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Turquie : l'autoritarisme à courte vue de M. Erdogan

 

LE MONDE | 20.06.2013 à 11h17 | Par Editorial du "Monde"

La police turque disperse les manifestants de gauche qui tentaient de gagner la place Taksim, mardi 1er mai 2007 à Istanbul. Ces incidents surviennent alors que la crise politique entre le camp laïque et le gouvernement islamiste modéré perdure en Turquie.

La police turque disperse les manifestants de gauche qui tentaient de gagner la place Taksim, mardi 1er mai 2007 à Istanbul. Ces incidents surviennent alors que la crise politique entre le camp laïque et le gouvernement islamiste modéré perdure en Turquie. | AP/ISMAIL SAHIN

Les partisans de Recep Tayyip Erdogan peuvent plastronner : en quelques heures, les 15 et 16 juin, la police turque a fait place nette dans le centre d'Istanbul, faisant disparaître toute trace des deux semaines d'occupation de la place Taksim et du parc Gezi. Sur place, de la protestation spontanée et utopique provoquée par l'annonce de la destruction du parc, il ne reste plus rien. Si ce n'est davantage de policiers qu'à l'accoutumée, installés là pour dissuader les opposants de revenir.

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La fermeté affichée depuis le début de la crise par le chef du gouvernement turc a pour l'instant payé. La majorité islamo-conservatrice (AKP) au pouvoir n'a pas tremblé. Elle était soutenue par une large fraction de l'opinion publique. En outre, elle bénéficie d'une situation économique très enviable (5,1 % de croissance en moyenne depuis 2003) ; enfin, elle a su jouer de l'instabilité politique à ses frontières, en particulier en Syrie, qui renforce l'aspiration de la population à la stabilité.

Le vice-premier ministre, Bülent Arinç, a même pu, lundi 17 juin, menacer de faire intervenir les forces armées, en plus de la police et de la gendarmerie, contre les contestataires. Le message était sans ambiguïté : démontrer que cette institution, gardienne d'une laïcité intransigeante et naguère principale opposante de l'AKP, est désormais bel et bien rentrée dans le rang.

Il reste que le raidissement du pouvoir face aux critiques européennes, ses diatribes contre "la finance internationale", accusée de vouloir le déstabiliser, autant que les violentes dénonciations d'une jeunesse de "vandales", "immoraux", qualifiés de "gangs de terroristes" par le premier ministre lui-même, cachent mal l'impasse dans laquelle s'est enfermé le gouvernement.

Celui-ci paraît n'avoir d'autre perspective qu'une politique toujours plus autoritaire et conservatrice. Première prison au monde pour les journalistes (76 d'entre eux sont actuellement incarcérés, selon les ONG), la Turquie gouvernée par l'AKP semble accentuer chaque jour le tournant répressif qu'elle a opéré en 2011. Sourde aux aspirations d'une classe moyenne qui connaît un spectaculaire développement, elle n'offre pour seul horizon que des constructions de mosquées et de nouvelles interdictions.

Les manifestants de Taksim ne gagneront peut-être pas dans les urnes, lors des élections municipales de 2014. La contestation qu'ils portent est sans doute trop multiforme pour se transformer en alternative politique. Le nationalisme laïque des kémalistes ne se marie pas facilement à l'extrême gauche, et les mouvements séparatistes kurdes restent prudents, car ils n'ont rien à gagner à un retour à l'ordre ancien. Mais, dans leur surprise de se trouver soudain si forts et si nombreux, les jeunes manifestants de Taksim pourraient bien avoir trouvé la promesse d'un autre avenir et d'une victoire future.

Recep Tayyip Erdogan serait donc bien inspiré de maîtriser sa force et de se garder de tout triomphalisme : les traces du message des occupants du parc Gezi ne disparaîtront pas toutes par la magie des camions de nettoyage.

 

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