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Catégories : Des évènements, L'art

Zao Wou-ki lève l’encre

10 avril 2013 à 22:06

Par ERIC LORET
 

 

Disparition. Le peintre franco-chinois du geste et du souffle est mort mardi en Suisse à l’âge de 93 ans.

Zao Wou-Ki pose dans son atelier en 2003. - Photo François Guillot. AFP

Son prénom, Wou-ki, signifiait «illimité». Ses toiles s’adjugeaient de 1 à 2 millions de dollars, on l’aimait pour des raisons cosmiques (nuages, eau) et exotiques (l’Orient rencontre l’Occident). Il déclarait à Libération en 1993 : «Sincèrement, je ne sais pas ce que je fais. Je peins ce que j’ai envie de peindre et petit à petit quelque chose arrive, qui est souvent raté. Alors on recommence, on continue. C’est aussi bête que ça. Je barbouille, quoi. Avec l’envie d’exprimer le plus de choses possibles avec le maximum de simplicité. Jusqu’à maintenant, je n’y suis pas encore parvenu.»

«Rythmes». Si l’on regarde aujourd’hui les tableaux de Zao Wou-ki à l’aune de l’Internet, alignés sur une page de recherche Google, c’est-à-dire de loin, en mal, on voit des corps. Des déchirures d’origine du monde, des paysages érotiques. Principe de Rorschach. Lui convoitait le «souffle», la «respiration» comme un «vide vécu». Il était un des derniers grands «modernes» au sens historique, sous influence Cézanne, Klee, Matisse, peinture qu’il définissait canoniquement ainsi : «Ce n’est pas la façon de peindre qui importe, c’est la façon de voir.» Zao Wou-ki, c’est aussi, presque malgré lui, une approche métaphysique et littéraire de la peinture orientale qui, de Victor Segalen à Henri Michaux, nourrit la littérature française. Ainsi Henri Michaux est-il l’auteur de plusieurs textes sur Zao, dont cette impression qu’on lit dans Jeux d’encres (posthume) : «Ah ! Cette surprise ! Et quelle joie ! Il avait donc retrouvé son bien héréditaire : les rythmes de la nature, plus importants que la nature, comme ils apparurent à la pensée là-bas. Le "Yang" l’attendait. Le "Yin" aussi, immanquablement. Le papier sans épaisseur les avait recueillis tout naturellement.» Question de sismographie, donc, de combat, poétique du geste : l’image à l’état pur, lorsqu’un corps livre à un autre corps (celui du regardeur) un bouquet d’espace et de temps sous forme de couleur.

Né à Pékin en 1921 dans une famille de lettrés, Zao Wou-ki quitte son pays un an avant le régime communiste. Il s’installe à Paris en 1948, trouve un atelier dans le XIVe arrondissement. La rencontre avec Michaux est décisive puisque la Lecture de huit lithographies de Zao Wou-ki (1950) par le poète lance le jeune peintre sur la scène française. Il l’incite aussi à utiliser, parallèlement à la peinture, l’encre de Chine. Zao quitte dans les mêmes années la figuration et fréquente de Staël, Soulages ou Riopelle. Son premier grand tableau abstrait, Vent, date de 1954. Sa palette suivra parfois sa vie personnelle, telle la mort de son père, à l’enterrement duquel il ne peut assister car le régime chinois ne l’autorise pas à revenir.

Disputes. Superstar, il expose dans le monde entier, dont une rétrospective parisienne dès 1981 et une autre, enfin, à Pékin, en 1999. Des disputes sur sa succession assombrissent les dernières années de l’artiste disparu mardi à 93 ans : son fils accuse sa belle-mère d’abus de faiblesse, celle-ci ayant déménagé en Suisse son mari, atteint d’Alzheimer, et ses toiles.

Le fils s’inquiétait en particulier de tableaux vendus sans son accord. Il avait obtenu récemment en France la nomination de tuteurs indépendants de l’épouse de son père, qui devaient établir un inventaire des œuvres de Zao. Mais justice suisse et française se renvoyaient la balle. La succession, réglée par testament, apaisera-t-elle les tensions ?

http://next.liberation.fr/arts/2013/04/10/zao-wou-ki-leve-l-encre_895317

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