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Notre chambre à la ferme Flagey des parents de Courbet le 23 décembre 2011(Pour Elisabeth)

Décorée avec "O, bonjour Monsieur Courbet"

FLAGEY NOTRE CHAMBREP1000251.JPGPhoto perso du 23  décembre 2011Nouvelle image.JPG

La Rencontre ou Bonjour Monsieur Courbet, Gustave Courbet, 1854

Huile sur toile signée en bas à gauche: 54.G.Courbet, 132 x 150,5 cm

Montpellier, Musée Fabre, inv. 868.1.23

  • P1000257 NOTRE CHA%MBRE TABLEAU.JPGLa Rencontre, véritable emblème du musée Fabre, est aussi l’oeuvre la plus populaire de l’artisteet la plus souvent reproduite. L’iconographie en paraît simple au 1er abord et Théophile Silvestre dans le catalogue de la Galerie Bruyas en 1876 pose simplement la question:  » Que voulait M. Bruyas? Un paysage de son pays et un souvenir sans affection de son intimité avec le peintre; heureux de l’avoir dans sa propre maison, et résigné d’avance à sa bizarrerie pour ne gêner en rien sa liberté », et donne une description de la scène: « par un midi torride, éclatant et poudreux de Juin 1854, M. Bruyas, revenant de la villa Mey, et Courbet, arrivant d’Ornans, se rencontrent, l’un attendant l’autre: – Salut!-M. Bruyas, précédé de son chien Bretron et suivi de son domestique Calas; Courbet, sac au dos, guêtré, en manches de chemise, bourdon en main, plus fier que la fierté, Et portant dans les cieux son front audacieux. M. Bruyas est cordial et simple, le bon Calas respectueux, Breton étonné et Courbet est … Courbet (Bruyas, 1876, p.184) ». A la suite de Silvestre, plusieurs commentateurs ont précisé comment l’artiste arrivant de son pays natal serait descendu de la diligence ( que l’on aperçoit au fond à droite) avant qu’elle n’atteigne la ville et serait allé au devant du collectionneur quelque part dans la campagne Monpelliéraine, à l’intersection de la route de Sète et du chemin St Jean de Védas à Lattes, où un peu plus loin en direction de Mireval, où l’ami de Bruyas Emile Mey, possédait effectivement une propriété (Cette localisation s’appuie sur un témoignage de Frédéric Bazille, recueilli par le sculpteur Baussan; cité par Claparède, 1965, vol.V, p.47). En réalité, on sait que le peintre était parvenu à Montpellier par la récente ligne de chemin de fer et que cette rencontre merveilleusement incarnée sous le ciel lumineux du Languedoc est « Une rencontre fictive » qu’il convient de situer  » sur le terrain de l’art » et « une allégorie qui marque une date »(Note manuscrite datée du 20 Juillet 1924, du peintre Edouard Marsal citée par Claparède, op.cit., repris par Bordes,dans cat.exp., Montpellier, 1985, p.54, n°15). Il faut replacer le tableau dans la continuité du parcours de Bruyas, de ses préoccupations profondes et de ses attentes vis à vis de Courbet.
  • Bruyas, à la recherche de sa « Solution » – c’est-à-dire  » Une Peinure qui réunit tout par ses merveilleux poèmes » – , entend affirmer le rôle prépondérant qu’il compte jouer dans le développement de la peinture de son temps. (…) Cette même année 1853, Bruyas découvre Courbet, artiste d’une toute autre envergure avec un « estomac » suffisant pour mener la lutte pour un « résultat élevé, sérieux (Bruyas, op.cit., p.16-17) ». (…) En acceptant de se rendre à Montpellier, Courbet avait compris que seul Bruyas pouvait l’aider par son intelligence et sa fortune à « vivre de mon art pendant toute ma vie sans m’être jamais éloigné d’une ligne de mes principes sans jamais avoir menti un seul instant à ma conscience ». Il ajoute un peu plus loin: « J’ai raison – j’ai raison! Je vous ai rencontré. C’était inévitable, car ce n’est pas nous qui nous sommes rencontrés, ce sont nos solutions (Chu, 1996, p.114 (lettre 54-2)) ». En somme, c’est ce dernier programme que Courbet (guidé par la photographie du tableau de Tassaert) met en forme avec une singulière indépendance d’esprit et une originalité qui avec le temps n’a rien perdu de sa puissance d’évocation. Le peintre emprunte le schéma général de sa composition à une image populaire gravée par Pierre Leloup du Mans en 1831 qui montre Les bourgeois de la ville parlant au juif errant . (…) (Estampe certainement fournie par Champfleury)
  • Les images ayant pu servir à son inspiration: Dans le tableau, Courbet s’identifie au cordonnier incrédule de la légende condamné à errer indéfiniment, au compagnon accomplissant son tour de France pour poursuivre son éducation, mais aussi à l’apôtre Jean Journet partant à la conquête de l’Harmonie universelle (cat. 65 fig.3)(Bajou, 2003, p.181-182). La pose du missionnaire fouriériste qui prend la route besace au côté remplie de brochures avec son bâton de pèlerin et son chapeau établit un parallèle évident avec le peintre dans notre tableau (Courbet avait présenté au Salon de 1850 un portrait de l’apôtre Jean Journet (non localisé) mais connu par une lithographie; voir Courthion, 1987,p.99). Courbet lui aussi se sent investi d’une mission supérieure – la défense du réalisme- et dès 1850, dans une lettre à Francis Wey, fixe son programme: « Dans Notre socièté si bien civilisée il faut que je mène une vie de sauvage. Il faut que je m’affranchisse même des gouvernements. Le peuple jouit de mes sympathies. Il faut que je m’adresse à lui directement, que j’en tire ma science, et qu’il me fasse vivre. Pour cela, je viens donc de débuter dans la grande vie vagabonde et indépendante du bohémien . »(Chu, op.cit, p.126 (lettre 50-5)) En janvier 1854, Courbet annonçait à Bruyas son désir de poursuivre  » la série du grand chemin », inaugurée par les Casseurs de pierre, avec Bohémienne et ses enfants (Ibidem, p.113 (lettre 54-1)). Artiste voyageur par excellence, il impose dans le tableau l’image d’un marcheur infatigable dont la « disponibilité exceptionnelle détermine un comportement indépendant, à la fois sur le plan moral et sur le plan social « (Bordes, op.cit., p.54). Le Retour au pays, que l’on peut situé lui aussi en 1854, célèbre l’artiste voyageur libre et indépendant, mais aussi fortement enraciné dans son sol natal d’où il puise une grande partie de son inspiration (Faunce, 1993, p.74, n°15).
  • Dans la Rencontre, Courbet reprend avec une efficacité redoutable le schéma simplifié et statique de l’estampe populaire avec sans doute aussi à l’esprit les compositions classiques léguées par la tradition depuis la Renaissance jusqu’à David (Serment des Horaces, Paris, Louvre). Les figures sont juxtaposées sans lien véritables entre elles et le peintre, qui fait irruption par la droite, occupe à lui seul plus de place que les deux autres réunies. Placé presque sur un pied d’égalité avec son mécène, c’est lui qui accroche le regard du spectateur avec sa silhoutette svelte et fringante, sa tête sombre, son habit clair. Par contraste, Bruyas, sensiblement du même âge, paraît plus vieux et engoncé dans les conventions de son milieu, avec son caban vert sombre et le plaid que tient son serviteur Calas à ses côtés. Celui-ci détourne le regard en signe de déférence comme s’il ne pouvait pas comprendre la haute portée symbolique de l’action – sorte d’épiphanie laïque – qui semble faire écho à l’épisode biblique d’Emmaüs. La face rugueuse du serviteur, le chien haletant, au centre, ramène la scène dans la sphère de la vie réelle comme pour effacer ce que pourrait avoir de trop contraint la représentation. Mais c’est surtout le pinceau de l’artiste d’une virtuosité sans pareille qui donne l’illusion d’une scène observée d’après nature. Ainsi que le suggère l’attirail du peintre (mallette, parasol), Courbet semble revenir d’une journée d’excursion. Il a, à l’évidence, utilisé des études sur le motif dans la campagne environnante entre massif de la Gardiole et étangs de Maguelone pour évoquer ce paysage morne et dépouillé encore tout vibrant de fraîcheur en cette époque de l’année (arbuste ras typique de la Garrigue, coquelicots, herbes folles, liseron et mauve sauvage). Par contraste, la pâte colorée devient plus dense et nourrie dans le rendu des belles matières tactiles comme la manche de chemise (La raideur des plis de la manche évoque celle du fossoyeur au premier plan d’Un Enterrement à Ornans), le caban duvéteux ou le gilet jaune du serviteur. Déjà dans les Demoiselles de village, en 1852, Courbet avait installé des figures dans un paysages éclatant de luminosité. Dans la Rencontre, des silhouettes, occupant presque toute la hauteur de la toile, se découpent avec une force nouvelle sur le vaste ciel d’un bleu délavé. En abaissant considérablement la ligne de l’horizon, en monumentalisant ses figures sur le devant de la toile, Courbet renforce cette impression d’immédiateté et de présence qui a pu lui être suggérée par la découverte de l’art des Le Nain grâce à son ami Champfleury et surtout, des maîtres du Nord, comme Paulus Potter ou Albert Cuyp, lors du voyage au Pays-Bas de 1847.
  • Réception du tableau: En mars 1855, Courbet écrit à Bruyas pour lui dire que son ami français a vu une photographie de la Rencontre et que « ce tableau fait déjà beaucoup de bruit dans Paris ». (…) « Votre tableau la Rencontre fait un effet extraordinaire. Dans Paris on le nomme: « Bonjour Monsieur Courbet », et les gardiens de l’exposition sont déjà occupés à conduir les étrangers devant mes tableaux, « Bonjour M. Courbet » à un succès général » (Chu, op.cit.,p.126 (lettre 55-3), p.127 (lettre 55-4), p.129 (lettre 55-5)). La rumeur, les persiflages montrent qu’une fois de plus Courbet a réussi a créer l’évènement on caricature son tableau (…) Les critiques voient surtout dans le tableau un portrait de plus de l’artiste, toujours habile à se mettre en scène « En ayant soin, note ironiquement Théophile Gautier, de ne pas s’appliquer les procédés du réalisme; il réserve pour lui les tons frais et purs, et caresse sa barbe frissée d’un pinceau délicat (Gautier, 1855 (1856), p.156) ». Par contre, les autres figures en font les frais… Le collectionneur est à peine mentionné et passe pour un obscur et naïf bourgeois de province abusé par le peintre. Ce qui devait être aux yeux des millions de visiteurs de l’Exposition universelle une sorte d’apothéose de la Solution Bruyas-Courbet échoue lamentablement. Demeure un chef d’oeuvre incontestable réalisé au plus fort de la collaboration avec Bruyas, un peu à son insu. Comme l’a bien senti Champfleury:  » Voilà comment la chose la plus simple du monde, grâce à une personnalité puissante, devient une oeuvre importante (Troubat, « Une amitié à la d’Arthez, Champfleury, Courbet, Max Buchon », Paris, Lucien Duc, 1900, p.108) ». Depuis son entrée au musée, le tableau n’a cessé de susciter la curiosité des commentateurs qui à l’instar de Louis Gillet y admiraient par dessus tout « un charme de lumière, une flamme d’allégresse qui donne à toute la scène l’unité d’une grande chose soyeuse et satinée (Gillet, Le musée de Montpellier, 1935, p.215) ».

(Source Michel Hilaire directeur du musée Fabre Montpellier, article catalogue Courbet expo 2007-2008)

http://www.aidart.fr/galerie-maitres/realisme/bonjour-monsieur-courbet-courbet-1854-357.html

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