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Catégories : Des lieux

Sauver Venise en injectant de l'eaiu en sous-sol

d0446582c825b7fc557c3f256a4e771d.jpgYves Miserey
15/01/2008 | Mise à jour : 21:05 |

Une élévation du sol de 25 à 30 centimètres en dix ans pourrait limiter les effets de l'acqua alta, ici vécue avec humour par ces touristes, qui mine la cité des Doges. Crédits photo : ASSOCIATED PRESS

Des universitaires italiens vont tester l'efficacité de leur projet dans la lagune.

Soulever le sol de Venise de plusieurs centimètres en injectant d'énormes quantités d'eau de mer dans son sous-sol. C'est le projet sur lequel travaille depuis plusieurs années une équipe de ma­thématiciens et modélisateurs de l'université de Padoue (Italie). En 2004, ils en ont déjà présenté les grandes lignes dans une première étude, n'hésitant pas à affirmer que l'injection de fluide en sous-sol pourrait permettre d'empêcher les inondations qui envahissent régulièrement la cité des Doges durant l'automne et le printemps la trop fameuse acqua alta.

Plusieurs experts s'étaient montrés sceptiques. En effet, l'assiette sur laquelle Venise est construite, est très fragile. Or, si le soulèvement est inégal, il pourrait causer de graves dégâts, voire des fissures irréparables à certains bâtiments.

Les mathématiciens de l'université de Padoue ont donc revu leur copie. Ils projettent de tester leurs hypothèses dans une zone de la lagune proche de Venise (Water Resources Research, vol 44, 5 janvier 2008). Plus modestes et réalistes, ils soulignent que l'injection d'eau à grande profondeur pourrait contribuer à améliorer l'efficacité du projet Moïse (Mose en italien, acro­nyme de MOdulo Sperimentale Elettromeccanico). C'est habile car ce système d'écluses pivotantes est très décrié en raison de son prix exorbitant (plus de 4 milliards d'eu­ros). Sa construction devrait être terminée en 2011, mais plusieurs spécialistes affirment déjà qu'il ne permettra pas d'endiguer la montée du niveau de la mer qui devrait s'accentuer au cours du prochain siècle.

Quatre sites candidats

 

La municipalité de Venise elle-même y est opposée. Les élus sont furieux, car ils avaient proposé une série de solutions alternatives que le gouvernement, à Rome, n'a ja­mais prises en compte.

«En 2004, on voulait montrer que la surrection de Venise de plusieurs dizaines de centimètres était théoriquement possible, explique Giuseppe Gombolati, de l'univer­sité de Padoue. Cette fois, nous voulons montrer que notre projet est efficace.»

Le plan est ficelé. Il prévoit de forer trois puits à une profondeur comprise entre 600 mètres et 800 mètres. C'est à l'intérieur de ces conduits que de l'eau de mer pompée au large sera injectée et devrait assurer une pression en sous-sol susceptible de soulever la surface de plusieurs dizaines de centimètres (entre 25 et 30 centimètres au bout de dix ans). Quatre sites candidats ont déjà été choisis. Reste maintenant à trouver l'essentiel, les financements, estimés à près de 5 millions d'euros par an.

Des variations dans le remplissage des nappes phréatiques peuvent faire varier la hauteur du sol. C'est ainsi que, de 1980 à 1998, la ville de Las Vegas (États-Unis) s'est élevée de 3 centimètres. L'injection délibérée de fluides dans le sous-sol est une pratique courante dans l'industrie pétrolière. Elle permet de faire remonter les hydrocarbures déposés en fond de couche et de les récupérer. Mais l'enjeu est tout autre pour Venise.

Les quantités d'eau pompées devront être considérables et continuelles pour éviter que le niveau du sol ne retombe. «C'est le point faible de ce projet», estime d'ailleurs Paolo Pirazzoli, du CNRS, spécialiste des variations du niveau de la mer, lui-même d'origine vénitienne. De plus, le risque de fractures en surface n'est toujours pas écarté. Ce programme spectaculaire a au moins pour lui l'intérêt d'améliorer la connaissance du sous-sol de la cité des Doges.

La montée du niveau de la mer n'épargnera pas Venise. Moïse et l'in­jection d'eau de mer en profondeur ne suffiront pas à l'endiguer, estime Paolo Pirazzoli. Des experts italiens estiment en effet que les prévisions du Giec (Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat) ont tendance à la sous-estimer. Selon lui, il faudra adopter d'autres solutions. L'efficacité du projet des universitaires de Padoue sera toutefois suivie bien au-delà de Venise. Leurs essais intéresseront tous ceux qui travaillent sur le volet adaptation du réchauffement climatique.

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