour plus de lisibilité.  Outre le Grand prix de la Ville d'Angoulême, qui consacre un auteur, le Prix du  meilleur album de l'année sera désormais la récompense suprême.

    Egalement au programme, les "rencontres internationales" permettront de  découvrir des auteurs étrangers et des expositions seront consacrées à Hergé  (pour le centenaire de sa naissance), Kid Paddle ou l'Américain Jim Woodring.

    Le festival tentera de retrouver en 2007 ses 200.000 visiteurs habituels,  après un cru 2006 victime des intempéries, avec seulement 150.000 entrées.

    Publié le 22/01 à 12:14
    Le secteur le plus dynamique de l'édition

    La bande dessinée, dont le grand rendez-vous  annuel connaît une période faste en France, où elle  représente environ 6,5% du chiffre d'affaire total de l'édition et peut compter  sur une nouvelle génération d'auteurs qui renouvelle le genre.

    Avec 4.130 albums publiés en 2006 dans l'espace francophone européen, contre  3.600 l'année précédente, la production a fait un bond de 14,7% en un an, en  augmentation constante depuis une douzaine d'années.

    Surtout, l'offre a pratiquement triplé depuis l'année 2000, quand 1.563  titres seulement avaient été publiés.

    Phénomène de la décennie écoulée, le manga représente 44% des albums publiés  en 2006, mais la BD franco-belge traditionnelle a résisté à la déferlante  asiatique et les premiers "mangas européens" sont apparus l'an dernier.

    Une dizaine de séries sont tirées à plus de 200.000 exemplaires, et se  placent régulièrement parmi les meilleures ventes de livres tous genres  confondus. De "Titeuf" (dont le dernier album a été tiré à 1,8 million  d'exemplaires en 2006), à "Lucky Luke" (650.000) ou "Thorgal" (280.000).

    Le marché intéresse de plus en plus les grands groupes éditoriaux (Albin  Michel, Flammarion, Gallimard, Actes Sud, Le Seuil...), qui ont investi un  domaine autrefois réservé à des éditeurs spécialisés. La santé commerciale du secteur s'accompagne d'une grande diversité dans la  création et une nouvelle génération d'auteurs s'est affranchie des contraintes  pour laisser libre cours à son imagination.

    De nouveaux noms sont apparus. Manu Larcenet raconte ses propres aventures  de parisien à la campagne dans "Le retour à la terre" (Dargaud) et Johann Sfar  cartonne avec "Le Chat du rabbin" (Dargaud).

    Des auteurs qui s'écartent de plus en plus du format traditionnel de la BD -  le fameux album "cartonné-couleur" de 48 pages hérité d'Astérix - pour laisser  libre-court à leur imagination. 84 pages pour le dernier Sfar et... 280 pages  pour le nouveau Lewis Trondheim, "Ile Bourbon 1730" (Delcourt, Shampooing).

    La sélection officielle du festival 2007 (50 titres) fait d'ailleurs la part  belle à cette tendance héritée de la série "Maus" publiée dans les années 1990  par l'Américain Art Spiegelman.

    http://cultureetloisirs.france3.fr/livres/actu/27629401-fr.php
  • Flandres : au pays des estaminets

    medium_estaminets.jpgLes Flandres : un territoire morcelé qui s’étend de part et d’autre de la frontière, d’Arras à Anvers, avec sa langue, sa culture, son histoire. Et ses histoires d’hommes qui forment une identité immuable, par-delà les siècles, les frontières et les brimades. À mi-chemin entre Lille et Dunkerque, d’étranges établissements attestent de cette identité flamande : ce sont les estaminets. Quand vient l’hiver et que les averses alternent avec des ciels à la Turner, tourmentés et immenses, il fait bon s’y réchauffer le cœur et le corps.

    Au Kasteelhof, au sommet du mont et de la ville de Cassel (173 m !), on affiche complet. Le week-end, quand tout le monde est servi en carbonnades flamandes (bœuf bourguignon à la bière), pot’je vleesch (pâté aux trois viandes), lard fumé sur planche, ou autres plats typiques, Manu raconte des légendes locales ou universelles qu’il transpose invariablement dans sa région. « Il y a 100 000 ans, cinq mètres de neige recouvraient la plaine au pied du mont Cassel… »

    Une clientèle variée, jeunes, étudiants lillois en goguette, mais aussi des familles du coin sur trois générations, des enfants jouant avec des jouets en bois, des touristes de passage, tous partagent la chaude convivialité qui émane de cette grande pièce offrant dans la journée une vue imprenable sur la plaine flamande, avec sa cheminée crépitante, ses bouquets de houblon, ses grands paniers d’osier et ses ustensiles d’antan. Manu a repris ce vieil estaminet il y a plusieurs années, il en a fait un écrin, où l’on peut boire, manger, acheter des produits de la région. Ou écouter les histoires qu’il raconte avec une joie communicative en laissant errer son regard, par les jours de beau temps, jusqu’à la mer du Nord.

    « C’est la longue nuit de Noël, et le petit Karl pleure. » Manu pleure aussi, mélange flamand et français, prend des accents, imite le vent, les cloches, jusqu’aux rictus des sorcières. Des parfums régionaux aux bulles de la bière, jusqu’à la pénombre même, réchauffée par les dizaines de bougies, tout ici est flamand, intemporel, comme un tableau de Breughel. « Karl, c’est le sonneur de cloches de Cassel. Et s’il pleure, c’est que personne ne vient lui souhaiter Joyeux Noël. Alors, le pauvre Karl, il vend son âme au diable en échange de dix années de jouissance.»

    Manu en fait des tonnes. Dans la salle, les conversations se sont tues, tout le monde écoute. Le temps est suspendu. C’est tellement bon enfant que ça devient suspect. À la fin du conte, Karl se joue du diable, qui, furieux, se met à taper du pied sur le sol flamand. Les yeux de Manu pétillent de contentement devant son auditoire captivé.« Et de ce martèlement démoniaque seraient nés la Cordillère des Flandres et le mont Cassel où nous nous trouvons aujourd’hui. »
    Applaudissements ! Les conversations, les rires et les chopes reprennent leur course entre les tables.

    Le Pays des Monts de Flandres est constitué de cinq « sommets » érodés comme des vigies ou des phares qui surplombent le plat pays. Manu est l’ambassadeur de cette cordillère. « Un estaminet, explique-t-il, ça n’est pas un restaurant, ça n’est pas un café, et pourtant on y mange et on y boit. Un estaminet, c’est tout simplement comme à la maison. »

    Un lieu où la convivialité est érigée en principe. Les avis divergent sur les origines du mot « estaminet ». Tout dépend des puissances qui dominaient la plaine flamande. On évoque l’espagnol « esta un minuto », là où on allait boire un coup vite fait quand l’empire de Charles Quint s’étendait jusqu’aux « Pays d’en Bas ». D’autres soutiennent qu’estaminet vient de l’expression flamande « Sta Mijnheer », (« entrez Monsieur »), inscrite sur les façades. On parle encore du nom wallon « staminé », salle à poteaux caractéristique, ou du flamand « stamen », qui fait référence aux cueilleuses de lin.

    Au début du XXe siècle, aller à l’estaminet, c’était s’aventurer sur la mauvaise pente. Lieux de ralliement des contrebandiers entre la Belgique et la France, les pauvres y buvaient leur paie, les notables s’y dévergondaient, quant aux femmes qu’on y rencontrait, on les disait frivoles…

    Bon an, mal an, les estaminets ont traversé le siècle jusqu’aux années soixante-dix. Avec la désertification des campagnes, ils ont failli disparaître. Puis, vers les années quatre-vingt, une nouvelle génération a repris le flambeau : les vieux établissements ont été rénovés et transformés en restaurants, bars ou lieux de rencontres, favorisant ainsi une prise de conscience identitaire qui perpétue encore aujourd’hui la tradition flamande. On en trouve des dizaines, dispersés dans la campagne ou dans les villages. Ils émaillent la région comme autant de témoins. Ils en content l’histoire.

    La nuit tombe tôt sur la rue principale du petit village de Godewaeschwelde. Fin d’après-midi d’hiver, ciel lourd, pluvieux. Le Café du Centre brille comme un phare. Ancien estaminet-boucherie, il a été repris par un couple chaleureux. Il y a encore les vieux frigos aux poignées chromées. Des crochets à viande, au plafond, pendent des bouquets de houblon.

    Il y en avait pour tout le monde, de ces lieux de vie mixtes, carrefour où l’on venait se réchauffer le corps et le cœur : estaminet-coiffeur, estaminet-barbier, épicerie ou marchand de tabac. On profitait en faisant ses courses pour y boire un coup. Ou l’inverse. Ou les deux.

    « On peut manger ? Y’a de la truite », répond la patronne attablée avec sa famille. On rapproche une table, on apporte des couverts, on partage le repas. L’hospitalité n’est pas un vain mot. Dehors, trois jeunes gaillards grimés en rois mages chantent en flamand un cantique de Noël. Ils font la tournée des villages, annoncent la Bonne Nouvelle, recueillent quelques pièces dont ils reversent la plus grande partie au Secours Populaire.
    « On a toujours fait ça au moment des fêtes, explique César, un Melchior débonnaire. On va chanter pour les vieux, on leur fait écouter des airs qu’ils n’ont pas entendus depuis l’enfance. Y’en a qui se mettent à pleurer. » Dans les Flandres, on se nourrit de la petite histoire et on cultive la mémoire à l’échelle humaine.

    Texte : Laurent Boscq. Photo : Manolo Mylonas
    Mise en ligne le 22 décembre 2006

    http://www.routard.com/mag_reportage/147/4/resistance_contrebande_et_identite.htm

  • Une expo et une ville (ma ville natale) à (re)découvrir:”A fleur de peau”

    medium_troyes.jpgTroyes enlève le bas

    PHILIPPE VIGUIE DESPLACES (mercredi 18 avril 2007)


    Doté d’un magnifique Musée d’art moderne installé dans l’ancien évêché, Troyes propose depuis quelques jours une exposition intitulée « A fleur de peau ». Si l’on y ajoute un coeur de ville médiéval admirablement restauré et en périphérie plus d’une centaine de boutiques de marques à prix réduits… un week-end à Troyes s’impose.

    Premières impressions Le vieux Troyes a la forme d’un bouchon de champagne avec des maisons à pans de bois, pour certaines, ventrues comme des outres trop pleines. La partie la plus étroite du bouchon est la plus commerçante et la plus animée. La rue Emile-Zola, dont les façades médiévales ont repris des couleurs d’autrefois – vert pomme ou rouge sang de boeuf –, les voies adjacentes étroites comme la ruelle des Chats qui découvrent de petites placettes conviviales, sont les entrailles de la ville. Au premier coup d’oeil, on comprend vite que Troyes est un petit bijou aux charmes moyenâgeux, renaissance ou dix-huitièmiste avec quelques splendeurs : la grille de l’Hôtel Dieu, ferronnerie d’or coiffée des pleines armes de Champagne ou la cathédrale. Sa verrerie d’origine est une splendeur et le souvenir de Bernard de Clairvaux, dictant sous la nef magistrale les règles de la chevalerie, ajoute à l’émotion engendrée par la majesté des lieux. Troyes, à l’ombre de ce clocher millénaire, y cultive son propre art de vivre. Dans le palais épiscopal, le Musée d’art moderne présente une grande exposition consacrée au bas, un élément de bonneterie qui fut la grande affaire industrielle de la ville.

    « À fleur de peau » À travers du bas, c’est le thème de la nudité et du désir dans l’art qui est traité par cette exposition peu banale qui présente plus de 350 peintures. Pour réussir une telle entreprise, qui avait toutes les chances de tomber soit dans l’anecdotique et le cliché, soit dans le plus complet prosaïsme, il fallait deux ingrédients : un vrai contenu et une scénographie parfaitement adaptée. Conduit de mains de – jeunes – maîtres, sans aucune espèce de timidité, deux étudiants d’une vingtaine d’années de l’École nationale supérieure de création industrielle, Élodée Cardineaud et Julien Legras, ont été sélectionnés au terme d’un atelier de projets dirigé par le designer Jean-François Dingjian. Le résultat très prometteur décoiffe : les oeuvreJs sont accueillies dans des modules, ellipses de voilage aux formes lascives. Des dizaines de bas reposent dans des vitrines au design inventif qui rappellent celles que l’on voyait autrefois dans les magasins de bonneterie. Les étudiants de l’école ont poussé le détail jusqu’à filtrer la lumière des vitres extérieures par des motifs de bas grossis… ajoutant une touche d’humour à une mise en scène très réussie qui sert avec justesse l’autre trésor de l’exposition : les oeuvres. Elles sont signées des plus grands, un tour de force. Bien sûr, il y a Toulouse-Lautrec, celui auquel on pense immédiatement, mais encore Capiello pour de superbes affiches, Picasso pour un Nu aux jambes croisées, ou encore Matisse pour cette superbe Lorette à la terrasse d’un café. Des oeuvres de Van Dongen, Courbet, Degas, Gromaire, Chagall… défilent devant nous dans un luxe d’érotisme contenu, jamais vulgaire. « Le bas, objet de toutes les ambiguïtés, révèle la forme du corps nu sans montrer la peau », commente le commissaire de l’exposition, Emmanuel Coquery.

    Le Musée d’art moderne. Il contient la collection de Pierre et Denise Lévy, amateurs d’art troyens éclairés et riches dont le goût très sûr s’est porté sur la peinture des XIXe et XXe siècle. Le Paysage de neige dans le Jura de Gustave Courbet ou Les deux hommes en pieds de Degas ou encore Les Coureurs de Delaunay, oeuvre célébrissime, valent à eux seuls le déplacement à Troyes. Mais il y a aussi de magnifiques Dufy, Derain, Matisse, cerise sur le gâteau on s’assoit sur un mobilier superbe de Paulin.

    COMMENT Y ALLER
    En train, c’est à 1 h 30 à partir de la gare de l’Est, en voiture par l’A5. Troyes est à 160 km de Paris.

    OÙ DORMIR ?
    À la Maison de Rhodes dans le centre historique de Troyes, un magnifique petit hôtel de charme d’une dizaine de chambres aménagé dans une jolie maison à pans de bois. 18, rue Linard-Gonthier. www.maisonderhodes.com

    SHOPPING
    Troyes est le paradis des magasins d’usine de marques avec Mcarthurglen et Marques City et sur un second site Marque Avenue. Au total, plus de 300 boutiques.

    SE RENSEIGNER ?
    Office de tourisme de Troyes, tél. : 03 25 82 62 70 et www.tourisme-troyes.com

    EXPOSITION
    « A fleur de peau » au Musée d’art moderne de Troyes, 14, place Saint-Pierre. Tél. : 03 25 76 26 80. Tlj de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 18 heures Tarif : 5 € TR : 2,50 €. Gratuit pour les moins de 18 ans.

     http://www.figaroscope.fr/week_end/2007041700023920.html

  • Mon texte en prose inédit sur ce blog:Il y a un an en France. Paris 2.

      Souvenirs de l’exposition, Cet immense rêve de l'océan... Paysages de mer et autres sujets marins par Victor Hugo.  

    En arrivant à Paris, j’ai acheté (comme je le faisais quand j’y habitais ou que j’y allais régulièrement) Pariscope pour vérifier les lieux et horaires des expositions que j’avais repérées sur internet du Maroc. Là a continué le casse-tête. Peu de temps et tellement d’envies. Que choisir finalement ?

    J’ai finalement opté pour cette exposition pour plusieurs raisons :

    -Victor Hugo que j’ai fréquenté avec Nerval pendant mon mémoire de maîtrise. Cet homme  engagé n’était pas seulement écrivain et poète mais aussi dessinateur et j’admire ces artistes qui savent dire en mots et en images  le monde et leur univers propre.

    -Le sujet-titre de l’exposition : d’abord, les paysages qui sont pour moi plus qu’un sujet d’étude ; ensuite, la mer que j’aimais avant de la côtoyer de si près ici(je suis à 1km à vol d’oiseau de l’océan) ; enfin, le rêve.

    -la maison Victor Hugo, la place des Vosges, la place de la Bastille et tout ce quartier où j’ai vécu quelques temps.  

    Il faisait très froid, de la neige fondue tombait et je me plongeais avec bonheur dans la chaleur  bienfaisante du musée (presque oppressante au bout d’un moment) et dans l’univers d’Hugo. L’atmosphère confinée et la lumière tamisée ajoutait à  la fantasmagorie des rêves d’Hugo mis en images de l’artiste. Je pensais aux dessins de Dürer (auquel Hugo a dédié un de ses poèmes), à sa « Melancholia » (Hugo a écrit un poème qui porte ce titre, cf. catégorie « Hugo » et « Dürer) mais aussi à Méryon (cf. ma catégorie à ce nom). Avec de dernier, je trouve qu’il y a vraiment des similitudes de style aussi bien dans les dessins en noir et blanc que dans le traitement des thèmes en couleur. Avec ces dessins, on est très loin de l’image poussiéreuse du poète Hugo, romantique, lyrique,  de ces longs poèmes qui ennuient beaucoup certains.

    C’est un Hugo moderne (moderne, il l’était déjà dans ses luttes et ses idées)que j’oserais parfois presque qualifier de surréaliste à cause de l’importance du rêve pour André Breton et les autres.

    medium_le_phare_d_hugo.jpg

    Le Phare d'Eddystone
    Plume, encre brune et lavis sur papier beige, 1866.

     

    Paris, Maison de Victor Hugo, Inv. 181. © PMVP

     

     Complétant sans doute sa documentation sur l'Angleterre du XVIIe siècle, toile de fond de L'Homme qui rit qu'il est en train de rédiger, Victor Hugo découvre dans un ouvrage intitulé Délices de l'Angleterre une planche qui inspirera ce lavis et un passage du roman : "Au dix-septième siècle un phare était une sorte de panache de la terre au bord de la mer. L'architecture d'une tour de phare était magnifique et extravagante. On y prodiguait les balcons, les balustres, les tourelles, les logettes, les gloriettes, les girouettes. Ce n'étaient que mascarons, statues, rinceaux, volutes, rondes-bosses, figures et figurines, cartouches avec inscriptions. Pax in bello, disait le phare d'Eddystone."(Extrait de "L'homme qui rit)

     

    http://expositions.bnf.fr/hugo/grands/288.htm

     

    medium_hogo_proscrits.jpg

     

    Hugo à Jersey sur le rocher dit "des proscrits"

     

    Photographie, vers 1852.

     

     

    BNF, Manuscrits, NAF 13353, fol. 23v.

     

     

    *

    http://expositions.bnf.fr/hugo/grands/422.htm

    C’est face à la mer, promesse d’évasion et de liberté, puissance de renouvellement, énigme fascinante propice à l’épanchement du rêve, que Victor Hugo campe sa posture d’exilé. Dans ce décor mélancolique que n’aurait pas renié Chateaubriand, son esprit, mélangé à l’immensité, finira par trouver "un apaisement sévère et profond".

     

     

    En voyant la photo d’Hugo en exil à Guernesey sur son rocher, je pense en toute modestie à mon poème « L’exil » :    

    Souvent je m’asseyais
    Au bord de l’escarpement
    Et je regardais s’effacer
    Les rayons de ton soleil couchant.

     

    Je pense aussi bien sûr à mon propre exil actuel au bord de l’océan comme lui.

     

     

    Indépendamment de l’exposition, il est toujours émouvant pour quelqu’un qui aime un écrivain d’évoluer dans ce qui fut son lieu de vie (un de ses lieux de vie en ce qui concerne Hugo).

     En sortant de l’exposition, je suis passée par la boutique du musée où j’avais envie de tout acheter mais je me suis contentée de 3 cartes postales dont les 2 reproductions de cette page.  

    Dehors, on était loin des paysages marins mais les éléments étaient aussi hostiles que dans certaines représentations de bateaux secoués par l’orage.   Malgré ce climat peu clément, j’ai pris plaisir à me perdre dans ce quartier où je sais pourtant si bien à me repérer….  

    Le 23 février 2007.    

     

    Pour voir le catalogue de l’exposition : http://www.ifremer.fr/envlit/actualite/pdf/20060204_PRESSE_Cet_immense_reve.pdf

     

     

     

    Pour voir l’exposition de la BNF, « Victor Hugo, l’homme océan » : http://expositions.bnf.fr/hugo/index.htm

     

     

     
  • Michel Polac, ”La vie incertaine”

    medium_polac.gifMes années Gallimard

    par Jérôme Dupuis

     Avant d'entamer sa longue carrière sur les ondes, l'animateur de Droit de réponse avait publié La Vie incertaine, un premier roman très autobiographique. A l'occasion de sa réédition, il se souvient de ses «fifties» et de sa - brève - aventure avec Françoise Sagan.

    Il extirpe délicatement le volume de la bibliothèque du merveilleux appartement parisien où il vient de s'installer. A travers une treille de glycines en fleur, on aperçoit en contrebas le Jardin des Plantes. Sous les fenêtres, donc, les braiments incongrus d'un baudet du Poitou. L'ouvrage exhumé est une rareté: parue en 1956 sous la couverture blanche de Gallimard, cette Vie incertaine était signée par un jeune inconnu de 26 ans, Michel Polac. Sûr de son effet, le maître des lieux en extrait une feuille soigneusement pliée. «Grâce à ma cousine, Florence Malraux, j'ai pu obtenir les notes ultrasecrètes du comité de lecture de Gallimard à propos de mon roman.» L'une d'elles, signée d'un certain Albert Camus, prévenait: «L'auteur est à suivre de près: il est intelligent, direct et parfois émouvant.» Son autre parrain dans la maison s'appelle Jean Paulhan. «J'ai eu la grosse tête et j'étais persuadé d'avoir le Goncourt. Quel naïf j'étais! J'en ai vendu 700 exemplaires...»

    Un demi-siècle plus tard, alors que l'on réédite cette Vie incertaine, on retrouve Michel Polac, 77 ans, tel qu'en lui-même. Ne manquent que la pipe et la moustache - «Je l'ai coupée, on me confondait avec Bellemare...» Mais le foulard, les lunettes en demi-lune et, surtout, la voix doucereuse, la célèbre voix de Droit de réponse, sont toujours là. Cette réédition l'amuse. En effet, cette Vie incertaine est un peu plus qu'une curiosité: un petit roman fifties légèrement démodé, mais non dénué de charme. «Je l'ai écrit dans une cabane perdue, en Norvège, au-dessus d'un fjord enneigé, alors que je montais vers le cap Nord en 2 CV.»

    Comme tout premier roman, celui-ci est très largement autobiographique. Première clef: «Un jour où ma mère était absente, j'ai retrouvé une liasse de lettres d'amour signées d'un certain Bob. Elles coïncidaient avec la période où j'avais été conçu. Pourtant, mon père, un ancien Croix-de-Feu qui avait eu la bêtise de se déclarer comme juif et a disparu en fumée à Auschwitz, était une icône pour moi. Mais, en relisant les lettres de plus près, je me suis aperçu qu'elles étaient écrites par une... femme! C'était une entraîneuse de boîte lesbienne avec laquelle ma mère a eu une brève aventure.» Episode suffisamment troublant pour nourrir la quête des origines qui traverse La Vie incertaine.

    L'autre versant du roman épouse la vie vagabonde du jeune Polac, qui, à 18 ans, a pris la route, encore sous le choc de Travaux, un récit de Georges Navel, anar engagé aux côtés des républicains espagnols. Il exerce mille métiers: ouvrier dans une usine de serrures frigorifiques à Saint-Ouen, agent d'assurances au porte-à-porte, mousse sur un bateau de pêche à Cassis... Et puis, alors qu'il fait les vendanges à Béziers, un ami lui téléphone: «Rentre vite à Paris! Ton projet d'émission de radio a été accepté!»

    C'est le début - à 22 ans! - d'une deuxième vie, plus parisienne et littéraire. «J'ai commencé par monter En attendant Godot sur les ondes. A l'époque, Beckett était inconnu. Il m'a pris sous son aile et a toujours été extrêmement chaleureux avec moi.» Suit Le Masque et la plume, qu'il crée en 1955, et puis, donc, cette Vie incertaine. Mais son deuxième roman est sèchement refusé par une lettre type signée Gaston Gallimard. Un choc dont il ne se remettra jamais vraiment.

    Alors, ce grand séducteur se console dans les bras des femmes. Il y a prescription, on peut donc évoquer son aventure avec... Françoise Sagan! Le misanthrope bougon et le feu follet. «C'était en plein succès de Bonjour tristesse. On allait à Saint-Tropez. Je me souviens encore du déjeuner où Otto Preminger a signé le contrat pour l'adaptation du roman. Le problème, c'est qu'à l'heure où elle sortait en boîte j'allais me coucher et que, lorsqu'elle rentrait au petit matin, je partais me baigner. Cela ne pouvait pas durer...» Ainsi prit fin la - très - brève période jet-set de Michel Polac.

    Cet inlassable lecteur de Dostoïevski (son vieil exemplaire rafistolé des Frères Karamazov est toujours là, dans sa bibliothèque) lance alors des émissions de télévision - Bibliothèque de poche, Post-scriptum... - où il interviewe son idole, Witold Gombrowicz, à Vence, quelques mois avant sa mort, mais aussi Jean Renoir ou François Mitterrand. «le futur président parlait de Barrès, Chardonne, Cocteau, bref de ses goûts d'honnête notaire de province, mais de façon très guindée. Son secrétariat m'a appelé pour que nous fassions une seconde prise. Nous l'avons faite. Il était toujours aussi raide.»

    Polac aime se brouiller avec ceux qu'il a lancés
    Mais le critique littéraire Polac - aujourd'hui à Charlie Hebdo - n'aime rien tant que faire découvrir d'illustres inconnus aux Français. «J'ai défendu Cioran dès 1960. Il m'invitait chez lui à boire le thé, manger des petits gâteaux, et voulait tout savoir sur les coulisses de la télé. D'ailleurs, lorsque Droit de réponse a été déprogrammé, il a signé une pétition en ma faveur, ce qui m'a beaucoup touché.»

    Parmi les auteurs qu'il a largement contribué à lancer, citons John Fante, Luis Sepulveda, Marc-Edouard Nabe ou Michel Houellebecq. «Après mon compte rendu élogieux d'Extension du domaine de la lutte, nous nous sommes pas mal vus avec Houellebecq. Il est passé avec son épouse me saluer dans ma bergerie des Cévennes. Un soir, il m'a même entraîné dans une boîte échangiste de Cap-d'Agde. Je suis resté entièrement habillé et il me l'a reproché...»

    Car, par-dessus tout, fidèle à sa réputation, Polac aime se brouiller avec ceux qu'il a lancés: Nabe, Houellebecq et même Kundera, après un retentissant article, Kundera, go home!, où il conseillait au romancier d'origine tchèque d'écrire dans sa langue natale plutôt que directement en français! Il excelle - ou exaspère - encore aujourd'hui dans ce rôle de tonton flingueur, au côté de Laurent Ruquier, aux heures tardives du samedi soir sur France 2. Tapie et Doc Gynéco ont même quitté le plateau sous les assauts de cet atrabilaire. Il en sourit: «Oh, vous savez, moi, tant qu'on me laisse parler de littérature et réciter des poèmes coréens, même entre deux starlettes...»

    La Vie incertaine
    Michel Polac
    éd. Neige, Ginkgo

    258 pages
    15 €
    98,39 FF


    http://livres.lexpress.fr/portrait.asp/idC=12746/idR=5/idG=8

  • Avec la bande à Le Gray, primitifs de la modernité(1ere photo perso de vendredi sor à Paris)

    CDI paris bouquet nov 2012 074.jpg

    LE MONDE |18.10.2012 à 15h39

    Par Claire Guillot

    Henri Le Secq : "Paris, neige au Champ-de-Mars", vers 1853.Henri Le Secq : "Paris, neige au Champ-de-Mars", vers 1853. | Les Art decoratifs/Paris

    Mais à quoi donc pensait Gustave Le Gray lorsqu'il a photographié, vers 1851, un vulgaire râteau tombé au fond d'un jardin, devant un mur au crépi douteux ?

    Difficile de trouver un sujet plus banal ou un décor moins palpitant. L'auteur est pourtant celui qui a signé les célèbres "Marines", ces icônes qui battent régulièrement les records dans les salles de vente. Et le photographe phare du XIXe siècle tenait visiblement à cette image, épreuve unique qu'il a tirée avec soin. Si l'on en croit l'exposition "Modernisme ou modernité, les photographes du cercle Gustave le Gray" présentée au Petit Palais, c'est justement ce refus du grandiose et du pittoresque qui fait de Gustave le Gray, et de tous ceux qu'il a formés, des précurseurs de la modernité.

    Il faut quelque culot pour oser rapprocher les oeuvres des "primitifs" de la photographie et celles du contemporain Jean-Marc Bustamante. C'est ce que font pourtant les commissaires Anne de Mondenard et Marc Pagneux dans les essais du riche catalogue publié chez Actes Sud.

    Au Petit Palais, la démonstration est menée tambour battant, en 157 tirages rares ou inédits, et fait mouche. Peu s'étaient intéressés jusqu'ici à l'atelier de Gustave Le Gray. Les commissaires ont été capables d'identifier une "bande de joyeux drilles", c'est-à-dire une cinquantaine de photographes qui ont suivi, plus ou moins longtemps, les leçons du maître dans sa grande maison de la barrière de Clichy. Certains sont connus, comme Charles Nègre, Henri Le Secq, d'autres beaucoup moins.

    Artiste visionnaire et chimiste de génie, Gustave Le Gray va enseigner les dernières techniques à ses élèves, mais aussi jeter les bases d'un courant esthétique. "Dans les années 1850 à 1860, ces gens ont inventé un nouveau langage visuel, qui annonce la Nouvelle Vision des années 1920", résume Marc Pagneux.

    L'affirmation est assez radicale. Jusqu'ici, on pensait que le premier mouvement artistique, en photographie, était le pictorialisme : à la fin du XIXe siècle, certains, comme Robert Demachy, avaient cru pouvoir élever la photographie en imitant la peinture. Mais c'est exactement le contraire que font les élèves de Le Gray : le choix de sujets triviaux, l'intérêt pour les lignes géométriques, l'importance du vide, le jeu sur les différents plans et le brouillage de l'échelle les éloignent au contraire des références picturales antérieures.

    LE FRÈRE DE NADAR RÉHABILITÉ

    La preuve est ici en images. Quand Auguste Salzmann photographie l'enceinte du temple de Jérusalem, au lieu de centrer sur son sujet, il crée une image minimaliste en plaçant la pelouse dans l'avant-plan, coupant sa composition dans le sens de la longueur. Quand Firmin-Eugène Le Dien photographie l'aqueduc de Salerne en 1853, il empile trois plans dans le même cadre, au point que le regard s'y perd. Olympe Aguado, lui, n'hésite pas à photographier ses sujets de dos, délaissant son motif principal pour se concentrer sur les matières des vêtements.

    Autant de "leçons" de modernité qu'ils ont apprises du maître : ce dernier ouvre l'exposition avec huit icônes remarquables, où il n'hésite pas à frôler l'abstraction ou à photographier une scène de bataille où on ne voit rien.

    Le parcours, organisé par thèmes - le sujet, le tirage, le photographique -, sans souci chronologique, force d'abord à regarder ces oeuvres pour leur composition, ce qui est stimulant pour des oeuvres historiques. Mais l'ensemble est aussi un plaisir pour les yeux : les tirages sont splendides, car le perfectionniste Le Gray avait une réputation de "gâcheur" de matériel et a transmis à ses élèves son goût pour les tirages de grand format, aux détails soignés. Seule la partie qui veut faire des photographes des précurseurs du travail en série s'avère moins convaincante - peut-être faute de montrer assez d'exemples.

    La fin de l'exposition consacre quelques belles salles à plusieurs auteurs du cercle de Le Gray que les dernières recherches ont mis en lumière. Ainsi Alphonse Delaunay, récemment découvert lors d'une vente aux enchères. Ou John Beasley Greene, mort à vingt-quatre ans, qui semble plus intéressé par les ombres que par les monuments qu'il photographie. Henri Le Secq signe des paysages dépouillés absolument saisissants.

    Mais la plus grande surprise vient d'Adrien Tournachon : la postérité a fait du frère de Nadar, le célèbre portraitiste, un photographe commercial et un rejeton maudit. Les deux commissaires, preuves à l'appui, lui réattribuent ici nombre d'icônes. Les expériences de Duchenne de Boulogne, et même le célèbre portrait de Nerval pris juste avant sa mort, seraient de lui. "Nous avons retrouvé les traces d'un procès dans lequel Adrien attaque un journal qui l'a publié sans lui verser des droits", explique Marc Pagneux. Il était temps de rendre à Tournachon ce qui était à Nadar.

    La présentation de l'exposition sur le site Web du Petit Palais : www.petitpalais.paris.fr

    Charles Nègre "Le sculpteur Auguste Préault devant le 21 quai Bourbon", Paris vers 1856. Charles Nègre "Le sculpteur Auguste Préault devant le 21 quai Bourbon", Paris vers 1856. | Collection particulière


    Modernisme ou modernité : les photographes du cercle de Gustave Le Gray (1850-1860). Petit Palais. Avenue Winston-Churchill - 75008 Paris. Tél. : 01-53-43-40-00 Jusqu'au 6 janvier 2013. Du mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures, le jeudi jusqu'à 20 heures. 6 €. Catalogue éd. Actes Sud, 408 p., 69 euros.

    Culture

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    http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/10/18/avec-la-bande-a-le-gray-primitifs-de-la-modernite_1777537_3246.html

  • L'Allemagne s'inquiète pour l'économie de la France

    Par Patrick Saint-Paul, Service infographie du Figaro Mis à jour le 01/11/2012 à 10:08 | publié le 31/10/2012 à 19:46
    La chancelière Angela Merkel et François Hollande, en octobre dernier, à Bruxelles.
    La chancelière Angela Merkel et François Hollande, en octobre dernier, à Bruxelles.
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      INFOGRAPHIE. Officiellement, les relations sont au mieux. Mais en coulisses, conseillers et anciens dirigeants critiquent les décisions économiques de Paris.

    Une fois encore, c'est le grand quotidien populaire Bild, qui saute dans le plat à pieds joints. «La France est-elle en train de devenir la nouvelle Grèce?», s'interroge le journal. La question provocatrice lancée comme un signal d'alarme est volontairement outrancière. Cependant, elle traduit le malaise réel des élites allemandes et du gouvernement d'Angela Merkel à l'égard de leur grand voisin: la France est devenue un sujet d'inquiétude en Allemagne. S'exprimant lors d'une conférence organisée par l'institut sur l'avenir de l'Europe - fondé par le milliardaire Nicolas Berggruen - l'ancien chancelier social-démocrate, Gerhard Schröder, n'a pas mâché ses mots. Il a taclé ses camarades socialistes français, comparant la France d'aujourd'hui à l'Allemagne de 2003, alors considérée comme «l'homme malade de l'Europe». Schröder l'avait sortie de l'ornière grâce à sa cure de réformes libérales, «l'Agenda 2010».

    «Les promesses de campagne du président français finiront par se fracasser sur le mur des réalités économiques, a-t-il prévenu. Si le refinancement de sa dette devient plus difficile ce sera le début des vrais problèmes pour la France». Ainsi, pour Schröder l'avancement de l'âge de la retraite est «simplement le mauvais signal», «pas finançable». La pression fiscale aura pour effet, selon lui, non seulement de provoquer une fuite des capitaux, mais conduira à un effondrement du financement des emplois en France. «Deux ou trois mauvais signaux et nos amis français seront rattrapés par les réalités», lance Schröder à ses camarades à Paris.

    Bild enfonce le clou en citant «25 % de chômage des jeunes», «5 % de déficit budgétaire», «zéro croissance», «climat des affaires au plus bas depuis trois ans», sans oublier la «crise lourde de l'industrie automobile»… «La France se finance encore dans de bonnes conditions sur les marchés, mais les chiffres de son économie rappellent les États du Sud en crise.» Et le journal de lancer un appel à Hollande pour «mener enfin des réformes courageuses». Pour Bild, il s'agit d'éviter que la «Grande Nation ne devienne aussi pauvre que les Grecs fauchés».

    «Alice au pays des merveilles»

    L'ancien chancelier a lancé de vive voix, les inquiétudes que le gouvernement Merkel n'ose formuler publiquement. À la Chancellerie et dans les grands ministères à Berlin, l'invitation à commenter officiellement la situation en France se heurte systématiquement à un refus teinté d'un rictus angoissé. Mais en privé, quelques langues se délient. «Bild est dans l'exagération, tempère un responsable placé au cœur du pouvoir berlinois. La France ce n'est ni la Grèce, ni l'Espagne, ni l'Italie. Mais ce qui s'y passe est inquiétant. Hollande donne une impression d'Alice au pays des merveilles. Idéologiquement, il s'est isolé de ses voisins, qui mènent des réformes structurelles courageuses. Mais il réalisera tôt ou tard que la France ne peut échapper aux lois de la physique.»

    Les économistes allemands les plus écoutés par le gouvernement sont unanimes. Le cocktail de hausses d'impôts et de trop timides coupes dans les dépenses de l'État étouffera la croissance en France et provoquera du chômage. «Ils nous disent tous que seules les réformes structurelles et la discipline budgétaire peuvent impacter positivement la croissance et l'emploi», poursuit le responsable. Les recettes des économistes allemands, pour créer un choc de compétitivité en France: «baisser le coût du travail», «abolir les 35 heures», «augmenter la flexibilité», «mettre fin aux avantages des fonctionnaires trop privilégiés par rapport aux emplois précaires», «réduire le poids de l'État dans l'économie», «lever les barrières à la concurrence», «baisse des impôts», «réforme du système social, notamment les retraites».

    Les responsables allemands soulignent les «extraordinaires atouts» de la France. «Grâce à son fort taux de natalité, elle n'a pas besoin de faire autant d'efforts que nous, qui sommes frappés par la dépopulation, explique l'un d'entre eux. Cela lui offre un bonus de croissance de l'ordre de 1 % par rapport à l'Allemagne.» Mais Berlin redoute surtout que la politique de Hollande ne finisse par saper la dynamique des réformes structurelles et de la discipline budgétaire en Europe. «S'il persiste dans ses choix hasardeux, s'inquiète-t-on dans la capitale allemande, Hollande finira par donner raison à ceux qui, en France et en Europe, affirment que ces remèdes cassent la croissance et l'emploi.»

     

     

    La leçon du docteur Schröder

    Par Gaëtan De Capèle
    31/10/2012 | Mise à jour : 22:24

    L'éditorial de Gaëtan de Capèle.

     

    Vu de l'étranger, où tout le monde sans exception se serre la ceinture, la France fait l'objet d'une insondable curiosité. Voilà un pays en fort mauvais état: ses finances publiques sont exsangues, sa compétitivité fond comme neige au soleil, son...
     
     

    Je précise que cet article n'est pas de moi (lien vers la page citée et si possible son auteur)mais que je suis auteure et que vous pouvez commander mes livres en cliquant sur les 11 bannières de ce blog

  • Vénus Khoury-Ghata

    Vénus Khoury-Ghata

    Poétesse et romancière française d'origine libanaise

     
    • Genre : Littérature française
    Maintenant que je suis un écrivain, je mène une vie austère et mon nom ne me va plus

    Biographie Vénus Khoury-Ghata

    Née au nord du Liban dans le village montagneux de Bécharré, Vénus Khoury-Ghata effectue des études de lettres et débute sa carrière comme journaliste à Beyrouth. En 1959, elle devient Miss Beyrouth. Elle divorce ensuite de son premier mari et épouse en seconde noces un médecin et chercheur français Jean Ghata. En 1972, elle s'installe en France et collabore à la revue 'Europe', dirigée alors par Louis Aragon qu'elle traduit en arabe avec d'autres poètes. Le thème de la mort s'impose souvent dans ses poèmes, sûrement à cause des deux premiers drames de sa vie : la guerre civile et la mort de son époux en 1981. Son oeuvre est riche et abondante : quinze recueils de poèmes ont reçu plusieurs prix et ont été récompensés en 1993 par le Prix de la Société des gens de lettres et quinze romans, dont 'La Maestra' couronnée par le prix Antigona. Insatiable et passionnée, Vénus a su s'imposer très naturellement dans un monde d'homme et devenir l'une des plus célèbres écrivains et poétesses françaises.

    Le facteur des Abruzzes

    Le facteur des Abruzzesde Vénus Khoury-Ghata

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    Reléguées, dans l'ordre ancien au second rôle de muse, de confidente ou d'intendante, les femmes de plume modernes s'affirment "poète(s) tout simplement". Les héritières de Louise Labé,...

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    Les livres associés

    Une maison au  bord des larmes

    Roman Français

    Une maison au bord des larmes

    de Vénus Khoury-Ghata

    Editeur : Babel | Parution : 10 Mars 2005

    Beyrouth, années 50, une famille libanaise sous la férule d'un père violent, subit silencieusement...

     
     
    • Les Visages inachevés, 1966
    • Les Inadaptés, roman, Le Rocher, 1971
    • Au Sud du silence, poèmes, Saint Germain des Prés, 1975
    • Terres stagnantes, poèmes, Seghers
    • Dialogue à propos d’un Christ ou d’un acrobate, roman, Les Éditeurs Français Réunis, 1975
    • Alma, cousue main ou Le Voyage immobile, R. Deforges, 1977
    • Les Ombres et leurs cris, poèmes, Belfond, 1979
    • Qui parle au nom du jasmin ?, Les Éditeurs Français Réunis, 1980
    • Le Fils empaillé, Belfond, 1980
    • Un faux pas du soleil, poèmes, Belfond, 1982
    • Vacarme pour une lune morte, roman, Flammarion, 1983
    • Les morts n’ont pas d’ombre, roman, Flammarion, 1984
    • Mortemaison, roman, Flammarion, 1986
    • Monologue du Mort, poèmes, Belfond, 1986
    • Leçon d’arithmétique au grillon, poèmes pour enfants, Milan, 1987
    • Bayarmine, roman, Flammarion, 1988
    • Les Fugues d’Olympia, roman, Régine Deforges/Ramsay, 1989
    • Fables pour un peuple d’argile, suivi de Un lieu sous la voûte et de Sommeil blanc, poèmes, Belfond, 1992
    • La Maîtresse du notable, roman, Seghers, 1992
    • Les Fiancés du Cap-Ténès, roman, Lattès, Lattès 1995
    • Qui parle au nom du jasmin ?, Éditions des Moires, 1995
    • Anthologie personnelle, Poèmes, Actes Sud, 1997, rééd. 2009
    • La Maestra, roman, Actes Sud, 1996, collection Babel, 2001
    • Une maison au bord des larmes, roman, Balland, 1998, Babel 2005
    • Privilège des morts, roman, Balland, 2001
    • Elle dit, suivi de Les sept brins de chèvrefeuille de la sagesse, poèmes, Balland, 1999
    • La Voix des arbres, poèmes pour enfants, Cherche-Midi, 1999
    • Compassion des pierres, poèmes, La Différence, 2001
    • Zarifé la folle, nouvelles, François Jannaud, 2001
    • Alphabets de sable, poèmes, illustrés par Matta, tirage limité, Maeght, 2000
    • Le Fleuve, suivi de Du seul fait d’exister, avec Paul Chanel Malenfant, Trait d’Union, 2000.
    • Ils, poèmes, illustrés par Matta, tirage limité, Amis du musée d’art moderne, 1993
    • Version des oiseaux, poèmes, illustrés par Velikovic, François Jannaud, 2000
    • Le Moine, l’ottoman et la femme du grand argentier, roman, Actes Sud, 2003
    • Quelle est la nuit parmi les nuits, Mercure de France, 2004
    • Six poèmes nomades, avec Diane de Bournazel, Al Manar, 2005
    • La Maison aux orties, Actes Sud, 2006
    • Stèle pour l'absent, Al Manar, 2006
    • Sept pierres pour la femme adultère, roman, Mercure de France, 2007
    • Les Obscurcis, poèmes, Mercure de France, 2008
    • À quoi sert la neige ?, poèmes pour enfants, Le Cherche Midi, 2009
    • La Revenante, roman, L'Archipel, 2009
    • Où vont les arbres ?, poèmes, Mercure de France, 2011

    Distinctions et prix[modifier]

    Distinctions honorifiques[modifier]

    Prix littéraires[modifier]

  • J'ai pris plaisir à renconter la Nobel de poésie 2011,Vénus KHOURY-GHATA

    et de me faire dédicacer son recueil, "Où vont les arbres?"

    © Anne Selders

    « J’ai maintenant vécu aussi longtemps en France qu’au Liban, mais je ne suis pas guérie de mon Orient »

    Le Goncourt de la poésie 2011 consacre Vénus Khoury-Ghata pour l’ensemble de son œuvre. L’écrivaine libanaise, installée à Paris depuis 1972, a su construire une œuvre foisonnante touchée par la grâce d’allier la fidélité abrupte aux origines à l’élégance de la pensée.

    Par Ritta BADDOURA – Janvier 2012 – L’Orient Littéraire

    Le jury de l’Académie Goncourt a décerné le prix Goncourt de la poésie 2011 à Vénus Khoury-Ghata qui succède à Guy Gofette, primé l’an dernier, mais aussi à d’autres poètes de haute volée tels Yves Bonnefoy, Philippe Jaccottet, Andrée Chédid, Lorand Gaspar, Claude Esteban, Alain Bosquet, Abdellatif Laabi, Eugène Guillevic, Jacques Chessex ou Charles Dobzynski pour ne citer que ceux-là. Le Goncourt de la poésie est décerné à chaque début d’année à Paris chez Drouant. Il a été à l’origine créé sous le nom de « Bourse Goncourt-Adrien Bertrand » en 1985 pour récompenser Claude Roy. Écrivain et journaliste français, Adrien Bertrand avait obtenu le prix Goncourt en 1914 pour son roman L’appel du sol. Il avait par la suite légué un capital à l’Académie Goncourt afin de permettre la consécration de poètes pour l’ensemble de leur œuvre contrairement au Goncourt du roman lequel récompense un ouvrage en particulier. 

    Le Goncourt de la poésie 2011 n’est pas le premier sacre littéraire de Vénus Khoury-Ghata : les distinctions ont jalonné son parcours dès les premières publications avec le grand prix de Poésie de la Société des gens de lettres en 1993, mais aussi le prix Jules Supervielle, le prix Mallarmé, le prix Apollinaire et plus récemment le prix Baie des anges, le grand prix Guillevic de poésie de Saint-Malo et, en 2009, le Grand Prix de poésie de l’Académie française. Officier de la Légion d’honneur, Vénus Khoury-Ghata est une signature féminine incontournable parmi les grands noms de la littérature francophone contemporaine. Anciennement Miss Beyrouth en 1959, son élégance à toute épreuve n’a fait qu’enjoliver le joyau de la poésie qui l’anime. Poète, romancière, traductrice, critique, elle fait partie de plusieurs jurys littéraires, notamment ceux de l’académie Mallarmé et des prix France-Québec, Max-Pol Fouchet, Senghor, ou encore le prix des Cinq continents de la Francophonie.

    Forte d’un parcours alliant exigence et créativité, Vénus Khoury-Ghata travaille toujours sans répit et voyage régulièrement en ambassadrice de l’écriture. Sa vie très tôt bouleversée par l’avènement du poème est restée centrée sur ce dernier et innervée par sa sève. Celle qui dit : « J’ai maintenant vécu aussi longtemps en France qu’au Liban, mais je ne suis pas guérie de mon Orient » est née en 1937 à Baabda. Originaire de Bécharré dont les paysages escarpés et durs et les existences invisibles et indicibles habitent ses écrits, Vénus découvre dès l’enfance le pouvoir de la poésie par la médiation de son frère aîné Victor qui lui lit les poèmes qu’il compose en cachette. Le destin de ce frère chéri sera des plus tragiques : suite à de graves brisures précoces et à de cruelles mésaventures, il finira amoindri, dans l’incapacité totale d’écrire, « réduit à l’état de légume », dit la poète, dès l’âge de vingt-deux ans. Écorchée par cette perte, remuée dans les tréfonds de son être, la jeune Vénus s’investit du « devoir de remplacer » son frère et prend appui sur les manuscrits tracés auparavant par la plume fraternelle pour prendre son envol poétique.

    Vénus Khoury-Ghata a écrit à ce jour une vingtaine de romans et autant de recueils de poèmes dont le dernier Où vont les arbres ?, paru au Mercure de France en 2011, dénonce les violences de l’homme à l’encontre de la nature. Son prochain roman paraîtra au printemps 2012 toujours au Mercure de France, sous le titre Le facteur des Abruzzes. « J’ai inséré une langue dans l’autre : l’arabe et le français, pourtant aux antipodes l’une de l’autre », dit la poète dans un entretien avec Rodica Draghincescu pour le magazine numérique Zigzag. « J’ai marié ces deux langues étrangères. J’ai offert les tournures, les nuances, les saveurs, l’exaltation de la langue arabe à la langue française, à cette langue devenue dans le temps si cartésienne. Mon rêve, c’est d’écrire le français de droite à gauche, avec l’accent arabe et inversement. » Les ouvrages de Vénus Khoury-Ghata, traduits en diverses langues, ont conquis les lecteurs par leur voix originale qui sait frayer en chaque événement et en chaque souvenir un chemin littéraire inédit et rafraîchir si naturellement l’art de la métaphore. Ses écrits bercés par une violente nostalgie et un humour nappé de douceur, de tendresse et de brumes, sont forts d’une ubiquité particulière : celle de faire coexister par le langage, quelquefois dans un même vers ou une même phrase, des dimensions du monde et de l’humain fondamentalement distinctes – qui vont du culturel au biologique – et dont seule la poésie peut ordonner la commune existence.

    BIBLIOGRAPHIE

    Source : L’Orient Littéraire

    http://phenixblanc.net/2012/01/09/venus-khoury-ghata-grande-dame-de-la-poesie/

  • L'art de l'ambivalence

    LEONARD TSUGUHARU FOUJITA

    g2654_home.jpgEmilie Trochu pour

    Evene.fr - Avril 2010

    Un an après la mort de sa veuve, le 2 avril 2009, le musée des Beaux-Arts de Reims consacre une importante exposition au peintre Léonard Foujita, jusqu'au 28 juin 2010. L'occasion de se familiariser avec cet artiste surprenant et inclassable qui a choisi pour dernière demeure la capitale du champagne. Autour de ses oeuvres ou dans les fresques de l'étonnante chapelle qu'il a conçue et dans laquelle il repose, flotte encore un parfum de mystère. Portrait d'un artiste qui cultive l'ambivalence. Sur la simple dalle de marbre gris qu'abrite la chapelle Notre-Dame-de-la-Paix de Reims, on déchiffre en lettres dorées un patronyme aux étranges sonorités : Léonard Foujita. A l'image de celui qui l'a porté, ce nom évoque des origines contrastées, mi-japonaises mi-européennes. Autrefois dénommé Tsuguharu Fujita, le peintre francise son patronyme à son arrivée à Paris en 1913. Bien des années plus tard, presque au terme d'une carrière mouvementée mais couronnée de succès, il se convertit au catholicisme et choisit comme nom de baptême celui de l'un des plus grands artistes de la Renaissance, qu'il a beaucoup admiré. Au-delà du choix religieux, ce changement d'identité rappelle le sentiment de dualité qui transparaît aussi bien dans sa biographie que dans son oeuvre. Aussi mondain qu'acharné de travail, en équilibre entre deux cultures et plusieurs esthétiques, tantôt omniprésent, tantôt absent, plusieurs fois marié d'un côté ou de l'autre du Pacifique… difficile de cerner ce personnage à l'allure aussi atypique qu'insaisissable.

    Fou Fou chez les Montparnos

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    Petite silhouette fine, coupe "à la chien" (le bol de l'époque), lunettes rondes et noires, moustache et boucle d'oreille. Un look qui détonne pour le quotidien de l'époque mais qui ne saurait occulter le plus fascinant pour les Parisiens : son pays natal, le Japon. Dans le Paris artistique des années 1920, les étrangers sont nombreux à flâner autour de Montmartre ou de Montparnasse. C'est d'ailleurs le cosmopolitisme de cette scène qui lui donne son nom : l'Ecole de Paris. Un terme générique pour englober toutes sortes de pratiques liées par l'optique commune de bousculer l'académisme ambiant. Foujita est un artiste accompli lorsqu'il s'installe dans la capitale mais il vient chercher à sa source la modernité de l'époque, chez Chagall, Pascin, Soutine, Modigliani, Van Dongen… De fortes personnalités qui organisent les fêtes les plus folles à un rythme effréné, en compagnie de belles femmes impertinentes comme Kiki de Montparnasse, Mistinguett ou Suzy Solidor. Modigliani, notamment, l'inspire beaucoup, comme en témoignent ses portraits à fond d'or. Si tous ces artistes l'influencent, son vrai coup de coeur va aux paysages urbains du Douanier Rousseau, dont il voit une toile dans l'atelier de Picasso.


    Un vrai m'as-tu vu

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    Foujita est alors un jeune artiste plein d'ambitions et pas des moindres : il veut être le premier peintre de Paris. S'il passe des heures à arpenter le Louvre, recopiant encore et encore les détails des virtuoses de la Renaissance italienne, il est aussi très conscient de l'importance de son image. Le vedettariat se développe alors au rythme des actualités cinématographiques et de la presse écrite. Les journalistes se déplacent en masse pour couvrir tel ou tel événement dont on sait qu'il attirera des célébrités, qui elles-mêmes n'hésitent pas à multiplier les frasques pour faire parler d'elles. Si certains se livrent volontiers aux duels et toutes sortes de scandales, d'autres comme Foujita, se font plus discrets mais omniprésents. Fêtes déguisées, vernissages, balades à Deauville ou au bois de Boulogne, il est partout où il sait qu'il "faut être". Son mariage avec l'artiste française Fernande Barrey concrétise sa reconnaissance sociale. A la fin de la décennie, celui qu'on surnomme désormais "Fou Fou", est plus connu pour son excentricité que pour sa peinture.


    Forcené fortuné

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    Pourtant, Foujita est très loin d'être un débauché. Si on le voit à toutes les fêtes, il ne boit pas d'alcool et s'éclipse toujours tôt. "Il considère les bacchanales de ses amis comme des histoires de Blancs" (1) et passe le plus clair de son temps dans son atelier. Son travail reste cependant difficile à cerner, entre une grande sophistication du corps, qui évoque la sculpture classique et un trait stylisé tout à fait japonisant. C'est justement ce mélange entre les deux cultures qui fera son succès. La consécration a lieu au Salon d'Automne en 1924, avec le portrait de sa nouvelle muse Lucie Badoud, 'Youki, déesse de la neige'. C'est le début de son ascension et de sa réussite matérielle. Il s'installe dans un hôtel particulier de trois étages, au square Montsouris, et a pour voisins Braque ou Derain,, roule en Delage capitonnée de daim gris et invite le Tout-Paris à boire nonchalamment du champagne en découvrant de nouveaux artistes comme Calder. Son style s'affirme alors dans de grandes fresques aux perspectives inspirées de Michel-Ange, qu'il a vu récemment en Italie, des fonds satinés parsemés de corps de plus en plus travaillés.   Lire la suite de L'art de l'ambivalence »

    (1) Jeanine Warnod, 'L'Ecole de Paris', p.102, Arcadia Editions, 2004

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  • Bernard Clavel est mort

    Bernard Clavel, mort d'un grand romancier populaire



    L’écrivain, qui vient de disparaître à 87 ans, était l’auteur de plus d’une centaine de livres et avait su capter l’héritage des grands conteurs réalistes
    Avec Bernard Clavel disparaît un des derniers grands écrivains populaires et un des derniers vrais écrivains du terroir. Il était né le 29 mai 1923 à Lons-le-Saunier d’un père boulanger et d’une mère fleuriste, dans un milieu où la vie n’était pas facile, où l’on ne pouvait acheter beaucoup de livres mais où la culture était respectée, où les récits oraux tenaient une grande place.

    Son enfance fut bercée par les récits de son oncle Charles dont il a fait revivre le visage dans Le Soleil des morts. De cet homme, né pauvre lui aussi, engagé dans les bataillons de l’armée d’Afrique au début du XXe siècle et qui vécut la Grande Guerre, puis les combats de la Résistance, il déclarait : « Il a contribué à fixer la couleur de mon âme. » Son adolescence fut marquée par l’expérience traumatisante de l’apprentissage, traditionnel à l’époque pour qui ne pouvait – ou ne voulait plus, comme lui – continuer l’école.

    Et à l’école le jeune Bernard s’ennuya beaucoup, préférant la rêverie, la lecture, la fuite dans l’imaginaire. Son père ne voulant pas qu’il réalise son rêve – devenir peintre –, il se retrouva à 14 ans apprenti pâtissier à Dole où il subit les brimades d’un patron injuste et féroce, dont il devait se souvenir lorsqu’il écrivit La Maison des autres. Il lui devait sans doute une part de son existence pleine de révoltes, de voyages, de fidélités aussi, à ses maîtres : Hugo, Giono, Jean Guéhenno, Simenon ou Romain Rolland, dont il adopta très vite le pacifisme.

    Prix Goncourt en 1968 pour Les Fruits de l’hiver

    Pour gagner sa vie, il enchaîna les petits métiers, fut lutteur de foire, bûcheron, ouvrier dans une chocolaterie, dans une fabrique de verre de lunettes, vigneron, employé à la Sécurité cociale, relieur… Tous ces métiers, comme pour Gorki qu’il admira toujours, furent pour lui « ses universités ». Sous l’Occupation, il rejoignit le maquis du Jura, présent dans plusieurs de ses livres. La découverte dans le grenier familial des ouvrages de Victor Hugo avait été pour lui une révélation. Il essaya quelque temps de vivre de sa peinture, puis il y renonça, et dans un premier temps, accumula les textes qu’il détruisait, subissant un échec pour son premier manuscrit.

    C’est en 1956 que René Julliard, grand découvreur, publia L’Ouvrier de la nuit, salué dès sa parution. D’emblée il fut encouragé par Jean Réverzy, Marcel Aymé et, ce qui peut étonner, Gaston Bachelard et Gabriel Marcel. De nombreux succès de librairie suivirent et Bernard Clavel allait être publié par un autre grand éditeur, Robert Laffont (décédé en mai dernier) : L’Espagnol (1959), Malaverne (1960) Le Voyage du père (1965), L’Hercule sur la place (1966).

    En 1968 paraît Les Fruits de l’hiver qui obtint le prix Goncourt. Il avait, contre le conseil de Robert Laffont, voulu être publié en février plutôt qu’à la rentrée. Son livre durant quelques mois ne suscita aucun écho, mais lui donna l’occasion de faire des signatures dans les usines, juste avant le fameux mois de mai. Il sentit que tout bouillonnait dans la France ouvrière. Ce roman est le quatrième tome d’une saga, La Grande Patience, qui comprend La Maison des autres (1962), Celui qui voulait voir la mer (1963) et Le Cœur des vivants (1964) et constitue une évocation douloureuse de son enfance, de son adolescence et de ses parents.

    Son plus grand regret : que ses parents n’aient pu connaître son succès

    Son plus grand regret était que, morts, ils n’aient pu connaître son succès et compris qu’il n’était pas simplement un peintre raté. À ces portraits succèdent des figures auxquelles tout au long de sa vie Clavel va s’attacher, des gens humbles, vignerons, rouliers, mariniers, petits artisans, compagnons du Tour de France.

    « Je suis, déclara-t-il un jour, essentiellement un romancier, un conteur, c’est-à-dire un homme qui porte en lui un monde et qui s’acharne à lui donner la vie. » De ses personnages, il avait coutume de dire qu’il ne les avait jamais imaginés, il les avait rencontrés, ils venaient de la vie. Pour les rencontrer, ajoutait-il, il fallait les chercher, souvent en voyageant. Bernard Clavel voyagea et déménagea sans cesse.

    Pourtant l’enracinement dans une région, autour de Lons-le-Saunier, autour de Lyon, est au cœur de son œuvre. Dès son premier roman, Vorgine, qui fut d’abord refusé, puis publié en 1956, le Rhône était présent, ce fleuve qui lui avait donné envie de peindre et d’écrire : « Le Rhône, ce sont des hommes, des femmes, tout un petit peuple parmi les lumières. »

    Une autre grande saga éditée à la fin des années 1970 le ramena en Franche-Comté : dans Les Colonnes du ciel, il faisait revivre la guerre et la peste qui ravagèrent cette région de 1635 à 1645. Et puis il revint à des paysages d’eaux et de forêts sauvages. Clavel avait toujours aimé l’hiver, les plaines gelées et silencieuses, les vastes étendues de neige, les animaux en liberté.

    Les terres de l’Amérique du Nord qui lui rappelaient les saisons de son enfance lui inspirèrent une autre immense saga, Le Royaume du Nord (Albin Michel) où d’autres héros, les pionniers canadiens, entrent en scène, où les histoires sont proches de celles de Mayne Reid et de James Oliver Curwood.

    Il possédait le souffle, le don de l’émotion, le lyrisme dans la simplicité

    Auteur d’une centaine de livres – romans, nouvelles, essais, contes pour enfants… –, traduits en d’innombrables langues, lauréat de nombreux prix, Clavel était insensible aux honneurs, aux calculs, aux vanités du petit monde littéraire. Devenu juré Goncourt en 1971, il en démissionna en 1977. Insoumis, révolté par la souffrance et l’injustice, il s’opposa jusqu’à la fin à la corruption par l’argent, à la violence organisée, il se battit pour les enfants, les pauvres, pour la protection de la planète. Et il avait avoué que sa foi en Dieu s’effritait lorsqu’il regardait le malheur des hommes.

    Il s’était marié en 1945 avec Andrée David qui lui donna trois enfants. Il devait dire d’elle et de Jacques Peuchmaurd, qu’il avait connu chez Julliard, que s’il ne les avait pas rencontrés, il n’aurait jamais pu écrire. Plus tard, au Québec, il fit la connaissance de Josette Pratte, qui devint sa seconde épouse, sa première lectrice et qui s’occupa de l’édition de ses livres.

    Des romanciers du XIXe siècle, il possédait le souffle, l’aptitude à construire une histoire, à suivre des fils solides dans la narration, le don de l’émotion, le lyrisme dans la simplicité. D’eux aussi il a hérité un monde – des paysans, des artisans, des modes de vie, des traditions, des savoirs, des valeurs – tout un univers qui est en train doucement de disparaître.

    Francine de Martinoir


    Les Éditions Omnibus ont entrepris l’édition de toute son œuvre romanesque.

    Photo : Bernard Clavel, en février 2003, à Paris (VERDY/AFP).

    http://www.la-croix.com/photo2/index.jsp?docId=2441667&rubId=4085