Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Alexandre Sokourov et les fantômes de l'Histoire

Home CULTURE Cinéma
Tournage de <i>Francofonia </i>avec Alexandre Sokourov.

Tournage de Francofonia avec Alexandre Sokourov. Crédits photo : © Jaap Vrenegoor

En 1939, le Louvre met ses trésors à l'abri. Un sauvetage sur lequel le cinéaste revient dans Francofonia, actuellement en tournage.

Dans la salle des Caryatides, au Louvre, les bustes des philosophes, les faunes et les cupidons ­restent de marbre devant les étranges visiteurs qui les entourent. Beaucoup d'uniformes de la Wehrmacht, un petit groupe de Français autour de Jacques Jaujard, sous-directeur des Musées nationaux. Un officier prend la parole pour annoncer la réouverture du musée (vidé de la plupart de ses œuvres), ce 29 septembre 1940. C'est le comte Wolff-Metternich. Au sein du gouvernement militaire allemand de Paris, il est chargé de la conservation des œuvres d'art et des monuments historiques. «Nous allons commencer la ­reconstruction et la restauration des trésors de la culture dans toute la ­France et toute l'Europe, déclare-t-il. Des ordres stricts ont été donnés aux troupes de ne pas causer de dommage aux œuvres d'art.»

C'est un mardi, le Louvre est désert comme il l'était lors de cette scène, reconstituée devant la caméra d'Alexandre Sokourov. Le musée coproduit son nouveau film, Francofonia, avec Pierre-Olivier Bardet (à qui l'on doit de ­nombreux documentaires musicaux et aussi La Flûte enchantée de Kenneth Branagh).

Un «récit-fiction»

Francofonia, un «récit-fiction», selon l'expression du grand cinéaste russe, sur le sujet historique des œuvres du Louvre sous l'Occupation. La confrontation entre Jacques Jaujard, interprété par Louis-Do de Lencquesaing, et ­Metternich (Benjamin Utzerath) est marquée à la fois par l'opposition du vaincu et du vainqueur, et par les affinités de deux hommes de même sensibilité profonde à l'art, qui se vouent ­également à la sauvegarde de la beauté. Comme Jaujard, Metternich a caché des œuvres d'art, en Rhénanie, pour les mettre à l'abri de la guerre et des pillages. «Ces deux hommes sont les deux ­faces de la même vie, de la même médaille…», entendra-t-on dans le film.

Des décors naturels

Alexandre Sokourov, qui a parcouru en visionnaire le Musée de l'Ermitage dans L'Arche russe, est comme chez lui, au Louvre. Toute son œuvre est nourrie de peinture, de sculpture, de musique, de littérature. «Je ne me considère pas comme un auteur de films accompli, simplement comme un élève, dit-il. Seul un peintre, un compositeur, un écrivain peut m'enseigner.»

Quelques jours plus tard, on retrouve Metternich arrivant au château de Sourches, dans la Sarthe, accueilli par le conservateur en chef, Germain Bazin (joué par le poète Jean-Claude Caër). Un décor naturel authentique: la magnifique demeure du XVIIe siècle a été un dépôt important, abritant dans ses vastes caves non seulement des œuvres monumentales du Louvre comme Le Radeau de la Méduse, mais aussi les collections privées de David-Weill et Beistegui, et la tapisserie de la reine Mathilde, très convoitée par les nazis.

Le propriétaire de Sourches a ouvert avec une grande hospitalité son do­maine à l'équipe légère et précise de ­Sokourov, qui y fait surgir les échos d'un temps disparu. Des sentinelles ­allemandes patrouillent autour du secret des lieux. De grandes housses blanches noient le mobilier, quelques caisses (qui seront multipliées numériquement), encombrent la salle à manger lambrissée où Metternich et Germain Bazin consultent des papiers en prenant une tasse de café - le maître des lieux joue obligeamment les accessoiristes.

Une méditation qui dépasse le récit historique

Sokourov filme longuement les mains de Benjamin Utzerath, lui ­demande de les presser, de les ­malaxer. «Je travaille avec un acteur comme avec une vie sculptée, ou comme avec une sculpture vivante.» Du travail, il en sera fait beaucoup en postproduction, sur la bande-son et les ­effets numériques. Mais on devine déjà au tournage que Francofonia va vers une méditation qui dépasse le récit historique. On y rêvera sur le destin des civilisations et les violences de l'Histoire. Le fantôme de Napoléon est là pour rappeler que l'Europe a pu être prédatrice autant que gardienne. On y verra un navire pris dans la tempête. Faudra-t-il sacrifier les œuvres d'art qu'il contient pour sauver les passagers?

  • L'auteur
  • Sur le même sujet
  • Réagir (0)
  • Partager
    Partager cet article
    Envoyer par mail

    Alexandre Sokourov et les fantômes de l'Histoire

    En 1939, le Louvre met ses trésors à l'abri. Un sauvetage sur lequel le cinéaste revient dans Francofonia, actuellement en tournage.

    < Envoyer cet article par e-mail
    Séparez les adresses e-mail de vos contacts par des virgules.

    Alexandre Sokourov et les fantômes de l'Histoire

    En 1939, le Louvre met ses trésors à l'abri. Un sauvetage sur lequel le cinéaste revient dans Francofonia, actuellement en tournage.

    J'accepte de recevoir la newsletter quotidienne du Figaro.fr

    Oui Non
  • Imprimer
  • Haut de page
 

Les commentaires sont fermés.