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Jacques André : «La vie sexuelle des hommes s'est féminisée»

27 mars 2013 à 14:42
(Photo DR)

tchat Au fil de ses lectures, et à partir de paroles d'hommes recueillies sur le divan, le psychanalyste Jacques André explore, dans «la Sexualité masculine», la vie sexuelle des hommes. Il a répondu à vos questions.

 
Libération
Vincent. Pourquoi cet énième livre sur la sexualité ? Qu’apportez-vous que l’on ne sait déjà?

Jacques André. Les livres sur la psychanalytique masculine ne sont pas si nombreux. Il ne faut pas confondre avec les livres de sexologie qui, eux, sont beaucoup plus nombreux. Il y a un intérêt nouveau sur la sexualité masculine qui tient à l’époque.

 
 

L’époque a permis aux femmes de manifester le désir qui était le leur. Le machisme et la domination masculine n’ont plus la certitude qu’ils avaient auparavant. Aujourd’hui, il y a une inquiétude des hommes qui les rend plus touchants.

Colette. Quels sont les motifs récurrents des consultations ? Ont-ils changé au cours de votre pratique en tant que psychanalyste ?

J. A. Il y a une fréquence aujourd’hui, mais je serais incapable de dire si elle a une valeurs statistique, c’est celle pour l’éjaculation précoce. Le vieux fantasme, le vieux mythe masculin d’une insatiabilité des femmes sort plutôt renforcé de la libération actuelle. La peur des femmes n’est pas en voie de disparition, et l’éjaculation précoce est un symptôme de fuite devant tout cela.

Benet. Le stress, la crise, les nouveaux médias ont-ils rendu le sexe moins important dans la vie de l’homme moderne ?

J. A. Le paradoxe, c’est qu’aujourd’hui le sexe est partout. Et dans le fond, on est moins focalisé sur lui par rapport à l’époque où il manquait. Ceci dit, il n’est pas sûr que cela ait changé grand-chose à la relation angoissée de l’homme au sexe. Une des réactions au «tout sexe» d’aujourd’hui, serait par exemple le mouvement No Sex.

Langeyeur. Est-ce qu’il vous arrive de lire le forum «Libé» «Sexe: qui, quoi, où, comment... et tutti quanti » ? Est-il vrai que ceux qui en parlent le plus le pratique moins ?

J. A. Franchement, je n’en sais rien. Il est quand même probable que lorsqu’on devient bavard sur le sexe, c’est que la parole sur le sexe a pris un peu la place sur la vie sexuelle elle-même. Ceci dit, on a le droit de parler quand on fait l’amour, ce n’est pas incompatible.

Lhomme. Pourriez-vous dire que la pornographie, avec un accès rendu plus simple via Internet, a changé les comportements des hommes, mais aussi les attentes des femmes ? Si oui, en quel sens ?
Mission. Quel est l’impact de la pornographie libre et facilement accessible sur la sexualité contemporaine ?

J. A. Première remarque : un gros impact sur les adolescents qui aujourd’hui entrent directement dans la sexualité par les images de la fellation et l’éjaculation faciale, ce qui ne facilite pas pour les garçons le respect des femmes. Il y a des vies sexuelles qui sont presque entièrement via Internet. Des gens que l’on soigne pour addiction, qui n’arrivent pas à décoller de l’écran pendant plusieurs heures par jour. Et puis, évidemment, tous ceux pour lesquels la vie sexuelle reste à l’écart d’Internet, ce n’est pas non plus un médium obligé. Il y a pratiquement un site par fantasme, y compris les fantasmes les plus exotiques. Par exemple, il existe un site «chatouilles»...

Eugène. L’idée selon laquelle c’est la liberté des femmes occidentales qui a sérieusement compliquée la sexualité masculine est-elle fondée ?

J. A. Sans l’ombre d’un doute. Comme disait un jeune patient, c’était quand même plus facile quand elles disaient : «Oh non, oh non.» C’est la relation intrinséque entre sexualité masculine et domination qui est bousculée.

André. L’Eglise a joué un rôle important sur les comportements sexuels, est-ce toujours le cas ? Qu’en pensez-vous ?

J. A. Aujourd’hui, vraiment tout le monde s’en moque.

Samito. Que pensez-vous des lois visant à éradiquer la prostitution féminine ? Pensez-vous que cet objectif soit justifié et réalisable ?

J. A. C’est le plus vieux métier du monde, personne ne l’empêchera d’exister.

Samito. Le féminisme a t-il contribué à la misère sexuelle ambiante?

J. A. Il faut préciser que l’inconscient d’une femme féministe n’est pas féministe. Le discours social, celui qui est à la surface de la vie politique, ne dit rien des uns et des autres, sur leur façon de vivre leur sexualité dans l’intimité.

Hot. Quelle a été la civilisation la plus permissive en matière de sexualité ?

J. A. On dit que ce sont les Na de Chine, une population qui vit au pied de l’Himalaya. Où il existe une très grande liberté dans les relations sexuelles, il n’y a pas de devoir de fidélité. Ceci dit, il n’y a aucune société qui soit complètement permissive. Par exemple, l’interdit de l’inceste existe aussi chez les Na.

Il y a souvent une alternance entre les temps répressifs, et les temps permissifs. Le XVIIIe siècle européen, le siècle des Lumières est libertinage. A l’inverse, le XIXe siècle est très hygiéniste, avec notamment un grand combat contre la masturbation, alors que le XXe est celui de la libération sexuelle.

Major Tom. Que pensez-vous de cette phrase de Jung : «L’homme cherche la femme en toutes les femmes, la femme cherche tous les hommes en un seul homme» ? Est-ce, pour vous, le cliché d’un autre temps ?

J. A. Il n’est pas complètement idiot. C’est vrai, qu’y compris dans le dicton : «Une de perdue, dix de retrouvées», on voit bien l’importance de la première de toute, malgré la boutade. Alors que c’est vrai que chez les femmes, il y a quelque chose de plus solidaire entre amour et sexualité. Une femme aujourd’hui, aussi moderne, jeune et émancipée soit-elle, caressera pourtant le fantasme de Cendrillon.

A78. Peut-on dire que le developpement de l’homosexualité est lié à la libération de la femme ?

J. A. C’est liée à la libération de la féminité, en tout cas. La libération sexuelle, c’est aussi la libération de la féminité des hommes.

Apparemment. Pensez-vous que la fidélité soit contre-nature chez l'homme ?

J. A. C’est la sexualité humaine qui est contre-nature. Parce que la nature, c’est la nature animale, et celle-là associe sexualité et reproduction. Le propre de la sexualité humaine c’est qu’elle s’est émancipée de ce lien-là.

Jano. L’addiction n’est-elle pas sous estimée dans notre société ? Et ses dégâts aussi ?

J. A. Elle est devenue sensiblement importante, à l’image du personnage du film «Shame» de Steve McQueen, où il y a une dimension très forte à Internet, que ce soit sur un mode masturbatoire, ou pour chercher des partenaires d’un soir. Dans l’addiction, le problème principal c’est l’addiction, et non le sexe. C’est d’être condamné à la répétition.

 
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