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L'Amérique en pleine gangstermania

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    • Par Maurin Picard
    • Mis à jourle 12/08/2013 à 23:42
    • Publiéle 12/08/2013 à 18:08
Le canal du Gowanus, en plein cœur de Brooklyn à New York, dissimulerait les corps de nombreuses victimes de la mafia sicilienne, dont les premiers contrats du jeune Al Capone.

Le canal du Gowanus, en plein cœur de Brooklyn à New York, dissimulerait les corps de nombreuses victimes de la mafia sicilienne, dont les premiers contrats du jeune Al Capone.

Le procès de James Bulger à Boston et la réhabilitation du canal où Al Capone jetait ses victimes entretiennent la mythologie.

C'est un canal aux eaux saumâtres encombrées de détritus, dont le nom maudit tinte aux oreilles de tous les New-Yorkais: le Gowanus, en plein cœur de Brooklyn, doit autant sa célébrité à sa pollution qu'à sa réputation de charnier mafieux. Dans ce quartier historiquement italo-irlandais, une légende urbaine affirme que le jeune Al Capone y aurait, entre 1917 et 1919, «disposé» de ses dix premières victimes, mauvais payeurs et rivaux, sur ordre de son «protecteur», le parrain local Frankie Yale. À deux pas de l'école primaire PS133 où, dit-on, Alphonse Gabriel Capone frappait ses maîtres, et de l'église St Mary Star of the Sea, où il se maria en 1918. Querelles de «familles» criminelles et rivalités entre syndicats de dockers auraient par la suite considérablement rallongé la liste des disparus du Gowanus. «Personne ne saura jamais combien exactement, remarque Eymund Diegel, chargé de l'aménagement urbain pour la ville de New York. La mafia et les syndicats de dockers ont perdu du terrain mais l'omerta demeure la règle dans le quartier », comme le décrit Elia Kazan dans son film de 1954 On the Waterfront (Sur les quais), avec Marlon Brando.

Certaines affaires non élucidées pourraient être rouvertes, à présent que l'EPA (l'agence fédérale pour la protection de l'environnement) a décidé d'assainir le sinistre canal d'ici à 2020. «Il pourrait y avoir quelques surprises lorsque l'on renflouera des carcasses de vieilles voitures au coffre fermé à double tour», sourit Joseph Alexiou, journaliste et auteur d'un livre à paraître sur le Gowanus.

« Il y a la réalité du crime organisé qui n'enchante personne, et puis il y a la version mythifiée, fantasmée que tout le monde adore»

Ron Kuby, l'ex-avocat du parrain new-yorkais John Gotti

Avant l'arrivée des excavatrices, la fascination est à son comble à Brooklyn, où plane l'ombre de la mafia et de ses malfrats hauts en couleur, comme Capone ou le célèbre «Crazy» Joe Gallo, auquel Bob Dylan a dédié sa chanson Joey, et qui arpentait les rues de Carroll Gardens, un lionceau tenu en laisse. Peu importe que la justice américaine ait rogné les ailes de Cosa Nostra à New York: la «gangstermania » ne faiblit pas.

Depuis le 12 juin, l'opinion suit avidement le procès à sensation du sinistre parrain irlandais de Boston, James «Whitey» Bulger, chef du «Winter Hill Gang», accusé de dix-neuf crimes entre 1972 et 2000, d'extorsion, blanchiment d'argent et trafic d'armes. Depuis l'ouverture des débats, chaque jour apporte son lot de témoignages sur les crimes de Bulger à «Southie» (South Boston). Dans la salle d'audience, Bulger, 83 ans, a écouté impassible les révélations de ses anciens lieutenants et fixé sans ciller les proches de ses victimes. Lundi, au bout de cinq jours de délibérations, les jurés ont fini par s'accorder sur la sentence, après avoir entendu 72 témoins en deux mois d'auditions. L'un d'entre eux Steve Rakes, est mort mystérieusement en plein procès. Le verdict ne devrait pas être connu avant le 13 novembre, mais il y a fort à parier que Bulger, reconnu coupable de 31 des 32 chefs d'accusation qui pesaient contre lui (dont onze meurtres sur dix-neuf), passera le reste de ses jours derrière les barreaux.

 La famille est sacrée

Du côté de Detroit dans le Michigan, pas une année ne s'écoule sans que les pelleteuses viennent retourner un coin de terrain vague, à la recherche de la dépouille introuvable de Jimmy Hoffa, mafieux et patron des teamsters, le plus puissant syndicat des États-Unis en son temps. Disparu à 62 ans, le 30 juillet 1975, sur le parking d'un restaurant des faubourgs de «Motown», certainement éliminé par des rivaux, Jimmy Hoffa est devenu plus célèbre mort que vivant. Les théories les plus folles ont fleuri: il aurait été coulé dans le ciment du vieux stade des New York Giants du New Jersey, enterré sous une écurie du Michigan depuis longtemps rasée, ou jeté en pâture aux alligators des Everglades, en Floride…

«Il y a la réalité du crime organisé qui n'enchante personne, et puis il y a la version mythifiée, fantasmée que tout le monde adore, explique Ron Kuby,l'ex-avocat du parrain new-yorkais John Gotti, condamné à perpétuité en 1992 et mort d'un cancer en prison dix ans plus tard. Nous aimons ces hors-la-loi parce que leurs vies semblent tellement plus… authentiques que les nôtres, si éloignées des conventions.» À cause, aussi, de valises de billets cachées dans les murs et de revolvers dissimulés sous le complet-veston. Avec cette propension, paradoxalement, à défendre des valeurs qui se perdraient: «La famille est sacrée, ils ne font jamais de mal à une femme ni à un enfant, et les seuls auxquels ils s'en prennent sont des gens venant du même monde.» Un peu comme l'attachant Tony Soprano, mafieux dépressif de la série télévisée éponyme. L'acteur qui l'incarnait, James Gandolfini, est mort en juin à 51 ans d'une crise cardiaque à Rome, suscitant une étonnante émotion outre-Atlantique.

Derrière ce vernis romantique, «la réalité est laide et brutale, avertit cependant Kuby. Ce même code moral strict implique qu'ils trompent leurs femmes ». Et les exécutent parfois, comme Whitey Bulger, qui étrangla la fiancée «un peu trop bavarde » d'un de ses comparses… avant d'aller faire une sieste. À Boston et Brooklyn, quelques rares personnes âgées continuent de voir en Bulger et ­Gallo des «Robin des bois» courageux. Jusqu'à ce que, tôt ou tard, les corps ­suppliciés de leurs victimes, exhumés des ­caves de «Southie» ou repêchés du ­Gowanus, se mettent à parler.

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