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La crise à « Libération » s’aggrave avec le conflit entre actionnaires et dirigeants

 

LE MONDE | 20.02.2014 à 11h38 | Par Alexandre Piquard

Au siège de « Libération », le 3 septembre.

 

Au siège de « Libération », le 3 septembre. | AFP/FRED DUFOUR

 

C'est un « coup de force » qui a eu lieu à Libération, mercredi 19 février, selon certains protagonistes de ce dossier de plus en plus tendu. A l'occasion du conseil de surveillance, le coprésident du directoire, Philippe Nicolas, a été débarqué par l'actionnaire de référence du quotidien, Bruno Ledoux, et son représentant, François Moulias.

 

D'abord nommé médiateur dans le conflit entre la direction et la rédaction, M. Moulias est devenu, mi-janvier, membre du directoire, mais M. Nicolas restait seul gérant du journal, depuis la démission de Nicolas Demorand de son poste de président du directoire, jeudi 13 février. Philippe Nicolas et Nicolas Demorand avaient, tous deux, été visés par des motions de défiance de la rédaction, notamment en novembre 2013.

Nommé président du directoire, mercredi, en remplacement de M. Demorand, M. Moulias aurait sur le champ décidé de démettre de ses fonctions M. Nicolas. « Une procédure abusive », selon un protagoniste.

« ISSUE ANGOISSANTE »

Au cours du même conseil de surveillance, mercredi, sa présidente, Anne Lauvergeon, a remis sa démission. L'ancienne dirigeante d'Areva serait remplacée par M. Ledoux. « Nous ne sommes pas à l'aise avec les nouveaux actionnaires », explique une source, selon laquelle Mme Lauvergeon avait déjà pris du recul avec sa fonction.

Au-delà des questions de personnes, l'enjeu porte sur le fond : après des semaines de débat, M. Nicolas considérait comme inévitable le dépôt de bilan du journal. Il pensait que cette procédure pourrait « protéger » Libération et éviter d'interrompre la parution en attendant qu'un nouvel actionnaire reprenne le titre. Cette solution permettrait aussi à l'éventuel repreneur de ne pas assumer tout le passif et les clauses de cession des journalistes. Pour M. Nicolas, les actionnaires actuels se montrent incapables d'amener aujourd'hui de l'argent.

« Ces derniers jours, l'idée a progressé parmi les journalistes que nous aurions intérêt à aller au dépôt de bilan et à repartir sur des bases saines avec un nouvel actionnaire, même si cette issue est angoissante socialement, car elle engendrerait des départs », raconte un salarié. « Ceux qui semblent ne pas avoir envie d'aller au dépôt de bilan, ce sont les actionnaires principaux, Bruno Ledoux et son proche, François Moulias », ajoute ce journaliste.

SUIVI DE PRÈS PAR BERCY

En interne, certains soupçonnent M. Ledoux, propriétaire de l'immeuble du journal, de surtout vouloir faire déménager la rédaction, pour vendre ou mettre en place un café-espace culturel autour de la marque Libération.

Le dossier du quotidien est suivi de très près par le gouvernement et le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI). Mais, mardi, la réunion avec cet organe lié au ministère de l'économie s'est mal passée.

« L'Etat propose d'aider en versant de manière anticipée le reste des aides à la presse dues pour 2014, soit environ 2 millions d'euros, mais à la condition que les actionnaires actuels remettent au pot, expose une source gouvernementale. Or, ces derniers n'ont toujours pas démontré leur capacité à apporter des moyens supplémentaires. » Derrière cet euphémisme, on sent une inquiétude et un scepticisme grandissant.

« PAS DE LETTRE D'INTENTION, DE CONTACTS INFORMELS… »

« Le degré de sérieux de nos interlocuteurs est sujet à caution », ajoute cette source, selon laquelle « rien » ne vient pour l'heure étayer les propos des actionnaires annonçant l'arrivée prochaine de nouveaux investisseurs : « Pas de lettre d'intention, de contacts informels… »

Mercredi soir, la situation était tendue et les représentants du personnel et les syndicalistes – tout comme M. Moulias – préféraient ne pas s'exprimer avant un comité d'entreprise qui devait avoir lieu jeudi matin.

La trésorerie permettrait de tenir jusque fin mars environ. Mais selon une source gouvernementale, le paiement des salaires de février, la semaine prochaine, est déjà une échéance difficile à tenir.

 
 

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