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Nous avons aimé ce week-end:"La bataille du rail"

«La bataille du rail» peut en cacher une autre

Par Jacques de Saint Victor
18/05/2010 | Mise à jour : 11:24 Réagir

Le film de René Clément a obtenu le grand prix du premier festival de Cannes, en 1946.
Le film de René Clément a obtenu le grand prix du premier festival de Cannes, en 1946.

Le film de René Clément, qui sort en DVD dans une version restaurée est projeté ce mardi dans la ­sélection «Cannes classics». Il a forgé le mythe d'une SNCF unie dans la Résistance. 

Le chef-d'œuvre de René ­Clément, La Bataille du rail, projeté mardi dans la ­sélection «Cannes classics», est-il une «imposture historique», comme l'a proclamé en 2008 l'un des membres du CSA dans un livre d'humeur? Le sujet, par son caractère dramatique, mérite plus de nuances. En effet, le film part d'une indéniable réalité: les actes héroïques de nombreux cheminots dont plus d'un millier ont péri pendant la ­Seconde Guerre mondiale. Sur une ­entreprise qui employait alors quelque 410 000 agents, il y en eut bien, selon les estimations, près de 10% qui résistèrent, ce qui laisse 40 000 combattants de l'ombre. Ce réseau de résistance sera cité à l'ordre de l'armée par le général de Gaulle le 17 mai 1945.

Pourtant, ces dernières années, des voix discordantes ont dénoncé le rôle de la SNCF notamment dans la déportation des Juifs. Comment expliquer ce paradoxe? Il tient surtout à une légende forgée par la direction de la SNCF dans l'immédiat après-guerre, notamment grâce à La Bataille du rail. Celle d'une grande famille des chemins de fer unie, du bas au sommet de l'entreprise, dans la Résistance. Or, c'est un peu moins glorieux, notamment pour la direction. Depuis le rapport Bachelier (1996) et les travaux ultérieurs, il apparaît que la ­direction de la SNCF a fait preuve, ­entre 1940 et 1944, d'une collaboration active avec l'occupant, par exemple en sanctionnant les rares cheminots ayant refusé de conduire les «trains de la mort», comme le fameux Léon Brochart (dont le nom sera longtemps tu même après guerre). Et la direction, qui agissait sur ordre des nazis, a pris des décisions incompréhensibles, voire inhumaines. Pourquoi avoir continué, par exemple, à faire partir des trains de déportés vers l'Allemagne en août 1944 (le «train fantôme» de Bordeaux)?

Cela ne peut s'expliquer que parce que nombre de hauts dirigeants de la SNCF, brillants polytechniciens, baignaient dans une culture gestionnaire. Par carriérisme, certains ont appliqué les consignes avec le même zèle que certains préfets de Vichy. Après guerre, ceux qui avaient résisté, ­notamment dans NAP-fer, ont tout de suite compris la nécessité de redorer le blason de leur entreprise. D'où ce soutien au tournage du film, dont la SNCF, il faut le rappeler, est un des principaux commanditaires. Le succès du film à Cannes contribuera à forger notre représentation de la Résistance. En réalité, comme le précise l'historienne Sylvie Lindeperg dans le DVD, la SNCF a pesé en 1945 sur le réalisateur pour passer, par glissements successifs, d'un film sur les cheminots résistants à un film sur les «chemins de fer» dans la Résistance. Au fond, les vrais résistants ont servi à blanchir les autres… Comme on dit à la SNCF, «attention, un train peut en ­cacher un autre…».

«La Bataille du rail», remastérisé et restauré en haute définition, est publié en 2 DVD, INA éditions.

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» Non, M. Gallois, la SNCF n'était pas unanimement résistante!

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POUR ACHETER LE DVD:

» La Bataille du rail, de René Clément, 24,99€ sur Fnac.com

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