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Grèves à Presstalis : coupures de presse

6 février 2013 à 22:22
Des présentoirs vides des journaux quotidiens d'un kiosque à journaux.
Des présentoirs vides des journaux quotidiens d'un kiosque à journaux. (Photo Emmanuel Glachant. AFP)

Décryptage Plan social. Depuis l’automne, les blocages par la CGT du Livre se multiplient, ébranlant tout un secteur. Les raisons d’un conflit.

Par ISABELLE HANNE
Libération

Aucun quotidien national en kiosques hier. Beaucoup de titres absents avant-hier. Idem la semaine dernière. Et celle d’avant encore. Depuis l’automne, l’activité de Presstalis, qui pilote la distribution de la presse en France, a été bloquée une trentaine de fois par le Syndicat général du livre et de la communication écrite (SGLCE-CGT). Le Livre-CGT veut ainsi marquer son opposition au plan de restructuration de Presstalis, qui prévoit la suppression de 1 250 postes sur 2 500 salariés. Mardi, prévenus des blocages à venir dans la nuit, les éditeurs ont carrément décidé de ne pas imprimer leurs journaux.

Les principes du secteur

Le système de distribution de la presse est une exception française. En réaction aux journaux collaborationnistes de la Seconde Guerre mondiale, la loi Bichet est adoptée en 1947. Ce texte encadre toujours la distribution de la presse : elle repose sur la solidarité entre éditeurs, avec des principes coopératifs - les plus riches payent plus que les petits -, et sur leur égalité devant la distribution. Aujourd’hui, Presstalis distribue tous les quotidiens nationaux et deux tiers des magazines. Le reste des magazines est piloté par les Messageries lyonnaises de presse (MLP). La logistique de la distribution de la presse est sans égale. Grâce aux messageries et à leurs ouvriers, la nuit, le jour, en camion ou en train, les journaux transitent des imprimeries jusqu’aux dépôts de presse, y sont conditionnés, puis sont livrés aux points de vente.

La crise de la distribution

Mais la chute vertigineuse de la vente au numéro (- 25% entre 2008 et 2012, une tendance qui devrait s’accélérer) a mis à mal l’ensemble du secteur. Le système fonctionne à plein en temps de presse dynamique et florissante, mais périclite quand celle-ci est en crise. Désormais, c’est toute la filière qui souffre : éditeurs, messageries et diffuseurs. Des journaux mettent la clé sous la porte. Des kiosques ferment (1 000 en 2012). Et on restructure Presstalis, qui a frôlé le dépôt de bilan l’année dernière. «C’est la question de la survie de ce réseau qui est en cause», écrit Gérald Proust, président de l’Union nationale des diffuseurs de presse, dans une lettre ouverte au SGLCE. Car chaque jour de non-parution est un manque à gagner de taille pour les diffuseurs et les éditeurs, déjà sévèrement touchés par la crise publicitaire, la mutation numérique et des changements d’habitude de lecture.

Le plan de restructuration

Pour revenir à l’équilibre d’ici à 2015, la direction de Presstalis veut donc supprimer un poste sur deux et imposer une réduction drastique du nombre de dépôts, en sous-traitant une grande partie de son activité. Notamment en Ile-de-France, pierre d’achoppement majeure, où le plan prévoit la fermeture de deux centres de distribution sur trois. «Après l’application du plan, explique un bon connaisseur du secteur, Presstalis ne sera plus qu’une coquille vide, avec une distribution régie par des opérateurs privés. La loi Bichet sera complètement vidée de son contenu.»

Les mesures d’urgence

Hier, le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, a rappelé «la situation extrêmement difficile dans laquelle se trouve [Presstalis] en dépit des efforts considérables que l’Etat a pu consentir depuis maintenant dix ans». Certes, les pouvoirs publics ont déjà mis la main à la poche. En octobre, un accord a été signé entre les éditeurs, l’Etat et la direction de Presstalis, prévoyant une série de mesures d’urgence. L’Etat a accordé 35 millions d’euros en prêts et en aides directes à la distribution des quotidiens, accompagnés d’une garantie de 60 millions d’euros. Les éditeurs ont eux aussi fourni de gros efforts, notamment via une hausse des tarifs de Presstalis (16 millions d’euros) et une augmentation de capital (8 millions). Ils ont surtout mis à disposition leur trésorerie en transit dans le réseau (90 millions d’euros). Les rivales MLP sont elles aussi mises à contribution : elles payent une partie de la distribution des quotidiens.

Le Syndicat du livre

Le Livre-CGT est très majoritaire et très puissant dans le secteur de la distribution. Le blocage, c’est leur levier dans la négociation : le syndicat s’oppose à tout départ contraint et refuse, entre autres, la fermeture des deux centres franciliens. «Nous, ce qu’on souhaite c’est que les discussions reprennent sur des bases solides, et pas sur le plan de la direction de Presstalis», exige Marc Norguez, le secrétaire général du SGLCE. Une mobilisation que certains expliquent notamment par la perte d’influence qui touchera le syndicat avec les suppressions de postes. La section distribution est la plus importante du Livre- CGT, avec 450 adhérents sur 1 900 au total. «Ils disent qu’ils se battent pour la loi Bichet, mais ils se battent surtout pour la préservation de leurs acquis», estime un spécialiste du dossier. «Ils tapent sur les quotidiens pour attirer l’attention des pouvoirs publics et obtenir des sous pour leur départ, glisse-t-on à Presstalis. Ils voient bien que la marge de manœuvre est très réduite : Presstalis perd entre 2 millions et 3 millions d’euros par mois !»

Hier, environ 300 ouvriers du Livre ont bloqué la plateforme d’un sous-traitant de Presstalis à Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne). «C’était stratégique : c’est là où toutes les publications devraient atterrir selon le projet de la direction, explique Michel, délégué SGLCE à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Avec ce plan, j’ai du mal à voir la pérennité de l’entreprise. Là, ils nous coupent les bras. Dans deux ans, ils nous couperont la tête.»

http://www.liberation.fr/medias/2013/02/06/greves-a-presstalis-coupures-de-presse_879962

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