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Catégories : L'histoire

La mystérieuse tante Yvonne

Par Eric Roussel
09/06/2010 | Mise à jour : 18:46 Réagir

BIOGRAPHIE - La première étude sérieuse consacrée à celle qui fut le plus précieux soutien du Général.

 


 

Jusqu'à la dernière visite qu'il rendit à l'homme du 18 Juin ­en décembre 1965, André Malraux, comme beaucoup d'autres, avait tendance à voir en Madame de Gaulle une femme conventionnelle, effacée, «experte dans l'alchimie des marmelades, plus habile encore dans la réduction de pécheurs», pour reprendre une formule du Canard enchaîné.

Les quelques heures passées à la Boisserie pour cet ultime rendez-vous (qu'il devait immortaliser dans Les Chênes qu'on abat) convainquirent l'écrivain de son erreur d'appréciation. Soudain, Malraux prit conscience de l'importance d'Yvonne de Gaulle dans la vie du Général et vit en elle une figure de tragédie.

Agrégée d'histoire, longtemps chargée de recherche à la Fondation Charles de Gaulle, Frédérique Neau-Dufour, qui signe la première biographie sérieuse de l'ex-première dame, partage ce jugement. Fruit d'une longue et méthodique enquête, son livre rend sa densité et sa complexité, voire son mystère à celle que la France entière appelait tante Yvonne.

Le sceau de la rigueur

Contrairement à une légende simplificatrice, Yvonne Vendroux, qui unit son destin à celui de Charles de Gaulle en 1921, n'avait rien d'une femme un peu fruste sortie de son village. Descendante d'une opulente famille de notables calaisiens, elle avait reçu l'éducation la plus soignée, bénéficié d'une existence privilégiée. Ouverts sur le monde, cultivés, férus de modernité, ses parents lui avaient donné une formation relativement libérale pour l'époque. Tout, en vérité, semblait la destiner à poursuivre cette vie insouciante, ponctuée par de longues et merveilleuses vacances dans des propriétés de famille, notamment le château de Septfontaines dans les Ardennes.

Son mariage devait la faire entrer dans un milieu très différent. Chez les de Gaulle, famille de petits hobereaux qui avaient connu des revers de fortune au XIXe siècle, tout apparaissait marqué du sceau de la rigueur : le catholicisme y était plus offensif, le patriotisme plus affirmé, les règles de vie plus strictes. Avec finesse, Frédérique Neau-Dufour décrit la métamorphose d'une jeune femme ultraprotégée jusqu'à son mariage, très entourée par les siens, soudain contrainte d'affronter une vie plus rude, des fins de mois parfois difficiles : les soldes d'officier ne permettaient guère à l'époque la moindre folie. La naissance d'un enfant trisomique, Anne, devait achever de transformer Yvonne de Gaulle : on le perçoit d'ailleurs très bien à travers des photos qui, peu à peu, font apparaître la jeune fille en fleur du début de siècle sous les traits d'une femme éprouvée par la vie.

Riche de documents et de témoignages inédits, l'ouvrage de ­Frédérique Neau-Dufour rend justice à celle qui fut pour Charles de Gaulle le plus précieux des soutiens. Souvent brocardée pour son austérité et son intransigeance en matière de mœurs, Yvonne de Gaulle y apparaît sous des traits assez inédits. Profondément attachée au mode de vie des grandes familles du Nord, allergique au milieu parisien, elle fut en vérité parfois assez moderne. Ainsi lorsque, à la fin des années soixante, elle plaida en faveur de la contraception auprès de son mari, hésitant voire réticent sur le sujet. Paradoxalement, Lucien Neuwirth, promoteur de la pilule, n'eut pas de meilleur soutien que cette femme d'un autre temps que la naissance de sa fille avait amenée à évoluer sans renier ses principes.

Yvonne de Gaulle de Frédérique Neau-Dufour, Fayard, 590 p, 27 €.

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