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J'ai aimé hier: La photo dans tous ses états avec Thomas Ruff au MAMC+ de Saint-Etienne(dans la presse artistique nationale)

La photo dans tous ses états avec Thomas Ruff au MAMC+ de Saint-EtienneThomas Ruff, press++32.15, 2016, C-print, 230 × 185 cm, collection de l’artiste ©️ADAGP, Paris 2022 / Thomas Ruff

Jusqu'au 28 août, le MAMC+ de Saint-Étienne Métropole présente la première exposition dans un musée en France du photographe allemand Thomas Ruff, un artiste qui joue avec différents procédés techniques.

Pour une première en France, la rétrospective Thomas Ruff à Saint-Étienne est une réussite. En réunissant jusqu’au 28 août 17 de ses 34 séries photographiques, Alexandre Quoi, le commissaire de l’exposition du musée d’Art moderne et contemporain, parvient à expliquer les relations étroites que l’artiste allemand entretient avec les procédés photographiques jusqu’aux plus anciens. Avec plus de 100 œuvres convoquées, le musée met à l’honneur un artiste jonglant entre portraits saisissants et compositions graphiques troublantes.

Dans l’ordre chronologique des premiers procédés

La première salle de l’exposition a de quoi déstabiliser le visiteur (dont moi) puisque ce sont certaines des photographies les plus récentes de Thomas Ruff qui y sont réunies. Le parti-pris du commissaire est de présenter les œuvres de l’artiste allemand dans l’ordre chronologique de l’invention des procédés photographiques utilisés pour les clichés qu’il transforme. C’est pourquoi la série Bonfils, datée de 2021 et dérivée de négatifs sur verre de la Maison Bonfils, un studio professionnel ouvert au Liban en 1864, ouvre le parcours.

Bonfils 02. Statue renversée de Sésostris à Thèbes (2021) de Thomas Ruff, présenté dans l’exposition « Métaphotographie. Thomas Ruff » au musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne, 2022 ©Guy Boyer

Bonfils 02. Statue renversée de Sésostris à Thèbes (2021) de Thomas Ruff, présenté dans l’exposition « Métaphotographie. Thomas Ruff » au musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne, 2022 ©Guy Boyer

Tirages colorés

La série Bonfils rassemble des vues de monuments antiques du Proche-Orient, publiés dans l’album Souvenirs d’Orient (1872) mais ces scènes de Thèbes ou de Constantinople ont été agrandies par Ruff, réimprimées en accentuant les traces de vieillissement et en gardant les inscriptions figurant sur les bordures des négatifs. A proximité, les série Tripe (2018) et Négative (2014) poursuivent ce même attachement aux photographies anciennes et aux caractéristiques des négatifs sur papier du capitaine britannique Tripe ou des chronophotographies de Jules-Etienne Marrey. L’intervention de Thomas Ruff est essentiellement visible dans le choix des images, l’agrandissement des formats et la coloration des tirages.

De gauche à droite : Bonfils 11. Constantinople Basilique Sainte Sophie et navires dans le fond (2021) et Tripe 12. Seeringham et Tripe 15. Madura (2018) de Thomas Ruff, présentés dans l’exposition « Métaphotographie. Thomas Ruff » au musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne, 2022 ©Guy Boyer

De gauche à droite : Bonfils 11. Constantinople Basilique Sainte Sophie et navires dans le fond (2021) et Tripe 12. Seeringham et Tripe 15. Madura (2018) de Thomas Ruff, présentés dans l’exposition « Métaphotographie. Thomas Ruff » au musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne, 2022 ©Guy Boyer

Photogrammes et solarisations

Puisque le parti-pris est d’avancer chronologiquement dans les inventions photographiques, il est logique d’aborder le photogramme des surréalistes et des pionniers des années 1920 dans la deuxième salle. Cette fois-ci, Ruff n’utilise pas des négatifs anciens mais recrée avec les techniques actuelles le rendu des photogrammes. Ceux-ci, à l’origine, étaient nés d’objets divers comme des bandes de papier ou des lentilles de verre posés directement sur du papier photosensible qui gardait les silhouettes des objets insolés. Ruff, lui, dessine ces objets sur un programme 3D, peut changer leur position et les expose parfois à une lumière colorée. Le résultat ressemble à un photogramme mais n’est pas un photogramme. Même proposition pour la solarisation des fleurs. Cette technique appelée également effet Sabatier a été inventée en 1862 et permet d’inverser les zones d’ombre et de lumière des tirages. Ruff, ici, superpose négatif et positif, puis imprime sur du papier ancien. Il va, là encore, au-delà de la solarisation d’origine.

Flower.s 10, 17 et 19 (2019) de Thomas Ruff, présentés dans l’exposition « Métaphotographie. Thomas Ruff » au musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne, 2022 ©Guy Boyer

Flower.s 10, 17 et 19 (2019) de Thomas Ruff, présentés dans l’exposition « Métaphotographie. Thomas Ruff » au musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne, 2022 ©Guy Boyer

Les célèbres Photomaton XXL

En remontant dans le temps et en poursuivant le parcours, on tombe sur les portraits d’amis ou de connaissances de Thomas Ruff, qui ont fait sa célébrité. Ces images neutres sont limitées au visage et au buste. Elles sont tirées sur de très grands formats, loin de la petite taille des Photomaton. Pendant dix ans, de 1981 à 1991, Ruff expérimente ce format XXL, qui permet à la fois d’éviter toute interprétation psychologique (à la manière des séries photographiques des Becher à l’école de Düsseldorf) et d’intensifier le regard et l’expression de la personne photographiée. En face de ces visages trop humains, des cieux étoilés s’alignent sagement. Ils ont été puisés dans les négatifs des archives de l’European Southern Observatory. Ces vues du firmament de l’hémisphère sud, prises à l’aide d’un super télescope installé dans les Andes, ont été choisies pour la richesse de leur scintillement.

Porträt (R. Müller), Porträt (S. Buch) et Porträt (J. Röing) de Thomas Ruff, présentés dans l’exposition « Métaphotographie. Thomas Ruff » au musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne, 2022 ©Guy Boyer

Porträt (R. Müller), Porträt (S. Buch) et Porträt (J. Röing) de Thomas Ruff, présentés dans l’exposition « Métaphotographie. Thomas Ruff » au musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne, 2022 ©Guy Boyer

Plus loin que l’appropriation

Dans une nouvelle salle, près de portraits robots créés grâce à un appareil générateur d’images superposant plusieurs visages (il s’agit d’une invention des services de police criminelle allemande des années 1970), Ruff présente deux murs de photographies de presse aussi bien politique que documentaire. On y reconnait aussi bien la Croix noire sur fond blanc de Malévitch que les portraits de Mitterrand et Rocard. Ces clichés sont agrandis au double de leur format d’origine, n’ont aucun sous-titre ni copyright. L’artiste allemand va plus loin que l’appropriation puisqu’il s’interroge ainsi sur les informations qui restent lorsqu’on sort les images de leur contexte de publication.

Zeitungsfotos (1980-1981) de Thomas Ruff, présentés dans l’exposition « Métaphotographie. Thomas Ruff » au musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne, 2022 ©Guy Boyer

Zeitungsfotos (1980-1981) de Thomas Ruff, présentés dans l’exposition « Métaphotographie. Thomas Ruff » au musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne, 2022 ©Guy Boyer

Pixels et disparition des Pixels (1)

« Le point de départ visuel des jpegs est constitué d’images diffusées dans le monde entier par Internet ainsi que de scans de cartes postales et d’illustrations de livres de photos, explique Alexandre Quoi. L’artiste s’est intéressé à la structure géométrique commune aux images numériques, qui constitue la base du format jpeg ». Certaines photographies de Thomas Ruff jouent de ces blocs carrés de 8 x 8 pixels, qui rendent floues les images d’origine lorsqu’on les regarde de près. Paradoxalement, vues de loin, celles-ci paraissent nettes.

Détail de jpeg ny01 (2004) de Thomas Ruff, présenté dans l’exposition « Métaphotographie. Thomas Ruff » au musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne, 2022 ©Guy Boyer

Détail de jpeg ny01 (2004) de Thomas Ruff, présenté dans l’exposition « Métaphotographie. Thomas Ruff » au musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne, 2022 ©Guy Boyer

Pixels et disparition des Pixels (2)

Dans d’autres séries, comme Tableaux chinois, Thomas Ruff mixe les deux propositions. Certaines zones vont être nettes, d’autres affichent les pixels carrés. Ici, l’image provient de livres sur Mao publiés en Chine ou du magazine « La Chine ». Ruff scanne les images et les convertit en une grande trame de pixels. Sur ordinateur, il transforme certains éléments en faisant disparaître ces pixels. La nouvelle image obtenue possède donc à la fois la trame d’impression analogique et la structure numérique de l’image pixel. « Les images de propagande du XXe siècle, commente Alexandre Quoi, sont ainsi transportées dans le langage visuel du XXIe siècle et démasqué comme des images manipulatrices ».

Tableau chinois 15 (2019) de Thomas Ruff, présenté dans l’exposition « Métaphotographie. Thomas Ruff » au musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne, 2022 ©Guy Boyer

Tableau chinois 15 (2019) de Thomas Ruff, présenté dans l’exposition « Métaphotographie. Thomas Ruff » au musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne, 2022 ©Guy Boyer


« Métaphotographie. Thomas Ruff »
Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne
Rue Fernand Léger, 42270 Saint-Priest-en-Jarez
www.mamc.saint-etienne.fr
Jusqu’au 28 août

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