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Le fils oublié de Gauguin refait surface à la Piscine de Roubaix

 

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Verseuse double, style précolombien, 1953, en grès vernis turquoise.

Verseuse double, style précolombien, 1953, en grès vernis turquoise. Crédits photo : A. Leprince. © ADAGP Paris 2014

Peu visibles jusqu'alors, les sculptures et céramiques de cet artiste danois, mort en 1961, sont réunies au Musée d'art et d'industrie de la ville. L'héritage sauvage, exubérant et tourmenté d'un père manquant?

Nom: Gauguin. Prénom: Jean-René. Profession: sculpteur et céramiste malheureux. Négligé depuis sa mort en 1961, ayant toujours souffert de la notoriété sans cesse grandissante de son père, ce «fils de» mérite pourtant plus qu'une attention compatissante.

À Roubaix, le beau Musée d'art et d'industrie, aménagé dans une ancienne piscine Art déco, le réhabilite. On y découvre un artiste aussi étrange qu'oublié. Voici, en farandoles de bronzes, de petits centaures et danseurs se contorsionnant nus. Leur corps, comme gainé au latex, semble souffrir d'extrémités trop lissées. Leur visage grimace comme dans Le Cri de Munch. Joues et bouches s'étirent jusqu'à ressembler au masque de Scream, que porte le serial killer des films de Wes Craven.

Suivent les céramiques: quelques ectoplasmes étirés à la manière du Greco et surtout un bestiaire fantastique, mi-Pompon mi-grotesque. On passera sur la dernière partie du parcours, envahie de bronzes de sportifs issus du vitalisme des années d'aryanisation germanique, pour se concentrer sur ces séries plus délirantes. Quelle ménagerie que ces singes en grès émaillé, ces buffles, zèbres chamottés ou phacochères se grattant l'oreille! Ils rivalisent d'exubérance avec le kitsch d'avant Jeff Koons: ­Europe violées par un taureau, Vénus emportées par des flots de céramique crémeuse et rosâtre ou naïades se ­débattant dans les tentacules d'une pieuvre géante…

«Jean-René l'a détesté pour ce qu'il avait fait à sa mère»

«Né à Paris en 1881, quatrième enfant de Paul Gauguin et de son épouse danoise Mette Sophie Gad, Jean-René a eu une carrière prolifique, rappelle le commissaire Jean-Loup Champion, responsable des livres d'art chez Gallimard et défricheur toujours raffiné et judicieux. D'abord marin puis charpentier, il embrasse finalement son art vers 1910 avec des bois en taille directe. Lorsqu'il est embauché par la firme Grøndhal de Copenhague, son travail de céramiste est déjà très apprécié. Connu dans les années 1930, il s'est trouvé ­notamment bien représenté lors des expositions universelles. Il avait été invité à Sèvres en 1927 et est demeuré actif ­jusqu'à la fin.»

Dans les vitrines où sont réunies ses pièces venues du Danemark ou prêtées par de rares amateurs privés, on repère aisément certaines formes, motifs et manières de son père qu'il n'a vraiment croisé qu'une seule fois à l'âge de 10 ans, juste avant que ce dernier s'embarque pour la Polynésie.

«Jean-René l'a détesté pour ce qu'il avait fait à sa mère. Lui-même avait 3 ans lorsqu'il a été abandonné au ­Danemark, ajoute Jean-Loup Champion. Il a toujours démenti une quel­conque influence. Pourtant son père avait laissé un certain nombre de tableaux et de céramiques, et en a expédié d'autres.»

Derrière les elfes et trolls d'inspiration islandaise, sous les variations autour de masques inuits, autour des pièces néobaroques, chinoises ou ­précolombiennes de fantaisie, bref, soutenant ce primitivisme exacerbé, se devine alors un geste touchant. Comme un hommage inconscient au «sauvage idéal», le père honni.

Jusqu'au 18 mai à la Piscine de Roubaix (Nord), puis du 27 mai au 12 juillet à Paris, Maison du Danemark. Catalogue Gourcuff Gradenigo, 160 p., 34 €. Tél.: 03.20.69.23.60. www.roubaix-lapiscine.com

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