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L'évangile - Page 3

  • Catégories : Baudelaire Charles, CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, L'évangile

    L'Évangile selon Philippe

    Yann Moix
    05/02/2010 | Mise à jour : 10:56
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    Qu'attend-on pour décerner le prix Nobel de littérature à Philippe Sollers ? On lui a préféré un inoffensif pour «représenter» la France. Tant pis pour le monde. Sollers continue la guerre. Quand on demandait à Guitry quel livre il conseillait sur Voltaire, il répondait : « Lisez Voltaire ! » À la question « Quoi de neuf ? », il répondait : «Molière». Sans le savoir (encore que !) Guitry était sollersien. Nous sommes loin des gloses universitaires, qui sont à la vie ce que la commémoration est à la mémoire : de la mort pure et simple. Sollers ne fait pas « revivre » Saint-Simon : il nous montre, en le frottant à Charlie Parker, que nous n'avions pas su voir qu'il était encore en vie, et qu'il l'est pour longtemps. Vous voulez savoir ce que le 11-Septembre signifie vraiment : Voltaire en parle très bien. Le mariage homosexuel ? Ne lisez pas les pages « Idées » des quotidiens : Buffon est là, prêt à décrypter avec vous ce que signifie qu'avoir un sexe. L'athéisme ? Concept compliqué : et pour le comprendre, lisez Nietzsche, mais pas en allemand - c'est dans sa traduction française que Nietzsche explique le mieux ce qu'est Dieu !

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  • Les écrivains-voyageurs (1)Monfreid, L'esclave de Dieu

    Le bout du monde a une capitale. Et la capitale règne sur la fin de tout. L'ultime est son fonds de commerce. On y vend de l'apocalypse au détail, et l'éternité s'y couche tous les soirs. Elle s'y lèverait tous les matins s'il y avait des matins. Mais le matin est un commencement, et ce n'est pas la spécialité du pays. De toute façon, quand cette brûlante ébauche est tombée de sa poche, Dieu n'avait encore rien décidé. Des lacs sans eau, ça vous a un petit côté pas fini. D'étincelantes plaines de chlorure qui ont l'air d'attendre le Déluge, à moins qu'il vienne juste de se retirer. Des chutes de soleil si brutales que les crépuscules passent à la trappe. Pour rosir le tableau il faut dépêcher de dispendieuses escadrilles de flamants, des nuages de flamants pilleurs de sel qui vous empourprent le ciel comme une joue de Botticelli. Tout ça sent la démesure inutile, l'abstraction pure, le rêve, l'imagination. Le fantasme. Dieu aurait-il un inconscient?

    Les écrivains ont accouru, fouillé sa corbeille. Du plus loin qu'on se souvienne, Djibouti a toujours fasciné les raconteurs. On pourrait même les réunir, toutes époques confondues, dans une sorte d'académie chamelière, les braves qu'a touchés un jour la violente poésie de cet enfer: vagabonds salariés, coloniaux mélancoliques, officiers de marine en rupture de dunette, aventuriers en mal de romans, coureurs de butins. Les uns viennent y chercher la poignante beauté d'un brouillon démiurgique, les autres, l'odeur de crime et de trafic qui paraît sourdre par toutes les failles d'un désert si absolu qu'il semble se fuir lui-même, et se fabriquer un alibi du néant auquel il aspire, depuis les temps canoniques, à retourner. D'ailleurs, il fut longtemps impossible de postuler à l'immortalité et d'espérer conquérir un fauteuil à l'Académie française si l'on n'avait pas fait au moins une escale dans le port de la mer Rouge. Les plus chanceux parvenaient même à faire coïncider leur séjour avec le traditionnel attentat anti-Français. On en revenait couvert de gloire (et de piqûres d'insectes, si l'on avait négligé de tirer le cordon de la moustiquaire, dans le modèle dit «en cloche»).

    Hélas, là-bas comme partout, les traditions se perdent. Depuis que Djibouti a cessé d'être français, la tradition de l'attentat anti-Français a pour ainsi dire perdu sa raison d'être. Mais du temps que la république de Djibouti s'appelait encore le Territoire français des Afars et des Issas, on venait y traquer l'inspiration. La plupart n'y trouvaient que la transpiration, mais savaient parfois la passer au lecteur. C'était l'époque où Romain Gary respirait la mort en ce désert et le trouvait plus fatal encore que le Tibesti, qu'il avait pourtant parcouru à la recherche de ses camarades de combat morts de soif auprès de leur avion. «Les affres du monde, confiait-il à un proche, paraissent plus lointaines ici que les Mille et Une Nuits...»

    La place du 23-Juin s'appelait encore place Ménélik, et plutôt qu'à la terrasse du Café de Paris, c'est à celle du légendaire Palmier en Zinc qu'on allait siroter la fraîcheur apéritive, sinon le frissonnement louche qu'avaient éprouvé sous ces mêmes arcades les grands faiseurs d'intrigues, Segalen et Joseph Kessel, Paul Nizan, Michel Leiris et Albert Londres, Pierre Loti et tant d'autres, les frères Tharaud, tenez, ceux-là mêmes qui avaient inspiré à Antoine Blondin un mot fameux quand le cadet eut rejoint l'aîné sous la Coupole: «Encore un Tharaud de casé», avait ricané l'Antoine. Il faut le savoir: jamais on n'aurait pu caser tant de Tharaud sans le concours du «81», comme on nommait entre connaisseurs le territoire. Djibouti, c'était la «Star Academy» des rebelles, l'agrégation des durs à cuire.

    Faut-il y voir un phénomène de hantise dont des doctorants méticuleux tentent encore de recueillir les indices sous les semelles de vent du sieur Arthur Rimbaud, négociant pour le compte de la maison Bardey et Cie en 1887? On a perdu la trace de la caravane qu'il est chargé d'accompagner (quelques milliers de fusils à capsules pour le roi Ménélik), arraisonnée par les Danakils, de farouches guerriers qui émasculent leurs ennemis mais que la poésie française, semble-t-il, amuse définitivement. La fable était lancée. Depuis lors, la règle est simple: nul n'entre ici que par la littérature. Il n'est jusqu'à un gouverneur des âges gaulliens, haut-commissaire du «Caillou», Dominique Ponchardier, consigné dans son palais entre deux alertes, qui sous un pseudonyme censé préserver son honorabilité n'écrivit pour se désennuyer des polars que Lino Ventura a popularisés à l'écran. «Le gorille vous salue bien», «Le gorille a mordu l'archevêque», «Le gorille se mange froid», c'était de la prose d'ambassadeur. Nos lettres doivent beaucoup à ce maître oublié: c'est à lui qu'on doit l'invention du mot «barbouze». Un tel concept, en pareil endroit, ne saurait rien devoir au hasard.

    On arrive donc ici avec un métier: diplomate, agent secret, pêcheur de perles, grenadier voltigeur de l'infanterie de marine, trafiquant d'armes ou de haschisch. Et on repart écrivain, c'est l'usage. Trente ans après Rimbaud, et premier d'une interminable lignée, c'est la métamorphose qu'a vécue le long de la côte Somalie l'incontesté caïd de la corporation, celui qui a fait sur les tribus nomades et dans la mémoire locale la plus forte impression: Henry de Monfreid, l'auteur des «Secrets de la mer Rouge», issu d'une famille d'originaux et échoué là par désoeuvrement, parce que les grandes crues de la Seine, en 1910, avaient inondé sa ferme, près de Melun, et noyé ses vaches laitières. Dégoûté, il voulait fuir «le troupeau», et ce n'était pas son cheptel perdu qu'il désignait ainsi.

    Débarqué dans le golfe d'Aden par un bateau des Messageries maritimes, une vague recommandation en poche auprès d'un affairiste d'Abyssinie, il s'était bientôt lassé d'écrire à son père de trop longues lettres où il s'épuisait à lui expliquer les mystères dont il était à la fois le témoin et l'acteur. Henri Michaux, de passage lui aussi bien des années plus tard dans cet étrange royaume abandonné à sa solitude, mais décidément très fréquenté, en avait rapporté cette simple phrase: «Il n'y a rien à voir, et tout est à interpréter...» Interpréter, c'est du travail de sphinx, d'oracle, de pythie, de sorcier de l'ombre. De la lettre au «cher papa», Henry de Monfreid est passé au récit avec un naturel déconcertant. L'ombre? Ce qui en tient lieu par ici, c'est l'inquiétante énigme des regards, des vies et des rumeurs que l'on traverse. Monfreid, oeil de caméléon sur cette terre en ruine, sans lois ni horizon, n'a pas son pareil pour interpréter. Un jeune journaliste enquêtant sur les trafics d'esclaves, et qui cherche un guide, demande à le rencontrer en 1930. Monfreid n'a encore rien publié, mais il est déjà une légende. Le journaliste est subjugué, au point de renoncer à recueillir son témoignage: «C'est à vous de raconter votre vie.» Joseph Kessel vient de convaincre Monfreid et de faire de lui un écrivain. L'envoyé spécial de «Paris-Soir» s'en souviendra dans «Fortune carrée», où Monfreid apparaît sous les traits de Mordhom. Dans le genre où il va bientôt s'illustrer et faire fortune, celui du roman d'aventures, très en vogue entre les deux guerres, il se révèle vite indépassable et sans exemple: il est le seul auteur qui soit lui-même son propre héros, sans mythomanie ni paranoïa d'aucune sorte. La contrebande des armes, du haschisch, qu'il va acheter en Inde et revendre en Egypte, c'est son ordinaire. Qu'un indélicat veuille lui piquer son magot, et l'affaire tourne à la flibuste. Alors il construit lui-même des boutres de plus en plus rapides à la mer.
    Evidemment, il sait tout faire, cultiver les huîtres perlières, jouer du piano, peindre (il a appris jeune, son père était le meilleur ami de Gauguin), reprendre tout seul des îles aux Turcs en pleine guerre mondiale (la première), ce qui va beaucoup fâcher le ministre des Colonies, Gaston Doumergue, au motif qu'on ne lui a rien demandé. Monfreid, que les fièvres ont laissé quelque peu «braque», comme il le dit parfois, c'est un sauvage qui adore la politique. Tellement, même, que l'empereur d'Ethiopie, Hailé Sélassié, dont il dénonce les visées sur Djibouti et le Yémen, tentera de l'empoisonner personnellement. Pendant une audience, avec une tasse de café. Le négus avait eu la main trop lourde, Monfreid a vomi le breuvage. Sauvé. C'est un indestructible. Il s'accommode de toutes les situations. En pleine guerre encore (la seconde), assigné à résidence au Kenya par les Anglais, privé de ses commerces coutumiers, il va inonder la bonne société britannique de ses aquarelles et, bientôt, se souvenant de ses débuts dans la laiterie, de ses camemberts. On se les arrache, jusque sur les bonnes tables londoniennes. L'histoire ne dit pas s'ils sont moulés à la louche ou fourrés à la cocaïne.
    «Où ce diable d'homme tivuve-t-il l'indispensable répit pour écouter, pour revenir à lui-même, pour écrire?» s'interroge le poète libanais Salah Stétié. La vérité est que Monfreid n'a besoin ni de répit ni de recul parce qu'il ne triche pas. Il porte son mal de vivre avec une élégance si radicale que Teilhard de Chardin tombera en amitié profonde pour le futur auteur de «Pilleurs d'épaves» et des «Derniers Jours de l'Arabie heureuse». Ils se sont rencontrés en avril 1926 sur l'«Angkor», un navire qui rallie l'Extrême-Orient par Djibouti. Qui aurait pu imaginer pareil casting, le théologien et le contrebandier accoudés au bastingage d'un paquebot revenu de tout (il avait été torpillé en 1918) et refaisant le monde après Dieu? Qui, sinon Dieu lui-même? A peine arrivé à Shanghai, le philosophe câble à Monfreid, que les Somalis, depuis sa conversion à l'islam, n'appellent plus que «Abd el-Haï» («Esclave de Dieu»): «La fin de traversée a été bonne mais -vous m'avez manqué. Je demande à Dieu de vous rendre heureux et de faire que nous nous retrouvions.» Ils se retrouveront, conduiront ensemble un chantier de fouilles en Ethiopie et le père jésuite s'occupera beaucoup d'un fils d'Henry. Entre eux, aucune ambiguïté: ce ne sont pas les relations du confesseur et de l'infidèle. On parle métaphysique et paléontologie, on discute de la structure de la monade, on cite Pascal et l'Evangile, et Monfreid écrit à Teilhard: «Une seule chose importe: aimer puissamment l'Univers, par-delà tout ce qui est individuel dans les individus. Je me fie éperdument à l'Univers.» Il se revendique vagabond, comme les peuples auxquels il se mêle et qui le reconnaissent pour un des leurs. Ces échanges en grande part inédits, Guillaume de Monfreid les révèle aujourd'hui dans un album où son fieffé pirate de grand-père apparaît plus vivant que dans bien des biographies.

    Il serait temps de retoucher le sombre portrait du «négrier» qui achetait des femmes pour une poignée de thalers et qui avouera le meurtre d'un homme qui l'avait trahi. Monfreid ne mangeait pas de ce pain-là. On l'a aussi blâmé parce que, se laissant manipuler par les Italiens contre son ennemi le négus, il a donné le sentiment de se rallier aux fascistes mussoliniens. En réalité, ce Don Quichotte orgueilleux et rude a toujours laissé dire. Il se moquait de l'opinion, du qu'en-dira-t-on, du jugement social. C'est le plus impardonnable des mépris. A-t-on le droit d'être libre à ce point?

    On hésite à remuer ce lyrisme des sables et des fortins, par crainte de réveiller on ne sait quelle rancune dans la profondeur des cafés de Tadjourah où luit toujours au mur, en guise de miroir de courtoisie, la courbe d'un long poignard. Il n'y a pourtant pas que de l'action dans les romans de Monfreid, des guerres tribales, du complot de comptoir, du libre-échange et du narcotrafic, comme on ne disait pas encore, toute cette pacotille qui entretient le charme clandestin de son oeuvre. Il a offert un purgatoire à l'utopie, au moment où elle se faisait massacrer dans les tranchées, et une oasis aux illusions perdues. Paul Morand a remarqué un jour que la mer Rouge avait la forme d'une bouteille qui se viderait dans l'océan Indien par le goulot, le détroit de Bab el-Mandeb, qui signifie justement «la passe des Affligés i>. On vient toujours ici vider quelque mélancolie. Djibouti, Asmara ou Cheik-Saïd, Djeddah ou Aden, où deux coups de canon annonçaient autrefois la Malle des Indes, ont toujours eu les faveurs du passager dépressif. Monfreid, en rupture de chimères (un chagrin d'amour s'était ajouté à ses déboires agricoles), a échoué là avec son lit de camp, son piano, ses gouaches et un dictionnaire arabe, car le spleen orientaliste n'exclut pas de s'organiser. Il en a fait un mythe.

    A chacun de ses retours à Paris, visité comme un monument (de 10 ans l'aîné de la tour Eiffel), le rituel est immuable. Une pipe d'opium à 10 heures, une autre à midi, une troisième à 15 heures. S'il y a une interview, double consommation. L'appartement de la rue Erlanger ne désemplit pas. Cocteau ou Gainsbourg, Montherlant ou Zitrone, France Gall ou Marcel Pagnol, l'auteur de «la Croisière du haschisch» ne fait pas de différence dans la clientèle, qu'elle vienne respirer là les poussières du vieil empire ou acheter à prix d'ami une dose de paradis. Kessel vient moins souvent qu'autrefois. «Monfreid a le plus mauvais opium de Paris», prétend-il. Le général de Gaulle lui écrit son admiration, on le presse de se présenter à l'Académie. Las, il ne prend pas l'habit, mais une belle veste. Trahi par de pâles épigones de la bourlingue, que son élection, par contraste, aurait sans doute ravalés à la classe touriste. Les ingrats, «Il n'y avait que des vieux», se console-t-il: il va lui-même alors sur les 90 ans. L'intenable gamin préfère sauter sur la moto de Guillaume, en charentaises parfois, pour aller donner une conférence à un auditoire ensorcelé ou signer des livres à tour de bras à la Fête de l'Humanité.

    Sa vraie gloire repose plutôt dans «Coke en stock», l'album de Tintin qu'il a inspiré à Hergé, et dans «les Cigares du Pharaon», où il apparaît tel qu'en lui-même, avec sa moustache de forban distingué, sur son boutre et dans son emploi, marchand d'armes. A la page 13, case 2, Henry de Monfreid lâche sa cargaison de fusils et sauve Tintin de la noyade. Un tel prodige lui mérite une place à part dans le gotha: il est celui qui a traversé le miroir. Une légende prétend qu'Hergé et lui sont les descendants du roi des Belges Léopold II. Que ne dirait-on pas pour admettre l'impossible et retenir encore un peu le mirage? A Djibouti, on a rasé le Palmier en Zinc et accroché à la place l'enseigne d'un Planet Hollywood. Peut-être bien qu'on a rêvé.

    «Mon pauvre Henry, MonfreidlDii soir an matin, y a des jets qui se posent/Au milieu des massifs de fleurs qu'on arrose...»
    , chante Gérard Manset dans un blues indémodable qui survit à l'âge du vinyle. Au Yémen, un centre culturel perpétue la mémoire du prince des baroudeurs. Djibouti, en face, a préféré effacer. Pourtant, on pourrait jurer que rien n'a changé. Nulle part ailleurs le passé évanoui n'a une présence plus envoûtante. Comme si le temps ne passait pas, brassé dans le refrain moite des ventilateurs, absorbé dans l'éternité incendiaire d'un soleil sans pitié. «Demain nous arrivons à Port-Saïd où nous faisons escale», dit Tintin, accoudé au bastingage d'un bateau qui ressemble à l'«Angkor». «Wbuah!», répond Milou. Le ciel est bleu, l'horizon est clair. «Ensuite, Aden.» Oui, demain.

    A lire

    Henry de Monfreid (1879-1974) a publié près de 70 ouvrages, principalement chez Grasset, parmi lesquels «les Secrets de la mer Rouge» (1932), «la Croisière du haschisch» (1937), «Pilleurs d'épaves» (1955). Viennent de paraître un album illustré de croquis de voyage par son petit-fils, Guillaume de Monfreid («Sur les pas d'Henry de Monfreid». Presses de la Renaissance, 108 p., 28 euros) et un volume de lettres d'Henry de Monfreid («Aventures extraordinaires», Arthaud, 890 p., 32 euros).

     



    Jean-Louis Ezine

    Le Nouvel Observateur - 2227 - 12/07/2007

     

    Source:http://artsetspectacles.nouvelobs.com/p2227/a349757.html

  • Peinture marocaine:Mohamed Bennani

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    Source de cet article: http://www.minculture.gov.ma/fr/bennani.htm

     

    Pseudonyme MOA
    Né à Tétouan le 12/12/1943
    Vit et Travaille entre Paris et Rabat
    Adresse : 70, Bloc K Oulad Oujih
    37001 Kénitra - Maroc


    • 1978 - Galerie Delacroix, Tanger
    • 1980 - Hôtel «Piramides» Fuenjerola - Espagne
    • 1981 - Hôtel «Les Almohades - Tanger
    • 1982 - Hôtel «La Mamounia» Marrakech
    • 1983 - Galerie «Art- Nolds» Nice - France
    • 1984 - Galerie Nationale Bab Rouah - Rabat
    • 1985 - «L'Atelier» Galerie d'Art Moderne. Rabat
    • 1986 - Musée Batha - Fès
    • 1987 - «L'Atelier » Galerie d'Art Moderne - Rabat
                - Galerie «CimaiseI» Besançon - France
                - Galerie «Bertouchi» - Tétouan
    • 1989 - Galerie S.Sandoz, Cité Internationale des Arts. Paris .
                - Galerie G.Bernanos, Paris
    • 1990 - Galerie «Etienne - Dinet», Paris -
    • 1991- Galerie Thea Fisher - Reinhardt, Berlin
                - Galerie «Espace de la Victoire», Paris
                - Eggee Art Gallery, Londres
    • 1992 - Galerie de l'Ecole des Beaux Arts, Orient- France
    • 1993 - Galerie Nationale Bab Rouah, Rabat
                - Galerie Flandria, Tanger
    • 1995 - Galerie Nationale Bab Rouah, Rabat : «Images extrêmes»
                - Institut pour les échanges Franco-Marocains de Rabat
    • 1996 - Festival de Musiques Sacrées du Monde Musée Batha - Fès
                   Présence de ZAO Wouki et les images extrêmes de Moa Bennani
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    • 1997 - 51° Salon de Mai - Paris
    • 1998 - Stefania Pandolfo, University Of California, Berkley - U.S.A
    • 1998 - Galerie Nationale Bab Rouah , Rabat
                - Soni Gallery, Egee Art Consultancy, London
    • 1998 - Exhibition, Bahraïn and Dahran, Soni Gallery, Ege, Art Consultancy
                - Granda
    • 1999 - Galerie Al Manar, Casablanca
                - Le temps du Maroc : les artistes marocains dans les galeries de la rue de Seine - Paris
                - Galerie Deprez Bellorget, Paris
                - Le temps du Maroc, salle capitulaire Mably, Bordeaux
    • 2001 - Galerie Al Manar, Dawliz - Casablanca
    • 2003 - Exposition personnelle Dans le cadre de l'Association Al Ihsane, la maison d'en fants Lalla Hasna, Cathédrale de Casablanca.
                - Parcours d'artiste 2003, Chez Gabrielle et Daniel Sociaux , Souissi - Rabat
    • 2005 - Galerie Nationale Bab Rouah , Rabat

     

     

    Principales expositions collectives :

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    1979 - Moussem Culturel d'Asilah
    1980 - Ben Yessef et Bennani, Festival de Stihat, Tétouan
    1981 - Bibliothèque Municipale, Bordeaux
    1982 - Musée des Ouaday'as, Rabat
    1983 - Disney Hall, Californie.
              - Pour la Palestine - Rabat
    1984 - 1ère Biennale du Caire
              - 7ème Moussem Culturel d'Asilah
              - L'Art contemporain, Tunis
    1985 - L'Art contemporain Arabe, Bagdad
              - Situation des Arts Plastiques au Maroc», 8ème Mussem Culturel d'Asilah
              - Faculté des lettres et des sciences humaines, Casablanca
              - Galerie Bab Rouah, Rabat
    1986 - Salon de Printemps, Tétouan
              - Au «Carrefour de la Culture», Besançon
              - 1er Festival International de Tétouan
              - 12 Peintures Marocains d'Aujourd'hui, Centre Culturel Français, Marrakech
              - Peinture Marocaine, Lisbonne, Porto et Faro
    1987 - 6 Peintres du Maroc au Brésil
              - Première journée des Arts - Plastiques, Faculté des lettres et des sciences humaines, Meknès

    1988 - Complexe Culturel El Maârif, Casablanca
              - La Peinture Marocaine au rendez-vous de l'Histoire, Espace Wafabank. Casablanca
              - 14 Peintures du Maroc à Montréal, Galerie des Rochers, Montréal
              - 2ème Festival International des Arts -Plastiques, Bagdad
              - Arts du Maroc, 29 Peintres du Maroc, Caire et Alexandrie
    1989 - La peinture Marocaine contemporaine, Galerie Almada Negreiros, Lisbonne
    1990 - Bicentenaire de la révolution Française, Galerie G.Bernanos, Paris
    1991 - II sud deI Mundo (Ente Nostra Nationale Dippitura), Marsala - Italie
              - Estampes contemporaines, musée municipal, Lons-Le-Saumier
    1992 - 4ème Biennale Internationale du Caire
    1993 - «Rencontre et culture, journée du Maroc à L'UNESCO», Paris
              - Artistes Marocains de la Cité des Arts, Cité Internationale des Arts, Paris sous la Présidence effective de son Altesse Royale le Prince Héritier Sidi           Mohammed
    1995 - La Peinture Marocaine dans les collections Françaises, Espace Banque Marocaine du Commerce Extérieur, Paris
              - Espace Actua-Banque Commerciale du Maroc, Siège, Casablanca - Exposition collective intitulée «de la Calligraphie au Signe»
    1996 - Le Maroc à Monaco, Espace Rooccabella, Art Masteur sous le Haut Patronage de S.A.S Le Prince Souverain de Monaco
    1997 - Le 5ème salon de Mai 1997, Paris
              - Exposition Hommages aux Peintres Pédagogues, Sources et perspectives. MEN Bab Rouah, Rabat
    1998 - Exposition Hommages aux Peintres Pédagogues, Sources et perspectives. Espace Actua, BCM Casablanca
    2002 - Conteur Porary Avab Art : 12 Artistes Arabes We reld museum Rotterdam
    2003 - L'appel d'AMRASH, Exposition intitulée : «à la recherche de nos ATLAS Secrets» Actua, espace d'art de la BCM,Casablanca
    2003/2004 - sculpture Plurielle Siège S.G.M.B. Casablanca (19 décembre 2003 au 31 mars 2004)
    2004 - Semaine culturelle marocaine au Caire
              - Semaine culturelle marocaine, Sintra, Portugal

    Réalisations

    • Bas -relif, 11 m x 6 ml, Fondation Mohammed VI pour la protection de l'environnement, Rabat
    • 2002 - Faux-plafond, 6mx7m, Palais Royal de
      Marakech
    • 2003 - Peinture Murale, Pour la résidence de Sa Majesté Mohammed VI, Roi du Maroc, Dar-Essalem
                - Trophée Bronze (Plage propre)
                Prix de son Altesse Royale la Princesse Lalla Hasna
    • Livre d'Art avec l'écrivain Marocain «Tahar Benjelloun» , Coffret - Peinture ,Coffret - Gravure dur le thème «Clair obscur», éditions d'Art J.P.
      Barthélémy

    Collections privées

    • Collection personnelle de Sa Majesté Hassan II, Roi du Maroc
    • Collection personnelle de Sa Majesté Mohammed VI, Roi du Maroc
    • Collection privée Son Altesse Royale la Princesse Lalla Meriem
    • Collection privée de son Altesse Royale la Princesse Lalla Hasna
    • Collection de Bank Al Maghrib, Rabat
    • Collection Privée de la Fondation Mohamed VI pour la protection de l'environnement, Rabat
    • Collection de la BNDE, Rabat
    • Collection de la Banque Commerciale du Maroc
    • Collection de la Banque Marocaine du Commerce Extérieur à Paris
    • Collection de la Fondation Wafabank, Casablanca
    • Collection de la Banque Populaire, Maroc
    • Collection de Société Générale Marocaine de Banque
    • Musée de Saddam Houceine, Bagdad
    • Musée d'Art contemporain de Tunis
    • Musée de l'Institut du Monde Arabe, Paris
    • Collection de la Maison du Maroc, Paris
    • Collection de l'Ambassade du Royaume du Maroc, Paris
    • Fondation ONA , Casablanca
    • Collection du Ministère des Affaires Etrangères, Rabat
    • Collection Espace Hermès, Paris
    • Collection du Ministère des Affaires Culturelles Rabat
    • Musée d'Art contemporain de Tanger
    • Collection Privée Crédit- Eqdom, Casablanca
    • Collection de la cité Internationale des Arts, Paris
    • Collection du CROUS, Paris
    • Collection du Parlement , Rabat «Ferry Le Marrakech», COMANAV
    • A.S. Souissi, New-Jersey - U.S.A
    • Collection the Edna Macconnell Clark Foundation, New York - U.S.A
    • Hellen Keller International Anne Pax Ton, New-York - U.S.A
    • Klaus Peter Fischer Frankfurt
    • Musée d'Art Moderne Fondation ONA, Casablanca
    • Collection M. Amrani, NY. - U.S.A
    • Mary O'neal, Okland California - U.S.A
    • A. James Grecco, Rome
    • Dina et Victor Azuelos, Rabat
    • C. Guy de Pyraimond, Paris
    • C.D. Potier , Paris
    • C.Chraïbi, Monté-Carlo - Monaco
    • Rachid Chraïbi, éditions Marsam, Rabat

     

    Tout est involontaire. même la volonté

     

    Tout est involontaire. même la volonté.
    Quand le peintre écrit qu'il veut donner la parole à son œuvre, est-ce l'écho de sa propre parole, au fond de lui-même, qu'il nous demande d'entendre, ou quelqu'un, quelque chose d'autre qui parlerait à la place des paroles ? Le tableau pourrait bien être, alors, le lieu de la parole, un lien avec une langue à laquelle se nouerait notre regard. Et écouterait…
    En apparence, l'invitation était anodine : «Ecoutez voir». La voici devenir une révélation : il nous parle d'un lieu du silence, un lieu du rien, parole peinte d'une pensée intérieure où s'enracinent verbe et signe. Et lui, peintre, se tient de l'autre côté du silence, dans un voilement de la parole que seul notre regard va ébruiter et peut-être formuler. Mohamed Bennani vit de l'autre côté. Exils.

    Sa vie s'est éloignée de Tetouan. Et de Rabat. Seule reste son absence dans l'enchevêtrement blanc des Oudaïas. Le départ implique l'abandon ; et vous n'êtes plus préféré. Mais ceux qui partent réinventent, et se séparent de la peur et du regret. C'est un peu à cette certitude que ressemblait déjà l'une des premières œuvres qu'il entreprît à Paris : jouissance de signes et de rythmes colorés reportés sur le bois usé d'une vieille planche. L'avait-il ramassée dans les flots atlantiques qui battent les flancs des Oudaïas ? Rapportait-elle encore dans ses veines la rumeur de la mer ? Vous la regarderez peut-être, maintenant exposée. Ecoutez. Ce que vous verrez là vous ne l'aurez jamais vu, jamais regardé : l'écume de peinture blanche est pleine de sables, tatouée d'un déferlement de petits signes, brûlée et patinée par des vagues de couleurs. Deux autres œuvres, longues poutres sauvées d'un chantier de démolition, sont dressées comme des totems qui marqueraient les laisses entre deux cultures, entre deux oscillations géographiques. La couleur les travaille comme des flux et reflux d'intensités bleues et brunes, y abandonnant des signes nomades. Cette écriture hallucinée, comme la main qui graverait les signes magiques et secrets d'un talisman, vole à la mémoire enfouie une liberté, une nouvelle vie pour le peintre. Mais elle signifie encore les traces de son expatriement. A l'évidence, ces matériaux ont été choisis comme d'autres peintres demanderaient à des modèles de poser devant eux ; à portée de regard et de main, ces bois sont des corps, en eux parlent les voix, les âges, les signes, les rythmes, de toute une culture. Cette attirance pour des supports primitifs se répète dans le choix de toiles au tissage grossier : aux fils de textures épaisses ; jusqu'à un tapis usagé. Ce premier langage du support brut, aide le peintre à fonder son travail dans une fonction analogue en quelque manière à celle d'un rituel. Sur ces surfaces dont il va parfois jusqu'à préserver les plis, le poids et les mouvements, ou les accidents, déchirures, en ne les tendant pas sur des châssis - la toile reste nomade - le travail de peinture a pour tâche de superposer les calques d'une géologie intérieure : calques de formes, de signes, de textures, de couleurs en mouvement que a main glisse les uns sur les autres comme une succession de relevés. Et il serait tout à fait vain de chercher dans cette pratique, consciente et inconsciente, des indices ornementaux : que viendrait donc faire une fiction décorative, voire même narrative, en ces champs de matières et de couleurs que le peintre blesse et excède pour découvrir qui, quoi parle en son corps ? Bennani n'est pas un illustrateur ; il peint par effraction de la mémoire pour délivrer la parole d'un corps exilé dans le dédale des psychés. l'exil aiguise l'être encore davantage ; ainsi la parole jubile à déchiffrer les signes, à soulever et à percer les surfaces profondes, à éblouir le refoulé. Un poète disait que dans un poème, il y a des phrases qui ne semblent pas avoir été créées, mais qui semblent s'être formées. Est-ce cette même parole qui réveille, dans les puissances dormantes et cachées, les voix de lumière qui jaillissent des plus récentes œuvres de Bennani ? Ce qui était d'abord l'absence à l'apparent s'exhale maintenant en une texture de lumière sur ses toiles, une patine de couleurs sur ses bois, comme un fond primordial en attente de cette voix que formule son geste, qui fait signe en une peinture. Et c'est par cette opération - une peinture qui «nous parle» - que notre propre regard fait l'épreuve de reconnaître en lui un peu de sa poésie, un peu de sa vie.

    Miroir de la conscience


    Le vieillard de l'île de Pathos, Jean, qu'on considère l'auteur de l'Evangile de Jean et de l'Apocalypse, laisse en héritage à l'Occident la Mystique du «Logos». Dans les œuvres (peinture et sculpture) de Bennani, les géographies chromatiques nous renvoient au Fondement de la Mystique de la couleur. Chacune de ses œuvres semble vouloir rechercher l'Aurore, le commencement des choses et leur naissance dans le miroir de la conscience. Les espaces de couleur, les tissus de lumière, les mélanges et les «blessures» chromatiques, les tons et les rapports de lumière, les forces, les figures et les sons de son arc-en-ciel coloré engendrent un style qui suscite une tension vers la connaissance du «Magnum Mysterium» (dont parlait F. Bohme), vers la compréhension du début primordial des choses et vers le regard initial de la conscience quand elle s'aperçoit des objets qui l'entourent.
    C'est là une tension que l'artiste provoque et diffère, en la renvoyant le long de l'orbite du désir primaire qui vibre dans la conscience de l'homme depuis qu'il a paru au monde ; une orbite qui ne peut être cueillie et recueillie en un seul regard. Il s'agit d'une terre de peinture qui inclut toutes les oppositions, en consacrant la vérité du noyau poétique de Dylan Thomas : «Light and Dark are no enemies but one companion».
    Sa peinture, qui ressemble à un champ labouré de variations de lumière et recouvert de manteaux bariolés de tourbillons chromatiques, n'explique pas le chaos primordial des choses et des mondes quand ils nacquirent, ni l'origine du temps enveloppé dans le chaos, ni elle ramène sous l'égide triomphante de la raison les non-raison du temps de la lumière. En revanche elle engendre, ou plus exactement elle fait fleurir, sur les bords de notre conscience, la proximité de l'Aurore, l'essence de Dieu et des choses et en même temps le jaillissement en nous-mêmes du désir, de l'urgence, du besoin de la lumière, de l'invocation de la matière dans laquelle la lumière se dépose et s'abandonne en choisissant comme royaume temporel l'histoire de l'homme.

    Mohammed Bennani

    Les œuvres de Mohamed Bennani, telluriques et colorées, matériques et mystérieuses, révélations par la perfection de leur équilibre sont semblables à de petites fenêtres ouvertes sur le cosmos immense.

    Ces images ont la dimension du désert par cette fascination qu'elles peuvent exercer sur celui qui les contemple. Par une sorte de mirage, par des superpositions de signes, des ciels fantastiques, des contrées authentiques, des rêves granitiques se mêlent et se démêlent provoquant ces sensations trop rares de plaisir esthétique.

    Intuition et réflexion suscitent cette beauté âpre.

    Dans l'abandon aux rêveries créées par ses images, je me prends à penser que la véritable beauté apparaît toujours dans la simplicité et celles de Bennani sont simplement belles et véritablement.

    L'espace fait de nuit, de feu et de couleur où sont aux prises la forme et l'intervalle.

    Impossible d'imaginer un centre, de construire, myriades de points attractifs, comme une peau pleine d'ouvertures, de circulations, de communications, de pénétration, d'histoires. C'est l'utilisation presque magique de la couleur. Secret majeur de la peinture à 1'huile, la transparence qui communique l'espace. C'est cette connaissance seule qui révèle le coloriste, magicien par intuition, explorateur des merveilles du monde. Elle seule donnera à la surface peinte ses qualités d'irradiation, d'expansion, reflets de l'univers dynamique que l'artiste interroge et dévoile.

    Cette multiplication de centres attractifs dans un monde de matières en fusion, fluides ou rugueuses, forme comme le disait André Masson, "un espace fleurissant", où l'étonnant est justement l'absence d'étonnement devant cette expression en mouvement où règne un équilibre fascinant. C'est un peu comme si je l'avais toujours su, et qu'il ne faille que s'abandonner au plaisir du spectacle splendide de ce monde en devenir contenu dans les limites étroites d'un tableau offrant l'illimité.

    Dominique Potier