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C’est cookie l’chef ?

19 novembre 2014 à 18:06
 
L'auteurJacky DURANDJacky DURAND

C’est un dimanche matin aux marches de la morte-saison. Pas encore vraiment l’hiver. Juste la grisaille de novembre qui habille les toits et les murs avec le pavé gras et luisant de cette humidité froide qui vous nargue quand vous allez quérir le poulet rôti et herboriser trois poignées de mâche qui feront la verdure autour des sacro-saintes pommes de terre sautées des frairies grégaires.

Si la perspective d’un tel gueuleton dans la vacuité dominicale vous réjouit dès potron-minet, il est encore trop tôt pour s’extraire du cortège matinal des songes. Parce que je ne sais pas vous, mais nous, les volets clos des points du jour, ça nous réveille la boîte à gamberge, le manège des rêveries, le carrousel des souvenirs. On a plutôt l’humeur vagabonde quand on est pieuté en chien de fusil à l’aube sans sommeil.

Oh, c’est jamais bien méchant cette posture de l’âme qui mijote dans la tiédeur des draps. On refait juste le tiercé de nos vies, à revisiter nos amours, nos amitiés, nos choix, nos petites lâchetés, nos coups de cœur et nos coups de sang dans le désordre. On médite à rebours sur les yeux verts de la serveuse du Balto, pour qui on a bu une feuillette de muscadet sans jamais réussir à lui décrocher une syllabe ; sur une poignée de taches de rousseur qui faisaient fleurir les bouquets d’Interflora ; sur une volée d’aveux tendres au-dessus d’un cassoulet froid un jour d’automne et de grand vent. C’est là, parfois, que s’invite un petit regain de roupillon. Amical et complice comme une rincette sur un zinc, il nous tombe sur le râble au point du jour, pour nous quitter ensuite au grand 10 heures. On en était là, l’autre jour, quand on a flairé, le tarin dans l’oreiller, un fumet de sucre chaud. C’est le parfum généreux, pénétrant et alléchant des dimanches en cuisine, quand l’haleine gourmande des pianos et des fours embue les vitres froides.

On a tous en mémoire un pot-au-feu ou un Irish Stew mijotant au long cours dans un matin calme, avec vue sur le givre de la Saint-Nicolas. On a déployé le journal sur la table, à l’écart des épluchures, et l’on barbote dans notre jus de caserne, tout en refaisant le monde autour d’une lettrine. Tout à l’heure, après une dernière perfusion de café chaud, on reprendra en main la pâte à brioche que l’on aura laissé reposer toute la nuit. Sûr qu’elle sera belle comme Silvana Mangano dans Riz amer, notre pâtisserie du dimanche. On a pour elle les gestes apaisés et confiants du bonheur tranquille qui nous fait sourire présentement alors que l’on renifle le sucre chaud qui monte de la cuisine.

Mirza. Ce matin, on fait relâche, mais la môme veille au grain. C’est qu’elle a décidé de fricasser sans nous demander notre reste. Un jour, on l’a débusquée ainsi qui nous avait fauché un cul-de-poule pour artiller au fouet des blancs en neige, le nez collé au manuel de Ginette Mathiot. Dans notre attendrissement, on trouva cela beau comme un solo de Jimi Hendrix, mais la gosse ne voulut rien entendre quand on tenta de lui mimer les rudiments des blancs en neige. Fallait mieux ne pas insister, hein ? A cet âge-là, c’est aussi imprévisible qu’une tournée générale au Balto, ça peut passer du grand soleil à l’ondée, voire pire, à l’ouragan en un battement de cils. C’est aussi délicat et sensible que le soufflé au fromage qu’elle nous réclame les soirs de froidure. Faut dire qu’on s’est toujours opiniâtré à vouloir la régaler. Avec des succès aussi mitigés que le jambon de Paris en linéaire. Qu’avant même ses premiers pas, on lui inventait des potages diétético-psychédéliques qui la faisaient beugler et recracher dès la première cuillère. Pourtant, c’est la même qui, un peu plus tard, nous réclamait une tombée d’échalotes sur son steak haché ou un voile de piment d’Espelette sur ses coquillettes à la sauce tomate.

Allez savoir pourquoi, on a beau avoir beaucoup rancardé notre môme en cuisine, on ne lui a jamais appris à la faire. Peut-être parce que, avant elle, des générations de femmes ont subi la dictature de l’école ménagère et du frichti quotidien sans pouvoir moufter plus loin que leurs fourneaux. Alors ce matin, on se fait tout petit tandis que l’on descend l’escalier. Sûr qu’elle nous aura préparé un petit noir à dézinguer la grande faucheuse et qu’il nous faudra le sucrier entier pour en noyer l’amertume. Alors on effleure la porte de la cuisine, aussi discret que Mirza, notre greffier, quand il s’en revient de sa tournée de gueuzes. Là, derrière, il fait aussi torride que dans le fournil du Tonton de Sochaux. Ce n’est plus une cuisine, c’est Bagdad après la chute de Saddam, tout est fariné et luisant de beurre, du sol au plafond, un monceau de vaisselle sale déborde de l’évier. Vaut mieux pas la ramener, sinon ce sera la guerre de Cent Ans jusqu’aux vêpres. On s’assoit docilement sur la chaise que la gamine vient de nous désigner tout en nous tendant un broc de jus de café et une assiette de biscuits tout chauds sortis du four et joliment disposés. «Ils sont beaux mes cookies, hein ?» qu’elle piaffe en les retirant vivement alors que l’on s’apprêtait à en prendre un. «C’est pas pour toi, c’est pour mon amoureux !» Manquait plus que ça. Autant retourner se coucher…

Blonds. On a déniché une recette de «cookies au chocolat blanc et noix de pécan» dans un malin petit coffret de recettes sucrées (1). Il vous faut 125 g de beurre demi-sel mou ; 50 g de sucre en poudre ; 50 g de sucre roux ; 1 cuillère à café d’extrait de vanille ; 1 œuf ; 175 g de farine ; 1 cuillère à café rase de levure chimique ; 1 pincée de sel ; 100 g de chocolat blanc ; 50 g de noix de pécan. Préchauffez votre four à 180 degrés. Coupez le chocolat blanc et les noix de pécan en petits morceaux. Dans un saladier, mélangez le beurre et les sucres jusqu’à ce que le mélange soit bien crémeux. Ajoutez l’œuf et la vanille, puis mélangez. Ajoutez la farine, la levure, le sel, les morceaux de chocolat blanc et les noix de pécan, puis remuez jusqu’à obtenir une pâte souple. Disposez 6 tas de pâte de la taille d’une noix sur une plaque de cuisson, en les espaçant bien. Enfournez et laissez cuire pendant dix minutes environ. Les cookies doivent être blonds mais encore très souples. Laissez-les refroidir deux minutes pour les raffermir un peu, puis déposez-les sur une grille. Faites cuire le restant de pâte de la même manière. Les cookies se conservent deux jours dans une boîte en fer-blanc.

(1) «Le Petit Coffret de pâtisserie», de Pascal Weeks, Héloïse Martel et Philippe Chavanne, éditions First, 7,95 €.

Jacky DURAND

http://www.liberation.fr/vous/2014/11/19/c-est-cookie-l-chef_1146400

 

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