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J'ai terminé hier soir: Thierry Clermont,San Michele(médiathèque)

Les ombres vives de San Michele

RENTRÉE LITTÉRAIRE - Les rêveries sensibles et savantes de notre confrère Thierry Clermont dans l'île cimetière de Venise.

 
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Semblable en cela à tous les amoureux de Venise, Thierry Clermont ne doit certainement pas pardonner au général Bonaparte d'avoir, au terme de sa première campagne d'Italie, en 1797, contribué à la mise à mort de la République sérénissime, vieille de plus de mille ans. Mais il n'a pu que se réjouir, en revanche, du décret arrêté par l'empereur Napoléon, dix ans plus tard, afin de déplacer hors du cœur de la cité, alors chef-lieu du département français de l'Adriatique, tous les cimetières qui l'encombraient, une mesure d'hygiène à ses yeux, et d'installer désormais sa nécropole dans l'île de San Michele, au large des Fondamente Nove.

Comme il le fascine, en effet, ce cimetière légendaire et pourtant vieux d'à peine plus de deux siècles! Il ne se lasse pas de le parcourir, d'en déchiffrer, à l'ombre des cyprès, les inscriptions funéraires, d'y rêver, de converser avec ses spectres, comme pour ranimer un instant les destins de ceux qui y reposent, les célébrités bien sûr - Diaghilev, Stravinsky, Brodsky, Ezra Pound et les autres -, mais aussi les inconnus, les oubliés, et même ceux qui n'y figurent pas et qui pourtant…

À un touriste américain qui l'interroge pour connaître l'emplacement de la tombe de Wagner, Thierry Clermont tente d'expliquer avec courtoisie que le compositeur est bien mort au Palazzo Vendramin, sur le Grand Canal, mais que sa dépouille a été transférée aussitôt à Bayreuth, où elle est inhumée dans sa villa de Wahnfried. Mais non, le touriste irrité s'impatiente: où se trouve la tombe de Wagner?

Vivaldi n'est pas loin

Difficile de qualifier ce petit livre qui sera si précieux pour ceux ayant compris que vivre à Venise, connaître et décrire la Cité des Doges, ne trahit pas le besoin de dresser un état des lieux mais de s'abandonner d'abord à un état d'âme. Un roman? Certainement pas. Un récit, comme Thierry Clermont l'affirme en couverture? À peine, même s'il semble en effet nous raconter quatre de ses séjours vénitiens pour chacune des quatre saisons de l'année (Vivaldi n'est pas loin), accompagné d'une jeune fille, Flore, aimantée par ce cimetière, et qui dialogue plus facilement avec les défunts qu'elle ne s'abandonne à son amant fugitif. Mais peut-être n'est-elle qu'une apparition, cette énigmatique Flore qui, du reste, va se donner bientôt la mort.

Restent les rêveries, sensibles et savantes, de Thierry Clermont. Voilà! Son livre est d'abord un vagabondage. Le long des calli, des canaux et en compagnie des fantômes qui lui sont familiers. Pour n'en citer que quelques-uns: les Français, bien sûr, d'Henri de Régnier à Chateaubriand, mais aussi Robert Browning, la fille unique d'Arthur Schnitzler, Lili, qui s'y suicida en 1928, alors qu'Aragon et Nancy Cunard ne cessaient de s'y déchirer, et jusqu'au peintre Zoran Music, mort il y a peu.

Jamais l'érudition de Thierry Clermont n'est asphyxiante, elle enveloppe au contraire d'un halo de mystère, osons le mot, de poésie, ceux qu'il évoque et dont il cite à l'occasion de nombreuses pages. Un vagabondage, ou bien une libre conversation que l'on aimerait prolonger de vive voix avec lui.

«Tremper sa plume dans l'encre noire des canaux est plus qu'un devoir de français, un devoir tout court», disait en substance Paul Morand. Ce devoir, Thierry Clermont l'a accompli et nous l'a rendu, avec les félicitations à attendre du jury ou des nombreux lecteurs auxquels il est destiné.

«San Michele», de Thierry Clermont, Seuil, coll. «Fiction & Cie», 160 p., 17 €.

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