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Catégories : Des évènements

L'agrégation des dentelles

Par Etienne De Montety
27/01/2011 | Mise à jour : 11:49 Réactions (2)

Céline ne fera pas partie des célébrations nationales de 2011. Un haut comité s'y était d'abord déclaré favorable, soutenu par le grand célinien Henri Godard. Serge Klarsfeld, au nom des déportés, était contre. Chacun avançait des arguments, qui au nom de la littérature, qui au nom de la morale, dont aucun n'était indigne. Pouvait-on passer sous silence un écrivain qui avec Proust (qu'il insultait) domine la littérature du XXe siècle? Mais ce misanthrope, antisémite et paranoïaque pouvait-il être érigé en modèle pour notre époque ou du moins en objet d'admiration - c'est le but de la célébration? Nous étions tiraillé, façon Horace, quand nous vint l'idée de consulter l'intéressé lui-même. Qu'aurait pensé «Ferdine» de cette opération? Aurait-il consenti à devenir un écrivain officiel? Réponse: «Un raffiné valable, raffiné de droit, de coutume, officiel, d'habitude doit écrire au moins comme M. Gide, M. Vanderem, M. Benda, M. Duhamel, Mme Colette, Mme Fémina, Mme Valéry, les “Théâtres Français”»... pâmer sur la nuance, (…) troufignoliser l'adjectif… goncourtiser… merde ! enculagailler la moumouche, frénétiser l'Insignifiance, babiller ténu dans la pompe, plastroniser, cocoriquer dans les micros. Révéler mes “disques favoris”… mes projets de conférence (…) Mais je suis quand même trop vieux, trop avancé, trop salope sur la route maudite du raffinement spontané… après une dure carrière “de dur dans les durs” pour rebrousser maintenant chemin ! et puis venir me présenter à l'agrégation des dentelles ! ... Impossible !» Outre que cette prose aurait fait désordre Rue de Valois, où l'on frénétise volontiers l'insignifiance, Céline revendiquait le «beau titre» de «dissident d'honneur». Accordons-le lui et laissons-le en paix, dans sa solitude hautaine. Pour avoir voulu réinsérer un dissident contre son gré, le jury d'«agrégation des dentelles» s'est - comment dire - mis dans de beaux draps.

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Une querelle indigne  

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Par Claude Duneton
27/01/2011 | Mise à jour : 11:45

Louis-Ferdinand Céline a tout fait de son vivant pour être un mort infréquentable - je parle de l'homme, pas de l'œuvre. Je crois qu'il serait aux anges d'avoir été refusé au Panthéon de 2011 des écrivains à célébrer. On entend d'ici la diatribe du pamphlétaire ! Il faut dire que son cas s'est notablement aggravé depuis sa disparition en 1961; j'en suis témoin, moi qui ai monté une adaptation des Beaux Draps dès l'automne de 1970, dans une petite librairie-théâtre à la mode d'alors. La surprise causée par la langue célinienne, le plaisir de cette oralité contrôlée (si bien mise en valeur plus tard par Fabrice Luchini) avaient été vifs neuf ans après la disparition de l'auteur. Il n'y avait eu aucun remous passionnel, juste le plaisir d'un texte pimpant que l'on découvrait…

Dix ans plus tard, j'ai créé, à la télévision, avec feu mon cher complice Gérard Follin, une adaptation très fantaisiste que nous avions faite de Nord. Succès de l'émission et pas le moindre murmure d'en haut ou d'en bas pour cet Appelez-moi Ferdinand, tendre, bougon et plutôt rieur.

Aussi ma surprise fut grande, quatorze ans plus tard, lorsque je voulus mêler ma voix fluette à ce que j'imaginais être les célébrations du centenaire de Céline, en 1994. Je proposais une petite bluette ayant pour titre Bal à Korsor (chez Grasset), par laquelle je saluais le génie de l'ermite de Meudon et les grandes vertus de sa veuve, la délicate Lucette Almanzor. Mais de célébration, il n'y en avait guère - Non, non ! Je me trompais d'époque… on me fit sentir que Céline était devenu malsain, un odieux saltimbanque à fuir de toute urgence…

Que s'était-il passé? Eh bien les pamphlets antisémites dont lui-même avait interdit la réédition étaient revenus à la surface - on ne voyait plus à présent que ces diatribes datées. L'auteur de livres majeurs disparaissait derrière celui de textes haineux. Les choses n'ont pas changé depuis, et le ministre a agi sagement, je crois, en coupant court très vite à une querelle qui s'annonçait indigne à la fois des victimes des nazis et des défenseurs de Céline. D'ailleurs, cinquante ans c'est trop court pour faire entrer les personnalités exceptionnelles dans des cadres. Si l'on avait voulu célébrer officiellement Voltaire en 1828, on se serait heurté à de belles criailleries. Quel tollé ! quelle révolte !…

Au demeurant, les restes de Voltaire, contrairement à ce qu'on croit, ne seraient même pas au Panthéon… Ce sont d'autres os que les siens qui ont pris sa place. Chut ! Je raconterai cette histoire une autre fois

http://www.lefigaro.fr/livres/2011/01/27/03005-20110127ARTFIG00441-une-querelle-indigne.php

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