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  • Catégories : L'univers celte

    Ogme

     

    Dans la mythologie celtique, le dieu Ogma est connu sous de nombreuses variantes orthographiques : Ogm, Ogme, Ogmios, Ogmius. Un h est parfois accolé au g montrant qu’il est quasiment inaudible en irlandais.

    Jules César qui écrit Ogmios l'assimile à Mars et Lucien de Samosate (IIe siècle) le rapproche d’Héraclès. Il le décrit comme un vieillard à demi-chauve avec de longs cheveux blancs qui lui retombent dans le dos. Il a une peau de lion, une massue, un arc et un carquois. Enfin il retient par des chaînes d'or fixées aux oreilles, une multitude d’hommes. Selon Georges Dumézil, l’idéologie tripartite des Indo-européens le rend comparable au dieu védique Varuna.

     

    Dans la hiérarchie du panthéon irlandais Ogma se place en troisième position derrière Lug, le dieu polytechnicien suprême, et le Dagda, le dieu-druide, dont il est le frère et le complément. Il est au même rang que Nuada et fait donc partie des Tuatha Dé Danann (les Gens de la déesse Dana) et relève de la deuxième classe guerrière dont la fonction est de diriger les héros et les guerriers. Dans ce rôle martial, il est vêtu d’une peau de lion et il est armé d’un arc et d’un carquois ainsi que d’une massue. En tant que dieu de la magie, il a le pouvoir de paralyser ses ennemis.

    Inventeur mythique de l’écriture, on lui attribue la création des Ogam qui constituent l’alphabet des druides. Par conséquent, l'éloquence et la poésie entrent également dans ses attributions. On le représente alors comme un vieillard dont la bouche, d’où jaillissent l’or et l’ambre précieux, fascine la foule. On le montre aussi muni d’une langue reliée aux oreilles des hommes par une chaîne qui symbolise son rôle de rassembleur et de civilisateur.

    La racine de son nom signifie « chemin, sentier », il indique la juste direction aux vivants et devient psychopompe pour les morts qu’il accompagne dans l’Autre Monde.

    On peut le rencontrer sous l’un de ses trois avatars :

    • Elcmar « envieux, jaloux », contraire du Dagda le dieu-bon ;
    • Labraid « le parleur », symbole de l’éloquence, il est bègue ;
    • Celtchar « le rusé ».

     

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Ogme

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  • Catégories : La peinture

    Simone Martini

     

    Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

    Simone Martini, né entre 1280 et 1285 à Sienne, et mort en Avignon en 1344, est un peintre siennois, contemporain de Ambrogio Lorenzetti. Il utilise les techniques de la fresque et de la tempera sur bois.

    Présentation

    Il fut l'élève de Duccio et reste profondément influencé par l'œuvre de ce dernier, ainsi que par les sculptures de Giovanni Pisano et l'art gothique français. Une de ses premières œuvres, reconnue par beaucoup comme son chef-d'œuvre fut la grande fresque de la Maestà, réalisée en 1315 pour le Palazzo Pubblico de Sienne, et qu'il restaura lui-même en 1321, car l'œuvre était déjà très endommagée par l'humidité. Entre 1312 et 1318, il peint à Assise de nombreuses fresques de saints dont :

    En 1317, son Saint Louis de Toulouse, commandité par Robert d'Anjou, reflète l'influence de l'art gothique. En 1319, il réalise le polyptyque de Sainte Catherine à Pise. En 1328, il peint la fresque du portrait équestre de Guidoriccio da Fogliano au Palazzo Pubblico de Sienne, sur le mur opposé à la fresque de la Maestà. En 1333, il signe L'Annonciation en collaboration avec Lippo Memmi, un autre peintre siennois. Simone Martini arrive en France vers 1340 et en 1342, il peint le Christ retournant chez ses parents après s’être disputé avec les Docteurs, sujet très peu évoqué en peinture. A Avignon, il se lie d’amitié avec Pétrarque et illustre un codex de Virgile annoté par le poète. Il y réalise également des fresques pour la cathédrale Notre Dame des Doms : le tympan de la Bénédiction du Sauveur et la lunette de la Madone de l’Humilité, toutes deux très mal conservées et datant probablement de 1341. Au XVe siècle, le sculpteur florentin Lorenzo Ghiberti nous informe que les Siennois considèrent alors Simone Martini comme leur meilleur peintre

  • Catégories : "Et in arcadia ego", La peinture

    Nicolas Poussin

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    Et in Arcadia Ego, Première version, Chatsworth, GB

     

     

    Et in Arcadia ego est une expression latine rendue célèbre par deux tableaux de Nicolas Poussin (1594-1665). Ce sont des peintures pastorales représentant des bergers idéalisés de l'Antiquité classique, rassemblés autour d'une tombe austère. La seconde version, la plus connue, mesure 122 sur 85 cm, se trouve au Louvre, à Paris, et porte également pour titre « Les bergers d'Arcadie ». L'œuvre a eu une très grande influence sur l'histoire de l'art.

    L'expression est un memento mori, qu'on traduit habituellement par « Même en Arcadie, j'existe » ou « Je suis aussi en Arcadie », comme si c'était la Mort personnifiée qui parlait. Pour sa part, André Félibien, le biographe de Poussin, l'interprétait comme « la personne enterrée dans cette tombe a vécu en Arcadie ». Autrement dit, elle aussi avait profité des plaisirs de la vie sur terre. La première interprétation est généralement considérée comme la plus probable.

     

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Et_in_Arcadia_ego

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  • Catégories : L'art, La philosophie, La poésie

    Henri Maldiney

     Henri Maldiney (âgé aujourd’hui de plus de quatre-vingts ans) est l’un des grands universitaires français (au même titre, par exemple, que Paul Ricœur – même s’il fut moins médiatisé que lui). Philosophe reconnu de ses pairs en France et à l’étranger, il est l’un des principaux représentants de la phénoménologie (un des courants majeurs de la philosophie du XXème siècle). Maldiney fréquenta Heidegger lui-même. Il fut un collaborateur de la célèbre revue d’art Derrière le Miroir. Son œuvre écrite est importante et ne se rapporte pas seulement à la philosophie et l’esthétique, mais également à la psychiatrie et la psychanalyse, notamment la psychologie des profondeurs (cf. Penser l’homme et la folie, éditions Jérôme Millon, 1991).

    Les livres d’Henri Maldiney sont nombreux, bien que beaucoup soient aujourd’hui épuisés. Citons notamment :
    In media vita - Comp'Act, 1982
    L'art, l'éclair de l'être - Comp'Act, 1993 (réédition 2003)
    Regard, parole, espace - Editions de l’Age d’homme, 1994
    Penser l’homme et la folie - Editions Jérôme Millon, 1997
    Le vouloir dire de Francis Ponge - Editions Encre Marine, 2000
    Existence, crise et création - Encre Marine, 2001
    Art et existence - Editions Klincksieck, 2003
    L’art, l’éclair de l’être constitue sans aucun doute une étape majeure dans l’œuvre de Maldiney.

     

    [ 4ème de couverture] de « L’art, l’éclair de l’être » "L’art n’a pas d’histoire. Et c’est dans un faux jour que l’historien et le sociologue le perçoivent et le fixent. Ils sont alors aveugles à la merveilleuse fragilité de son surgissement, à l’unicité de sa temporalité, de sa solitude sans voisinage.
    C’est ce paradoxe, fondateur d’un regard et d’une parole proprement phénoménologiques, que les diverses études ici réunies soutiennent; études qui, par leurs propos singuliers sur les œuvres singulières d’André du Bouchet, de Tal Coat ou de Cézanne, et d’autres encore, touchent à l’essence de la poésie, de la peinture, mais aussi de la sculpture ou de l’architecture.
    Tout entier tourné vers la fragilité commune du beau et de l’existence, cet accueil de l’œuvre d’art en son unicité impose alors une complète réélaboration des ontologies traditionnelle et existentiale pour s’ouvrir, contre toute intentionalité ou tout projet auxquels l’œuvre devrait se plier, à l’Ouvert qui seul donne: s’ouvrir au Rien, ce vide éclaté.
    C’est portées par ce vide, cette déchirure du rien qu’est l’éclair de l’être, que ces présences artistiques nous apparaîssent alors en leur vérité, dans la nudité de la naissance."

    http://www.editionscompact.com/medias/revues/ZOOM/zoom_01_2005.html

  • Catégories : La littérature

    Tricentenaire de la naissance de Buffon

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    Buffon en « Pléiade »

      L'entrée en « Pléiade » des Œuvres de Buffon, dont la pièce maîtresse, l'Histoire naturelle, est un monument scientifique, philosophique et littéraire des Lumières, salue le tricentenaire de la naissance du naturaliste. La parution d'une édition de l'Histoire naturelle en « Folio classique » et d'un « Découvertes Gallimard » accompagne l'événement.

     Œuvres de Buffon en « Pléiade »
     Histoire naturelle de Buffon en « Folio classique »
     Buffon de Yves Laissus, en « Découvertes Gallimard »


    Buffon
      Œuvres

      Dans la collection « La Bibliothèque de la Pléiade ».

      Des trente-six tomes de l'Histoire naturelle, ce volume propose un choix de textes organisé selon le plan tracé et suivi par Buffon ; il est illustré de cent vingt gravures tirées de l'édition originale. L'ouvrage fut l'un des plus retentissants succès de librairie au XVIIIe siècle, lequel reconnut immédiatement le génie littéraire de l'auteur. Au XIXe, on le classe parmi les quatre écrivains les plus éminents du siècle précédent, avec Montesquieu, Voltaire et Rousseau. L'Histoire naturelle est bientôt déclinée en anthologies, du Buffon des écoles au Buffon des familles, en passant par le Buffon des demoiselles. Et, au XXe, Francis Ponge salue Buffon comme « l'un des plus grands poètes en prose de notre littérature » – comme son égal, en somme. Pourtant, il y a quelques décennies, Buffon a semblé s'éloigner, au point qu'on pouvait le croire relégué dans les limbes de la littérature. C'était compter sans l'imagination théorique d'un penseur auquel on a récemment rendu sa place au cœur des débats et des combats des Lumières. C'était compter, aussi, sans la force d'entraînement de la phrase, sans la variété de la langue, sans la liberté d'un style qui s'approprie le proche et le lointain pour nous parler du monde dans lequel nous vivons. Si le cheval a disparu de nos villes, si le chat n'est plus considéré comme le plus hypocrite de nos compagnons, si le désert et la savane sont devenus des destinations touristiques, les descriptions que Buffon en a données demeurent des documents sur une époque qui a disparu et des témoignages sur une sensibilité au réel qui peut rester la nôtre.

      Cette édition contient :
      Préface, introduction, chronologie, note sur la présente édition • Avant l’« Histoire naturelle » : Préface à La Statique des végétaux de Stephen Hales ; Dissertation sur les couleurs accidentelles ; Réflexions sur la loi de l’attraction • Histoire naturelle : Histoire naturelle générale : De la manière d’étudier et de traiter l’histoire naturelle, Histoire et théorie de la terre, De la formation des planètes, Histoire des animaux (chapitres I à IV) ; Histoire naturelle de l’homme : De la nature de l’homme, De l’enfance, De la puberté, De l’âge viril (Description de l’homme), De la vieillesse et de la mort, Des sens en général, Variétés dans l’espèce humaine ; Correspondance avec la Sorbonne ; Discours sur le style ; Histoire naturelle des animaux : Discours sur la nature des animaux, trente-cinq articles extraits de l’« Histoire naturelle des quadrupèdes », huit articles extraits de l’« Histoire naturelle des oiseaux » ; Des époques de la nature ; Histoire naturelle des minéraux : De la figuration des minéraux, Pétrifications et fossiles • Notices et notes, bibliographie, index

     

    Buffon. Œuvres
    Textes choisis, présentés et annotés par Stéphane Schmitt, avec la collaboration de Cédric Crémière. Préface de Michel Delon
    Collection « Bibliothèque de la Pléiade », 2007
    1760 pages, 120 ill.
    Prix de lancement jusqu'au 30 juin 2007 : 57,50 €
    En savoir plus sur la collection 

    Buffon
      Histoire naturelle

      Dans la collection « Folio classique »

      « Je vis une belle figure, noble et calme. Malgré son âge de soixante-dix-huit ans, on ne lui en donnerait que soixante ; et ce qu'il y a de plus singulier, c'est que venant de passer seize nuits sans fermer l'œil, et dans des souffrances inouïes, il était frais comme un enfant, et tranquille comme en santé. On m'assura que tel était son caractère. Jamais d'humeur, jamais d'impatience. Il était frisé lorsque je le vis, quoiqu'il fût malade ; c'est là une de ses manies, et il en convient. Il se fait mettre tous les jours des papillotes, qu'on lui passe au fer plutôt deux fois qu'une ; du moins, autrefois, après s'être fait friser la matin, il lui arrivait très souvent de se faire encore friser pour souper. On le coiffe à cinq petites boucles flottantes. Il avait une robe de chambre jaune, parsemée de raies blanches et de fleurs bleues. »
      (Hérault de Séchelles, Voyage à Montbard)

     

    Buffon. Histoire naturelle
    Préface, chronologie, notice, bibliographie et notes de Jean Varloot.
    Ce volume contient aussi des extraits du Voyage à Montbard d'Hérault de Séchelles.
    Collection « Folio classique », Gallimard, 2007
    352 pages - 4,10 €
    En savoir plus sur la collection 

       

    Buffon. La nature en majesté
      de Yves Laissus

      Dans la collection « Découvertes Gallimard »

      Le lion, « roi des animaux », le cheval, « la plus noble conquête de l'homme »... Ces formules de Buffon ont contribué à réduire leur auteur à une sorte de La Fontaine en prose. Or ce styliste hors pair fut aussi l'une des figures majeures de la pensée scientifique au XVIIIe siècle. Académicien, intendant du Jardin du Roi – le futur Muséum d'Histoire naturelle – pendant un demi-siècle, grand propriétaire terrien de Bourgogne, maître de forges, sylviculteur, Buffon a mené de front ses activités multiples avec une énergie et un talent hors du commun. Dans son œuvre grandiose, l'Histoire naturelle – 36 volumes publiés entre 1749 et 1788 –, Buffon tente de décrypter l'ordre de la nature : cet esprit encyclopédique, expérimentateur passionné, incomparable agitateur d'idées, y pose des questions fondamentales sur l'âge de la Terre, la naissance du vivant, les espèces, la place de l'homme... Sans toujours apporter les bonnes réponses, le naturaliste ouvre des voies nouvelles qui, au siècle suivant, permettront notamment la naissance de la biologie. Yves Laissus donne un portrait vivant et attachant de ce visionnaire de la science.

    http://www.gallimard.fr/catalog/html/actu/index/index_buffon.html

     

    Yves Laissus
    Buffon. La nature en majesté
    Collection « Découvertes Gallimard », 2007
    128 pages - 12,30 €
    En savoir plus sur « Découvertes Gallimard »
    Le site de la collection 

         
  • Catégories : L'art, La peinture, La période du romantisme, Runge Philipp Otto

    Philipp Otto Runge

    Philipp Otto Runge (23 juillet 1777 à Wolgast, † 2 décembre 1810 à Hamburg) était un peintre, dessinateur, écrivain et théoricien de l’art allemand, l’un des plus grands représentants de l’art romantique avec Caspar David Friedrich.

    Né dans une famille de charpentiers de marine, Runge décide de devenir artiste après avoir lu des poèmes de Tieck.

    Il étudie à l'académie de Copenhague (1799-1801) sous la direction de Jens Juel, puis s'installe à Dresden, où il fait la connaissance de Caspar David Friedrich. En 1803, il déménage pour Hambourg. Runge avait un état d'esprit mystique et panthéiste, et a essayé de rendre dans son oeuvre l'harmonie de l'univers en utilisant le symbolisme de la couleur, des formes et des nombres. Il a aussi écrit de la poésie et planifia dans ce but une série de quatre tableaux intitulée "Les moments du jour", destinés à être exposés dans un bâtiment spécial et accompagnés de musique et de poésie. Il cherchait ainsi à atteindre l'"art total", comme d'autre artistes romantiques. Il a peint deux versions du Matin (Kunsthalle, Hambourg), mais les autres moments sont restés au stade de dessin.

    Runge était aussi un des meilleurs portraitistes allemands de son époque ; plusieurs de ses portraits sont visibles à Hambourg.

    En 1810, après plusieurs années de recherche sur les couleurs et de correspondance avec Johann Wolfgang von Goethe, il publie Die Farbenkugel (La sphère des couleurs), dans lequel il décrit un schéma en trois dimensions pour organiser toutes les nuances.

    Runge est mort de tuberculose à Hambourg.

    Peintures et dessins

    • de nombreux auto-portraits (1799, 1802, 1806, 1810)
    • Triomphe de l'Amour / Triumph des Amor (1800)
    • Die Heimkehr der Söhne (1800)
    • Kupferstich-Vignetten zu Ludwig Tiecks Minnelieder-Übersetzungen (1803)
    • Die Zeiten (Vier Kupferstichvorlagen, 1803)
    • Die Lehrstunde der Nachtigall (1803)
    • La mère à la Source / Die Mutter an der Quelle (1804)
    • Pauline im grünen Kleid (1804)
    • Nous trois / Wir drei (1805 ; montre le peintre, sa femme et son frère Daniel)
    • La calme .. / Die Ruhe auf der Flucht (1805/1806)
    • Der kleine Morgen (1808 ; Auschnitt mit Engeln als Vorlage für eine Briefmarke populär)
    • Der große Morgen (1808, inachevé)
    • Arions Meerfahrt (1809)
    • innombrables / zahlreiche Scherenschnitte

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Philipp_Otto_Runge

  • Catégories : Des femmes comme je les aime, La littérature

    Madeleine Chapsal

     
    Ecrivain et journaliste française
    Née à Paris le 01 septembre 1925


    «Ecrire l'essentiel le plus fort possible»

    Madeleine Chapsal
    Si Madeleine Chapsal écrit depuis l'âge de quinze ans, elle a longtemps fréquenté des écrivains sans se douter qu'elle serait bientôt elle-même l'auteur de best-sellers. D'abord journaliste, pour le journal Les Echos puis pour l'Express, qu'elle fonde avec son époux, Jean-Jacques Servan Schreiber, elle interviewe de nombreuses personnalités du monde littéraire et politique. Mais cette existence ne la satisfait pas. Après son divorce, elle suit une thérapie auprès de Françoise Dolto. Ses déboires amoureux la poussent au désespoir et c'est après une tentative de suicide qu'elle écrit son premier roman, 'La Maison de Jade'. Le succès est immédiat. Dès lors, Madeleine Chapsal ne cesse d'écrire, totalisant jusqu'à quatre titres par an. Elle s'inspire de son quotidien pour écrire des romans dans lesquels beaucoup de femmes déclarent se reconnaître. L'amour, le couple, la jalousie et la solitude en constituent les thèmes récurrents. Elle a également publié un récit autobiographique, ''Noces avec la vie'. Dans son dernier roman, intitulé 'L'homme de ma vie' (2004), elle dresse le portrait de son ex-mari. Ecrivain au public essentiellement féminin, elle est membre du jury du prix Femina depuis 1981 et chevalier de l'Ordre du mérite.

    Citations

    « Lire est le propre de l’homme. »

    - Extrait du site internet Lire et faire lire.com

    « Il va falloir rêver car, pour que les choses deviennent possibles, il faut d’abord les rêver. »
    - Extrait du magazine Lire - Décembre 1999

    « Un être qui a du charme en a pour tout le monde. »
     - Oser écrire

    « Un écrivain, un poète en particulier, est quelqu'un qui travaille toute sa vie à faire de soi un être sans défense. »
     - Oser écrire

    « Les bons romans collent au réel sans l'imiter. »
     - Oser écrire


    http://www.evene.fr/celebre/biographie/madeleine-chapsal-3442.php

     

    " Lire donne l'occasion d'aménager très tôt sa solitude intérieure. Elle devient alors source de plaisir, de bonheur, de richesse, au lieu d'être vécue comme un cachot, un malheur, une pénitence." (Oser écrire)

     
  • Catégories : L'art

    Michel-Ange

    Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni, plus connu sous le nom de Michel-Ange (Caprese, au nord d'Arezzo en Toscane, le 6 mars 1475 et mort à Rome, le 18 février 1564), est un peintre, sculpteur, poète et architecte italien de la Renaissance

    Ses sculptures les plus connues incluent le David, la Pietà de la basilique Saint-Pierre dont il a également conçu le dôme, le tombeau de Jules II et notamment le Moïse. Pour la peinture, on retient le plafond de la chapelle Sixtine, le Jugement dernier au-dessus de l’autel, le Martyre de saint Pierre dans la chapelle Paolina du Vatican.

    sOURCE: Wikipedia

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  • Catégories : Bettina Brentano, Des femmes comme je les aime, La littérature

    Bettina Brentano et CAROLINE DE GUNDERODE

     

    « Ce qu'on appelle le monde réel, dans lequel les hommes prétendent vivre... »

     

    Caroline von Günderode I780-1806)

     

     Il te faut redescendre, disait-elle à Bettina Brentano, dans le jardin enchanté de ton imagination, ou plutôt de la vérité, qui se reflète dans l’imagination. Le génie se sert de l’imagination pour rendre sensible par la forme ce qui est divin et ce que l’esprit de l’homme ne saurait comprendre à l’état idéal. Oui, tu n’auras d’autres plaisirs dans ta vie que ceux que se promettent les enfants par l’idée de grottes enchantées et de fontaines profondes. Quand on a traversé ces murailles, on trouve des jardins fleuris, des fruits merveilleux, des palais de cristal, où résonne une musique jusqu'alors inconnue, où les rayons du soleil forment des ponts par lesquels on arrive jusqu'au centre de l'astre. Ce qui est écrit dans ces compositions deviendra pour toi une clef avec laquelle tu ouvriras peut-être des royaumes inconnus. C'est pourquoi n'en perds rien, et ne te défends pas de l'envie d'écrire; mais apprends à penser avec douleur, car sans cela jamais le génie ne naît à la vie de l'esprit; quand il se sera fait verbe en toi, tu jouiras de l'inspiration."»

    « Beaucoup apprendre, beaucoup comprendre par l’esprit, et mourir jeune ! Je ne peux pas voir la jeunesse m’abandonner », disait-elle encore.

    Bettina Brentano à Caroline Von Günderode :

    « Vis, jeune Günderode, ta jeunesse, c'est la jeunesse du jour, l'heure de minuit la fortifie, les étoiles te parlent et te promettent que si tu élèves vers elles ton esprit elles se lèveront en choeur, brûlantes de joie, et accompagneront de leur chant enflammé l'entrée de la nouvelle année... ... N'abandonne pas les tiens, ni moi avec eux. Aie foi dans ton génie, afin qu'il grandisse en toi et règne sur ton coeur et ton âme. Et pourquoi désespèrerais-tu?... Comment peux-tu pleurer ta jeunesse? Je ne peux pas supporter tes divagations sur la vie et la mort... ».

    http://jm.saliege.com/bettina.htm

  • "Le tombeau de Virgile" par Alexandre Dumas père

    Texte
    Pour faire diversion à nos promenades dans Naples, nous résolûmes, Jadin et moi, de tenter quelques excursions dans ses environs. Des fenêtres de notre hôtel nous apercevions le tombeau de Virgile et la grotte de Pouzzoles. Au delà de cette grotte, que Sénèque appelle une longue prison, était le monde inconnu des féeries antiques; l'Averne, l'Achéron, le Styx; puis, s'il faut en croire Properce, Baïa, la cité de perdition, la ville luxurieuse, qui, plus sûrement et plus vite que toute autre ville, conduisait aux sombres et infernaux royaumes.

    Nous prîmes en main notre Virgile, notre Suétone et notre Tacite; nous montâmes dans notre corricolo, et comme notre cocher nous demandait où il devait nous conduire, nous lui répondîmes tranquillement: – Aux enfers. Notre cocher partit au galop.

    C'est à l'entrée de la grotte de Pouzzoles qu'est situé le tombeau présumé de Virgile.

    On monte au tombeau du poète par un sentier tout couvert de ronces et d'épines: c'est une ruine pittoresque que surmonte un chêne vert, dont les racines l'enveloppent comme les serres d'un aigle. Autrefois, disait-on, à la place de ce chêne était un laurier gigantesque qui y avait poussé tout seul. A la mort du Dante, le laurier mourut. Pétrarque en planta un second qui vécut jusqu'à Sannazar. Puis enfin Casimir Delavigne en planta un troisième qui ne reprit même pas de bouture. Ce n'était pas la faute de l'auteur des Messéniennes, la terre était épuisée.

    On descend au tombeau par un escalier à demi ruiné, entre les marches duquel poussent de grosses touffes de myrtes; puis on arrive à la porte columbarium, on en franchit le seuil et l'on se trouve dans le sanctuaire.

    L'urne qui contenait les cendres de Virgile y resta, assure-t-on, jusqu'au quatorzième siècle. Un jour on l'enleva sous prétexte de la mettre en sûreté: depuis ce jour elle n'a plus reparu.

    Après un instant d'exploration intérieure, Jadin sortit pour faire un croquis du monument et me laissa seul dans le tombeau. Alors mes regards se reportèrent naturellement en arrière, et j'essayai de me faire une idée bien précise de Virgile et de ce monde antique au milieu duquel il vivait.

    Virgile était né à Andes, près de Mantoue, le 15 octobre de l'an 70 avant Jésus-Christ, c'est-à-dire lorsque César avait trente ans; et il était mort à Brindes, en Calabre, le 22 septembre de l'an 19, c'est-à-dire lorsque Auguste en avait quarante-trois.

    Il avait connu Cicéron, Caton d'Utique, Pompée, Brutus, Cassius, Antoine et Lépide; il était l'ami de Mécène, de Salluste, de Cornélius Nepos, de Catulle et d'Horace. Il fut le maître de Properce d'Ovide et de Tibulle, qui naquirent tous trois comme il finissait ses Géorgiques.

    Il avait vu tout ce qui s'était passé dans cette période, c'est-à-dire les plus grands événements du monde antique: la chute de Pompée, la mort de César, l'avènement d'Octave, la rupture du triumvirat; il avait vu Caton déchirant ses entrailles, il avait vu Brutus se jetant sur son épée, il avait vu Pharsale, il avait vu Philippes, il devait voir Actium.

    Beaucoup ont comparé ce siècle à notre dix-septième siècle; rien n'y ressemblait moins cependant: Auguste avait bien plus de Louis-Philippe que de Louis XIV. Louis XIV était un grand roi, Auguste fut un grand politique.


    […]


    Voilà l'homme [i. e. Auguste] qui protégea vingt ans Virgile; voilà le prince à la table duquel il s'assit une fois par semaine avec Horace, Mécène, Salluste, Pollion et Agrippa; voilà le dieu qui lui fit ce doux repos vanté par Tityre, et en reconnaissance duquel l'amant d'Amaryllis promet de faire couler incessamment le sang de ses agneaux.

    En effet, le talent doux, gracieux et mélancolique du cygne de Mantoue devait plaire essentiellement au collègue d'Antoine et de Lépide. Robespierre, cet autre Octave d'un autre temps, ce proscripteur en perruque poudrée à la maréchale, en gilet de basin et en habit bleu-barbeau, à qui heureusement ou malheureusement (la question n'est pas encore jugée) on n'a point laissé le temps de se montrer sous sa double face, adorait les Lettres à Émilie sur la mythologie, les Poésies du cardinal de Bernis et les Gaillardises du chevalier de Boufflers; les Iambes de Barbier lui eussent donné des syncopes, et les drames d'Hugo des attaques de nerfs.

    C'est que, quoi qu'on en ait dit, la littérature n'est jamais l'expression de l'époque, mais tout au contraire, et si l'on peut se servir de ce mot, sa palinodie. Au milieu des grandes débauches de la régence et de Louis XV, qu'applaudit-on au théâtre? Les petits drames musqués de Marivaux. Au milieu des sanglantes orgies de la révolution, quels sont les poètes à la mode? Colin-d'Harleville, Demoustier, Fabre-d'Églantine, Legouvé et le chevalier de Bertin. Pendant cette grande ère napoléonienne, quelles sont les étoiles qui scintillent au ciel impérial? M. de Fontanes, Picard, Andrieux, Baour-Lormian, Luce de Lancival, Parny. Chateaubriand passe pour un rêveur, et Lemercier pour un fou; on raille le Génie du christianisme, on siffle Pinto.

    C'est que l'homme est fait pour deux existences simultanées, l'une positive et matérielle, l'autre intellectuelle et idéale. Quand sa vie matérielle est calme, sa vie idéale a besoin d'agitation; quand sa vie positive est agitée, sa vie intellectuelle a besoin de repos. Si toute la journée on a vu passer les charrettes des proscripteurs, que ces proscripteurs s'appellent Sylla ou Cromwell, Octave ou Robespierre, on a besoin le soir de sensations douces qui fassent oublier les émotions terribles de la matinée. C'est le flacon parfumé que les femmes romaines respiraient en sortant du cirque; c'est la couronne de roses que Néron se faisait apporter après avoir vu brûler Rome. Si, au contraire, la journée s'est passée dans une longue paix, il faut à notre cœur, qui craint de s'engourdir dans une languissante tranquillité, des émotions factices pour remplacer les émotions réelles, des douleurs imaginaires pour tenir lieu des souffrances positives. Ainsi, après cette suprême bataille de Philippes, où le génie républicain vient de succomber sous le géant impérial; après cette lutte d'Hercule et d'Antée qui a ébranlé le monde, que fait Virgile? Il polit sa première églogue. Quelle grande pensée le poursuit dans ce grand bouleversement? Celle de pauvres bergers qui, ne pouvant payer les contributions successivement imposées par Brutus et par César, sont obligés de quitter leurs doux champs et leur belle patrie:

    Nos patriae fines et dulcia linquimus arva;
    Nos patriam fugimus.

    De pauvres colons qui émigrent, les uns chez l'Africain brûlé, les autres dans la froide Scythie.

    At nos hinc alii sitientes ibimus Afros;
    Pars Scythiam...

    Celle de pauvres pasteurs enfin, pleurant, non pas la liberté perdue, non pas les lares d'argile faisant place aux pénates d'or, non pas la sainte pudeur républicaine se voilant le front à la vue des futures débauches impériales dont César a donné le prospectus; mais qui regrettent de ne plus chanter, couchés dans un antre vert, en regardant leurs chèvres vagabondes brouter le cytise fleuri et l'amer feuillage du saule.

    ... Viridi projectus in antro.
    ...............................
    Carmina nulla canam; non, me pascente, capellae,
    Florentem cytisum et salices carpetis amaras.

    Mais peut-être est-ce une préoccupation du poète, peut-être cette imagination qu'on a appelée la Folle du logis, et qu'on devrait bien plutôt nommer la Maîtresse de la maison, était-elle momentanément tournée aux douleurs champêtres et aux plaintes bucoliques; peut-être les grands événemens qui vont se succéder vont-ils arracher le poète à ses préoccupations bocagères. Voici venir Actium; voici l'Orient qui se soulève une fois encore contre l'Occident; voici le naturalisme et le spiritualisme aux prises; voici le jour enfin qui décidera entre le polythéisme et le christianisme. Que fait Virgile, que fait l'ami du vainqueur, que fait le prince des poètes latins? Il chante le pasteur Aristée, il chante des abeilles perdues, il chante une mère consolant son fils de ce que ses ruches sont désertes, et n'ayant rien de plus à demander à Apollon, comment avec le sang d'un taureau on peut faire de nouveaux essaims.

    Et que l'on ne croie pas que nous cotons au hasard et que nous prenons une époque pour une autre, car Virgile, comme s'il craignait qu'on ne l'accusât de se mêler des choses publiques autrement que pour louer César, prend lui-même le soin de nous dire à quelle époque il chante. C'est lorsque César pousse la gloire de ses armes jusqu'à l'Euphrate.

    .... Caesar dùm magnus ad altum
    Fulminat Euphraten bello, victorque volentes
    Per populos dat jura, viamque affectat Olympo.

    Mais aussi que César ferme le temple de Janus, qu'Auguste pour la seconde fois rende la paix au monde, alors Virgile devient belliqueux; alors le poète bucolique embouche la trompette guerrière, alors le chantre de Palémon et d'Aristée va dire les combats du héros qui, parti des bords de Troie, toucha le premier les rives de l'Italie; il racontera Hector traîné neuf fois par Achille autour des murs de Pergame, qu'il enveloppe neuf fois d'un sillon de sang; il montrera le vieux Priam égorgé à la vue de ses filles, et tombant au pied de l'autel domestique en maudissant ses divinités impuissantes qui n'ont su protéger ni le royaume ni le roi.

    Et autant Auguste l'a aimé pour ses chants pacifiques pendant la guerre, autant il l'aimera pour ses chants belliqueux pendant la paix.

    Ainsi, quand Virgile mourra à Brindes, Auguste ordonnera-t-il en pleurant que ses cendres soient transportées à Naples, dont il savait que son poète favori avait affectionné le séjour.

    Peut-être même Auguste était-il venu dans ce tombeau, où je venais à mon tour, et s'était-il adossé à ce même endroit où, adossé moi-même, je venais de voir passer devant mes yeux toute cette gigantesque histoire.

    Et voilà cependant l'illusion qu'un malheureux savant voulait m'enlever en me disant que ce n'était peut-être pas là le tombeau de Virgile!

    Source

    Alexandre Dumas (père), Le corricolo, "Deuxième partie", "III. Le Tombeau de Virgile"

    Portrait, entre 1860 et 1870
    Source: Prints and Photographs Division, Library of Congress

    Biographie en résumé

    Alexandre Davy de La Pailleterie Dumas, dit Dumas. Illustre auteur dramatique et romancier français, fils du général Alexandre Dumas, né à Villiers-Cotterets (Aisne) le 5 thermidor an X (24 juillet 1802), mort à Puys, près de Dieppe, le 5 décembre 1870.

    "Héros des guerres de la Révolution et de l'expédition d'Egypte, son père, fils d'un marquis normand et d'une esclave de Saint-Domingue, meurt, alors que le jeune Alexandre n'a que quatre ans. Des centaines de livres, des milliers de personnages et des millions de mots ne viendront jamais combler la cruelle absence de celui dont la figure héroïque hantera toute son oeuvre. De son propre aveu, Alexandre Dumas ne guérira jamais de "cette vieille et éternelle douleur de la mort de son père."

    Fils de mulâtre, sang mêlé de bleu et de noir, Alexandre Dumas doit alors affronter les regards d'une société française qui, pour ne plus être une société d'Ancien Régime, demeure encore une société de castes. Elle lui fera grief de tout : son teint bistre, ses cheveux crépus, à quoi trop de caricaturistes de l'époque voudront le réduire, sa folle prodigalité aussi. Certains de ses contemporains iront même jusqu'à lui contester la paternité d'une oeuvre étourdissante et son inépuisable fécondité littéraire qui tient du prodige.

    De tout cela, Dumas n'aura que faire. Force de la littérature, force de la nature, comme son héros Porthos qu'il aimait tant, il choisit de vivre sa vie. Cette vie foisonnante, luxuriante, parfois criarde, jamais mesquine, tout entière habitée par une généreuse lumière." (Jacques Chirac, Discours prononcé à l'occasion du transfert des cendres d'Alexandre Dumas au Panthéon, 30 novembre 2002)

    Voir aussi cette brève biographie

    Vie et œuvre
    Les divers épisodes de la vie de Dumas ont été tant de fois contés par lui-même ou par d’autres jusque dans leurs moindres détails qu’il suffirait de résumer brièvement les principales circonstances de cette existence si prodigieusement active, ainsi que les grandes œuvres qui en marquent les étapes, puis de grouper, dans l’ordre chronologique, et par leur nature même, les autres écrits de Dumas, dont la paternité lui a été contestée, ou ceux-là même qu’on pourrait, de son propre aveu, retrancher de son avoir. (...)

    Restée veuve en 1806 et réduite aux modiques ressources que lui concédait le titre de son mari, Mme Dumas ne put faire donner au fils issu de cette union qu’une éducation extrêmement sommaire et incomplète. L’enfant tenait, par contre, de son père, une constitution athlétique, une aptitude naturelle à tous les exercices du corps et une santé robuste. Les premiers chapitres de ses Mémoires renferment de nombreuses preuves de ce triple privilège, dont Dumas se montre presque aussi fier que de ses dons intellectuels et qui favorisèrent singulièrement les frasques de son adolescence, longuement contées aux mêmes pages. D’abord clerc d’avoué à Villers-Cotterets, puis à Crépy-sur-Oise, il vint en 1823 à Paris solliciter l’appui des anciens compagnons d’armes de son père, ralliés, pour la plupart, à la Restauration. Éconduit de divers côtés, il ne fut accueilli avec bienveillance que par un membre de l’opposition, le général Foy qui, aussi frappé de ses talents de calligraphe qu’affligé de son ignorance, lui procura une place d’expéditionnaire dans les bureaux de la chancellerie du duc d’Orléans. Le jeune homme, qui se proposait bien un jour de vivre de sa plume, se trouva néanmoins fort heureux de devoir à son écriture un traitement de 1200 fr. qui lui permettait de ne plus être à la charge de sa mère et lui laissait assez de loisirs pour apprendre tout ce qu’il ne savait pas et nommément l’histoire de France. Bientôt il osa faire imprimer ses premiers essais : une Élégie sur la mort du général Foy (1825, in-8); un dithyrambe en l’honneur de Canaris (1826, in-12) et un petit volume de Nouvelles contemporaines (1826, in-12). En même temps, il collaborait à deux vaudevilles, La Chasse et l’Amour (Ambigu-Comique, 22 septembre 1825) et La Noce et l’Enterrement (Porte Saint-Martin, 21 novembre 1826), tous deux signés Davy et dont il partagea les minces profits avec son camarade de jeunesse, Adolphe de Ribbing (de Leuven), James Rousseau, Lassagne et Gustave Vulpian. D’autres tentatives dramatiques plus sérieuses, tirées de la conjuration de Fiesque ou de l’épisode des Gracques, demeurèrent alors inédites, tandis qu’un passage d’Anquetil lui inspirait le drame d’où datent ses véritables débuts : Henri III et sa cour (cinq actes, en prose), représenté sur le Théâtre-Français le 11 février 1829, et demeuré depuis au répertoire (*), lui valut de véritables ovations; le duc d’Orléans, bien que fort peu sympathique à son subordonné, ne dédaigna pas de donner lui-même le signal des applaudissements et le nomma bibliothécaire adjoint aux appointements annuels de 1500 fr. Alexandre Dumas avait écrit avant Henri III un autre drame reçu dès le 30 avril 1828 par le comité du même théâtre et dont diverses circonstances avaient fait ajourner la représentation : ce drame, c’était Christine ou plutôt, pour lui donner le titre sous lequel il fut définitivement joué à l’Odéon le 30 mars 1830, Stockholm, Fontainebleau et Rome, trilogie en cinq actes et en vers, avec prologue et épilogue. Son succès ne fut pas moins vif que celui de Henri III, et Dumas se vit dès lors considéré comme l’émule de Victor Hugo; mais cette rivalité n’avait pas encore altéré leurs bons rapports personnels. Convié par Hugo à une lecture de Marion Delorme, alors arrêtée par la censure, il avoua hautement son admiration; de son côté, dit-on, Victor Hugo aurait, aidé d’Alfred de Vigny, retouché une centaine de vers de Christine, mal accueillis le soir de la première représentation.
    Dumas avait depuis quelques mois dit pour toujours adieu à la vie administrative et travaillait à plusieurs drames lorsque éclata la révolution de 1830. Il fit le coup de feu parmi les insurgés et, sur l’ordre de La Fayette, se rendit en hâte à Soissons où, avec le concours de quelques habitants, il protégea une importante poudrière et en assura la possession au parti vainqueur. Puis il partit pour la Vendée avec mission d’y provoquer la formation d’une garde nationale chargée de défendre le pays contre une nouvelle chouannerie que tout pouvait faire craindre. Admis au retour à faire connaître au roi lui-même son impression sur l’état des esprits, Dumas ne lui dissimula pas combien le remède lui semblait dangereux et insista sur la nécessité d’ouvrir à travers le Bocage et le Marais des voies de communication qui rendraient plus difficile la guerre civile qu’on redoutait. Bien que le second de ses conseils ait été suivi plus tard, le résultat de l’enquête ne raffermit point le crédit de Dumas auprès de Louis-Philippe; son élection de capitaine dans l’artillerie de la garde nationale parisienne, devenue l’un des foyers de l’opposition à la monarchie du 9 août, une visite intempestive aux Tuileries avec l’uniforme de ce corps supprimé par décret la veille même, le refus de prestation de serment exigé pour la remise du brevet et des insignes de la croix de Juillet, la présence de Dumas aux obsèques du général Lamarque, prélude des journées des 5 et 6 juin 1832, tels sont les principaux épisodes de cette période de politique militante à laquelle, par bonheur, Dumas ne tarda pas à renoncer, mais qu’il fallait rappeler sommairement ici.

    Une violente passion conçue pour Mme Mélanie Waldor (fille de Villenave), et à laquelle celle-ci, mariée à un officier, ne pouvait légalement répondre, inspira à Dumas ce drame où, sous le nom d’Antony, il s’est peint lui-même, a-t-il dit, «moins l’assassinat» et où il a peint, sous le nom d’Adèle Hervey, la maîtresse adorée, «moins la fuite», et qui, merveilleusement interprété par Bocage et Mme Dorval (Porte-Saint-Martin, 3 mai 1831), obtint alors une centaine de représentations. En 1834, il fut question de le transporter à la Comédie-Française, mais un article du Constitutionnel le dénonça comme immoral; l’interdiction, alors prononcée par le ministre de l’intérieur, fut levée seulement à la fin du second Empire, et de nos jours (*) Antony a repris sa place dans la série des matinées classiques organisées par l’Odéon. De 1831 à 1843, et sans préjudice des autres œuvres qui seront rappelées plus loin, Dumas occupa les diverses scènes de Paris avec les pièces suivantes: Napoléon Bonaparte ou Trente Ans de l’histoire de France, drame en six actes (Odéon, 10 janvier 1831), écrit en huit jours chez Harel qui retenait l’auteur en chartre privée; Charles VII chez ses grands vassaux, tragédie en cinq actes (Odéon, 20 octobre 1831), mal accueillie du public, malgré des beautés de premier ordre; Richard Darlington, drame en trois actes et en prose avec un prologue (Porte-Saint-Martin, 10 décembre 1831), dû à la collaboration de Beudin et de Goubaux qui en avaient fourni à Dumas l’idée première, empruntée aux Chroniques de la Canongate de Walter Scott, et où Frédérick Lemaître déploya un talent prodigieux; Térésa, drame en cinq actes (Opéra-Comique, Théâtre-Ventadour, 6 février 1832) dont le scénario primitif était d’Anicet-Bourgeois; Le Mari de la Veuve, comédie en un acte et en prose (Théâtre-Français, 4 avril 1832), avec la collaboration d’Anicet-Bourgeois et de Durrieu qui ne furent point nommés sur le titre de la brochure; La Tour de Nesle, drame en cinq actes et neuf tableaux (29 mai 1832), l’un des succès les plus retentissants et les plus prolongés du théâtre contemporain (*), mais qui souleva entre Frédéric Gaillardet, auteur du texte primitif, Jules Janin qui l’avait retouché et Dumas qui avait presque entièrement récrit la pièce, une polémique terminée par un duel avec le premier et par un procès; Catherine Howard, drame en cinq actes (Porte-Saint-Martin, 2 avril 1834), tiré par Dumas d’un autre drame resté inédit et intitulé Edith aux longs cheveux; Angèle, drame en cinq actes (Porte-Saint-Martin, 28 décembre 1833), avec la collaboration d’Anicet-Bourgeois; Don Juan de Maraña ou la Chute d’un ange, mystère en cinq actes, musique de Paccini (Porte-Saint-Martin, 30 avril 1836), imité en partie des Ames du Purgatoire de Prosper Mérimée; Kean, comédie en cinq actes et en prose (Variétés, 31 août 1836), autre grand succès de Frédérick Lemaître qui se renouvela plus tard à l’Ambigu et à la Porte-Saint-Martin; Piquillo, opéra-comique en trois actes avec Gérard de Nerval, musique de Monpou (Opéra-Comique, 31 octobre 1837); Caligula, tragédie en cinq actes et en vers avec prologue (Théâtre-Français, 26 décembre 1837), dont la chute rappela celle de Charles VII et n’est pas mieux justifiée; Paul Jones, drame en cinq actes (Panthéon, 8 octobre 1838), représenté contre le gré de l’auteur qui avait laissé le manuscrit à l’agence dramatique Porcher en nantissement d’un prêt; Mademoiselle de Belle-Isle, drame en cinq actes et en prose (Théâtre-Français, 2 avril 1839), resté au répertoire; L’Alchimiste, drame en cinq actes en vers (Renaissance, 10 avril 1839), auquel, s elon Quérard, Gérard de Nerval et Cordellier-Delanoue auraient collaboré; Bathilde, drame en trois actes et en prose (salle Ventadour, 14 janvier 1839), avec Auguste Maquet (seul nommé sur l’affiche et sur la brochure) et Cordellier-Delanoue; Un Mariage sous Louis XV, comédie en cinq actes, avec Leuven et Brunswick (Théâtre-Français, 1er juin 1841), restée aussi au répertoire (*); Lorenzino, drame en cinq actes et en prose, avec les mêmes collaborateurs (Théâtre-Français, 24 février 1842); Halifax, comédie en trois actes en prose avec prologue (Variétés, 2 décembre 1842); Les Demoiselles de Saint-Cyr, comédie en cinq actes et en prose, avec Leuven et Brunswick (Théâtre-Français, 25 juillet 1843), qui provoqua entre le principal auteur et Jules Janin une polémique violente et qui, mal accueillie le soir de la première représentation, trouva un peu plus tard et garda le succès dont elle était digne; Louise Bernard, drame en cinq actes et en prose, avec Leuven et Brunswick (Porte-Saint-Martin, 18 novembre 1843); Le Laird de Dumbicky, comédie en cinq actes et en prose, avec les mêmes (Odéon, 30 décembre 1843); Le Garde forestier, comédie en deux actes en prose avec les mêmes (Variétés, 15 mars 1845). En dépit de sa longueur, cette liste ne renferme que les pièces signées par Dumas, avouées par lui ou réimprimées dans les deux éditions collectives de son Théâtre (1834-1836, 6 vol. in-8, ou 1863-1874, 15 vol. in-12), mais non celles qu’il tira de la plupart de ses romans.

    Il nous faut maintenant revenir en arrière et rappeler les titres des principaux récits qui ont tour à tour distrait, ému ou charmé deux ou trois générations et qui se subdivisent en impressions de voyages, en romans et en chroniques historiques.

    Dumas a lui-même raconté comment, après l’insurrection de juin 1832 et une atteinte de choléra, dont il se ressentit d’ailleurs une partie de sa vie, les médecins et ses amis lui conseillèrent de quitter Paris durant quelques mois. De cette première excursion à travers la Bourgogne et la Suisse datent ces fameuses Impressions de voyage qui forment l’une des parties les plus attrayantes de son œuvre et qui ont si légitimement contribué à sa popularité. Ce sont, dans l’ordre chronologique: Impressions de voyage [en Suisse] (1833, 5 vol. in-8); Excursions sur les bords du Rhin (1841, 3 vol. in-8); Une année à Florence (1840, 2 vol. in-8); Nouvelles impressions de voyage [Midi de la France] (1841, 3 vol. in-8); Le Speronare (1842, 4 vol. in-8), voyage en Sicile avec le peintre Jadin et son bouledogue Mylord; Le Corricolo (1843, 4 vol. in-8); et La Villa Palmieri (1843, 2 vol. in-8), relatifs au même séjour dans le sud de l’Italie; De Paris à Cadix (1848, 5 vol. in-8); Le Véloce ou Tanger, Alger et Tunis (1848, 4 vol. in-8) qui forme la suite du précédent; Le Caucase (1859, in-4); De Paris à Astrakan (1860, 3 vol. in-12), réimpr. sous le titre collectif de : En Russie. À cette série se rattachent, sans en faire cependant partie : l’ouvrage intitulé Quinze jours au Sinaï (1839, 2 vol. in-8), rédigé sur les notes du peintre Dauzats, ainsi que L’Arabie heureuse, pèlerinage d’Hadji-Abd-el-Hamid-Bey [Du Couret] (1855, 6 vol. in-8, ou 1860, 3 vol. in-8); Les Baleiniers, journal d’un voyage aux Antipodes par le Dr Félix Maynard (1861, 2 vol. in-12) et le Journal de Mme Giovanni à Taïti, aux îles Marquises et en Californie (1855, 4 vol. in-8), présentés comme revus et mis en ordre par Alex. Dumas, sans que sa collaboration soit parfaitement établie.

    C’est par de courtes nouvelles que débuta le romancier qui devait entreprendre et mener à leur fin les plus longues et les plus captivantes inventions de la littérature moderne. Le Cocher de cabriolet, Blanche de Beaulieu (déjà publiée dans les Nouvelles contemporaines), Cherubino et Celestini, Antonio, Maria, et Le Bal masqué, Jacques Ier et Jacques II ont été réimprimés sous le titre de Souvenirs d’Antony (1835, in-8); Pauline et Pascal Bruno ont reçu le titre collectif de La Salle d’armes (1838, 2 vol. in-8). Viennent ensuite des œuvres de plus longue haleine : Le Capitaine Paul (1838, 2 vol. in-8), dont, si l’on en juge par un ex-dono de Dumas, l’idée première appartiendrait à Dauzats; Acté, suivi de Monseigneur Gaston de Phebus (1839, 2 vol. in-8); Aventures de John Davy (1840, 4 vol. in-8); Le Capitaine Pamphile (1840, 2 vol. in-8); Maître Adam le Calabrais (1840, in-8); Othon l’Archer (1840, in-8); Aventures de Lyderic (1842, in-8); Praxède, suivi de Don Martin de Freytas et de Pierre le Cruel (1841, in-8); Georges (1843, 3 vol. in-8), dont, selon Mirecourt, Félicien Malefille aurait pu revendiquer la paternité; Ascanio (1843, 5 vol. in-8), sur lequel, toujours d’après le même pamphlétaire, M. Paul Meurice aurait pu faire valoir les mêmes droits; Le Chevalier d’Harmental (1843, 4 vol. in-8), d’où date l’alliance intime, féconde et hautement avouée par le premier, de Dumas et de Maquet à laquelle on a dû successivement : Sylvandire (1844, 3 vol. in-8); Les Trois Mousquetaires (1844, 8 vol. in-8), le plus amusant et le plus célèbre des romans de cape et d’épée et ses deux suites dignes de leur aîné : Vingt ans après (1845, 10 vol. in-8) et Dix ans plus tard ou le Vicomte de Bragelonne (1848-1850, 26 vol. in-8); Le Comte de Monte-Cristo (184-1845, 12 vol in-8), dont Fiorentino réclamait une part formellement niée par Dumas et restée inconnue à Maquet; Une Fille du Régent (1845, 4 vol. in-8); La Reine Margot (1845, 6 vol. in-8); La Guerre des femmes (1845-1846, 8 vol. in-8); Le Chevalier de Maison-Rouge (1846, 6 vol. in-8); La Dame de Monsoreau (1846, 8 vol. in-8); Le Bâtard de Mauléon (1846, 9 vol. in-8); Mémoire d’un médecin (1846-1848, 19 vol. in-8) et ses deux suites : Ange Pitou (1853, 8 vol. in-8) et La Comtesse de Charny (1853-1855, 19 vol. in-8); Les Quarante-Cinq, suite et fin de La Dame de Monsoreau (1848, 10 vol. in-8). Alexandre Dumas, qui se flattait « d’avoir des collaborateurs comme Napoléon a eu des généraux », eut recours encore à Hipp. Auger pour Fernande (1844, 3 vol. in-8), à M. Paul Meurice pour Amaury (1844, 4 vol. in-8), à Paul Lacroix pour Les Mille et un fantômes (1849, 2 vol. in-8), La Femme au collier de velours (1851, 2 vol. in-8), et pour Olympe de Clèves (1852, 9 vol. in-8), etc. Parfois même il lui est arrivé de mettre ou de laisser mettre son nom sur la couverture de livres qu’il n’avait pas même lus, ainsi qu’il l’a reconnu plus tard pour Les Deux Diane de M. Paul Meurice (1846-1847, 10 vol. in-8), ou pour Le Chasseur de Sauvagine de M. G. de Cherville (1859, 2 vol. in-8), où sa part effective se réduisit, dit-il, à mettre un point sur l’i du dernier mot du titre. En revanche, on ne lui a jamais disputé plusieurs autres romans moins célèbres, il est vrai, que ceux dont les titres sont rappelés plus haut : Gabriel Lambert (1844, 2 vol. in-8); Le Château d’Eppstein (1844, 3 vol. in-8); Cécile (1844, 2 vol. in-8); Les Frères Corses (1845, 2 vol. in-8), émouvant récit, dédié à Prosper Mérimée.

    Malgré cette production sans exemple et qui dépassait tout ce que la cervelle et même la main humaine avaient pu jusqu’alors concevoir et exécuter, en dépit des procès suscités, et le plus souvent gagnés par les directeurs de journaux dont les traités restaient en souffrances, Dumas trouvait encore le temps de surveiller la construction de la villa de Monte-Cristo, près de Saint-Germain, et qui engloutit une partie des sommes fabuleuses que lui rapportait sa plume, de parcourir d’octobre 1846 à janvier 1847 l’Espagne et l’Algérie, en compagnie de son fils, de Maquet, de Louis Boulanger, de Desbarolles et d’Eugène Giraud, de prendre enfin la direction du Théâtre-Historique dont le duc de Montpensier lui avait fait obtenir la concession et où il se proposait « d’offrir chaque soir au peuple une page de notre histoire ». L’inauguration en eut lieu le 20 février 1847 avec La Reine Margot, drame en cinq actes et treize tableaux, tiré du roman portant le même titre, avec le concours d’Auguste Maquet qui, outre deux adaptations antérieures des Mousquetaires (Ambigu, 27 octobre 1845), et de La Fille du Régent (Théâtre-Français, 14 avril 1846), produisit dans les mêmes conditions : Le Chevalier de Maison-Rouge (Théâtre-Historique, 5 août 1847), dont le souvenir s’est perpétué par le fameux refrain Mourir pour la patrie! devenu peu après le chant patriotique de 1848; Monte-Cristo, drame en quatorze tableaux divisés en deux « soirées », innovation assez malheureuse, suivie plus tard de deux autres « soirées »: Le Comte de Morcerf et Villefort (1851); Catilina, drame en cinq actes (Théâtre-Historique, 14 octobre 1848); La Jeunesse des Mousquetaires, drame en cinq actes et quatorze tableaux, avec prologue et épilogue (Théâtre-Historique, 10 février 1849), l’un des grands succès de Mélingue; La Guerre des femmes, drame en cinq actes et dix tableaux (avril 1849); Le Chevalier d’Harmental, drame en cinq actes et dix tableaux (Théâtre-Historique, 26 juillet 1849); Urbain Grandier, drame en cinq actes, avec prologue (Théâtre-Historique, 30 mars 1850). C’est sur la même scène que furent encore représentés Le Comte Hermann, drame en cinq actes (22 novembre 1849), interprété par Mélingue, Laferrière et Rouvière, et une adaptation d’Hamlet, en cinq actes et en vers, qu’il a signée avec M. Paul Meurice et qui figure au répertoire actuel* de la Comédie-Française (15 décembre 1847).

    La révolution de février 1848 ne fut pour Dumas qu’une suite de déceptions et le signal du déclin de son extraordinaire fortune. Collaborateur d’une feuille quotidienne éphémère, La Liberté (mars-juin 1848), et fondateur d’une revue politique intitulée Le Mois (15 avril), qui n’eut pas une destinée beaucoup plus brillante, candidat malheureux dans Seine-et-Oise et dans l’Yonne, bientôt menacé dans la source principale de ses revenus par l’amendement Riancey qui assujettissait à un droit fiscal le roman-feuilleton, traqué par ses créanciers personnels et par ceux du Théâtre-Historique, dont la crise que l’on traversait avait entraîné la fermeture, il quitta Paris vers la fin de 1851 et vint se fixer à Bruxelles où il demeura jusqu’en 1854. C’est là qu’il écrivit : Un Gil Blas en Californie (1852, 2 vol. in-8); Mes Mémoires (1852-1854, 22 vol. in-8); Isaac Laquedem (1852, 2 vol. in-8), sorte de contre-partie du Juif Errant d’Eugène Suë, annoncée comme devant former trente volumes, mais qui fut arrêtée par la censure impériale; Le Pasteur d’Ashbourn (1853, 8 vol. in-8); El Saltéador (1853, 3 vol. in-8); Conscience l’Innocent (1853, 5 vol. in-8); Catherine Blum (1854, 2 vol. in-8); Ingénue (1854, 7 vol. in-8), dont la publication dans Le Siècle fut interrompue sur la réclamation d’un descendant de Restif de la Bretonne; Les Mohicans de Paris (1854-1858, 19 vol. in-8), dont Paul Bocage fut le collaborateur, ainsi que pour Salvator (1855-1859, 4 vol. in-8), qui en forme la suite. Grâce au dévouement de M. Noël Parfait, ancien représentant du peuple, exilé par le coup d’État et qui avait remis quelque ordre dans les finances de Dumas, celui-ci put, à son retour en France, retrouver une tranquillité relative. De 1854 à 1860, il fonda et dirigea Le Mousquetaire, devenu, en 1857, Le Monte-Cristo, «rédigé par M. Dumas seul», fit représenter Romulus, comédie en un acte et en prose (Théâtre-Français, 15 janvier 1854), dont O. Feuillet et Paul Bocage furent les collaborateurs; La Jeunesse de Louis XIV, comédie en cinq actes et en prose, reçue mais non jouée au Théâtre-Français, représentée au Vaudeville à Bruxelles le 20 janvier 1864 et reprise en 1874 à l’Odéon; La Conscience, drame en cinq actes (Odéon, 7 novembre 1854); L’Orestie, tragédie en trois actes et en vers (Porte-Saint-Martin, 5 janvier 1856); Le Verrou de la reine, comédie en trois actes (Gymnase, 5 décembre 1856), intitulée d’abord La Jeunesse de Louis XV et remaniée après son interdiction par la censure; L’Invitation à la valse, comédie en un acte (ibid., 3 août 1857); L’Honneur est satisfait, comédie en un acte (ibid., 19 juin 1858); Les Gardes forestiers, drame en cinq actes (Grand-Théâtre de Marseille, 23 mars 1858), tiré de Catherine Blum, roman cité plus haut; La Dame de Monsoreau, drame en cinq actes avec prologue (Ambigu, 10 novembre 1860), le dernier et l’un des meilleurs que Maquet ait signés avec lui; enfin, il écrivit deux de ses meilleurs romans, Les Compagnons de Jéhu (1857, 7 vol. in-8), et Les Louves de Machecoul (1859, 10 vol. in-8).

    Le voyage de Dumas en Italie (1860), la part plus ou moins effective qu’il prit à l’expédition de Garibaldi en Sicile, son séjour à Naples de 1860 à 1864 inaugurent le début de la dernière période de sa vie. Les œuvres s’y succèdent encore, de plus en plus hâtives et improvisées, et sans qu’à de rares exceptions près, on y sente percer, comme jadis, l’ongle du lion. Il suffira de citer : Madame de Chamblay (1863, 2 vol. in-12), dont l’auteur tira un drame en 1868 (Porte-Saint-Martin); Les Mohicans de Paris, drame en cinq actes (Gaîté, 20 août 1864), interdit par la censure et autorisé par Napoléon III à qui Dumas avait adressé une curieuse supplique; La San Felice (1864-1865, 9 vol. in-18); Les Blancs et les Bleus (1867-1868, 3 vol. in-12), épisode des guerres de Vendée, qui fournit aussi le sujet d’un drame joué sous le même titre au Châtelet en 1869.

    Si longue que soit l’énumération qui précède, elle resterait notablement incomplète si l’on n’y faisait point figurer trois séries d’écrits où Dumas, tout en donnant carrière à son imagination, a entendu raconter sa propre existence, celle de plusieurs de ses contemporains et de ses amis, enfin quelques-uns des principaux épisodes de l’histoire de France. Outre ses Mémoires déjà cités, on trouvera beaucoup de particularités curieuses, mais le plus souvent sujettes à contestations, dans un fragment placé en tête de la première édition de son Théâtre: Comment je devins auteur dramatique, dans ses Souvenirs de 1830 à 1842 (1854, 2 vol. in-8); dans ses Causeries (1860, 2 vol. in-18); dans Bric-à-Brac (1861, 2 vol. in-18), enfin dans l’Histoire de mes bêtes (1868, in-18). Le second groupe est formé par Un Alchimiste au XIXe siècle (le comte de Ruolz), premier chapitre de La Villa Palmieri, tiré à part; Le Maître d’armes (1844, 3 vol. in-8), mémoires de Grisier; Une Vie d’artiste (1854, 2 vol. in-8), histoire de la jeunesse et des débuts de Mélingue; La Dernière Année de Marie Dorval (1854, in-18), touchant appel à la charité publique pour parvenir à lui ériger un tombeau; les Mémoires de Garibaldi (1860), soi-disant traduits sur le manuscrit original; Les Morts vont vite (1861, 2 vol. in-18), intéressantes réminiscences sur Béranger, Musset, Achille Devéria, Eugène Suë, Chateaubriand, le duc et la duchesse d’Orléans, etc. En 1833, une première étude historique : Gaule et France, était présentée comme devant former la tête d’une série de Chroniques qui ne fut pas continuée après la seconde : Isabelle de Bavière (règne de Charles VI) (1836, 2 vol. in-8), car on ne peut donner ce nom aux compilations que Dumas a signées depuis et qu’il suffit de rappeler pour mémoire: Louis XIV et son siècle (1845-1846); Michel-Ange et Raphaël (1846); Louis XV (1849); La Régence (1849); Louis XIV (1850); Le Drame de Quatre-vingt-treize (1851); Histoire de deux siècles (1852); Histoire de la vie politique et privée de Louis-Philippe (1852); Les Grands Hommes en robe de chambre (César, Richelieu) (1857). Mettons à part La Route de Varennes (1860, in-18), amusant récit d’une excursion en Champagne, d’après l’itinéraire même de la famille royale, mais où une inexactitude lui valut un long procès définitivement jugé en sa faveur. À ces spéculations de librairie, on préférera toujours les deux ou trois contes écrits pour les enfants et restés des modèles du genre : Histoire d’un casse-noisette (1845, 2 vol. in-12, ill. par Bertall); La Bouillie de la comtesse Berthe (1845, in-12, ill. par le même) et Le Père Gigogne (1860, 2 vol. in-12).

    Les toutes dernières et si tristes années de la vieillesse de Dumas furent adoucies par le dévouement de sa fille, Mme Petel, et par la sollicitude de son fils, qui finit par pourvoir à tous les besoins de sa vie matérielle; ce fut dans la ville de Puys, près de Dieppe, qu’il s’éteignit le 5 décembre 1870, sans avoir conscience des désastres infligés à la France, et sa mort passa forcément alors inaperçue. Au mois d’avril 1872, sa dépouille fut exhumée de la tombe provisoire où elle était déposée et transportée, selon un vœu souvent exprimé par lui, au cimetière de Villers-Cotterets, en présence de la plupart de ses amis, collaborateurs ou interprètes encore survivants. Le 4 novembre 1883, fut inauguré sur la place Malesherbes, à Paris, le monument dû à Gustave Doré, qui n’avait pu en voir l’achèvement et où il avait placé au pied de la statue assise du grand romancier le personnage le plus populaire de son œuvre (d’Artagnan), encadré par deux groupes symbolisant les diverses classes de lecteurs que charmeront toujours ses légendaires exploits.

    Les indications bibliographiques des œuvres citées au cours de cet article se réfèrent toutes à leurs éditions originales, mais les divers écrits de Dumas (à l’exception de ses poésies qui n’ont jamais été réunies(*)) ont été l’objet de deux réimpressions générales en quelque sorte permanentes, l’un en livraisons in-4 illustrées, l’autre dans le format in-18 et comprenant beaucoup de romans (authentiques ou apocryphes) parus antérieurement sous d’autres titres; cette partie de la bibliographie de Dumas n’a pas été traitée par MM. Parran et Glinel dont les travaux n’en sont pas moins fort intéressants et fort utiles.

    Les portraits originaux de Dumas ne sont pas aussi nombreux que pourrait le faire supposer sa très réelle célébrité. On ne peut guère citer, parmi les documents les plus importants, que deux lithographies d’Achille Devéria, l’une en pied (sur un canapé), l’autre en buste et toutes deux fort belles; un médaillon en bronze de David d’Angers; une autre lithographie par Lelièvre (1833); un pastel par Eugène Giraud (1845); un portrait en costume de Circassien par Louis Boulanger (Salon de 1859), appartenant au fils du modèle; une statue par Carrier-Belleuse, à Villers-Cotterets; de très nombreuses caricatures et un certain nombre de photographies; l’une d’elles, représentant Dumas en manches de chemise et tenant dans ses bras une célèbre écuyère américaine, miss Adah Menken, fut retirée du commerce sur la plainte de la famille.

    (*) Au moment de la publication de cette notice, c’est-à-dire vers 1885.


    source: Maurice Tourneux, article «Dumas» de La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Réalisée par une société de savants et de gens de lettres sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus [et al.]. Réimpression non datée de l'édition de 1885-1902. Paris, H. Lamirault, [191-?]. Tome quinzième (Duel-Eoetvoes), p. 36-39.

    Œuvres de Alexandre Dumas (père)

    Oeuvres disponibles en ligne sur le site Gallica (Bibliothèque nationale de France)

    Source:agora

  • Catégories : Les polars

    Féminisme et roman policier

    Amanda Cross, Ruth Rendell, Dorothy Sayers. Féminisme et roman policier
    Ilana Löwy


     
    Plan de l'article


     

    Entre les deux guerres, le roman policier anglais est devenu une spécialité féminine. Les livres d’Agatha Christie, de Dorothy Sayers, et, un peu plus tard, de Ngaio Marsh et de Josephine Tey ont solidement établi la popularité des polars qui mélangeaient allègrement l’arsenic et les veilles dentelles. La place importante occupée par des femmes parmi les auteurs de polars n’est pas surprenante dans un pays où une proportion importante de romanciers renommés sont des romancières. D’autant plus que la publication des romans policiers fut une activité lucrative, un atout non-négligeable dans une période d’accès limité des femmes à certains métiers.

    Les « grandes dames anglaises » du polar ont rénové le genre en introduisant des intrigues ingénieuses, des descriptions minutieuses de certains milieux sociaux (en règle générale, les classes supérieures et moyennes, et les milieux intellectuels et artistiques), de fines études psychologiques, de l’humour et de l’ironie, et, surtout, des détectives de sexe féminin.

     

    • Féminisation du polar : la nouvelle héroïne

    Ces détectives-femmes sont souvent plus vivantes et attrayantes que les détectives masculins créés par les mêmes auteures. Parmi les plus anciennes, la célèbre Miss Marple d’Agatha Christie est une vieille dame agréable, malicieuse, et extrêmement intelligente ; et elle n’a aucun des attributs ridicules d’un Hercule Poirot, Belge à moustache cirée, chaussures trop étroites, maniaque de l’ordre, et à l’ego en proportion inverse de sa petite taille. De même, si Lord Peter Whimsey, créé par Dorothy Sayers, porte un monocle, souffre de cauchemars récurrents, et est originaire d’une famille noble dans laquelle l’excentricité se conjugue à la bêtise et la folie, sa contrepartie féminine, Harriet Wane, est une jeune femme saine et énergique, fille d’un médecin de campagne, dotée de bon sens, de joie de vivre, et d’un solide goût pour l’amitié.

    Cependant, le trait le plus important de ces femmes détectives est l’excellence de leurs capacités intellectuelles. Depuis les Aventures de Sherlock Holmes, l’attribut principal du détective dans un roman policier « classique » est sa capacité d’analyser l’évidence et d’opérer des déductions logiques. Si les femmes détectives – comme leurs collègues masculins – sont occasionnellement confrontées à des situations dangereuses, et sont capables de montrer leur courage, elles sont surtout très intelligentes.

    Les changements importants intervenus dans la situation des femmes depuis les années soixante ont eu des conséquences dans les polars, notamment d’action. Les femmes-détectives, officiers de police, juges, médecins-légistes, journalistes, détectives privés, et même gardes du corps, sont omniprésentes dans les polars contemporains, en particulier ceux (toujours plus nombreux) écrits par des femmes. En outre, ces romans, souvent américains, font un effort délibéré pour offrir une grande diversité d’héroïnes. Ces nouvelles enquêtrices ont des origines ethniques très diverses, un niveau d’éducation variable, des vies privées compliquées, et souffrent parfois d’un handicap ou d’une maladie chronique. Elles manient des armes à feu, sont entraînées aux techniques de combat, affrontent des criminels dangereux, risquent des coups et blessures. De plus, à l’instar des héros mâles, elles ont droit à une vie sexuelle souvent aventureuse, et leur sexualité peut jouer un rôle important dans l’intrigue. Il faut toutefois distinguer l’avènement des femmes dans des rôles exclusivement réservés auparavant aux hommes, de l’apparition dans le polar d’une thématique proprement féministe.

    • Le polar féministe

    Les polars dits « féministes » sont une minorité parmi ceux, très nombreux, écrits par des femmes. La plupart d’entre eux sont plaisants à lire, présentent des idées « politiquement correctes » du point de vue féministe, et ne se détachent pas vraiment de la production moyenne dans ce domaine. Je m’attarderai ici sur l’œuvre de deux auteures de polars à succès dont les livres, d’une excellente qualité, peuvent en même temps stimuler la réflexion sur les rapports entre hommes et femmes : l’Américaine Amanda Cross et la Britannique Ruth Rendell.

    Toutes deux ont commencé à publier des polars au début des années soixante (donc avant l’essor de la deuxième vague du féminisme), et leurs idées féministes se sont développées et affirmées avec le temps. Il y a cependant, outre la différence de nationalité et la spécificité de leur talent – Cross est perçue comme un bon écrivain de polars, Rendell comme un bon écrivain tout court – une différence de statut. Rendell est une écrivaine professionnelle, vivant de sa plume. Cross est le pseudonyme d’une professeure de littérature anglaise à l’université de Colombia (NY), Carolyn Heilbrun, et auteure de plusieurs ouvrages théoriques importants sur genre et littérature [1].

    Pendant une quinzaine d’années, C. Heilbrun a gardé secrète l’identité d’Amanda Cross, afin d’éviter à la fois toute conséquence fâcheuse pour sa carrière universitaire, mais aussi pour avoir un « espace de liberté » et le plaisir de posséder une double personnalité. Son héroïne, Kate Fansler, professeure de littérature anglaise dans une université à New York et détective à ses heures libres, est un portrait idéalisé d’Heilbrun elle-même, débarrassée de ses problèmes de poids et de ses origines juives, mais toujours munie d’un esprit vif et de solides connaissances littéraires. Dans ses premières apparitions, Fansler est présentée comme vaguement « progressiste ». Son féminisme s’affiche clairement pour la première fois en 1981, dans Mort d’un professeur titulaire [2]. Dans ce polar, Fansler tente d’aider une collègue, première femme professeure au département de littérature anglaise de Harvard. Les enseignants du département, forcés par la direction de l’université d’accepter cette nomination, tentent de trouver la candidate la moins dérangeante possible, c’est-à-dire une femme à la réputation professionnelle irréprochable, ouvertement hostile au féminisme et entièrement convaincue que la prétendue discrimination liée au sexe n’est qu’une invention de femmes paresseuses et médiocres. Hélas, sa confiance s’effondre face à l’hostilité déclarée de ses collègues masculins, tandis que son refus obstiné de reconnaître l’existence du sexisme et de s’allier à d’autres femmes de son milieu professionnel accroît son isolement et son désespoir. Confrontée à une série d’humiliations, elle sera retrouvée morte dans des circonstances mystérieuses. Le thème central de ce roman est l’importance de la solidarité féminine. Cross brosse une image vive des débats au sein du mouvement féministe nord-américain : l’opposition entre le féminisme « rangé » de Kate Fansler et de ses amis, et leur aspiration à réformer les institutions de l’intérieur, et le féminisme radical d’un groupe de femmes homosexuelles qui vivent en communauté et développent une idéologie anti-mâle. Bien que Cross ne cache pas sa sympathie pour la première variante du féminisme, elle guide Fansler avec peu d’hostilité vers la seconde. À la fin du livre, les féministes réformistes et radicales trouvent, momentanément au moins, un langage commun, et la cause des femmes à Harvard fait un bond en avant. Tout cela se fait dans un esprit bon enfant et dans une joie partagée.

    Avec ses héroïnes généreuses, intelligentes et drôles et ses « méchants » souvent pitoyables ou ridicules, les livres d’Amanda Cross proposent à la lectrice (progressiste et cultivée, cela va de soi) le monde enchanté des contes de fées. Cette atmosphère de « conte de fées féministe » se retrouve dans d’autres polars de Cross. Comme Pas un mot de Winifred : l’histoire, qui se déroule des deux côtés de l’Atlantique, réunit plusieurs femmes remarquables à la fois par leurs intérêts intellectuels, leur grande indépendance d’esprit et leur don pour l’amitié, en particulier avec d’autres femmes. Ces qualités leur permettent de triompher de l’adversité et de trouver le bonheur dans le travail, les relations humaines et la découverte du monde, et même de rencontrer des compagnons masculins qui savent les apprécier à leur juste valeur. On retrouve aussi d’autres thèmes récurrents : l’importance de l’amitié entre les femmes et la capacité des femmes à « renaître » à tout âge et sous toute condition. Cet optimisme affiché contribue sans doute au succès de ces polars. Nous voulons toutes et tous croire que la justice va triompher sur la méchanceté et la bêtise, que l’amitié et la solidarité sont des valeurs sûres, que la vie n’est ni absurde, ni tragique, ni fragmentée, et qu’on garde toujours la possibilité d’un nouveau départ. Cependant, l’univers idéalisé dans lequel circule Fansler peut rappeler l’observation faite par Heilbrun au sujet d’auteures comme Louise May Alcott ou George Eliot : leurs héroïnes sont souvent plus conventionnelles et moins courageuses qu’elles-mêmes.

    • Violences contre les femmes, violence des femmes : les destins d’une révolte

    Même en s’attaquant, dans Un espion imparfait, à un sujet qui se prête peu à l’angélisme – la violence conjugale – Cross réussit à créer une atmosphère de bienveillance généralisée [3]. Ce livre est inspiré par l’œuvre de John Le Carré, mais Cross est très loin de l’amertume désabusée de ce dernier. Kate Fansler collabore dans ce polar avec une autre « bonne sorcière », une femme à la retraite qui a su se forger une personnalité et une identité nouvelles. Et l’héroïne va y défendre une jeune femme qui a subi pendant des années les violences de son mari, un professeur de droit, et qui a fini par l’assassiner. Celle-ci est reconnue coupable de meurtre avec préméditation et condamnée à la prison à perpétuité, sans tenir compte du fait que la loi américaine a reconnu récemment les violences conjugales comme une circonstance atténuante. Les réflexions sur les raisons qui ont poussé cette jeune femme à demeurer avec cet époux violent sont mêlées à une histoire de réforme d’une faculté de droit conservatrice et sclérosée. Le mari, professeur de droit, était très soutenu par ses collègues mâles. À l’issue du livre, l’espoir d’un jugement plus équitable pour la meurtrière est associé au réveil politique des étudiants de la faculté, amenés par l’enseignement éclairé de Fansler et ses amis à réviser leurs positions conservatrices et leurs préjugés sexistes.

    La violence contre les femmes, et le sort réservé à une femme battue qui tue son partenaire violent sont également au centre du récent livre de Ruth Rendell, Il n’y a pas de mal [4]. En juxtaposant ces deux livres, on apprend que, contrairement aux Américains, les Britanniques n’accordent pas de circonstances atténuantes aux femmes victimes de violences conjugales qui tuent leur partenaire. On apprend aussi qu’au Royaume-Uni comme aux USA (et en France, mais on en parle rarement), les brutalités contre les femmes ne sont nullement limitées aux couches populaires, et peuvent avoir lieu derrière les volets clos des villas des beaux quartiers. Cependant, l’univers décrit par Rendell est fort différent du monde dépeint par Cross. Si le New York de Cross est une ville étonnamment paisible, Kingsmarkham, la petite ville anglaise de Rendell, est un univers social en pleine désintégration. Rendell décrit avec compassion, mais sans complaisance, des vies sordides, des trajectoires interrompues, des actes illogiques, une violence souvent gratuite, faite de petite délinquance et de grande souffrance, et les tentatives pathétiques pour construire de petits îlots d’ordre au milieu du chaos afin de retrouver occasionnellement la chaleur humaine, la solidarité et l’espoir.

    • Rendell et l’engagement féministe : un combat avant tout « social »

    Pour comprendre l’attitude de Rendell envers les violences contre les femmes, il faut remonter aux racines de ses réflexions féministes qui apparaissent pour la première fois dans Une vie endormie en 1978, et sous une forme plutôt critique [5]. Sylvia, la fille aînée de l’inspecteur Wexford, le héros de la plupart des polars de Rendell, traverse une crise dans son mariage. Mariée très jeune, mère de famille menant une existence aisée auprès d’un mari architecte, elle découvre le féminisme, et refuse d’être cantonnée dans le rôle d’une « simple ménagère ». Wexford, heureux dans un mariage très traditionnel, trouve ses complaintes ridicules, ses discours enflammés sur l’esclavage domestique des femmes déplacés sinon franchement ridicules, ses critiques incessantes de sa mère fort irritantes, et son attitude proche de celle d’une petite fille gâtée, une opinion que semble partager Rendell. Cependant, le roman s’attaque en même temps à l’un des thèmes chers aux féministes : les avantages de la possession d’un corps mâle. Une femme qui réussit à « passer » pour un homme améliore considérablement sa position dans la vie. Elle a plus de liberté, des facilités d’emploi, elle est plus estimée, et, en outre, elle rajeunit. Dans un passage-clé du livre, Wexford explique que notre perception de l’âge dépend souvent de son sexe : « L’air de jeunesse d’une femme dépend avant tout de l’absence de rides. Ici, comme partout ailleurs, nous utilisons un double standard. Quel âge as-tu, Mike ? Une quarantaine ? Mets une perruque et un maquillage et tu auras immédiatement l’air d’une vieille loque, mais coupe les cheveux d’une femme de ton âge, habille-la dans un costume d’homme, et elle pourra très facilement passer pour un homme de trente ans. »

    Une vingtaine d’années et de nombreux polars plus tard, Rendell a enrichi considérablement l’étendue des problèmes sociaux présents dans ses livres. Elle discute de questions telles que l’immigration et le chômage, des conflits entre communautés ethniques, du racisme ou des conséquences des changements des mœurs sexuelles. Parallèlement, elle a approfondi le personnage de Sylvia Wexford. Cette dernière dépasse le stade de la plainte, reprend des études et devient assistante sociale, et volontaire dans un centre pour femmes battues. Ses convictions féministes, toujours aussi fortes, sont maintenant fondées sur une observation directe du sort de nombreuses femmes. Grâce à Sylvia, l’inspecteur Wexford devient lui aussi plus sensible à l’oppression des femmes, thème qui se trouve au centre de ses investigations. Dans Semisola, par exemple, il apprend que certaines femmes de ménage étrangères sont maintenues dans les conditions d’un véritable esclavage. Dans Pas de dégâts visibles, il se rend compte que la police est impuissante face au violences domestiques [6].

    Chez Cross, la femme battue plonge dans la dépression après l’assassinat de son mari. L’univers idéalisé de Cross s’accorde mal avec un bénéfice immédiat dû au crime, aussi légitime soit-il. Chez Rendell, la femme battue est libérée par son acte. En tuant son tortionnaire, elle est enfin capable de sortir de son cauchemar. Ce n’est pas un hasard si, dans le monde désenchanté de Kingsmarkham, dans lequel peu d’individus, et encore moins de femmes, atteignent l’équilibre et le bonheur, le chemin vers une vie un peu meilleure doit passer par un crime. Chez Rendell, ce chemin passe rarement par le bonheur conjugal.

    Si, en 1978, une femme devait littéralement changer de corps, ce n’est plus nécessaire en 2000. Les femmes peuvent choisir des styles de vie très divers, et l’on voit apparaître de nombreuses « femmes nouvelles ». Pas d’« hommes nouveaux », en revanche. Dans les polars de Rendell, ils affichent une masculinité tout à fait traditionnelle. Il est peu étonnant que nombre de femmes décrites par Rendell vivent seules. Leur vie n’est pas dépourvue de joie, mais elle est souvent difficile. À l’aube du xxie siècle aussi, il est toujours plus avantageux d’être un homme. Quant au féminisme militant – tel que représenté par Sylvia et ses amies par ailleurs tout à fait conscientes de la faiblesse de leurs contributions –, il est indispensable, puisqu’il permet de sauver certaines femmes du désespoir. Dans le monde adouci d’Amanda Cross, le féminisme, par un tour de passe-passe magique, induit le revirement rapide d’une situation difficile. Dans l’univers réaliste et désabusé de Ruth Rendell, le féminisme ne peut que colmater quelques brèches et parer au plus urgent. On est très loin de la revendication féministe de changer le monde. Pour trouver les traces d’une telle aspiration dans un polar d’inspiration féministe, il faut revenir bien en arrière, au Gaudy Night (La nuit de fête) de Dorothy Sayers, publié en 1935.

    • Une idée subsersive : les femmes peuvent être des humains à part entière

    Sayers n’était nullement une féministe militante, mais les événements de sa vie l’ont amenée à se pencher sur la condition féminine. Mère célibataire, puis mariée avec un homme qui rencontrera des problèmes psychiatriques graves, elle a pu mesurer les obstacles qui se dressent devant une femme intelligente et courageuse mais dépourvue de fortune ou d’une grande beauté. Le thème de l’inégalité entre les sexes apparaît en pointillé dans nombre de ses polars, mais il est au centre d’un seul livre : Gaudy Night [7].

    Ce thème apparaît sous la forme du dilemme de l’héroïne, Harriet Wane, qui ne parvient pas à se décider à épouser Lord Peter Whimsey, pourtant « très bien à tous égards ». Elle craint que même dans les meilleures conditions, le mariage ne détruise la liberté de la femme en ne laissant intacte que celle de l’homme. Ses hésitations se déroulent sur fond de collège féminin à Oxford, microcosme offrant d’excellentes opportunités pour esquisser de nombreux portraits de femmes, enseignantes, étudiantes, anciennes étudiantes, personnel de service, et montrer quelles sont les possibilités offertes aux femmes et l’usage qu’elles en font. La description de la vie du Shrewsbury College est fort réaliste. On y trouve, parmi les enseignantes, des frustrées, des femmes jalouses, des auteures médiocres de travaux bâclés, et même les meilleures ne sont pas exemptes de défauts. Pourtant, le tableau dépeint dans Gaudy Night a un potentiel subversif considérable. Sayers y décrit une communauté – imparfaite, et donc vivante – de femmes qui n’ont aucun besoin des hommes pour définir leur identité humaine et professionnelle. Les hommes existent, certes, mais ils sont cantonnés à la périphérie de leur univers. Ils peuvent être utiles, amusants, vexants, intéressants ou stimulants, mais ils ne sont jamais indispensables. Sayers ne nie nullement l’existence des pulsions sexuelles – et elle décrit la sexualité comme une activité fort agréable – mais elle ajoute qu’on peut la remplacer par d’autres plaisirs du corps et de l’âme. Le meilleur remède aux peines de cœur, son héroïne Harriet Wane l’explique, c’est d’avoir un travail intéressant, une activité physique et suffisamment d’argent pour des loisirs de qualité. La conclusion, qui apparaît en filigrane, est que les rapports de force entre les hommes et les femmes étant ce qu’ils sont, se passer de sexualité est souvent un choix bien sage.

    Des polars récents ont décrit des femmes expertes en judo ou en loi pénale, confrontées aux malheurs d’autres femmes dans les bidonvilles ou dans les beaux quartiers, qui prêchent le féminisme ou le pratiquent en militant pour la cause des femmes. La porté radicale de leur message est pourtant bien moindre que celui véhiculé par Gaudy Night. Sayers y décrit d’une manière convaincante un monde dans lequel les femmes s’épanouissent uniquement grâce à leur intelligence, leur sens de l’humour, leur rigueur morale, leur soif de connaissance, et avant tout l’amitié et le soutien d’autres femmes. Dans un tel univers, les femmes ne se sentent pas obligées de rechercher leur légitimité et la reconnaissance chez des individus du sexe masculin. Elles ne tentent pas de les imiter et n’éprouvent guère le besoin de se définir, positivement ou négativement, par rapport aux hommes. Dorothy Sayers nous laisse ainsi entrevoir la possibilité d’un avenir dépourvu des privilèges liés à une masculinité hégémonique, une perspective qui peut paraître menaçante à beaucoup d’hommes et sans doute aussi à un certain nombre de femmes. •

     

    http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=MOUV&ID_NUMPUBLIE=MOUV_015&ID_ARTICLE=MOUV_015_0048

  • Catégories : Les Lumières

    Les Lumières, des idées pour demain

     

     

    J'ai lu un hors série de Télérama qui porte ce titre mais je n'en ai pas trouvé le texte sur le web alors je vous propose de parcourir une partie de  l'exposition que la BNF a consacrée à "L'esprit des Lumières":

    medium_diderot.jpgDès la première moitié du XVIIIe siècle, surgissent partout en Europe des idées nouvelles qui, à travers la métaphore de la lumière évoquent le passage de l’obscurantisme à une pensée et une action libres, éclairées par la raison, qui est donnée en partage à tous les hommes de la terre.

     

    Il faut secouer le joug de l’autorité et "oser penser par soi-même"  (Diderot).

     

    "Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières" (Kant).

     

    Le mouvement des Lumières n’a pu s’engager qu’à l’intérieur du cadre européen, il a en même temps contribué à le constituer : "Il n’y a plus aujourd’hui de Français, d’Allemands, d’Espagnols, d’Anglais même, quoi qu’on en dise ; il n’y a que des Européens". (Rousseau).

     Aufklärung en Allemagne, Illuminismo en Italie, Enlightenment en Angleterre : la pensée des Lumières joue un rôle fondateur de la conscience européenne. L’Europe des Lumières est un espace à la fois un et multiple, où circulent librement les idées.

     

    En même temps, la pensée des Lumières est portée par des individus qui, loin de se sentir d’accord entre eux, passent leur temps en âpres discussions. Les Lumières naissent de cette confrontation. Emerge toutefois un esprit commun où s’affirment la liberté de l’individu et la souveraineté du peuple

     

    De nouveaux principes régulateurs accompagnent cette émancipation de la volonté : les hommes, appartenant à la même espèce, possèdent des droits inaliénables ; à travers leurs actes, ils recherchent le bien-être humain.

    http://expositions.bnf.fr/lumieres/expo/salle1/index.htm

  • Catégories : Lamartine Alphonse de

    Alphonse de Lamartine:"La prière"

    Le roi brillant du jour, se couchant dans sa gloire,
    Descend avec lenteur de son char de victoire.
    Le nuage éclatant qui le cache à nos yeux
    Conserve en sillons d'or sa trace dans les cieux,
    Et d'un reflet de pourpre inonde l'étendue.
    Comme une lampe d'or, dans l'azur suspendue,
    La lune se balance aux bords de l'horizon ;
    Ses rayons affaiblis dorment sur le gazon,
    Et le voile des nuits sur les monts se déplie :
    C'est l'heure où la nature, un moment recueillie,
    Entre la nuit qui tombe et le jour qui s'enfuit,
    S'élève au Créateur du jour et de la nuit,
    Et semble offrir à Dieu, dans son brillant langage,
    De la création le magnifique hommage.
    Voilà le sacrifice immense, universel !
    L'univers est le temple, et la terre est l'autel ;
    Les cieux en sont le dôme : et ces astres sans nombre,
    Ces feux demi-voilés, pâle ornement de l'ombre,
    Dans la voûte d'azur avec ordre semés,
    Sont les sacrés flambeaux pour ce temple allumés :
    Et ces nuages purs qu'un jour mourant colore,
    Et qu'un souffle léger, du couchant à l'aurore,
    Dans les plaines de l'air, repliant mollement,
    Roule en flocons de pourpre aux bords du firmament,
    Sont les flots de l'encens qui monte et s'évapore
    Jusqu'au trône du Dieu que la nature adore.
    Mais ce temple est sans voix. Où sont les saints concerts ?
    D'où s'élèvera l'hymne au roi de l'univers ?
    Tout se tait : mon coeur seul parle dans ce silence.
    La voix de l'univers, c'est mon intelligence.
    Sur les rayons du soir, sur les ailes du vent,
    Elle s'élève à Dieu comme un parfum vivant ;
    Et, donnant un langage à toute créature,
    Prête pour l'adorer mon âme à la nature.
    Seul, invoquant ici son regard paternel,
    Je remplis le désert du nom de I'Eternel ;
    Et celui qui, du sein de sa gloire infinie,
    Des sphères qu'il ordonne écoute l'harmonie,
    Ecoute aussi la voix de mon humble raison,
    Qui contemple sa gloire et murmure son nom.
    Salut, principe et fin de toi-même et du monde,
    Toi qui rends d'un regard l'immensité féconde ;
    Ame de l'univers, Dieu, père, créateur,
    Sous tous ces noms divers je crois en toi, Seigneur ;
    Et, sans avoir besoin d'entendre ta parole,
    Je lis au front des cieux mon glorieux symbole.
    L'étendue à mes yeux révèle ta grandeur,
    La terre ta bonté, les astres ta splendeur.
    Tu t'es produit toi-même en ton brillant ouvrage ;
    L'univers tout entier réfléchit ton image,
    Et mon âme à son tour réfléchit l'univers.
    Ma pensée, embrassant tes attributs divers,
    Partout autour de soi te découvre et t'adore,
    Se contemple soi-même et t'y découvre encore
    Ainsi l'astre du jour éclate dans les cieux,
    Se réfléchit dans l'onde et se peint à mes yeux.
    C'est peu de croire en toi, bonté, beauté suprême ;
    Je te cherche partout, j'aspire à toi, je t'aime ;
    Mon âme est un rayon de lumière et d'amour
    Qui, du foyer divin, détaché pour un jour,
    De désirs dévorants loin de toi consumée,
    Brûle de remonter à sa source enflammée.
    Je respire, je sens, je pense, j'aime en toi.
    Ce monde qui te cache est transparent pour moi ;
    C'est toi que je découvre au fond de la nature,
    C'est toi que je bénis dans toute créature.
    Pour m'approcher de toi, j'ai fui dans ces déserts ;
    Là, quand l'aube, agitant son voile dans les airs,
    Entr'ouvre l'horizon qu'un jour naissant colore,
    Et sème sur les monts les perles de l'aurore,
    Pour moi c'est ton regard qui, du divin séjour,
    S'entr'ouvre sur le monde et lui répand le jour :
    Quand l'astre à son midi, suspendant sa carrière,
    M'inonde de chaleur, de vie et de lumière,
    Dans ses puissants rayons, qui raniment mes sens,
    Seigneur, c'est ta vertu, ton souffle que je sens ;
    Et quand la nuit, guidant son cortège d'étoiles,
    Sur le monde endormi jette ses sombres voiles,
    Seul, au sein du désert et de l'obscurité,
    Méditant de la nuit la douce majesté,
    Enveloppé de calme, et d'ombre, et de silence,
    Mon âme, de plus près, adore ta présence ;
    D'un jour intérieur je me sens éclairer,
    Et j'entends une voix qui me dit d'espérer.
    Oui, j'espère, Seigneur, en ta magnificence :
    Partout à pleines mains prodiguant l'existence,
    Tu n'auras pas borné le nombre de mes jours
    A ces jours d'ici-bas, si troublés et si courts.
    Je te vois en tous lieux conserver et produire ;
    Celui qui peut créer dédaigne de détruire.
    Témoin de ta puissance et sûr de ta bonté
    J'attends le jour sans fin de l'immortalité.
    La mort m'entoure en vain de ses ombres funèbres,
    Ma raison voit le jour à travers ces ténèbres.
    C'est le dernier degré qui m'approche de toi,
    C'est le voile qui tombe entre ta face et moi.
    Hâte pour moi, Seigneur, ce moment que j'implore ;
    Ou, si, dans tes secrets tu le retiens encore,
    Entends du haut du ciel le cri de mes besoins ;
    L'atome et l'univers sont l'objet de tes soins,
    Des dons de ta bonté soutiens mon indigence,
    Nourris mon corps de pain, mon âme d'espérance ;
    Réchauffe d'un regard de tes yeux tout-puissants
    Mon esprit éclipsé par l'ombre de mes sens
    Et, comme le soleil aspire la rosée,
    Dans ton sein, à jamais, absorbe ma pensée.

  • Catégories : Des poèmes

    Pindare,Odes pythiques

    J'ai déjà évoqué Pindare dans UNE note Poètes mais comme il est question de ses "Odes pythiques" dans "Le cercle magique" (de Katherine Neville), j'ai décidé de leur consacrer une note grâce au lien suivant:http://remacle.org/bloodwolf/poetes/falc/pindare/Introduction.htm

     

    LES PYTHIQUES 

     

     

     

    Les Jeux Pythiques

     

       

    Les Jeux Pythiques ou Delphiques venaient tout de suite après les Jeux olympiques par ordre d'importance aux yeux des Grecs. Ils se tenaient deux ans après les Jeux d'Olympie, et se déroulaient tous les quatre ans au deuxième mois du calendrier delphique en plein milieu de l'été. La légende raconte que ces Jeux avaient été créés à Delphes sur l'initiative d'Apollon lui-même, dès qu'il eut établi son sanctuaire et institué l'oracle à l'emplacement où il avait tué le serpent Python. À l'origine, Apollon étant le dieu musicien par excellence, ces jeux étaient tout entier consacrés au chant avec accompagnement de cithare. À ce propos, circulait en Grèce une anecdote (que nous a rapportée Pausanias), selon laquelle Homère et Hésiode auraient tenté de participer aux compétitions, mais en vain, parce que l'on reprochait à l'un d'être aveugle et à l'autre d'être un piètre citharède. En 590, on joignit à cette vénérable épreuve musicale un concours de flûte solo (aulétique) ainsi que le récital d'une cantate avec accompagnement de flûte (aulodie).

        Ce n'est que vers 582, après une période de troubles (Guerre sacrée de 594), que ces jeux se tinrent de façon régulière et s'enrichirent d'une série d'épreuves athlétiques : lutte, pugilat, pancrace, javelot, lancement du disque, course. Mais c'est la course de chevaux, qui était la grande attraction de ces fêtes, car elle se déroulait dans un site magnifique au pied du Parnasse. Comme à Olympie, le vainqueur recevait une couronne. Celle-ci était tressée de laurier, l'arbre favori d'Apollon. De plus, la victoire donnait droit à l'athlète de consacrer au dieu sa statue en guise d'ex-voto : d'ailleurs, comment ne pas évoquer ici la seule statue représentant un de ces vainqueurs au quadrige que l'on a retrouvé grâce à des fouilles et qu'on appelle communément l' « Aurige de Delphes ». Datant de 474, cette merveilleuse statue est exactement contemporaine de l'activité poétique de Pindare : et peut-être, se pourrait-il que notre poète l'ait admirée quand, de séjour dans le sanctuaire, il allait flâner le long de la voie sacrée ?

     

     

    Les Pythiques de Pindare

     

        Ce recueil de 12 poèmes célèbre dès son ouverture une victoire de Hiéron de Syracuse, dont on sait qu'il fut l'un des grands commanditaires de Pindare. Cette Ière Pythique est à juste titre considérée comme le chef-d'œuvre absolu du poète, celle que l'on considère comme la plus aboutie. La troisième ode n'est pas vraiment une Pythique, ni même une ode triomphale, mais une épître destinée à Hiéron malade. La IVème Pythique, dédiée au roi Arcésilas de Cyrène pour sa victoire au quadrige, est également une œuvre maîtresse de Pindare. D'autres éloges sont consacrés à Xénocrate d'Agrigente, telle la VIème Pythique, à l'Athénien Mégaclès, mais aussi à des athlètes d'un moindre niveau social (mais appartenant tout de même à des familles aristocratiques !). Parmi les dédicataires de ces odes, citons le joueur de flûte Midas (XIIème Pythique) ou le lutteur Aristoménès (VIIIème Pythique). Ces compositions sont facilement datables, puisque, comme pour les Olympiques, nous avons conservé les listes officielles.

      

     

    Pythique X

    498

    Pythiques VI et XII

    490

    Pythique VII

    486

    Pythique II

    475

    Pythiques IX et XI

    474

    Pythique III

    473

    Pythique I

    470

    Pythiques IV et V

    462

    Pythique VIII

    446

     

     

    PYTHIQUE VI

    Pour Xénocrate d'Agrigente, 

    Vainqueur au quadrige

    PYTHIQUE VII

    À Mégaclès d'Athènes,

    Vainqueur au quadrige
    PYTHIQUE X

    Pour Hippocléas, Thessalien,

    Vainqueur à la course diaulique

    PYTHIQUE XI

    Pour le jeune Thrasidée de Thèbes,

    Vainqueur à la course

    PYTHIQUE XII

    À Midas d'Agrigente,

    Joueur de flûte

     

     

     PYTHIQUE VI

     

    Pour Xénocrate d'Agrigente, 

    Vainqueur au quadrige

     

     

     

    Strophe 1

    Écoutez ! C'est le champ d'Aphrodite

           Aux yeux vifs et des Charites

    Que nous labourons, tandis qu'au nombril de la mugissante

    Terre, vers le temple, nous nous dressons ;

    Louant la victoire pythique, pour les riches Euménides,

    Pour l'humide Agrigente, enfin, pour Xénocrate,

    J'offre ce cortège d'hymnes qui, à la profusion d'or

    De l'Apollinienne vallée, se mêle, inaltérable.

     

    Strophe 2

    Sur lui, ni l'orageuse pluie, monstrueuse,

           Ni le vacarme des nuées

    Dans leurs bataillons cruels, ni le vent ne pourront jusqu'aux gouffres

    Maritimes les mener, malgré tous les débris

    Qui viendraient l'affecter. Brillante, pure, sa façade

    Dira, tout comme de ton père, Thrasybule, de sa race,

    Aux hommes, l'illustre victoire au quadrige,

    Ce triomphe au vallon de Crisa !

     

    Strophe 3

    Tenant le rêne, à ta droite, tu conduis,

           Debout, le Précepte

    Qu'autrefois, sur les monts, au magnifique

    Fils de Phylire, au fils de Pelée, loin de vos parents,

    Rappelait ceci : « Puissamment, le Cronide,

    Dont la voix rauque décoche éclairs et foudre,

    Lui, parmi tous les dieux, honore-le : mais, de cette célébration,

    N'oublie jamais tes parents tout le temps qui leur reste de vie. »

     

    Strophe 4

    Jadis aussi, Antilochos le fort

           Était mû par ce sentiment,

    Lui qui mourut pour son père en affrontant

    Le tueur d'hommes, le chef  des Éthiopiens,

    Memnon. Le cheval nestoréen, clouant son char sur la place,

    Il fut blessé par les coups de Pâris, brandissant

    Son épée : le vieillard messénien

    Éperdu, implora le secours de son fils,

     

    Strophe 5

    Sa parole ne s'éteignant que lorsqu'il fut à terre !

          Face au péril, le héros divin

    Vengea par son trépas le salut de son père,

    Devenant, pour les siècles à venir,

    Au regard de la jeunesse, par son exploit sublime,

    L'indéfectible modèle de vaillance filiale.

    Mais ce temps est révolu ! Aujourd'hui, Thrasybule

    Marche, brillant, sur les voies paternelles :

     

    Strophe 6

    Il imite son oncle dans ses vertus splendides ;

          Humblement, il goûte à sa richesse,

    Ne cueillant ni l'injustice, ni l'intempérance au cœur de sa jeunesse,

    Mais la vertu au fond de l'antre des Piérides.

    Et toi, Trembleur de terre, toi qui préludes aux jeux équestres,

    De toute son âme, Poséidon, il t'aime,

    Et son commerce exquis, au milieu des banquets,

    Est plus suave encore que l'œuvre ajourée des abeilles.

     

     

     

     

     

     

    PYTHIQUE VII

      

    À Mégaclès d'Athènes,

    Vainqueur au quadrige

     

     

     

    Strophe

    Le plus beau prélude

    - Athènes l'immense - pour honorer cette race grandiose,

    Les Alcmanides, auxquels je dresse une ode à leur quadrige.

    Y a-t-il un pays, une famille, dont la renommée

    Soit la plus éclatante

    À jeter à la face des Grecs ?

     

    Antistrophe

    Car toutes les cités connaissent

    Les hommes d'Érechthée, qui, ô Apollon, pour toi,

    Ont bâti ta demeure dans la sainte Pytho, merveille !

    Vois : cinq victoires dans l'Isthme me guident, comme celle, splendide,

    Au Zeus de l'Olympique,

    Deux triomphes à Cyrrha,

     

    Épode

    Ô Mégaclès,

    Enfin, celles de vos ancêtres !

    Et ton succès nouveau me grise. Cependant, je suis triste,

    Car l'exploit engendre l'envie. Mais ne dit-on pas

    Qu'ainsi vont les choses, que, trop proche de l'homme,

    Le bonheur qui rayonne apporte l'un, apporte l'autre ?

     

     

     

     

     

    PYTHIQUE X

     

      

     

    Pour Hippocléas, Thessalien,

    Vainqueur à la course diaulique

     

     

    Strophe 1

    Ô belle Lacédémone,

    Ô heureuses vallées de Thessalie !

    Sur vous deux, la race issue

    D'un même père, le bienveillant Héraclès, règne.

    Aurais-je retardé ma louange ? Mais Pytho

    Et Pélinnéon m'ont fait part de leurs vœux,

    Les enfants d'Aléas aussi, qui veulent d'Hippocléas

    Glorifier la prouesse par des chants de victoire.

     

    Antistrophe 1

    Il se livre aux jeux :

    Et le cortège assemblé dans le val parnassien

    L'a proclamé vainqueur au diaule des garçons.

    Apollon, finitude des hommes, et leur commencement aussi,

    Est ébloui quand le sort leur concède la gloire.

    Oui, c'est bien grâce à toi qu'il a triomphé,

    Succédant aux exploits accomplis par son père,

     

    Épode 1

    Vainqueur deux fois à Olympie aux armes

    Belliqueuses d'Arès,

    Mais aussi sous les rochers de l'ombrageante Cyrrha,

    À la course, grâce à son pied agile, lui Phrikias !

    Qu'un destin bienveillant, pour ses jours futurs,

    Déploie la floraison lumineuse de ses richesses,

     

    Strophe 2

    Car, pour le bonheur de l'Hellade,

    Des dons divers leur ont été confiés ! Puissent-ils des Immortels

    Ne point subir les humeurs versatiles ! Puisse Zeus

    Leur être bienveillant ! Car heureux et digne des chants,

    Devient l'homme aux yeux des sages,

    Lui qui, par ses bras et ses pieds vainqueurs,

    A conquis par ses âpres efforts les plus belles couronnes.

     

    Antistrophe 2

    Et a vu, de son vivant,

    Son fils triompher à Pytho.

    Certes, les astres d'airain lui sont défendus,

    Mais toutes ces joies dont les mortels

    Disposent, ils les a ressenties

    Jusqu'à l'extrême ; hélas ! ni sur un vaisseau, ni sur la terre, on n'a jamais trouvé

    Des hyperboréens les routes fantastiques.

     

    Épode 2

    Chez ce peuple, seul Persée festoya, cet âme de chef :

    Il pénétra dans leurs maisons,

    Où se préparait l'hécatombe de superbes ânes

    Au dieu. Ces gens

    Et leurs acclamations plaisent à Apollon,

    Qui sourit devant les troupeaux qui se débattent.

     

    Strophe 3

    La Muse n'est point absente

    De leur vie : chez eux, partout les chœurs de jeunes filles,

    Le charme des lyres et l'aigu des flûtes se mêlent ;

    Du laurier d'or ils couronnent leur front,

    Et ils font bonne chère.

    Jamais la maladies, ni la vieillesse ne souillent

    Cette race sacrée. Loin des rudes labeurs, des guerres,

     

    Antistrophe 3

    Ils sont préservés

    De l'âpre Vengeance. Et c'est d'un cœur vaillant

    Que, jadis, arriva le fils de Danaé, guidé par Athéna,

    Chez ces bienheureux.

    C'est là qu'il tua Gorgone, et revint,

    En ayant rapporté la tête sanglante, remplie de serpents,

    Et pétrifiante pour les Iliens. Pour moi,

     

    Épode 3

    Lorsque les dieux font de tels actes, rien de sublime

    Ne saurait m'étonner.

    Mais, ô Muse, cesse de ramer, jette l'ancre ! Plante-la dans le sol,

    Évite ainsi les écueils.

    Car la splendeur de mes hymnes festifs

    Butine de fleur en fleur, comme l'abeille.

     

    Strophe 4

    Et si, repris par les gens d'Éphyros,

    Mon chant pénètre sur les rives de Penée, suave,

    J'espère donner de l'éclat à Hippocléas par ces odes,

    Pour ses couronnes, auprès

    Des jeunes gens, des vieillards ou des jeunes vierges.

    Et tous, leur cœur s'embrase pour ceci ou cela.

     

    Antistrophe 4

    Mais que chacun, après tant de soupirs,

    Grâce à la chance, puisse atteindre un bonheur accessible.

    Mais ce qui surviendra dans un an est aléatoire.

    Moi, j'apprécie l'amitié douce

    De Thorax, qui s'est empressé, ô joie,

    De prendre les rênes du char des Piérides,

    Lui qui aime celui qui l'aime, hospitalier à ceux dont il fut l'hôte.

     

    Épode 4

    L'or se révèle au caillou qui l'effleure,

    Une belle âme aussi !

    Ses frères, nous les louerons, ces êtres généreux,

    Car ils ont levé très haut les lois du pays thessalien,

    Les magnifiant ; oui, c'est aux Meilleurs qu'échoient,

    Par leur rigueur, les suprêmes gouvernances des cités.

     

     

     

     

     

     

    PYTHIQUE XI

     

    Pour le jeune Thrasidée de Thèbes,

    Vainqueur à la course

     

     

  • Catégories : La littérature

    Jean Genet, un captif amoureux

    par Baptiste Liger
    Lire, octobre 2006

     Dans l'œuvre de Genet, son homosexualité est exposée avec sensualité et crudité.

    Il serait culotté de résumer l'écriture de Jean Genet au titre de son unique incursion cinématographique: Un chant d'amour. Pourtant, derrière la violence, la rébellion et l'évocation des parias, l'auteur des Bonnes n'a peut-être rien chanté d'autre. Dans ce film mythique, Genet nous met à la place d'un gardien de prison, voyeur, épiant deux détenus, face à leur désir, et dont les mouvements sont autant de pulsions sexuelles. Cru dans son regard sur les corps, le septième art a permis à Genet d'expliciter sans fard ses goûts amoureux, largement présents dans ses pièces, poèmes ou romans. Gosse de l'Assistance né en 1910, il grandit dans une famille du Morvan et, très jeune, se prend de passion pour le vol et la gent masculine, que ce soit pour ses jeunes camarades d'école - Louis Cullafroy, évoqué dans Notre-Dame-des-Fleurs, et le dénommé Querelle - ou de solides gaillards égarés. Elève (presque) modèle, il connaît la compagnie des hommes dans les geôles, qu'il fréquente dès l'âge de quinze ans suite à des fugues et différents larcins. Son expérience à la colonie pénitentiaire agricole de Mettray, où il reste jusqu'en 1928, est déterminante pour sa sexualité, sa passion pour les rapports de domination et de soumission via la captivité.

    Aussitôt sorti, Genet s'engage dans la Légion étrangère, afin d'être dans un milieu viril et de voyager en Orient. Mais l'envie de fugue et de vol est trop forte: il ne cesse de déserter et de chiper (des livres, souvent), se fait condamner - une quête inconsciente de punition? - avant de parcourir l'Europe. Alors qu'il est incarcéré à Paris, en 1942, il publie son poème Le condamné à mort, puis ses romans Notre-Dame-des-Fleurs et Miracle de la rose. Cocteau, qui n'est pas insensible à l'homo-érotisme de cette prose à la fois brute et lyrique, l'aide à être libéré en 1944. Si on évoque souvent la férocité de la critique sociale, l'œuvre à venir est obsédée par cette homosexualité allégorique - songez à ce fait en relisant Les bonnes - ou bien plus explicite. Sous couvert de critique de la discrimination pour couleur de peau, sa sulfureuse pièce Les Nègres distille un évident désir pour les éphèbes à peau d'ébène. Le soutien de Genet aux Black Panthers ne serait-il pas influencé par cette attirance? Et l'amour? Genet s'entiche en 1955 du jongleur Abdallah Bentaga, qui se suicide neuf ans plus tard, après que Genet l'a quitté. L'écrivain jure alors qu'il n'écrira plus. Enième fugue, il ne tiendra pas cette promesse.

    http://www.lire.fr/enquete.asp/idC=50487/idR=200

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  • Catégories : La littérature

    Goethe, "West-östlicher Diwan", "Le Divan", (traduction Henri Lichtenberger)

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    "Celui qui se connaît lui-même et les autres

     

     

    Reconnaîtra aussi ceci :

     

    L'Orient et l'Occident ne peuvent plus être séparés.

     

    Heureusement entre ces deux mondes

     

    Se bercer, je le veux bien ;

     

    Donc aussi entre l'Est et l'Ouest

                                    

    Se mouvoir, puisse cela profiter!"

     

     

    Goethe, West-östlicher Diwan, Le Divan, (traduction Henri Lichtenberger)

  • Catégories : Novalis(Friedrich Leopold, Freiherr von Hardenberg

    Novalis, "Hymnes à la nuit, I"

    Est-il quelque être vivant, de sens doué, qui ne chérisse avant toutes les apparitions magiques de l’espace autour de lui largement éployé, la toute réjouissante lumière, avec ses couleurs, ses rayons et ses ondes, et sa douce omniprésence, le jour donneur d’éveil ? Elle est comme l’âme très profonde de la vie, que respire le monde immense des constellations infatigables – et il se plonge et danse dans son torrent d’azur ; c’est elle que respire la roche étincelant dans son éternel repos, et la plante qui médite et qui puise, et l’animal multiforme, ardent, sauvage – mais plus que tout autre encore, le royal Étranger au regard plein de pensée, au pas léger, avec ses lèvres doucement closes, riches de musique. Pareille à une reine de la terrestre nature, elle appelle toute puissance à d’infinies métamorphoses, elle noue et délie d’innombrables liens ; sa divine image autour de chaque existence terrestre se suspend. Elle n’a qu’à paraître, et les empires du monde découvrent leur magique splendeur.

          Mais moi je me tourne vers la Nuit sacrée, l’ineffable, la mystérieuse Nuit. Là-bas gît le monde, au creux d’un profond sépulcre enseveli – vide et solitaire est sa place. Aux cordes du cœur bruit la profonde mélancolie. Que je tombe en gouttes de rosée, que je m’unisse à la cendre ! Lointains du souvenir, vœux de la jeunesse, rêves de l’enfance, de toute une longue vie l’inutile espérance et les brèves joies se lèvent dans leurs vêtements gris, pareils à la brume du soir quand le soleil s’est couché. Ailleurs, dans d’autres espaces, la lumière a déployé ses tentes d’allégresse. Pourrait-elle ne retourner jamais vers ses fils qui l’attendent avec la foi de l’innocence ?

         Qu’est-ce donc tout à coup, dans le tréfonds du cœur, qui sourd mystérieusement et dissipe la molle atmosphère de tristesse ? Trouverais-tu toi aussi quelque joie en nous, sombre Nuit ? Que tiens-tu sous ton manteau qui pénètre jusqu’à mon âme avec une souveraine puissance ? Précieux est le baume qui, des pavots en gerbe issu, coule de ta main goutte à goutte ! Les lourdes ailes de l’âme, c’est toi qui délivres leur essor. Obscurément, indiciblement nous nous sentons touchés ; tout saisi de peur et de joie, je vois un visage plein de gravité qui doucement, pieusement sur moi se penche, et sous les boucles à l’infini mêlées, me dévoile la chère jeunesse de la Mère.

          Ah ! que la lumière maintenant me paraît pauvre et puérile, que joyeux et béni le départ du jour ! Ainsi, c’est seulement parce que la Nuit éloigne de toi tes fidèles, que tu semas aux profondeurs de l’espace les sphères étincelantes, pour annoncer ta toute-puissance et ton retour – au temps de ton absence ? Ah ! plus divins que toutes les étoiles éclatantes nous paraissent les yeux sans nombre que la Nuit fit s’ouvrir en nous ! Ils voient plus loin que les plus pâles d’entre ces légions infinies. Sans le secours de la lumière, leur regard traverse les profondeurs d’une âme aimante, comblant les régions suprêmes de l’espace d’une indicible volupté. Louange à la Reine du monde, à la haute annonciatrice des mondes sacrés, à la gardienne du bienheureux amour ! C’est vers moi qu’elle t’envoie – tendre bien-aimée – cher soleil de la Nuit – maintenant je veille, car je suis tien et mien – tu m’as révélé la Nuit : ma vie – tu m’as fait homme – brûle mon corps au feu spirituel, que devenu léger comme l’air à toi plus profondément je m’unisse et que notre nuit nuptiale dure l’éternité !

    http://jm.saliege.com/roud2.htm

  • Lawrence d'Arabie

     

    Thomas Edward Lawrence (16 août 1888 - 19 mai 1935), également connu sous le nom de Laurence d’Arabie (Lawrence of Arabia), ou encore — parmi ses compagnons arabes — Aurens ou Al-Aurens, est un archéologue, officier, aventurier et écrivain britannique. Il accéda à la notoriété en tant qu'officier de liaison britannique durant la Révolte arabe de 1916 à 1918. L'immense écho que connut son action pendant ces années et après est due tant aux reportages du journaliste américain Lowell Thomas qu’à son autobiographie Les sept piliers de la sagesse (Seven Pillars of Wisdom). T.E. Lawrence est resté très populaire parmi les Arabes pour avoir soutenu leur lutte pour se libérer des jougs ottomans et européens. De même, les Britanniques le considèrent comme un des plus grands héros militaires de leur pays. Un film a été tiré de sa vie en 1962, avec Peter O'Toole dans le rôle-titre : Lawrence d'Arabie.

    Lawrence naît à Tremadoc, Caernafonshire au Nord du Pays de Galles, de parents d’ascendance anglaise et irlandaise. Son père, Thomas Chapman, est un membre important de l’aristocratie irlandaise qui a quitté sa femme tyrannique afin de vivre avec la gouvernante de ses filles avec laquelle il eut cinq fils. De décembre 1891 jusqu'au printemps de 1894 il habite à Dinard et part pour Aigues Mortes à vélo.

    Lawrence suit des études au Jesus College à Oxford. Il obtient son diplôme avec mention après avoir rédigé une thèse intitulée L’influence des Croisades sur l’architecture militaire européenne à la fin du XIIe siècle (The influence of the Crusades on European Military Architecture - to the end of the 12th century).

    Il accepte une position post-doctorale sur la poterie médiévale, mais l’abandonne après s’être vu proposer un poste d’archéologue au Moyen-Orient. En décembre 1910, il part pour Beyrouth, qu'il quitte pour Jbail (Byblos). Il participe ensuite à l’excavation de Karkemish près de Jerablus au Nord de la Syrie, sous les ordres de D.G. Hogarth et R. Campbell-Thompson.

    À la fin de l’été 1911, il retourne au Royaume-Uni pour un bref séjour et, dès novembre, il repart pour le Moyen-Orient afin de travailler brièvement avec Williams Flinders Petrie à Kafr Ammar en Égypte. Il retourne à Karkemish travailler avec Leonard Woolley. Il continue à visiter régulièrement le Moyen-Orient afin d’y mener des fouilles jusqu’au début de la Première Guerre mondiale. Ses nombreux voyages en Arabie, sa vie avec les Arabes, à porter leurs habits, apprendre leur culture, leurs langue et dialectes, allaient s’avérer des atouts inestimables durant le conflit.

    En janvier 1914, sous couvert d’activités archéologiques, Wooley et Lawrence sont envoyés par l’armée britannique en mission de renseignements dans la péninsule du Sinaï. Lawrence visite notamment Aqaba et Petra. De mars à mai, Lawrence retourne travailler à Carchemish. Après l’ouverture des hostilités en août 1914, sur le conseil de S.F. Newcombe, Lawrence décide de ne pas s’engager immédiatement et attend octobre pour le faire.

    Une fois engagé, il est nommé au Caire où il travaille pour les services de renseignements militaires britanniques. La très bonne connaissance du peuple arabe de Lawrence en fait un agent de liaison idéal entre les Britanniques et les forces arabes. En octobre 1916, il est envoyé dans le désert afin de rendre compte de l’activité des mouvements nationalistes arabes. Durant la guerre, il combat avec les troupes arabes sous le commandement de Fayçal ibn Hussein, un fils du chérif de la Mecque Hussein qui mène une guérilla contre les troupes de l’Empire ottoman. La contribution principale de Lawrence à l’effort britannique consiste à convaincre les Arabes de coordonner leurs efforts afin d’aider les intérêts britanniques. Il persuade notamment les Arabes de ne pas chasser les Ottomans de Médine, forçant ainsi les Turcs à conserver de nombreuses troupes pour protéger la ville . Les Arabes harcèlent le chemin de fer du Hedjaz qui approvisionne Médine, immobilisant davantage de troupes ottomanes pour protéger et réparer la voie. En 1917, Lawrence organise une action commune entre les troupes Arabes et les forces de Auda Abu Tayi (jusqu’alors au service des Ottomans) contre le port stratégique d’Aqaba. Le 6 juillet, après une audacieuse attaque terrestre, Aqaba tombe aux mains des Arabes. En novembre, il est reconnu à Dara alors qu’il mène une mission de reconnaissance déguisé en Arabe et est vraisemblablement violé par des membres de la garnison turque. Il parvient malgré tout à s’échapper. Un an plus tard, le 1er octobre 1918, Lawrence participe à la prise de Damas.

    Parmi les Arabes, Lawrence adopte nombre de coutumes locales et devient bientôt ami du Prince Fayçal. Il devint connu pour porter des vêtements blancs et monter des chameaux et des chevaux dans le désert. Vers la fin de la guerre, il cherche à convaincre, sans succès, ses supérieurs de l'intérêt de l'indépendance de l'Arabie pour le Royaume-Uni

     

    Dans l’immédiat après-guerre, Lawrence travailla pour le Foreign Office et assista à la Conférence de paix de Paris entre janvier et mai 1919 en tant que membre de la délégation de Fayçal. Il fut ensuite conseiller de Winston Churchill au Colonial Office jusque vers la fin de 1921.

    À partir de 1922, il essaya de redevenir anonyme. Il s’engagea dans la Royal Air Force sous le nom de « Ross ». Il fut rapidement démasqué et dut quitter la RAF. Sous le pseudonyme de « Shaw », il s’engagea en 1923 dans le Royal Tank Corps. Cet engagement ne lui plaisant pas, il fit de multiples demandes pour rejoindre la RAF et y parvint finalement en août 1925. A la fin de l’année 1926, il fut assigné à une base en Inde et y resta jusque fin 1928, date à laquelle il fut obligé de rentrer au Royaume-Uni suite à des rumeurs d’espionnage. Il s’occupa ensuite des bateaux à grande vitesse au sein de la RAF ("Air Sea Rescue" pour le sauvetage des pilotes tombés en mer) et dû quitter à regret l’armée à la fin de son contrat en mars 1935. Quelques semaines plus tard, il fut tué lors d’un accident de moto dans le Dorset. Il avait 47 ans

    Au-delà du mythe, Lawrence d'Arabie reste l'un des officiers les plus influents dans le développement d'une doctrine insurrectionnelle au siècle dernier. En 1946, le général français Raoul Salan a mené plusieurs entretiens avec le Général vietnamien Vo Nguyen Giap qui a planifié et conduit les opérations militaires contre les Français jusqu’à leur défaite à la Bataille de Dien Bien Phu. Salan faisait partie d’une mission de négociation créée pour finaliser le retour de l’autorité française au Viêt Nam. Plus tard, il commandera le Corps expéditionnaire français au Viêt Nam du 20 mai 1951 jusqu’à mai 1953, et il a conduit la dernière action militaire réussie contre Hô Chi Minh : une offensive nommée opération Lorraine, le 11 octobre 1952, dans laquelle les forces de Salan ont balayé la vallée de la Rivière Rouge et les jungles du Nord-Viêt Nam. L’année suivante, il remettra son commandement au général Henri-Eugène Navarre, qui présidera au désastre de Dien Bien Phu. Giap disait:

    • "[…] Lawrence combinait la sagesse, l'intégrité, l'humanité, le courage et la discipline avec l'empathie, soit l'aptitude à s'identifier émotionnellement aussi bien avec les subordonnés qu'avec les supérieurs".

    Pendant ces entretiens de 1946, Salan a été frappé par l’influence d’un homme sur la pensée de Giap ; cet homme était Thomas Edward Lawrence. Giap a dit à Salan:

    L’essence de la théorie de la guérilla à laquelle se réfère Giap peut être trouvée à deux endroits. Le premier et le plus accessible n’est autre que les nombreuses éditions des Sept Piliers de la Sagesse, notamment le chapitre 33. Le deuxième est un article portant le titre " The Evolution of a Revolt ", publié en octobre 1920 dans le Army Quarterly and Defence Journal. Tous deux sont basés sur l’évaluation pratique et réfléchie par Lawrence de la situation à laquelle faisaient face les forces arabes dans la région du Hedjaz, au sein du désert saoudien, en mars 1917.

    Lawrence fut un auteur prolifique tout au long de sa vie. Il est l'auteur de Les sept piliers de la sagesse (Seven Pillars of Wisdom). Il eut également une correspondance fournie, notamment avec George Bernard Shaw, Edward Elgar, Winston Churchill, Robert Graves et E. M. Forster. Plusieurs recueils épistolaires furent publiés, dont certains furent expurgés par leurs éditeurs.

    Il écrivit The Mint, le récit de ses expériences en tant que soldat dans la Royal Air Force . Travaillant à partir de ses notes écrites lors de son service dans la Royal Air Force, Lawrence raconta la vie quotidienne des soldats et son envie de faire partie : la RAF. Ce livre fut publié à titre posthume. Lawrence traduisit aussi l’Odyssée d’Homère et Le Gigantesque, un roman français peu connu, par Adrien le Corbeau.

    Certains passages des écrits de Lawrence et des rapports d’un de ses collègues qui lui aurait administré des fessées laissent à penser que Lawrence avait des goûts sexuels non-conventionnels, notamment le masochisme. Bien que ses écrits comprennent un passage clairement érotique et homosexuel (voir citation), ses orientations et expériences sexuelles restent inconnues.

    Les Sept Piliers de la Sagesse sont dédiés à "S.A.", avec un poème qui commence par :

    "I loved you, so I drew these tides of men into my hands
    and wrote my will across the sky in stars
    To gain you Freedom, the seven-pillared worthy house,
    that your eyes might be shining for me
    When I came."

    (Dans certaines éditions des Sept piliers de la sagesse, la dernière ligne de ce poème est "When we came" ("Quand nous sommes arrivés"). L’édition de 1922 publiée à Oxford a cependant "When I came").

    L’identité de "S.A." n’a jamais été élucidée. Il a été supposé que ces initiales correspondent à un homme, une femme, une nation ou une combinaison des précédents. "S.A." pourrait être "Sheikh Ahmed", également appelé Dahoum, un jeune arabe qui travailla avec Lawrence dans un chantier archéologique avant la guerre et dont Lawrence aurait été très proche. Dahoum mourut en 1918 du typhus. Cependant, certains affirment que Dahoum était seulement un ami très proche de Lawrence comme cela arrivait au 19e siècle et au début du 20e siècle, ce qui impliquait souvent des contacts physiques (mais à caractère non-sexuel). Lawrence lui-même, peut-être pour masquer les pistes, affirma que "S.A." était un personnage inventé.

    http://fr.wikipedia.org

  • Catégories : La littérature, La presse

    Les 40 ans du Magazine littéraire

    medium_mag_litt.jpgJe me suis régalée à lire ce numéro spécial de décembre 2006 en retrouvant des livres que j'avais lus et en notant des livres à lire.

    40 ans de littérature

    Le bel âge

    Par Jean-Louis Hue


    Hegel disait que la lecture du journal quotidien lui tenait lieu de prière du matin. Mais pour le soir? Les longues soirées d'hiver? Rien ne vaut la lecture du Magazine littéraire à laquelle s'adonnent régulièrement quelque cent mille fins lettrés. Prions le ciel pour que perdure ainsi la passion des mots et des livres.
    Quarante ans déjà! Pour un journal, c'est un fort bel âge. En ces temps que l'on dit moroses pour la presse écrite, une telle longévité fait notre bonheur. Depuis son premier numéro, consacré en novembre 1966 à Stendhal, Le Magazine littéraire a su rester fidèle à ses principes fondamentaux. Son ambition: un mensuel exclusivement consacré aux livres. Sa singularité: des dossiers qui convoquent chaque mois écrivains, journalistes et chercheurs autour d'un sujet lié à l'actualité éditoriale ou universitaire. Les dossiers du Magazine littéraire ont établi sa notoriété, guidant plusieurs générations d'étudiants et offrant aux lecteurs de tous âges une véritable encyclopédie littéraire, enrichie mois après mois, où chacun peut puiser à sa guise.
    Les écrivains sont depuis toujours nos compagnons de route. Dans ce même premier numéro, à propos du livre de Truman Capote, De sang-froid, J.M.G. Le Clézio signait un texte prophétique sur le rôle du romancier, nécessaire témoin de son temps. (Nos lecteurs pourront découvrir cet ar­ticle, ou le relire, dans le prochain numéro de janvier.) Quelques mois plus tard, un certain Philippe Djian, attendant que la fièvre du roman monte en lui (37°2 le matin), conversait avec Henry de Montherlant, qui lui confiait son intérêt pour le suicide… À l'autre bout du temps, dans nos derniers numéros, Cees Nooteboom, tout en s'avouant paradoxalement tenté par l'immobilité de la vie monastique, méditait sur le nomadisme tandis que le jeune Tash Aw, flânant dans le jardin de Rousham, expliquait comment il conciliait ses origines malaisiennes avec la culture anglaise.
    Le Magazine littéraire aime à saluer les grands écrivains, qu'il s'agisse des figures illustres de notre patrimoine ou des contemporains saisis dans le mouvement de leur œuvre (Aragon tombant le masque à l'occasion de son dernier roman, Perec reconstruisant le puzzle de La Vie mode d'emploi, Foucault progressant dans son Histoire de la sexualité, George Steiner, récemment, faisant l'éloge de Babel et de la diversité des langues…). Mais notre propos est aussi de découvrir et soutenir de jeunes auteurs (comme, parmi tant d'autres, ceux que nous avons invités dans ce numéro autour d'une question mêlant prospective et ironie: 40 ans, et après?) ainsi que de défendre des genres considérés ailleurs comme marginaux. Le polar, la science-fic­tion, les livres au format poche: autant de domaines dans lesquels Le Magazine littéraire a fait œuvre de pionnier.
    Au fil du temps, tout en maintenant le même cap, Le Magazine littéraire a su évoluer et se diversifier. On y trouve aujourd'hui des cahiers d'inédits, des pages débats, une enquête littéraire, un grand entretien qui permet d'entrer dans l'intimité d'un auteur et - enjeu capital car nous nous adressons à des lecteurs voraces (plus de trente livres par an en moyenne) - une sélection des parutions récentes à travers portraits, rencontres et notes de lecture.
    Le Magazine littéraire a la quarantaine épanouie. C'est le mensuel littéraire le plus vendu en France chez les marchands de journaux, tandis que les ventes à l'étranger ne cessent de croître, atteignant aujourd'hui près du quart de la diffusion totale. On lit assidûment Le Magazine littéraire dans les pays francophones - à commencer par la Belgique, le Canada et la Suisse - mais aussi un peu partout sur la planète, et parfois dans les endroits les plus inattendus, à Dubaï, au Ghana, ou en Lettonie. Très prisé en Amérique latine, Le Magazine littéraire a fait l'objet d'une édition en langue espagnole au début des années 1990. Parmi les capitales étrangères où il est le mieux diffusé: Lisbonne, Tunis, Rome et New York. En 2005, Le Magazine littéraire est entré pour la première fois dans la liste des dix mensuels français les plus vendus aux États-Unis. Somme toute, l'aventure ne fait que commencer.

    Au sommaire de ce numéro, vous trouverez donc :


    Jorge Luis Borges
    Michel Tournier
    Albert Cohen
    Gabriel García Márquez
    Henry de Montherlant
    Françoise Sagan
    Patrick Modiano
    Ahmadou Kourouma
    Yves Bonnefoy
    Anthony Burgess
    J.G. Ballard
    Aragon
    Georges Simenon
    Doris Lessing
    Federico Sánchez
    Jorge Semprun
    Georges Perec
    Norman Mailer
    Julien Gracq
    Umberto Eco
    Yachar Kemal
    Mario Vargas Llosa
    Lawrence Durrell
    Marguerite Duras
    Pierre Michon
    Toni Morrison
    Italo Calvino
    Nicolas Bouvier
    Bret Easton Ellis
    J.M.G. Le Clézio
    Octavio Paz
    Julian Barnes
    Antonio Tabucchi
    Paul Auster
    Claudio Magris
    Claude Simon
    Julien Green
    Ray Bradbury
    Kazuo Ishiguro
    Manuel Vázquez Montalbán
    Philippe Sollers
    Haruki Murakami
    Allen Ginsberg
    Christa Wolf
    Günter Grass
    Tom Wolfe
    Don DeLillo
    Carlos Fuentes
    Assia Djebar
    Pascal Quignard
    Russell Banks
    Jean Echenoz

    Un extrait du numéro
     

    1984 - L'Amant
    Marguerite Duras

    Le Magazine littéraire n°459
    Décembre 2006




     



     

     

    Quel est le point commun entre une concierge et Marguerite Duras ? La première parle parfois comme la seconde écrit, c'est le Prix Goncourt qui le dit, dans l'un des entretiens savoureux dont elle avait le secret.


    Marguerite Duras : " C'est complètement écrit à la va-vite, L'Amant. C'est un désordre total, même dans mon cas. Une récréation énorme ces trois mois qu'a durés l'écriture. Comme vous le savez, je suis complètement narcissique. C'est un livre qui agit sur le lecteur. J'ai dû recevoir plusieurs mètres cubes de lettres. Tous les lecteurs disent le relire plusieurs fois et tous parlent d'un rapport personnel qu'ils ont avec le livre. Le style aurait pu être rédhibitoire?: je change de temps sans prévenir, je mets sans cesse le sujet à la fin des phrases. Je pose le sujet au début de la phrase comme étant l'objet de celle-ci et ensuite je dis son devenir, son état.

    C'est encore plus frappant dans La Pluie d'été car c'est la mère qui parle comme ça : il y a un mélange entre son langage, proche de celui des gens de Vitry et cette inversion, cette figure de style qui la replace dans le domaine du littéraire.

    Le style parlé des gens est parfois très littéraire. Je me souviens d'une vieille concierge qui parlait comme j'écris. On parlait souvent ensemble. Elle nous avait toujours connus, j'étais un peu comme sa fille. Un jour, elle me dit?: " Je veux acheter un lit. " Je lui demande?: " Pourquoi un lit?? " Elle me répond?: " Pour moi, mon fils, dormir, quand il vient à Paris. " C'est du Duras.

    C'est quoi " du Duras " ?

    C'est laisser le mot venir quand il vient, l'attraper comme il vient, à sa place de départ, ou ailleurs, quand il passe. Et vite, vite écrire, qu'on n'oublie pas comment c'est arrivé vers soi. J'ai appelé ça " littérature d'urgence ". Je continue à avancer, je ne trahis pas l'ordre naturel de la phrase. C'est peut-être ça le plus difficile, de se laisser faire. Laisser souffler le vent du livre. Vous savez, L'Amant, ça a tout emporté. La Pluie d'été, ça a été un peu ça aussi.

    Vous l'avez quand même retravaillé ?

    Dans La Pluie d'été, j'ai interverti des épisodes. [...] Je change l'ordre des phrases, pas les phrases elles-mêmes. À un moment, en décrivant la mère, dans La Pluie d'été, je dis : " Elle a un teint de Pologne. " Une seconde avant de l'écrire, je ne savais pas que j'étais capable de trouver cette expression : " un teint de Pologne ". ç'aurait pu être le titre de La Pluie d'été.

    Il n'y a pas parfois des images que vous retrouvez par la suite en vous demandant à quoi elles correspondent ?

    Parfois, je ne comprends pas ce que j'ai fait. Un livre, ça peut se poursuivre la vie entière. Ça m'est difficile de me dire que le livre est fini. Quand on finit un livre c'est toujours un abandon. Les dernières pages de La Pluie d'été je les ai faites en deux jours, parce que je ne pouvais pas arriver à quitter ces gens. Je les ai écrites en pleurant. "

    Propos recueillis par Aliette Armel
    N° 278, juin 1990

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  • Catégories : La peinture, Le paysage, Runge Philipp Otto

    Runge et le paysage

     

    En février 1802, dans une lettre à son frère, il écrit : « Nous sommes sur la frange de toutes les religions issus du Catholicisme. Les abstractions disparaissent, tout se fait plus aérien et plus léger, tout converge dans le paysage. On cherche à discerner quelque chose dans ce flou, sans savoir comment s’y prendre. Ne pourrait-on pas atteindre une apogée dans cet art nouveau ? – die Landschafterei, l’art du paysage pour le nommer ainsi. Une apogée plus belle, peut-être, que les précédentes ? Je veux représenter ma vie dans un cycle artistique. Quand disparaît le soleil et que la lune revêt d’or les nuages, je fixerai le cours des esprits. Si nous ne vivons pas la belle période de cet art, nous consacrerons notre vie à la susciter réellement et en vérité ».

    « Même les philosophes en viennent à l’idée que tout procède de notre imagination. Nous aussi nous voyons ou nous devons voir en chaque fleur l’esprit vivant que l’homme y introduit. Ainsi naîtra la peinture de paysage, tous les animaux et toutes les fleurs n’existant qu’à demi tant que l’homme ne leur a pas accordé sa meilleure part. L’homme imprègne donc les objets qui l’entourent de ses propres sentiments, il leur donne la signification et le langage propre de ses sentiments. »

     

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  • Catégories : Des poètes et poétesses

    Pindare

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    Pindare (en grec ancien Πίνδαρος / Píndaros), né à Cynoscéphales, Béotie, en 518, mort à Argos en 438 av. J.-C., est l'un des plus célèbres poètes lyriques grecs.

    Biographie

    Les éléments biographiques que nous possédons sur lui sont minces, malgré les six Vies laissées par l'Antiquité.
    Selon la tradition, il est membre d'une famille aristocratique. Il naît en 518 à Cynoscéphales, en Béotie. Dans le fragment 193, il évoque « la fête quinquennale / escortée de bœufs où pour la première fois / je fus couché, choyé dans mes langes » — cette allusion aux jeux Pythiques nous montre qu'il naît au mois d'août ou de septembre. Dans sa Ve Pythique, il semble affirmer qu'il est un membre des Égéides et il témoigne d'une sympathie particulière pour les institutions doriennes. Sa famille possède une maison à Thèbes, où Pindare habitera souvent par la suite. Hérodote fait de lui l'élève de Lasos d'Hermione. À Athènes, il a également comme professeur Agathoclès. Il entre jeune dans les concours de poésie, où il est battu par Corinne de Tanagra. Celle-ci lui conseille alors de « semer à pleines mains, non à plein sac ».
    Sa première ode, la Xe Pythique, est composée à l'âge de 20 ans. Elle célèbre la victoire du Thessalien Hippokléas au double stade, ainsi que la famille de l'athlète, les Aleuades. Très vite, il devient un poète renommé. En 490, il compose sa VIe Pythique en l'honneur de Xénocrate, frère de Théron, futur tyran d'Agrigente. En 480, les Perses envahissent la Grèce. Thèbes transige avec l'ennemi. Sans doute Pindare suit-il la politique de sa région natale, car c'est Simonide de Céos qui célèbre la victoire de Salamine.
    Loin se limiter au théâtre local, il s'attache à différentes cours aristocratiques grecques, comme celle du tyran Hiéron de Syracuse, en l'honneur duquel il compose la Première Pythique, ou celle du roi de Cyrène, pour lequel il compose les Pythiques III et IV. Sur ce terrain, il est concurrencé par le poète Bacchylide, caractérisé par son style plus élégant. Il adopte dans l'ensemble un point de vue panhellénique. Il considère ainsi les invasions perses comme une menace pour la Grèce dans son ensemble.

    Œuvre

    Le corpus pindarique nous est parvenu sous la forme de papyrus (du IIe siècle av. J.-C. au IIe siècle ap. J.-C.), comprenant de nombreux fragments de péans et des épinicies. Nous disposons également des manuscrits (XIIe et XIIIe siècles), parmi lesquels les plus importants sont l’Ambrosianus C222, le Vaticanus Græcus, le Laurentianus et le Parisinus Græcus. Ils proviennent d'une sélection effectuée au IIIe siècle et ne comprennent que des épinicies.
    Nous avons conservé de Pindare quatre livres d'épinicies (ἐπίνικοι / epinikoi). Il s'agissait de chants de victoire composés en l'honneur des vainqueurs des quatre Jeux panhelléniques, chantés ensuite par des chœurs de danseurs sur le passage du vainqueur. Dans ses épinicies, Pindare ne célèbre pas tant la performance sportive que la valeur personnelle de l'athlète : sa victoire reflète le triomphe du Beau et du Bon sur la médiocrité.
    Les épinicies ne représentent qu'une faible partie de l'ensemble de son œuvre, qui comprenait également des hymnes, des péans, des chants de procession, des chants pour chœurs de vierges (parthénies), des chants de louange, des chants à boire, etc. L'ensemble constituait 17 livres, édités par les grammairiens alexandrins Zénodote et Aristophane de Byzance à partir de copies ou des éditions originales. C'est Aristophane qui regroupe les Odes en quatre livres, suivant les Jeux concernés : les Olympiques, les Pythiques, les Néméennes et les Isthmiques.

    La question pindarique
    Les odes pindariques ne se conforment à aucun plan. Le poète lui-même déclare dans sa Xe Pythique : « semblables à l'abeille, mes beaux hymnes de louange volent d'un sujet à l'autre. » Cette variété et cette volatilité ont donné à Pindare la réputation d'un poète difficile, voire abscons. De ce fait, il a ses détracteurs, dont Voltaire n'est pas des moindres : dans une lettre à son ami Chabanon, il le nomme « l'inintelligible et boursouflé Pindare ». Si les Grecs l'ont très vite porté au pinacle, Hérodote parmi les premiers, Pindare n'a pas d'imitateurs. Il fut admiré par les poètes français de la Renaissance, au premier rang desquels Pierre de Ronsard.
    À l'époque hellénistique, Aristophane de Byzance et Aristarque de Samothrace le placent dans le Canon alexandrin. Ils établissent une édition sur laquelle les philologues se sont longtemps fondés : en effet, il semble peu probable que les odes de Pindare aient été couchés par écrit du vivant de leur auteur. Les grammairiens héllénistiques fixent le texte sous la forme de cola (du grec κῶλα / kôla, « membres », puis « périodes oratoires »). Il faut attendre le XIXe siècle et les travaux d'August Bœckh (Pindari opera quæ supersunt, Leipzig, 1811–1881) pour voir reconstruit le vers pindarique, d'autant plus difficilement que chaque ode possède son propre système métrique.
    Se pose ensuite la question de l'unité de l'ode. Un premier courant de la recherche, qualifié d'« historiciste », représenté par des auteurs comme Bœckh et Wilamowitz (XIXe siècle), s'attache à repérer dans le texte des éléments biographiques ou historiques. Un autre courant préfère se focaliser sur l'« idée lyrique » se trouvant derrière chaque art (Dissen, Metger, Croiset, XIXe siècle). La critique contemporaine tente pour sa part de relever la récurrence de motifs et d'images.

    Études
    • Philippe Brunet, « La Première Pythique de Pindare : mètre, strophe et traduction », Bulletin de l'association Guillaume Budé, n°3 (1996), Les Belles Lettres, Paris, 1996 ;
    • (en) Richard Hamilton, Epinikion: General Form in the Odes of Pindar, De Gruyter, La Haye, 1974 ;
    • Jean Irigoin, Histoire du texte de Pindare, Klincksieck, Paris, 1952 ;
    • Suzanne Saïd, Monique Trédé et Alain Le Boulluec, Histoire de la littérature grecque, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige », Paris, 1997 (ISBN 2-13-053916-5) ;
    • (en) David C. Young, « Pindaric criticism », Pindaros und Bacchylides, Wissenschattliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 1970.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Pindare