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Laure Albin Guillot, une photographe novatrice sur la forme, conservatrice sur le fond

LE MONDE | 18.04.2013 à 16h34 • Mis à jour le 19.04.2013 à 11h30

Claire Guillot

Laure Albin Guillot, "Etude de nu", vers 1940. Epreuve argentique. 14 x 22 cm. Collections Roger-Viollet/Parisienne de Photographie.

Facebook a censuré sur son site la page du Jeu de paume. Motif ? Les nus de la photographe Laure Albin Guillot (1879-1962) seraient pornographiques. Pourtant, les Vénus et les Apollon dénudés, présentés dans la rétrospective qui lui est consacrée place de la Concorde à Paris, n'ont guère de quoi émoustiller le passant. Profils de statues, flous vaporeux, drapés étudiés... l'œuvre de Laure Albin Guillot, qui a connu la gloire dans les années 1930-1940, évoque davantage un retour fantasmé aux idéaux de la Grèce antique que les provocations des avant-gardes.

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Pourquoi mettre en valeur cette photographe tombée dans les oubliettes de l'histoire ? "Elle a fait avancer, à sa manière, la cause de la photographie", répond l'un des commissaires de l'exposition, Michaël Houlette. Dans les années troublées de l'avant-guerre, Laure Albin Guillot a en effet su se forger une place aussi enviée que particulière. D'abord ombre fidèle de son mari, elle a pris son indépendance après sa mort. On la retrouve dans les groupes militant pour la promotion des artistes femmes. Elle occupe aussi des positions rares pour une personne de son sexe à l'époque : responsable d'un studio de portraits réputé, directrice des Archives photographiques nationales et directrice de la Cinémathèque française.

CADRAGES SOPHISTIQUÉS

Tout au long de sa carrière, Laure Albin Guillot s'est battue pour imposer la photographie, mais comme art décoratif. Les "micrographies" qui l'ont fait connaître - des abstractions colorées prises au microscope - sont utilisées pour orner des livres. Elle se forge aussi une place de choix dans la publicité, signant la réclame du savon Monsavon, des pendules Jaeger...

Reste que, sur les murs, les œuvres elles-mêmes ont beaucoup vieilli. L'exposition, qui rassemble 200 tirages soignés et des documents inédits tirés des Archives, fait défiler les différentes facettes de son œuvre : des portraits d'artistes sophistiqués mais ternes, des nus mièvres. Les micrographies gardent un certain charme, mais même ses photos publicitaires sont illustratives. La partie la plus intéressante arrive en toute fin, avec ses livres d'artistes : Narcisse, composé à partir d'un texte de Paul Valéry, met en scène des nus masculins osés pour l'époque, et joue intelligemment avec les blancs de la page.

L'exposition peine à montrer le contexte historique, à dire comment Laure Albin Guillot était ancrée dans son temps : les années 1930 voient l'apogée du "style français", avec la promotion d'un art national installé dans un classicisme revisité. Des avant-gardes surréalistes ou modernistes, qu'elle connaît parfaitement, Laure Albin Guillot ne retient que quelques superpositions et des cadrages sophistiqués. Car ses thèmes restent ancrés dans la tradition picturale - nus sages et paysages mélancoliques. Tireuse hors pair, Laure Albin Guillot visait un art d'excellence, réservé à une élite éclairée. Une position qui évoque le mouvement pictorialiste, à la fin du XIXe siècle, dont elle n'a jamais nié l'héritage.

Rien d'étonnant, du coup, à ce que son style novateur sur la forme et conservateur sur le fond ait trouvé des échos favorables sous le régime de Vichy : la guerre est pour Albin Guillot une période florissante. Elle produit plusieurs livres d'artistes et, en 1942, est chargée d'illustrer Les Nouveaux Destins de l'intelligence française, livre de propagande qui présente les artistes et scientifiques mis en avant par le régime. A la fin de la guerre, la photographe ne sera pas inquiétée. Mais son œuvre, si liée au passé, tombera pour longtemps dans l'oubli.

Laure Albin Guillot 1879-1962, l'enjeu classique", galerie nationale du Jeu de paume, 1, place de la Concorde, Paris 8e. Mardi de 11 heures à 21 heures. Du mercredi au dimanche de 11 heures à 19 heures. Jusqu'au 12 mai. Tél. : 01-47-03-12-50. Jeudepaume.org

Photographie

http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/04/18/laure-albin-guillot-une-photographe-novatrice-sur-la-forme-conservatrice-sur-le-fond_3161984_3246.html

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