Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Catégories : Balades, CEUX QUE J'AIME, Daho Etienne

Etienne Daho, l'insouciance d'un Week-end à Rome

 

Par , publié le 10/07/2014 à 08:00

Les Francofolies ont 30 ans. L'occasion d'une balade estivale à travers ses succès cultes. Cette semaine: Week-end à Rome, d'Etienne Daho, chapitre frivole et pop d'un disque solaire de 1984, La Notte, la notte, où le chanteur rennais impose sa marque. Un air d'un temps insouciant qui n'allait pas durer.

Etienne Daho, l'insouciance d'un Week-end à Rome

Le chanteur français Etienne Daho sur le plateau du "Grand Journal" de Canal Plus, à Paris, le 21 novembre 2013.

 

afp.com/Joël Saget


En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/musique/etienne-daho-l-insouciance-d-un-week-end-a-rome_1557804.html#GeS3TQv9wCzVWsfH.99

 


En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/musique/etienne-daho-l-insouciance-d-un-week-end-a-rome_1557804.html#GeS3TQv9wCzVWsfH.99

Eloge de la nuit. Triomphe de l'hédonisme. Sacre de la bohème... La France de la génération Mitterrand se déhanche avec insouciance cet été 1983 sur Sweet Dreams (Are Made of This), Let's Dance ou Billie Jean. A Rennes, le groupe new wave Marquis de Sade, et son cortège de "jeunes gens modernes", comme les a qualifiés le magazine Actuel, a rendu la ville effervescente. Le Paradise, la Prison, le Batchi, boîtes en vogue, rassemblent tous les couche-tard. Qui rebondissent le jour venu dans les bars branchés, à l'Epée ou à l'Aventure, où il faut être vu.  

C'est là qu'Etienne Daho écrit, sur un coin de table, les textes d'un album commandé par Virgin dont il est la première signature hexagonale. Son disque précédent, Mythomane, de la pop mini maliste, a frétillé grâce à quelques chroniques - Rock & Folk l'a classé sous la catégorie "Frenchy but chic". Le "cow-boy", comme on l'appelle - du nom d'une de ses chansons - fait partie de la bande à Frank Darcel (Marquis de Sade), où gravite également Arnold Turboust. Daho a 27 ans, il gagne sa vie comme DJ, collectionne les vinyles du Velvet Underground et de Françoise Hardy. C'est le temps des copains fauchés, des tequilas frappées, du cinéma d'art et d'essai. Le chanteur cinéphile applaudit Vacances romaines. S'emballe pour La Dolce Vita. Vibre devant La Notte, d'Antonioni. Et cette fois, le choc est double. 

Sortir ce soir? Oui, et tous les soirs

Week-end à Rennes. Semaine à Dinard et à Saint-Lunaire. Ou l'inverse. Côté musique, Etienne Daho répète ses nouveaux morceaux dans une école désaffectée, entouré de ses complices Frank Darcel, producteur du projet, et Arnold Turboust, en maître des claviers. Xavier Géronimi assure la guitare, Frédéric Cousseau, batteur de Suicide Roméo, a été réquisitionné, ainsi que François Daniel, spécialiste de la basse slappée (technique de jeu de percussion). Côté club, la nuit ne finit jamais. Au Paradise, mais aussi à la Chaumière de Saint-Lunaire, réputée pour ses derniers verres devant le lever du soleil. Sortir ce soir? Oui. Et tous les soirs, même. L'après-midi, sur la plage, Etienne Daho en lunettes noires fait tourner son Walkman, où sont rangées les maquettes enregistrées la veille au studio DB, route de Saint-Malo, à Rennes. Et recueille les réactions. L'album en train de naître, La Notte, la notte, est le roman vécu de cet été yéyé, avec sa collection de chansons en miroir - Sortir ce soir, Saint-Lunaire dimanche matin, Laisse tomber les jaloux... et Week-end à Rome, romance de l'après punk. 

Les derniers feux d'une époque

Un frêle esquif de mots forme cette ritournelle. Le texte - comme tous ceux de La Notte, la notte- puise au coeur du "noctal" d'Etienne, journal de ses nuits estivales.  

Rome était un pur fantasme, un désir d'évasion. J'ai écrit les paroles avec en tête les images des nuits romaines cinématographiques 

Daho: "C'est une chanson lumineuse. Le climat nous a peut-être influencés... Rome était un pur fantasme, un désir d'évasion. Je l'avais juste traversée pour me rendre à Tarquinia, sur les traces du livre de Duras. J'ai écrit les paroles avec en tête les images des nuits romaines cinématographiques..." Darcel: "Quand Etienne nous a présenté Week-end à Rome, j'ai trouvé ce morceau très frais, empreint d'une fausse naïveté et d'un peu de surréalisme inattendu, ce fameux "D'poser mon coeur bancal / Dans ton bocal, ton aquarium." C'est une bulle de légèreté, d'innocence, de candeur, qui reflète l'esprit volatil du début des années 1980. Pourtant, caché derrière les lumières des night-clubs, derrière les plaisirs noctambules, Daho pressent les derniers feux d'une époque. "On vivait de fêtes, de filles et d'alcool, mais on sentait qu'on allait bientôt se quitter les uns les autres. C'était la galère, niveau fric. Les copines voulaient se fiancer ; moi-même, j'ai failli me marier... Je savais que l'éclatement probable de la bande de Rennes, chaleureuse, sécurisante, marquerait la fin de cette post-adolescence." Le Studio de l'Oncle Sam, rue Washington, à Paris, est réservé pour novembre. 

De la chanson pop-électro avantgardiste

C'est là que Gainsbourg a mis en boîte les tubes de France Gall. Etienne, Arnold et Frank s'installent dans la capitale. Un camion arrivé de Rennes déverse les cartons du trio au 24, rue de Navarin, dans l'appartement que le trompettiste de jazz Eric Le Lann prête à son cousin Frank Darcel. Week-end à Rome s'annonce avantgardiste, de la chanson pop-électro difficile à jouer. "Je me souviens d'un enregistrement compliqué, appuie Arnold Turboust. C'était la première fois qu'on utilisait un Drumulator [boîte à rythmes numérique], qui donne cette ambiance au morceau. 

Boris Crepinior réglait les séquences en direct. "Pour le solo de saxo, Frank Darcel tient à engager le jazzman Jean-Louis Chautemps. La chanson est bouclée en deux prises, sous le regard d'un sphinx aux bras croisés: Daniel Darc. Alain Maneval, qui, à l'époque, règne sur l'émission Mégahertz (TF1), a présenté Lio à Daho, et la lolita de la pop vient susurrer les quelques lignes en italien de ce weekend romain, traduites à la va-vite par le beau-frère de Darcel. Elle a une angine. Sa voix, couverte, enrouée, est gravée dans Week-end à Rome... avec une faute d'italien. 


La Notte, la notte s'achève un soir du début de février 1984. Le lendemain, Etienne Daho est déjà à Rennes. Il teste Week-end à Rome dans les boîtes de nuit, les bars, les fêtes, les autoradios... Verdict du tôlier de l'Aventure: "Ça va cartonner." Les photos de Pierre et Gilles commencent à courir dans les magazines. Etienne, sous le charme, leur demande d'imaginer la pochette du 45-tours. Sur le cliché, les cheveux mouillés, il arbore une marinière à la Gaultier, le perroquet Bibic sur l'épaule. L'image plaît tellement qu'elle est finalement retenue pour illustrer le 33-tours. Le titre est envoyé aux radios en avril. 

1994: Daho apprend sa propre mort du sida

"C'était le temps des radios libres, se souvient Frank Darcel. Et Force 7, à Saint-Malo, la plus grosse station FM locale, a soutenu Etienne." Week-end à Rome, locomotive de La Notte, la notte, lance le son Daho. Le titre grimpe dans les charts au côté de Cargo, Marcia Baïla, Maman a tort, Toute première fois... Dans Le Monde, Hervé Guibert dresse un long portrait du chanteur, et salue sa "voix formidablement suave", ses "paroles écrites au chic, les mains dans les poches, d'un coup de stylo", ses "histoires de fin de nouba". Mais un manteau de nuit s'apprête à recouvrir ces jours d'insouciance... 

C'était détestable, on ne parlait que de ça 

Le 17 juin 1994, Daho apprend sa propre mort du sida. Il vit à Londres et réfléchit à un disque avec le groupe britannique Saint Etienne sous le nom de "St Etienne Daho" quand la rumeur qui le donne en phase terminale atteint son paroxysme. "C'était détestable, on ne parlait que de ça", soupire-t-il. La chanteuse de Saint Etienne, Sarah Cracknell, vient d'adapter en anglais Week-end à Rome, devenue Accident (He's on the Phone), une histoire d'adultère sur laquelle Daho décide d'intervenir en français. Sa réponse est scandée : "[...] de mes cendres fiction /Pour l'encore inconnu(e), attendu(e) / Je résérecte encore et encore [...]." "Je ne comprenais pas le sens des paroles, se souvient Sarah, mais, au ton rude, je sentais combien Etienne était remué par cette histoire." La pochette du minialbum intitulé Reserection est signée... Pierre et Gilles. Le duo met en scène la mort de Daho en saint Etienne lapidé, Sarah jouant Marie Madeleine. Weekend à Rome/Accident, single de la semaine pour le New Musical Express, atteint la deuxième place des charts britanniques. C'est un vrai hit. 

Fin d'une dolce vita française

Chanson des heures ambiguës, Week-end à Rome, avec sa pop lunaire et panoramique, a symbolisé l'idée d'un possible, d'un ailleurs, d'un voyage immobile, intemporel. Laurent Cantet l'a choisie pour habiller les errances de son héros dans L'Emploi du temps (2001), inspiré de l'affaire Romand. "Le texte collait à cette idée de départ sans destination du personnage et au rythme flottant du film." Trente ans après, la nouvelle vague de la pop, portée par les groupes La Femme, Lescop, Aline, etc., célèbre Etienne Daho en icône d'une dolce vita française, définitivement révolue. Et Julien Doré signe aux Francofolies une création autour de La Notte, la notte. "Tout auteur aspire à retrouver la même insouciance pour parler du sentiment amoureux", dit-il. Week-end à Rome ouvrait l'album de Daho. Doré l'a inscrite en rappel. Rappel d'images funambules, d'un paradis perdu.  

Francofolies de La Rochelle (Charente-Maritime), du 10 au 14 juillet. 

 

En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/musique/etienne-daho-l-insouciance-d-un-week-end-a-rome_1557804.html#GeS3TQv9wCzVWsfH.99

Les commentaires sont fermés.