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Saint Matthieu et l'ange

 

6/6/15 - 00 H 00

Paysage classique

Ce tableau et son pendant, le Paysage avec saint Jean à Patmos du Musée de Chicago, furent peints en 1640 pour l'abbé Gian Maria Roscioli, secrétaire du pape Urbain VIII, à Rome où Poussin fit l'essentiel de sa carrière. Il y vivait libre et tranquille, fuyant les mondanités, travaillant pour qui bon lui semblait, en général des amateurs éclairés amoureux de sa peinture.

Ce goût qu'avait le peintre pour la vie retirée et la fréquentation d'une campagne propice à la réflexion solitaire est étroitement lié à son élaboration du paysage classique, dans les années 1640. Le paysage était déjà un élément primordial de son art au cours de la décennie précédente, mais c'était le paysage de caractère vénitien, frissonnant et sensuel, cadre enchanteur d'idylles païennes.

Le paysage classique est plus idéalisé, il est composé d'éléments épars, réels ou fictifs, réunis par l'imagination du peintre de manière à exprimer son idée de la nature. Cette nature est toujours le cadre des actions et de l'histoire des hommes. Elle est parsemée des vestiges de cette histoire, ces ruines romaines pour lesquelles on se passionnait alors. Le paysage classique fait entendre, en un accord élégiaque plus ou moins mélancolique, ces deux voix entremêlées: celle d'une nature infinie et intemporelle, fondée sur l'action des éléments, scandée par le cycle éternel des saisons; et celle de la vie humaine, individuelle ou collective, régie par la fortune, les passions, le destin, la mort…

Paysage sacré

Le paysage selon Poussin est une construction plastique – clairement ordonnée et comme fondée sur une invisible géométrie – mais aussi intellectuelle et poétique, pétrie de culture et de réflexion; c'est une étendue méditative et presque une figuration du Temps: à travers ces plans échelonnés, talus, collines, bosquets, lacs, montagnes, nuages, dans cette lumière d'un parfait équilibre, on croirait voir l'instant, la minute fugace, se muer en éternité.

Cette conception du paysage triomphe dans les grands sujets mythologiques et philosophiques de la vieillesse du peintre. Mais aussi dans ses paysages sacrés à sujets chrétiens. Ici, Matthieu écrit son Évangile sous la dictée de l'ange, assis parmi les ruines du monde ancien, au cœur d'un paysage où le fleuve miroitant fait littéralement entrer le ciel dans la terre.

Comment ne pas se rappeler que les Évangiles, traditionnellement, étaient comparés aux quatre fleuves du Paradis terrestre, faisant couler la parole de Dieu; ou que la nature était perçue comme un livre: « En ce livre, on peut apprendre un Dieu créateur du monde par autant de leçons qu'il y a de créatures. Car toutes parlent et disent en langage naturel et maternel l'être et la gloire de leur facteur: les cieux, les éléments et autres pièces de l'univers, tout ainsi que l'excellence de l'œuvre témoigne de la suffisance de l'ouvrier », écrivait, en 1628, le père jésuite Louis Richeome.

 

À voir l'exposition « Poussin et Dieu », au Musée du Louvre, jusqu'au 29 juin.

JOVER Manuel 6/6/15 - 00 H 00

http://www.la-croix.com/Archives/2015-06-06/Saint-Matthieu-et-l-ange-2015-06-06-1320336

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