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Le verrou(de la porte) de Fragonard pour le tableau du samedi de Fardoise

Le verrou

AMOUR CHARNEL

Le Verrou de Fragonard raconte une histoire intemporelle, celle d’une conquête amoureuse et des ébats qui s’ensuivent. Dans une chambre à coucher, un homme pousse le verrou de la porte tandis qu’une femme qu’il tient enlacée tente vainement de l’en empêcher. La tête inclinée, entre protestation et abandon, elle semble esquiver un baiser. Le lit en désordre, la tenue de l’homme, en sous-vêtements de l’époque, indiquent qu’il s’est déjà passé quelque chose entre les deux protagonistes. Au premier plan, une chaise renversée, un bouquet de fleurs par terre, font penser qu’il y a eu lutte et que la jeune femme a cherché à interrompre des préliminaires trop audacieux. Dans l’esprit des romans libertins, en vogue dans la France du XVIIIe siècle, le tableau met clairement en scène une passion interdite, réprouvée par la morale chrétienne, dont l’issue est sans équivoque. Pourtant, il a été peint pour servir de pendant à un tableau religieux représentant les bergers prosternés en adoration devant l’enfant Jésus nouveau-né image 1. Une fois réunies, les deux œuvres forment une réflexion insolite sur l’amour, celui qui rapproche de Dieu et celui qui unit hommes et femmes, le spirituel et le charnel.

FRAGONARD ET L’AMOUR

Après avoir suivi le parcours obligé des artistes de son temps et peint dans le goût officiel des œuvres graves inspirées de l’histoire image 2, Fragonard devient vite le maître reconnu des sujets légers où seuls l’amour et la sensualité sont en jeu. Cette veine amoureuse, parfois grivoise, rencontre un vif succès auprès d’une clientèle masculine aisée, friande de petits tableaux à connotations érotiques. Certaines de ces œuvres introduisent directement le spectateur dans les alcôves où repose le corps dénudé des femmes image 3. D’autres, au contraire, représentent les distractions badines en plein air d’une certaine haute société, comme Les Hasards heureux de l’escarpolette, commandé à Fragonard par un homme de cour qui souhaitait être peint alors qu’il jetait un coup d’œil curieux sous les jupes de sa maîtresse. Toutes ces peintures témoignent du goût de Fragonard pour le mouvement, dont il rend la vivacité au moyen des couleurs et des éclats de lumière.

LE GÉNIE DE LA COMPOSITION

La force du Verrou réside en grande partie dans sa composition, qui concourt à décrire ce moment précis de l’histoire où tout bascule. Le tableau semble traversé par une ligne diagonale de part et d’autre de laquelle se répartissent les éléments du récit : le couple enlacé et le lit. Cette ligne imaginaire, soulignée par la lumière, relie la pomme, symbole de péché dans le monde occidental, posée sur une table, en bas à gauche, et le verrou poussé, en haut à droite, qui élimine toute possibilité d’échappatoire. Le bras de l’homme tendu vers le verrou suit cette ligne et renforce la tension générale de la scène. L’ensemble donne l’impression que le temps s’est suspendu. De l’autre côté, le lit, avec ses grands rideaux rouges, équilibre par ses volumes les mouvements du couple et les plis de la robe en désordre. Mais sa taille imposante annonce l’issue d’une bataille qui semble déjà perdue. Savamment orchestré par la composition et par une technique picturale impeccable, Le Verrou est une œuvre phare de Fragonard, à la fois poétique et ambitieuse. Le génie dont l’artiste fait preuve ici se retrouve dans des œuvres d’une autre veine, des paysages d’Italie image 4, pittoresques et lumineux, aussi bien que des portraits, que l’artiste excelle à dynamiser par une touche fougueuse et des contrastes de couleurs image 5.

 

https://panoramadelart.com/analyse/le-verrou

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