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Catégories : CELLES QUE J'AIME, Des femmes comme je les aime

Adèle Exarchopoulos, la vie devant elle

 Ils Feront Le Monde        

LE MONDE | 22.05.2014 à 15h05 • Mis à jour le 22.05.2014 à 15h11 | Franck Nouchi

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La voilà. Assise sous le soleil, à la terrasse d’un café de la rue du Faubourg-Montmartre, à Paris. C’est bien elle, Adèle Exarchopoulos. L’Adèle de La Vie d’Adèle, la seule actrice au monde, avec Léa Seydoux, à avoir partagé une Palme d’or avec le réalisateur d’un film, Abdellatif Kechiche. Le même sourire lumineux, le même regard d’enfant. Rien de sophistiqué, rien d’apprêté. Elle a 20 ans tout rond. Au journaliste qui a très largement l’âge d’être son père, elle dit : « On se tutoie ? » On l’avait rencontrée à Cannes, il y a tout juste un an. Elle faisait ses débuts face aux médias internationaux. Un tour du monde plus tard, elle est restée la même. Chaleureuse et drôle. Merveilleuse et émerveillée

A Cannes, Steven Spielberg lui confia n’avoir jamais vu au cinéma une histoire d’amour aussi belle. A Hollywood, elle côtoya les plus grandes stars : Cate Blanchett, Clint Eastwood, Bruce Dern… Il y eut aussi cette visite de Sean Penn à son hôtel. Lui aussi avait adoré La Vie d’Adèle, et voilà qu’il lui proposait un rôle dans son prochain film, aux côtés de Javier Bardem et de Charlize Theron ! Se souvenant de cet instant magique, elle rayonne : « J’ai peur ! J’ai peur ! » Le film devrait s’appeler The Last Face. Tournage cet été en Afrique du Sud dans un camp de réfugiés. Elle jouera le rôle d’une stagiaire en chirurgie.

Adèle Exarchopoulos ou l’extraordinaire aventure d’une petite fille élevée dans le 18e arrondissement de Paris. Un papa cadre au Palais omnisports de Paris-Bercy, une maman infirmière, deux petits frères. Scolarité au lycée Racine – « j’ai pas du tout aimé » –, le bac L raté d’un point : « J’avais envie de leur dire : ça va, donnez-le-moi ce point ! Je ne vais quand même pas me retaper une année pour un point ! » Ils n’ont pas voulu.

Determinée et pleine de doutes à la fois

Nouvelle année de terminale. Trois mois après la rentrée, « le » casting. « La » rencontre : « Abdel ». Tant pis pour le bac. Elle rigole : « La Vie d’Adèle est mon plus beau diplôme ! »

Elle est comme ça, Adèle. Déterminée et pleine de doutes à la fois. Pendant cette année de promotion du film sacré à Cannes, sa mère n’arrêtait pas de lui dire : « Tu grandis trop vite ! » Elle en a quand même profité pour faire un peu de cinéma : un petit rôle dans Qui vive, de Marianne Tardieu, avec Reda Kateb – « un génie » –, et Rashid Debbouze, film présenté cette année à Cannes dans la sélection de l’ACID ; et un court-métrage, réalisé par Louis de Caunes.

A présent, elle n’a qu’une envie : retrouver le chemin des plateaux de tournage. « J’adorerais jouer dans une comédie. Le problème, ici, en France, c’est qu’elles ne sont pas vraiment drôles. Rien à voir avec ce qui se fait aux Etats-Unis. Jim Carrey, Judd Apatow, j’adore ! » Elle ajoutera trois vacheries à l’encontre de cadors du cinéma commercial français. Dans son intérêt, nous avons préféré ne pas les reproduire.

Elle n’en a pas l’air, mais elle assure être « l’une des filles les plus angoissées de Paris ». Obsédée par la crainte de décevoir. « C’est quoi, ce délire ? J’ai eu une chance incroyable, une sorte d’alignement des planètes, une Palme, un César, le tour du monde, les plus belles robes. Mais à ma mère qui va travailler tous les matins à l’hôpital, personne ne dit rien. Pas un merci. On devrait, pourtant… »

Putain ! Qu’il me manque ! J’arrête pas de lui envoyer des textos. »

Parler avec Adèle fait du bien. Sa fraîcheur, sa franchise, son sens de l’altérité tranchent avec les éléments de langage que l’on entend lors des promotions de films. Elle s’inquiète de la montée du Front national et du racisme dont sont victimes « les blacks et les lesbiennes », mais on sent bien que son sujet est ailleurs : le cinéma. Son métier d’actrice. Abdel.

« Putain ! Qu’il me manque ! J’arrête pas de lui envoyer des textos. » C’est peu dire que son travail avec Kechiche l’a marquée. « On s’est aimés très fort tous les trois, Abdel, Léa et moi. Mais un trio, c’est compliqué… » Elle pourrait en parler des heures. « Abdel, ce n’est ni la victime qu’il voudrait ni le tyran qu’on croit. C’est juste autre chose. Le genre de personne avec laquelle je pourrais traîner dix ans, mais je ne pourrais jamais te dire qui il est. »

Des regrets concernant cette polémique à propos de La Vie d’Adèle ? « Je m’en fiche. Je sais qu’Abdel sait ce que je ressens pour lui, et moi je sais ce qu’il ressent pour moi. J’ai juste le regret que Léa ait quitté la promo à cause de tout ça. Il aurait peut-être suffi qu’on prenne un café tous les trois… »

Tenue de soirée

C’est Adèle, l’adulte du trio. Elle qui sait prendre du recul sur les choses. Elle qui appréhende la complexité d’une telle situation. « Beaucoup de bêtises ont été dites. Personne n’a jamais manqué de quoi que ce soit sur ce film. Sauf peut-être de joie de vivre. Abdel est un cinéaste qui aime travailler dans l’épuisement, dans une sorte d’état second. »

D’autres actrices l’ont dit : quand on a tourné une fois avec Kechiche, c’est compliqué ensuite de passer à autre chose. « Je me dis que je ne serai jamais aussi bonne qu’avec lui. Quand je serai avec Sean Penn, j’aimerais l’avoir dans ma poche. Et qu’il en sorte au moment où il faudra que je me mette la pression. »

C’est dit : Abdellatif Kechiche lui manque. Elle donnerait tout pour tourner à nouveau avec lui. « Ce que j’ai appris de moi pendant le tournage de La Vie d’Adèle, je n’arrive pas encore à le dire. Je sais juste que j’ai gagné cinq ans en maturité. A présent, je connais mes faiblesses et mes forces, j’assume mes doutes. En cinq mois, Abdel m’a éduquée comme on ne m’a jamais éduquée en dix-huit ans à l’école. Il m’a donné les clés. Est-ce que je saurai m’en servir ? Je ne sais pas… »

Elle aurait aimé tourner dans Tenue de soirée (1986), de Bertrand Blier – « les plus beaux dialogues que je connaisse ». Elle voudrait qu’un jour Tony Gatlif pense à elle pour un film. En attendant, après Sean Penn, elle retrouvera Sara Forestier, une autre actrice de Kechiche. Sous sa direction, elle jouera le rôle d’une femme bègue. « Une vraie composition. Le rôle parfait pour me prouver que je suis devenue une véritable actrice. » Qu’Adèle ne s’inquiète pas : quelque part, au fond de sa poche, Abdel sera là.

La semaine prochaine :

Thomas Pesquet, astronaute

Clef

1993 Naissance à Paris

2007 « Boxes », de Jane Birkin

2010 « La Rafle », de Roselyne Bosch

2013 « Des morceaux de moi », de Nolwenn Lemesle

2013 « La Vie d'Adèle », d'Abdellatif Kechiche. Palme d'or à Cannes

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