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L’Europe

  • Catégories : Des expositions

    L’Europe, creuset de créations

    Arts. A Bruxelles, un parcours éclairant sur les échanges à travers les âges.
    Envoyé spécial à Bruxelles SEAN JAMES ROSE
    QUOTIDIEN : mardi 8 janvier 2008
    Le grand atelier : les chemins de l’art en Europe du Ve au XVIIIe siècle Palais des beaux-arts, rue Ravenstein, 23, Bruxelles. Jusqu’au 20 janvier. 10 €, réduit 8 €/5 €. Catalogue 340 pp., 35 €. Rens. : 00/32 (0) 70 22 52 26 ou www.europalia.eu

    L’Europe, trop souvent pensée comme simple zone de libre-échange, est cette fois à l’honneur sur le plan artistique. Pour les 50 ans du traité de Rome, la 21e édition du festival bisannuel Europalia célèbre un autre espace à travers l’exposition «Le grand atelier : les chemins de l’art en Europe du Ve au XVIIIsiècle», au Palais des beaux-arts de Bruxelles.

    Voici donc un voyage à travers les âges - de la fin de l’Antiquité à l’aube de l’invention du musée - et les 27 pays de l’Union, de Florence à Stockholm, de Dublin à Sofia… Un foisonnement de chefs-d’œuvre provenant de plus de 150 prêteurs et institutions culturelles européennes : le Buste d’homme accoudé en grès rouge de Nicolas de Leyde (1465-1467), tel un penseur pétrifié par un sortilège du temps ; la puissante Chasse au sanglier de Rubens (vers 1616) ou encore la délicate Vue sur Tivoli de François Boucher (1730).

    Ivoires. Il s’agit, pour le commissaire Roland Recht de l’université de Strasbourg et ses complices Catherine Périer-d’Ieteren et Pascal Griener, respectivement de l’Université libre de Bruxelles et de l’université de Neuchâtel, de tracer «un espace mental en même temps qu’artisanal où l’idée d’artiste devient marbre, ou pigment de couleurs, ou dessin gravé dans le cuivre». Les quatorze «chambres» de l’expo nous font certes évoluer des enluminures des Evangiles irlandais, dits Livre de Dimma, à des ivoires carolingiens et à un portrait de Van Dyck en passant par une Vierge à l’enfant de Van Eyck. Mais ils ne recouvrent pas les sections d’un manuel d’histoire bête et méchant.

    «Le grand atelier» fait dérouler la chronologie avec une cohérence plus souple - une approche thématique modelant de manière sensible le visage artistique du continent grâce à des «dossiers» tels «un art pour l’exportation : les émaux, les albâtres et les retables», ou «l’estampe au service des métiers». Pour Recht, «il n’y a pas un art roman mais des arts romans» ; de même, le gothique censément «international», ne reflète que la réalité artistique de certaines grandes villes de l’Europe médiévale. Alors, quid de l’identité culturelle européenne ? Existe-t-elle ? Pour éviter la nomenclature facile, il faudra se rappeler la devise communautaire, In varietate concordia, «unité dans la diversité». Traduire également : la civilisation gréco-romaine, la chrétienté, l’influence orientale par le biais de Byzance (via Venise) et des Arabes (via l’Espagne et la Sicile), l’humanisme, Gutenberg et le livre imprimé…

    Ne pas oublier non plus, dans l’édification de cette identité, les notions d’atelier (titre de l’expo) et d’artiste au sens d’artisan. Les peintres n’ont pas attendu les fondateurs de la CEE pour bouger, ni les marchands pour faire circuler les œuvres. Pour preuve, la superbe mise en abyme de la dernière salle, reconstruction du cabinet d’amateur, figure le vertige d’un marché de l’art mondial à venir.

    Ligne de fuite. C’est bien cette capillarité des idées artistiques que démontre l’exposition belge. Des Italiens on apprend «la perspective» ; des Flamands, la couleur fixée par l’huile. Mais tous les chemins de l’art européen ne mènent pas directement à Florence, où se produisit la révolution de l’espace pictural : la fameuse fenêtre d’Alberti (théorie de la ligne de fuite), par laquelle converge le regard et se raconte l’histoire d’un tableau désormais en 3D. Il existe une perspective plus atmosphérique que géométrique en Europe du Nord. Ainsi le maniérisme de l’après-Renaissance déborde-t-il les frontières de l’Italie, avec notamment Bartholomeus Spranger, le peintre de l’empereur Rodolphe à Prague. Les sensuelles courbes de son Hermaphrodite et Salmacis (vers 1585) ont de quoi faire rougir la Vierge au long cou du Parmesan.

    http://www.liberation.fr//culture/302300.FR.php?utk=008b428a