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Catégories : CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, La politique

Philippe Bilger : pourquoi je regrette d'avoir voté François Hollande

 

Crédits photo : François BOUCHON/Le Figaro

FIGAROVOX/CHRONIQUE - Alors que François Hollande est aujourd'hui à la moitié de son mandat, notre contributeur Philippe Bilger fait part de sa déception quant à l'action du Président de la République.

Chaque semaine, Philippe Bilger prend la parole, en toute liberté, dans FigaroVox. Il est magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole. Son dernier livre, «Contre la justice laxiste», a été publié aux Éditions de l'Archipel (2014).


François Hollande a été élu président de la République le 6 mai 2012 grâce à Nicolas Sarkozy, parce qu'une majorité de Français ne voulaient plus de ce dernier à la tête de leur pays.

Alors que nous sommes arrivés à mi-mandat, que penser? Comment juger aujourd'hui ce choix que j'ai fait?

Je me sens coupable non pas de mon vote d'alors mais d'avoir fait croire, avec beaucoup d'autres, à François Hollande que le parti socialiste n'avait plus besoin de réfléchir et de travailler et son équipe présidentielle d'élaborer et de prévoir puisque la cause était entendue et qu'il l'emporterait sans peine à cause d'une hostilité qui l'a fait certes gagner mais projeté dans l'espace du pouvoir en état total d'impréparation.

Cet amateurisme qui fait honte aux citoyens mêlé à cette course de lenteur ne pouvait qu'avoir pour conséquence une multitude de dysfonctionnements internes, de désaccords et de contradictions intestins.

C'est d'abord cela, en effet, qui m'a troublé et n'a pas cessé de s'amplifier par la suite. En dépit des efforts, des injonctions, des propositions et d'un verbe aussi surabondant que l'action était mince et souvent lente et inefficace, une impression constante d'amateurisme qui faisait se détruire dans le réel les meilleures idées et que la réalité venait narguer à chaque engagement imprudent. Les gouvernements ont eu de la bonne volonté mais peut-on sans offenser soutenir qu'ils ont manqué, cruellement, un peu de chance mais beaucoup de talent?

Ce sentiment que décidément la technique d'un pouvoir compétent et maîtrisé ne leur avait pas été dévolue n'a pas cessé d'être confirmé par l'implacable fil du temps. Les choses conçues, dites, ordonnées n'avançaient pas d'un pouce et cela ne dépendait pas que du processus parlementaire et de sa délibération. Il y avait autre chose qui relevait d'une constante hésitation comme si on n'était jamais sûr de ce qu'on avait programmé et qu'on retardait autant que possible le choc avec le réel et le passage du laboratoire socialiste à la vraie vie qui s'obstinait, sans être jamais convaincue par les concepts, à alourdir les déficits, à accroître le nombre de chômeurs et à nous expédier, comme des bourgeois de Calais répétitifs, vers des instances européennes qui ne nous créditaient plus que de «la force de notre faiblesse».

Cet amateurisme qui fait honte aux citoyens - quitte à être en démocratie, ils aspirent à être dirigés par des professionnels - mêlé à cette course de lenteur ne pouvait qu'avoir pour conséquence une multitude de dysfonctionnements internes, de désaccords et de contradictions intestins d'où émergeait, à chaque fois moins légitime, un président de la République criblé de flèches, des Premiers ministres décevants dans un genre différent et un univers de la gauche éclaté, incohérent et ne se résignant pas, en définitive, à laisser ses illusions à la porte de ses entreprises, au demeurant si peu consistantes.

Crûment, quelles conclusions provisoires à mi-mandat ? Un pays déchiré alors que son président prétendait le rassembler avec la mèche de la discorde allumée d'emblée avec le mariage pour tous et la perversion possible de ses conséquences.

Le plus grave, et qui n'est pas loin de constituer mon grief principal sur le fond, tient à ce paradoxe qu'à la fois François Hollande a été le premier président à s'afficher ouvertement, courageusement social-démocrate mais qu'il a, par ses échecs et son impéritie, dégradé cette vision qui, incarnée au meilleur, dans la lucidité et l'effectivité, aurait sans doute permis un vaste rassemblement répudiant les vieilles lunes des extrémismes. Il a saccagé une espérance et probablement, à l'avenir, comme il a failli, les frondeurs ou le paroxysme à la Mélenchon ne seront pas détournés de se croire nécessaires.

Au comble de l'indulgence, on pourrait alléguer qu'il a hérité d'une France en crise et que s'il a augmenté le passif, des obstacles objectifs et impérieux lui auraient interdit de métamorphoser radicalement notre pays. Le mode d'emploi de sa boîte à outils a été catastrophique mais la matière n'était dans tous les cas pas facile à gérer.

Aussi, mon ressentiment d'électeur déçu se rapporte surtout à ce sur quoi François Hollande avait une prise directe et qui ne dépendait que de lui. Naïf sans doute, je présumais que dans ses fameuses anaphores, la plupart sinon toutes seraient respectées parce qu'il était tout à fait concevable de les ancrer dans la réalité du pouvoir. On sait ce qu'il en est advenu et un spécialiste de la déconvenue, Nicolas Sarkozy, n'a pas eu tort de se gausser de son successeur sur ce plan. Sur les registres politique et personnel, François Hollande a trahi ceux qui attendaient tout de lui dans ce domaine, précisément parce qu'en l'occurrence il avait l'opportunité de pouvoir être le seul maître et créateur de son destin. Triste, alors, de devoir admettre que le vice ne résidait pas seulement dans sa conception de l'action mais en lui-même. Faut-il que la désillusion ait été vive pour que, par exemple dans les conduites amoureuses faisant rejaillir l'intime sur l'image publique, on en ait été à donner l'avantage à son prédécesseur!

Crûment, quelles conclusions provisoires à mi-mandat?

Un pays déchiré alors que son président prétendait le rassembler avec la mèche de la discorde allumée d'emblée avec le mariage pour tous et la perversion possible de ses conséquences.

Une parole initialement talentueuse devenue inaudible à force d'être proférée par un François Hollande si intelligent mais si peu opératoire.

Je ne demande que le droit de pouvoir revenir dans ma maison : la droite de rêve de 2007 mais sans celui qui l'a trahie et fait perdre.

Une politique au quotidien oscillant entre la gestion du dérisoire, des banalités éducatives pas au niveau de notre effondrement et des avancées brutales quittant l'universalité pour se parer de fausse justice comme pour la modulation des allocations familiales.

Une démocratie où le FN n'est plus seulement relégué dans l'absurde mais envisagé comme plausible à cause de la seule résistance moralisatrice, donc vaine, d'une gauche jouant avec notre destin futur.

Une politique internationale interventionniste mais sans ligne directrice claire, soutenant ici ce qu'elle pourfend là.

Enfin, le paradoxe de cette unique réussite ambiguë d'une justice et de magistrats respectés, moins par passion que par indifférence, avec le maintien entêté d'un garde des Sceaux calamiteux.

Si Nicolas Sarkozy n'avait à affronter que François Hollande sur le chemin de sa revanche, aujourd'hui sa victoire serait assurée.

Pour ma part, je ne demande que le droit de pouvoir revenir dans ma maison: la droite de rêve de 2007 mais sans celui qui l'a trahie et fait perdre.

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