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Catégories : Paysages amoureux et érotiques

Grand Central, l'amour irradié

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    • Par Olivier Delcroix
    • Mis à jourle 28/08/2013 à 10:27
    • Publiéle 27/08/2013 à 18:33
Karole (Léa Seydoux) et Gary (Tahar Rahim), pris dans une irrésistible passion amoureuse.

Karole (Léa Seydoux) et Gary (Tahar Rahim), pris dans une irrésistible passion amoureuse. Crédits photo : Ad Vitam

Dans son deuxième film sélectionné à Cannes dans la section «Un certain regard», Rebecca Zlotowski met en scène le couple le plus radioactif du cinéma français.

Si l'amour était nucléaire, tous les compteurs Geiger du monde ne cesseraient de crépiter. Pour son deuxième film, la jeune et prometteuse cinéaste Rebecca Zlotowski (qui avait signé il y a trois ans , un premier film ardent) a fait le pari d'ancrer une romance interdite dans une centrale atomique.

Tout commence comme dans un film de Jacques Audiard. Le jeune Gary (excellent Tahar Rahim, qui retrouve un rôle digne d') se fait voler son portefeuille dans un train. Il rattrape son pickpocket et sympathise avec lui. Très vite, ces deux gentils zonards, électrons libres dans une société en crise, se laissent dériver vers Tricastin, où ils sont engagés comme décontaminateurs saisonniers à la centrale nucléaire. L'embauche est facile. Trop, sans doute. Mais il faut bien survivre. La contrepartie? Un danger certain mais imperceptible. Ses nouveaux amis connaissent le refrain. Chaque jour, Gary doit faire attention à ne pas prendre trop de radiations.

Rugueux mais foncièrement bienveillant, Olivier Gourmet joue un chef d'équipe vétéran qui les prévient comme le ferait un sous-off avant l'assaut: «C'est un combat contre la dose. Elle est partout, invisible, inodore, incolore, partout autour de toi. Tu respires mal, ton cœur s'emballe à cent à l'heure.»

Comme un poisson dans l'eau, Tahar Rahim rendosse la défroque du novice qui apprend vite. Un soir, attablé avec les membres de sa nouvelle tribu, il se fait sermonner par Gourmet: «Tu sais ce que ça fait, la dose? Tiens, Tony, explique au gamin…» Denis Ménochet s'étrangle, crache, s'effondre sur la table et relève la tête hilare: «Ça fait ça, la dose.»

 

Mais quelques secondes après, une apparition va bouleverser la donne. Karole (troublante et sexy Léa Seydoux), future femme de Tony, chaloupe vers lui engoncée dans un short trop serré pour elle. Tout est court chez cette belle plante irradiant de sensualité. Coupe à la garçonne, souffle rauque… Gary n'aura pas le temps de réagir qu'elle l'embrasse déjà à pleine bouche. «Tu vois, tu as tout eu, là! La peur, la tête qui tourne, les jambes qui tremblent. C'est ça, la dose. Et ce n'est qu'une petite dose!» L'assemblée s'esclaffe. Gary en prend pour son grade. Succombera-t-il à la contamination?

Niveau d'alerte maximal

Le parallèle est transparent. Dis-moi combien tu m'aimes, je te dirai à quel degré tu es irradié… Le plus étonnant c'est que Rebecca Zlotowski a décidé de situer cette superbe romance-compteur Geiger au cœur d'une centrale à l'atmosphère clairement carcérale. Dans leurs combinaisons blanches, leurs masques immaculés et leurs chaussons ridicules, ses sous-traitants sans qualifications ressemblent à d'improbables cosmonautes de l'atome, prisonniers d'une station spatiale échappées d'un film de science-fiction des années 1970. À leur façon, ils passent leur temps à casser des cailloux en attendant la levée d'écrou. En guise de chaînes, ils portent des dosimètres qui calculent leur degré d'irradiation. Si la dose dépasse la limite de dangerosité fixée, ils sont renvoyés, expulsés comme des déchets infectés.

Voilà d'ailleurs le cœur du réacteur de Grand Central : le film mesure la passion amoureuse à l'aune du péril encouru. En cela, la réalisatrice a réussi un coup de maître: réunir à l'écran le couple le plus radioactif du cinéma français: Tahar Rahim et Léa Seydoux. Que faire lorsque l'amour interdit naît en zone irradiée? Finalement, le niveau d'alerte sera maximal. Poussée comme un chiendent sur l'impeccable parterre d'un jardin à la française, l'irrésistible passion amoureuse entre Gary et Karole va les forcer à improviser. Ce sont bien sûr les plus belles scènes du film. Les corps incandescents qui fusionnent dans les herbes folles, les regards qui se frôlent et se détachent abruptement avant d'atteindre la fission. Et cette sirène retentissante, menaçante, qui déchire l'air pour avertir d'une fuite radioactive.

L'entendre une fois n'est pas trop grave. Deux fois, cela devient inquiétant. Mais quand l'alarme rugit cinq fois, il faut prendre ses jambes à son cou, s'évader de la centrale. À moins qu'il ne soit trop tard…

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