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Catégories : Musique

Springsteen très cash

Par SABRINA CHAMPENOIS

 

Rock. Avec «Wrecking Ball», le Boss signe la BO indignée des ravages de la crise économique aux Etats-Unis.

Dans ce dix-septième album, Bruce Springsteen règle ses comptes avec les banques. - Danny Clinch
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Quarante ans après ses débuts, est-il raisonnable d’écouter, attentivement s’entend, un nouvel album de Bruce Springsteen ? N’en a-t-on pas ras le bandana du numéro de working class hero, d’accord né plouc le 23 septembre 1949 à Long Branch, New Jersey, mais entre-temps promu «Boss» planétaire remplisseur de stades à 80-100 euros la place ? Bref, hormis l’effet memorabilia-doudou, qu’on peut aussi trouver dans le come-back de Leonard Cohen ou l’expo Dylan, à quoi bon Wrecking Ball ?

A la façon de The Rising qui, il y a dix ans, faisait écho aux attentats du 11 Septembre, ce 17e Springsteen répond explicitement à un trauma d’actualité : la crise financière post-Lehman Brothers. Wrecking Ball signifie «boule de démolition», celle utilisée sur les chantiers pour ébranler les buildings. Titre idoine pour la cause ici défendue, l’Amérique fissurée, entamée, ruinée, expropriée : Springsteen, qu’on sait depuis Nebraska apte au spleen jusqu’à la neurasthénie, s’en fait le porte-voix hargneux, vindicatif, revanchard.

«Vautours». Genou et moral à terre («Chérie, je me suis déjà senti mal, mais jamais aussi mal/ J’ai déjà été perdu, mais jamais aussi perdu», dans This Depression), Sisyphe US sacrificiel (Jack of All Trades) qui peine à trouver l’issue dans l’obscurité, dans un monde qui a dévissé (Shackled and Drawn). Mais capable d’un pétage de plombs assumé («Si je trouvais un flingue, j’alignerais ces salopards») ou d’un hold-up à la Bonnie & Clyde (Easy Money).

L’ex-militant pro-Obama, aujourd’hui plus circonspect et plutôt partisan d’Occupy Wall Street, a les responsables alignés dans le viseur. Sus aux fat cats (les richards) qui ricanent du malheur des faibles, qui «détruisent nos familles, usines, et qui prennent nos maisons, qui laissent nos cadavres aux vautours». Haro sur ces «voleurs cupides» de banquiers qui s’engraissent sur le dos des cols bleus, dans une énième amère répétition de l’histoire.

Au total, un constat aux échos churchilliens, qui reconnaît la sueur, la peine et les larmes, tout en promettant façon méthode Coué d’autres lendemains, voire la victoire - «les mauvais moments vont et viennent», «on va s’en sortir».

L’entrain, de fait, prévaut côté son. Résultat : une ambiance folk-rock à incursions et extensions irlandaises, New Orleans ou mexicaines, rappelant les fraternelles Seeger Sessions. C’en est souvent paradoxal et les saturniens regretteront une option crépusculaire, à vraiment toucher le fond. Le parti pris n’est pourtant pas inintéressant, pour Death to My Hometown notammment, au texte très balle dans le slip, ou encore pour la gigue des morts finale, au fond hyper flippante (We Are Alive).

Autodérision. Dommage que l’affaire tourne ici et là à la grosse cavalerie néopatriotique (We Take Care of Our Own). Un morceau plombé par la batterie comme This Depression donne des envies immédiates de version acoustique. Et les bouffeurs de curés pourraient caler devant les envolées «godesques» qui boursouflent le gospel de service Rocky Ground. Mais la voix, tout du long, est superbe, pas forcément bûcheron comme le veut la légende. Témoin, You’ve Got It, où l’organe s’enroule tel le serpent sur une invite («C’mon and give it to me») aux réminiscences de I’m on Fire.

Vu l’énergie intacte du bonhomme, tout cela devrait valoir en concert quelques séquences de communion collective à la hauteur de la réputation du mega showman-prêcheur. Sachant que BS ne manque pas de distance ni d’autodérision, comme le prouve sa récente reprise de I’m Sexy and I Know It de LMFAO, en duo avec l’humoriste Jimmy Fallon déguisé en Neil Young

 

Bruce Springsteen CD : Wrecking Ball (Columbia/Sony Music). En concert le 19 juin à Montpellier, les 4 et 5 juillet au POPB Paris-Bercy (XIIe).
 
 

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