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Catégories : Des évènements

Raymond Aubrac, disparition d'une figure de la Résistance

Par Blaise De Chabalier, Jacques de Saint Victor Mis à jour le 11/04/2012 à 17:19 | publié le 11/04/2012 à 16:10
Raymond Aubrac, accompagné de sa femme Lucie, lors du procès Barbie à Lyon en juin 1987.
Raymond Aubrac, accompagné de sa femme Lucie, lors du procès Barbie à Lyon en juin 1987. Crédits photo : STF/AFP

PORTRAIT - Le cofondateur du mouvement Libération-Sud est décédé mardi soir à Paris à l'âge de 97 ans.

Avec la mort de Raymond Aubrac, c'est l'une des figures les plus emblématiques de la Résistance qui disparaît. Une histoire digne de L'Armée des ombres. Aux côtés de son épouse, Lucie, décédée en 2007, il avait formé un couple à jamais uni dans l'engagement contre l'occupation nazie. Marié à Lucie, trois mois après le début de la Seconde Guerre mondiale, Raymond Aubrac est fait prisonnier le 21 juin 1940. Il parvient à s'évader grâce à l'aide de sa jeune épouse. Le jeune couple, qui aurait pu choisir l'exil en Amérique, choisit de rester en France et s'efforce de se fondre dans la population. Après la naissance de leur premier enfant, en 1941, les Aubrac s'installent en zone libre, à Lyon, dans une petite villa. Lucie est professeur dans un lycée de jeunes filles; Raymond, qui est ingénieur, dirige les travaux d'aménagement des pistes de l'aéroport de Bron. Derrière cette façade, les nouveaux parents participent très vite à la création de l'antenne lyonnaise de Libération-Sud, le mouvement d'Emmanuel d'Astier de la Vigerie. Pour ses camarades résistants, Lucie, qui collabore au journal du mouvement, est Catherine. Raymond, dont le vrai patronyme est Samuel, devient Balmont puis Aubrac, responsable de l'Armée secrète. Il possède aussi des faux papiers au nom de François Vallet.

Le 15 mars 1943, Raymond tombe dans un traquenard, il parvient brièvement à échapper à la police française, une balle traverse son pardessus. Il est finalement arrêté dans la foulée, et un juge plutôt bienveillant retient seulement contre lui et deux de ses camarades, le délit de marché noir. Mais le procureur refuse de le libérer, jusqu'à ce que Lucie, au bout de deux mois, le menace avec une efficacité redoutable. Puis le 21 juin 1943, ont lieu les arrestations de Caluire au cours desquelles la Gestapo de Lyon, dirigée par Klaus Barbie, met la main sur sept dirigeants de la Résistance, avec, parmi eux, Jean Moulin, qui mourra après avoir été torturé, et Raymond Aubrac. C'est Lucie, alors enceinte, qui organise et participe à la libération musclée de son mari et de quatorze autres résistants emprisonnés à Montluc. Le couple rejoint Londres en février 1944. Notons que Raymond Aubrac était le dernier survivant des chefs de la Résistance réunis et arrêtés à Caluire, épisode funeste sur lequel la lumière n'a jamais été faite. Puis Raymond se rend à Alger où il est délégué à l'Assemblée consultative provisoire en juin 1944.

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Compagnon de route du PC

À la Libération, Raymond Aubrac devient commissaire régional de la République à Marseille, responsable du déminage du littoral, puis inspecteur général à la Reconstruction. En 1948, alors compagnon de route du PCF, il fonde et dirige pendant dix ans le Bureau d'études et de recherches pour l'industrie moderne (Berim), spécialisé dans le commerce avec les pays sous le joug communiste. Puis il est notamment directeur à la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (1964-1975). Durant la guerre du Vietnam, il est un négociateur officieux entre Kissinger et Hô Chi Minh, avec lequel il s'était lié en 1946.

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Plus récemment, en 1996, Raymond Aubrac publie son autobiographie, Où la mémoire s'attarde. En 2003, il participe à l'appel «Une autre voix juive», qui regroupe des personnalités juives solidaires du peuple palestinien. En 2004, à l'occasion du 60e anniversaire de la Libération, il s'associe notamment à sa femme et à Stéphane Hessel pour lancer un «Appel à la jeunesse». L'objectif est d'interpeller les nouvelles générations sur les conquêtes et les acquis de la Résistance qu'ils estiment mis à mal. Ce militant est infatigable. Enfin, le 17 mai 2009, pendant le rassemblement organisé par le collectif «Citoyens résistants d'hier et d‘aujourd'hui» (CRHA) il prononce un discours au plateau des Glières et accepte, aux côtés de Stéphane Hessel, de devenir parrain de l'association.

 


Raymond Aubrac, ombres et lumières

Raymond Aubrac, qui vient de mourir, laisse, avec sa femme, Lucie Aubrac, l'image d'une vie héroïque au service de la Résistance. Mais le récit qu'ils ont fait de leur épopée laisse parfois à désirer. À la suite du procès Barbie, une rumeur lancinante avait commencé à émettre des doutes sur certaines facettes du parcours du grand résistant. Le criminel de guerre nazi avait laissé entendre lors de son procès que Raymond Aubrac aurait pu être celui qui contribua à l'arrestation de Jean Moulin en 1943 à Caluire. Cette reconstitution fut reprise en partie par un historien lyonnais, Gérard Chauvy, qui publia un livre intitulé Aubrac Lyon 1943, émettant des doutes sérieux sur le rôle de Raymond Aubrac au moment de la tragédie de Caluire. Il aurait pu être le traître contribuant à l'arrestation de Jean Moulin.

L'affaire avait fait grand bruit. Des spécialistes éminents avaient exprimé leur doute à propos des documents publiés par l'historien. Le couple Aubrac avait porté l'affaire en justice et Gérard Chauvy fut condamné par le tribunal de grande instance de Paris, le 2 avril 1998 pour diffamation, le tribunal insistant notamment sur la «responsabilité sociale de l'historien» à l'égard d'éminentes figures de la Résistance. Pourtant, des historiens de renom ou des acteurs de la Résistance, comme Daniel Cordier, ont considéré que l'ouvrage de Chauvy apportait des documents nouveaux et reposait sur des «sources solides», même si la méthode de Chauvy n'était pas exempte de critiques. Daniel Cordier confiait à Libération en 1997 que les époux Aubrac lui semblaient innocents de toute forme de trahison, mais qu'ils avaient menti sur les événements qui précèdent et suivent Caluire et que les versions successives qu'ils avaient données de l'événement excédaient «les légitimes défaillances de la mémoire».

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