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Catégories : Des expositions

Gauguin en vedette au musée Van Gogh d'Amsterdam

Par Eric Bietry-Rivierre
06/04/2010 | Mise à jour : 11:23

Autoportrait (Les Misérables), 1888.
Autoportrait (Les Misérables), 1888.

Le musée dédié au peintre des «Tournesols» évoque l'œuvre de son frère ennemi lorsque celui-ci la présenta en marge de l'Exposition universelle de Paris, en 1889.

De notre envoyé spécial à Amsterdam

La fête est immense. En 1889, plus de 28 millions de personnes se pressent à Paris pour visiter la quatrième Exposition universelle, particulièrement fastueuse puisqu'elle célèbre le centenaire de la Révolution française. On polémique à propos de la toute jeune tour Eiffel. On s'extasie devant mille autres inventions. On s'enorgueillit de la puissance de l'empire symbolisée par la présence de trois cents indigènes de l'Annam, des colonies d'Afrique ou de Nouvelle-Calédonie.

Gauguin a vu ses chères Tahitiennes dans leur village reconstitué. Et aussi, non loin, de belles Javanaises qui dansent. Et même le rodéo de Buffalo Bill. Cela ne l'empêche pas de fulminer contre les organisateurs qui l'ont refusé à l'exposition centennale de peinture ouverte au Palais des beaux-arts. Il aurait aimé trôner aux côtés des David, Ingres, Delacroix, Corot, Millet, Courbet. À la place, ce sont les médaillés récents, des naturalistes ou des pompiers populaires et officiels, qui se taillent la part du lion. Le voilà jaloux de la vieille garde impressionniste, Monet, Pissarro, Cézanne dont la présence est pourtant discrète, et envieux devant Puvis de Chavanne dont le trait net devait l'intéresser.

 

Initiative rebelle

 

Il avait décidé de contre-attaquer. Affaire faite avec M. Volpini, il avait accroché ses toiles dans sa brasserie du Champ-de-Mars. Aujourd'hui, ces lieux sont à nouveau visibles, reconstitués au Musée Van Gogh d'Amsterdam qui montre également l'importance de cette initiative rebelle dans le travail et la réception de l'œuvre de Gauguin.

À l'image de ce qu'avaient fait avant lui Courbet et Manet, Gauguin a conçu stratégiquement l'endroit comme le berceau de la nouvelle avant-garde dont il serait le plus beau bébé. D'abord, dans ces locaux idéalement situés (angle nord-est du Palais des arts, en face du pavillon de la presse) et baptisés pour l'occasion Café des Arts, il montre ses amis de Pont-Aven. Charles Laval, Émile Bernard très japonisant, Louis Anquetin dont le bleu de son avenue de Clichy la nuit fait merveille, Émile Schuffenecker le pointilliste : neuf peintres au total. Ne manque que Van Gogh resté en Provence avec son oreille coupée mais dont le frère galeriste, Théo, demeure un soutien indéfectible.

Ainsi, l'exposition au Café des Arts est la première manifestation conjointe d'un groupe d'artistes qui entrera dans l'histoire sous le nom d'école de Pont-Aven. Sur les murs grenat du bistrot, les formes sont simplifiées à l'extrême, les orange, roses ou vert topaze explosent dans des motifs rythmiques, à l'intérieur de lignes ondulantes.

Dans le musée, si le rez-de-chaussée évoque le contexte de l'Exposition universelle et met en scène le Café des Arts autour des onze estampes originales que Gauguin avait gravées sur de grandes feuilles jaune canari en guise de catalogue, le premier étage part de ces estampes pour préciser comment les œuvres ultérieures s'en sont nourries. Car Gauguin n'a eu de cesse d'en reprendre les scènes ou d'en exploiter les détails. Non seulement dans ses huiles, mais aussi dans ses bois sculptés, ses céramiques, voire dans ses projets d'éventails. Paysannes bretonnes, enfants se baignant, Arlésiennes et paysages de Martinique constituent dès 1889 son vocabulaire, sa griffe.

 

Beauté primitive

 

Au Café des Arts, entre les loufiats à favoris, les hauts-de-forme et les crinolines, dans le brouhaha et la musique d'un orchestre russe, cet art s'offrait pour la première fois au regard des amateurs parisiens. Malheureusement pour son auteur qui, timide derrière ses dehors suffisants, avait préféré suivre les événements à distance de Bretagne, l'opération Volpini n'eut guère de retombées médiatiques et ne généra quasiment aucune vente. La brasserie était trop peuplée pour qu'on puisse apprécier correctement les travaux accrochés derrière le zinc. La quête de la beauté primitive ne faisait que débuter. Il y avait là pourtant dix-sept Gauguin dont des œuvres clés comme Soyez mystérieuses, La Ronde des petites Bretonnes, Autoportrait, Quoi de neuf ? ou encore Jeune Bretonne au rouet, dernière acquisition du Musée Van Gogh.

Au demeurant, Gauguin allait trouver de nouveaux disciples, notamment Paul Sérusier et plusieurs de ceux qui allaient être connus sous le nom de Nabis. La légende du café Volpini commençait.

«Paul Gauguin. Vers la modernité», au Musée Van Gogh d'Amsterdam jusqu'au 6 juin. Catalogue en français, Actes Sud, 248 p., 50 €.


POUR ACHETER LE LIVRE :


» Paul Gauguin. Vers la modernité, Catalogue de l’exposition, Actes Sud, 47.46 € sur Fnac.com

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